V. CONSACRER LE CONTRÔLE SUR LES FINANCES PUBLIQUES
A. UNE MISSION FONDAMENTALE
1. Une responsabilité politique éminente
Le contrôle parlementaire sur les finances publiques est une ardente obligation sans laquelle les fonctions du Parlement ne sauraient être réellement exercées.
Le contrôle est pour le Parlement au coeur même de son existence, de sa légitimité et de sa vocation de représentation des citoyens. Il est, sous cet angle, l'instrument démocratique d'un contre-pouvoir d'autant plus indispensable dans le domaine financier que l'intervention législative du Parlement y consiste principalement à déléguer des moyens à un gouvernement et, de fait, à des administrations, qui disposent de très larges marges de manoeuvre dans leur utilisation. Il faut également noter que ces marges pourraient s'accroître après la réforme de l'ordonnance. Il importe donc que le Parlement soit à même de vérifier l'usage qui est fait de la délégation qu'il est conduit à consentir.
Mais le contrôle parlementaire est également une nécessité du point de vue de la fonction législative qu'exerce le Parlement dans le domaine financier . Sans contrôle, le consentement à l'impôt et la répartition des dépenses publiques que réalisent les différentes lois de finances ne sauraient être considérés comme pleinement éclairés.
Législateur aveugle, sans maîtrise de ses décisions, le Parlement apparaîtrait alors soit comme le simple greffier des initiatives du pouvoir exécutif, soit -ce qui est assez peu vraisemblable compte tenu de notre système politique marqué par le fait majoritaire- comme un opposant systématique mais peu à même d'argumenter ses options.
Si les Parlements sont nés du souci de maîtriser le niveau et l'usage des prélèvements obligatoires, ils mourraient donc très certainement et, au fond, très légitimement, s'ils se dispensaient de réunir les moyens d'une telle maîtrise. Ces moyens passent inévitablement par un renforcement du contrôle parlementaire.
Le Parlement ne doit pas nourrir l'illusion que son contrôle sur les finances publiques pourrait être remplacé par le développement d'autres formes de contrôle dans d'autres enceintes. Sans doute, notre droit et nos pratiques ne sont pas dépourvus, loin s'en faut, d'organismes et de procédures voués au contrôle de l'utilisation des deniers publics ou de la gestion des institutions qui y trouvent leur financement. La Cour des comptes occupe dans cet ensemble une place éminente. Les instances de contrôle internes à l'administration et des règles, comme celle prescrivant la séparation des ordonnateurs et des comptables, y pourvoient également.
Tout cela est utile et indispensable. Le Parlement y trouve déjà parfois, et devra pouvoir demain y trouver encore davantage qu'aujourd'hui, une matière fertile pour sa propre mission de contrôle. Il ne doit pas pour autant y voir un prétexte pour renoncer à défendre ses prérogatives et ainsi abandonner le champ du contrôle des finances publiques.
Car le contrôle parlementaire est, en effet, un contrôle singulier à bien des égards et, dès lors, irremplaçable.
Singulier, il l'est avant tout parce que le Parlement, dans nos institutions politiques, est l'élément primordial de l'expression de la volonté générale. A ce titre, le rôle de contrôle du Parlement est d'abord éminent. Il est aussi particulièrement exigeant car le Parlement est le seul contrôleur auquel la Nation puisse demander compte de son contrôle.
De ces caractéristiques essentielles découlent -ou devraient découler- plusieurs conséquences importantes qui confèrent au contrôle parlementaire son identité irremplaçable.