N° 37
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2000 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l'étude menée sur la réforme de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Finances publiques. |
SOMMAIRE
Pages
AVANT-PROPOS 7
INTRODUCTION 9
CHAPITRE PREMIER : REDONNER SENS AUX LOIS DE FINANCES 12
I. METTRE EN PLACE UN BUDGET DE MISSIONS 12
A. UN BUDGET TROP CENTRÉ SUR LA DÉTERMINATION DES MOYENS SANS RÉELLE RELATION AVEC LES FINALITÉS ET LES PERFORMANCES DES ACTIONS PUBLIQUES 13
1. L'abandon significatif des " blancs " ou budgets de programme 13
2. Les " bleus " ou la consécration de l'anomie budgétaire 15
a) Malgré leur réforme... 15
b) ...les " bleus " ne constituent en rien le support d'une budgétisation par objectifs... 16
c) ... et constituent le support d'une budgétisation de moyens. 18
3. Les " jaunes ", un effort méritoire mais insuffisant pour combler les lacunes de l'information budgétaire 18
a) Les objectifs poursuivis par les " jaunes " témoignent d'une insatisfaction face aux documents budgétaires... 18
b) ... mais ne sont pas atteints en pratique 19
B. POUR UNE BUDGÉTISATION PAR OBJECTIFS 20
1. Malgré les difficultés, des efforts de budgétisation par objectifs sont engagés 21
2. La budgétisation par objectifs doit permettre d'apprécier les performances des actions publiques 25
3. La budgétisation par objectifs ne doit pas négliger le recensement exhaustif des moyens 27
a) Le niveau d'agrégation des crédits doit permettre un débat sur les moyens 27
b) Le regroupement des crédits par titre doit permettre de distinguer les dépenses ordinaires des dépenses patrimoniales. 29
II. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA DIMENSION TEMPORELLE DU BUDGET 31
A. LA PRATIQUE BUDGÉTAIRE A BEAUCOUP RESTREINT LA PLURIANNUALITÉ 32
1. Si la pluriannualité est strictement encadrée dans l'ordonnance du 2 janvier 1959... 32
2. ... son échec provient essentiellement d'une pratique restrictive... 34
3. ... et s'est prolongé par l'insuccès des autres tentatives pour développer la dimension pluriannuelle des finances publiques 35
a) Les lois de programme et les contrats de plan 35
b) La loi d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques 36
B. PLUSIEURS FACTEURS MILITENT EN FAVEUR D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA DURÉE PAR LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES 37
1. La construction européenne impose l'élaboration d'un cadre pluriannuel pour la politique budgétaire 37
2. Les carences en matière de pluriannualité dégénèrent en " myopie budgétaire " 38
3. Les propositions de votre commission : adopter un cadre budgétaire tenant compte de la durée 39
a) Limiter les autorisations pluriannuelles aux seules dépenses qui en relèvent par nature 39
b) La réforme comptable 41
c) Le débat d'orientation budgétaire 41
d) Le maintien des lois de programme 42
e) Réconcilier finances publiques et moyen terme 42
(1) Des projections économiques et budgétaires à moyen terme 42
(2) Une présentation pluriannuelle des objectifs, des coûts et des résultats 42
(3) Une évaluation à moyen terme des prélèvements obligatoires 43
(4) De vraies études d'impact pluriannuelles 43
(5) Admettre une pluriannualité de gestion 44
III. INSTAURER UN VRAI SYSTÈME COMPTABLE 44
A. LES RÈGLES DE COMPTABILITÉ BUDGÉTAIRE DE L'ORDONNANCE 44
1. L'ordonnance du 2 janvier 1959 pose des principes qui concernent principalement la comptabilité budgétaire 44
2. La logique de la comptabilité de caisse 46
B. LES ENTORSES COMPTABLES AU PRINCIPE DE L'ANNUALITE DE CAISSE 47
1. La période complémentaire, une entorse mineure au principe de l'annualité dont les conséquences sont importantes 47
2. L'utilisation condamnable des comptes d'imputations provisoires 49
C. LES COMPARAISONS INTERNATIONALES ÉTABLISSENT LA NATURE ET L'AMPLEUR DU RETARD PRIS PAR L'ETAT FRANÇAIS EN MATIÈRE DE COMPTABILITÉ PUBLIQUE 50
1. La comptabilité publique doit contribuer à la réforme de l'Etat 50
2. Les réformes engagées à l'étranger au cours de la dernière décennie montrent les voies d'une modernisation 51
3. Les handicaps et les insuffisances du système financier et comptable français sont parfaitement identifiés 52
4. Les vecteurs de réforme de la comptabilité de l'Etat 55
D. L'INTRODUCTION DE CONCEPTS ISSUS DE LA COMPTABILITÉ PRIVÉE 59
1. Le rapprochement de la comptabilité publique et de la comptabilité privée 59
2. Pour une meilleure gestion de l'Etat : le suivi interne de l'exécution budgétaire et des coûts 62
E. ACCROÎTRE LA PERTINENCE DES INFORMATIONS COMPTABLES 63
1. La comptabilisation des dépenses et des recettes selon la méthode de l'exercice respecte le principe d'annualité... 63
2. ... elle pose cependant des difficultés techniques non négligeables 64
3. La mise en oeuvre d'une comptabilité patrimoniale 65
F. CONJUGUER LA QUALITÉ DES INFORMATIONS COMPTABLES ET LE SUIVI DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE 66
1. Le maintien d'une comptabilité de caisse... 66
2. ... doit s'accompagner d'un encadrement de la période complémentaire ... 67
3. ... et d'une comptabilité financière établie selon les principes de l'exercice et comportant un bilan évaluant l'actif et le passif de l'Etat 68
IV. COMPLÉTER L'INFORMATION DE LA NATION ET DU PARLEMENT 70
A. L'INFORMATION FOURNIE AVEC LES PROJETS DE LOI DE FINANCES DE L'EXERCICE DOIT ÊTRE ENRICHIE 70
1. Deux annexes relatives aux ressources publiques 71
2. Une mise en perspective des dépenses 71
B. L'INFORMATION FOURNIE AVEC LES PROJETS DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DOIT ÊTRE PLUS COMPLÈTE 72
C. L'INFORMATION FOURNIE AVEC LES PROJETS DE LOI DE RÈGLEMENT DOIT MIEUX RENDRE COMPTE DE L'UTILISATION DES CRÉDITS OUVERTS PAR LES LOIS DE FINANCES 72
D. L'INSTAURATION D'UNE INFORMATION PLUS RÉGULIÈRE 73
1. Un rapport associé au programme de stabilité 73
2. Un rapport d'orientation budgétaire 73
E. LE PROBLÈME PARTICULIER DES MOYENS DE SIMULATION DU PARLEMENT 74
1. Des moyens autonomes 74
2. Un " droit de tirage " sur les administrations 75
CHAPITRE II : RÉÉQUILIBRER LES POUVOIRS EN MATIÈRE DE FINANCES PUBLIQUES 76
I. DESSERRER LES CONTRAINTES DE GESTION INUTILES 77
A. LA SIMPLIFICATION DE LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE 77
1. La spécialisation par chapitre : une contrainte devenue inadaptée 77
2. Affirmer la spécialisation des crédits par programme 79
B. UNE GESTION PLUS SOUPLE DES EMPLOIS PUBLICS 80
1. La gestion des emplois publics : une procédure rigide 80
2. Préférer une gestion plus souple accompagnée d'une information plus réaliste 81
C. LA RECONNAISSANCE SOUS CONDITIONS DES ANNULATIONS DE CRÉDITS COMME OUTILS DU PILOTAGE BUDGÉTAIRE 82
1. L'annulation des crédits, une pratique politiquement et juridiquement douteuse... 82
2. ... qui invite à imaginer des solutions équilibrées 87
II. REFONDER LE PRINCIPE D'UNIVERSALITÉ DES LOIS DE FINANCES 88
A. LES COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR ET LES BUDGETS ANNEXES CONSTITUENT-ILS VRAIMENT UNE ATTEINTE AU PRINCIPE D'UNIVERSALITÉ ? 88
B. AFFIRMER L'UNIVERSALITÉ EN MATIÈRE DE RECETTES 89
1. Les problèmes créés par la pratique budgétaire 89
2. Définir le champ des ressources autour des exigences d'exhaustivité, de transparence, et de signification économique 91
a) Les ressources permanentes 93
b) Les ressources exceptionnelles 94
3. La question de l'autorisation unique de perception 95
4. La question du champ de l'évaluation des recettes 96
5. La question de l'affectation 97
a) Consacrer la notion de " prélèvement sur recettes " 97
b) Etendre cette notion à tous les " satellites " de l'Etat 98
C. RÉTABLIR L'UNIVERSALITÉ EN MATIÈRE DE DÉPENSES 99
1. Réintégrer les fonds de concours 99
2. Prendre en compte les artifices budgétaires 100
a) Dépenses fiscales et ressources affectées aux " satellites " de l'Etat 100
b) La frontière de la libre administration des collectivités territoriales 102
c) La frontière du financement de la sécurité sociale 103
3. Evaluer les dépenses liées au remboursement de la dette de l'Etat 105
III. RESPECTER STRICTEMENT LES AUTORISATIONS PARLEMENTAIRES 107
A. LES PRINCIPES VISANT À AFFIRMER L'AUTORITÉ DU PARLEMENT... 107
1. La règle de l'autorisation préalable des crédits 107
2. La règle du caractère limitatif des crédits 107
3. La règle de l'annualité des crédits 108
B. ... SONT, EN PRATIQUE, SÉRIEUSEMENT MIS EN QUESTION 108
1. Les crédits évaluatifs et provisionnels 109
2. Les crédits globaux, une amodiation apportée à la règle de spécialisation des crédits 112
3. Deux exceptions supplémentaires apportées au principe de la spécialisation des crédits, les transferts et les virements. 114
4. Les décrets d'avances 116
5. La majoration des crédits des comptes d'affectation spéciale 119
6. Les reports de crédits 120
IV. AFFIRMER L'OBLIGATION DE SINCÉRITÉ 125
A. LA SINCÉRITÉ : UN PRINCIPE ESSENTIEL DE LA COMPTABILITE GÉNÉRALE 125
B. L'EXÉCUTIF EST FRÉQUEMMENT CRITIQUÉ POUR SES MANQUEMENTS AU RESPECT DU PRINCIPE DE SINCÉRITÉ 127
C. LA JURISPRUDENCE A PROGRESSIVEMENT DÉFINI UNE OBLIGATION DE SINCÉRITÉ APPLIQUÉE AUX COMPTES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 128
D. LE PRINCIPE DE PERMANENCE DES NORMES COMPTABLES DOIT ÊTRE AFFIRMÉ 129
E. LA SINCÉRITE DOIT TROUVER SA PLACE DANS LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES 131
1. Consacrer solennellement le principe de sincérité 131
2. Faire certifier les comptes de l'Etat 131
V. CONSACRER LE CONTRÔLE SUR LES FINANCES PUBLIQUES 133
A. UNE MISSION FONDAMENTALE 133
1. Une responsabilité politique éminente 133
2. Le contrôle parlementaire doit être universel 135
B. VERS UNE PLEINE RECONNAISSANCE DES MISSIONS DE CONTROLE ET D'ÉVALUATION 136
1. Le contrôle parlementaire doit avoir sa place dans la loi organique 136
2. Le contrôle parlementaire doit être renforcé 137
a) Aménager les relations avec la Cour des comptes 138
b) Envisager la reconnaissance juridique des moyens des rapporteurs 140
VI. AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXAMEN DES LOIS DE FINANCES PAR LE PARLEMENT 141
A. TIRER LES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE PROCÉDURE DES MODIFICATIONS APPORTÉES AU CONTENU DES LOIS DE FINANCES 142
1. Les votes sur les recettes 142
2. En dépenses : un vote par programme 142
B. MIEUX DÉFINIR LE RÉGIME DES INITIATIVES PARLEMENTAIRES EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE 145
C. COMBLER LES LACUNES DE PROCÉDURE APPARUES AU COURS DE LA PRATIQUE BUDGÉTAIRE 146
1. Un délai pour le dépôt du projet de loi de règlement 146
2. Assurer la continuité de l'Etat en cas de rejet mais sans inflation des dépenses 147
3. Faut-il pouvoir discuter des dépenses sans avoir approuvé les recettes ? 147
D. ACCROÎTRE LES OCCASIONS DE DÉBATS 148
1. Le débat d'orientation budgétaire 148
2. Voter chaque prélèvement sur recettes 148
3. Discuter de chaque programme 149
EXAMEN EN COMMISSION 149
ANNEXES 165
CONTRIBUTIONS DE LA COUR DES COMPTES AUX RÉFLEXIONS SUR LA RÉVISION DE L'ORDONNANCE DE 1959 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES 166
LISTE DES AUTEURS DE CONTRIBUTIONS ECRITES 240
COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS 241
AVANT-PROPOS
Au début de 1999, le bureau de votre commission a mandaté votre président en vue de travailler à la préparation d'une réforme de l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. L'objectif de cette mission d'information était de permettre à votre commission de réunir les éléments nécessaires à cette ambition.
Dans un premier temps, votre président, rapporteur en cette occasion, a saisi le Premier président de la Cour des comptes, par une lettre du 25 mai 1999, en vue d'une étude sur le sujet. La Cour a rendu ses premières conclusions le 1 er décembre 1999. A la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, elle en a rendu des secondes le 31 mars 2000. Ces deux contributions, précieuses dans le débat qui s'ouvre, sont publiées en annexe du présent rapport.
Votre rapporteur a engagé ses propres travaux. Il a mené 17 auditions du 5 avril au 29 juin 2000. Leurs comptes-rendus figurent également en annexe.
Votre rapporteur a également souhaité procéder à des comparaisons internationales. Il a notamment reçu à cette fin une contribution du Conseiller financier au Royaume-Uni, et des documents, jusqu'alors confidentiels, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et Mme la secrétaire d'Etat au budget, ont bien voulu lui faire parvenir. Il a également bénéficié des réflexions en cours au sein de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
La méthode retenue a consisté, dans un premier temps, à établir un texte de réforme de l'ordonnance organique. Votre rapporteur a bénéficié de 11 contributions écrites analysant ce document de travail. Ce dernier a été réalisé d'abord par comparaison avec le droit en vigueur, puis également par comparaison avec la proposition n° 2540 de loi organique relative aux lois de finances, déposée le 11 juillet 2000 sur le bureau de l'Assemblée nationale par le rapporteur général du budget.
Le 11 juillet dernier, le Président de l'Assemblée nationale et le rapporteur général du budget, sont venus présenter la proposition de loi au Président du Sénat peu avant son dépôt.
Votre commission a pris la décision de s'inscrire dans la démarche proposée par le Président de l'Assemblée nationale et son rapporteur général. C'est pourquoi votre rapporteur n'a pas souhaité rendre un texte public, ni a fortiori , déposer une proposition de loi concurrente.
En revanche, votre commission a souhaité faire état de sa réflexion et de ses propres propositions, en vue de se préparer en amont à la discussion de la proposition n° 2540, qui est actuellement examinée par une commission spéciale présidée par le Président de l'Assemblée nationale 1 ( * ) .
C'est pourquoi, dans un second temps, votre rapporteur a élaboré le présent rapport d'information, qui est le résultat des travaux ainsi décrits.
Il tient, à ce titre, à remercier l'ensemble des personnalités qu'il a auditionnées ou consultées par écrit. Qu'elles soient conscientes d'avoir pris, et de pouvoir prendre encore, part à une des plus grandes démarches réformatrices de la Vème République.
* 1 Les conclusions de cette commission devraient faire l'objet d'un débat à l'Assemblée en février 2001, avant d'être soumises au Sénat en avril.