2. L'utilisation condamnable des comptes d'imputations provisoires
Lorsqu'à l'occasion de l'encaissement d'une recette ou du paiement d'une dépense, la nature de l'opération est mal identifiée, l'imputation de celle-ci se fait dans un premier temps sur un compte d'imputation provisoire, et dans un second temps, au moyen d'une imputation définitive effectuée par débit ou crédit du compte d'imputation provisoire.
La Cour des comptes souligne, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999, que cette pratique altère l'exactitude du solde budgétaire et met en cause les principes comptables et les règles de comptabilisation des opérations budgétaires de l'Etat.
" Lorsque les deux étapes sont réalisées avant le 31 décembre, la recette (ou la dépense) (...) vient augmenter le total des recettes ou des dépenses budgétaires. Il n'en va pas de même si seule l'imputation provisoire a pu être réalisée avant le 31 décembre : dans ce cas, le compte d'imputation provisoire de recettes présente un solde créditeur (débiteur pour un compte d'imputation provisoire de dépenses). Deux situations peuvent alors se présenter : - soit l'imputation définitive est réalisée au cours des opérations d'inventaire et de régularisation postérieures à la clôture (31 décembre de l'année n pour les recettes fiscales, 31 janvier de n+1 pour les recettes non fiscales) mais antérieures à l'arrêté des comptes (signature du compte général de l'administration des finances - CGAF - par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en avril n+1). Les recettes imputées provisoirement au 31 décembre sont alors intégrées dans les recettes budgétaires de n ; - soit l'imputation définitive est réalisée pendant l'exercice n+1. Les recettes imputées provisoirement au 31 décembre n sont, dans ce cas, des recettes budgétaires de n+1. Le choix de l'une ou l'autre méthode a donc potentiellement des effets sur le montant des recettes de n et n+1 et sur le solde budgétaire de ces deux années. La conclusion est la même pour les dépenses imputées provisoirement. A titre d'information, on peut rappeler que la comptabilité privée connaît également les comptes d'imputation provisoire (identifiés comme " comptes transitoires ou d'attente "), mais " ce procédé de comptabilisation ne sera utilisé qu'à titre exceptionnel " 14 ( * ) , et les comptes transitoires ou d'attente doivent nécessairement être soldés avant l'arrêté des comptes afin d'en garantir la sincérité. Plus généralement, le fait de faire dépendre le résultat de l'exercice de la seule possibilité pratique de déterminer l'imputation exacte des produits et des charges, introduit un facteur de variabilité qui va à l'encontre du principe de permanence des méthodes comptables. (...) (...) l'ensemble des recettes et dépenses budgétaires imputées provisoirement au 31 décembre de l'année n devraient être comptabilisées sur l'exercice n et les comptes d'imputation provisoires soldés entre le 31 décembre n et l'arrêté du CGAF de l'exercice n, en utilisant la faculté offerte par l'article 10 du décret du 14 mars 1986 15 ( * ) . Ce type d'enregistrement comptable est cohérent avec le principe d'une comptabilité " de caisse ", alors que le dispositif actuel conduit à faire de l'imputation définitive (et non de l'encaissement et du décaissement) le fait générateur de la comptabilisation. (...) Si les comptes d'imputation provisoire de recettes budgétaires étaient systématiquement soldés : - 25,8 milliards de recettes auraient été comptabilisées en 1998 et non en 1999 16 ( * ) ; - 37,2 milliards de recettes auraient été comptabilisés en 1999 et non en 2000. Les recettes budgétaires auraient été plus élevées de 11,4 milliards, et, mécaniquement le déficit budgétaire aurait baissé de 11,4 milliards. Ainsi, la variation du solde des comptes d'imputation provisoire détermine leur impact sur le solde budgétaire. (...) En conclusion, la Cour considère que : - le fait de ne pas solder les comptes d'imputation provisoire n'est pas conforme à l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 tel que précisé par le décret du 14 mars 1986 modifié ; - pour remédier aux inexactitudes affectant aussi bien les recettes que les dépenses de l'Etat du fait du jeu des comptes d'imputation provisoire, il est nécessaire que ces comptes soient soldés pendant la période d'inventaire, c'est-à-dire entre le 31 décembre et la signature du compte général de l'administration des finances par le ministre. " |
* 14 Plan comptable général, version révisée de 1999, section relative aux comptes 47.
* 15 Au moins pour ceux qui concernent le budget de l'Etat. En effet, certains d'entre eux sont relatifs aux collectivités locales, établissements publics ou correspondants du Trésor.
* 16 Voire au cours d'un exercice ultérieur (en l'absence d'imputation définitive courant 1999), mais un tel cas est peu probable et ne sera pas pris en compte ici.