2. Le contrôle parlementaire doit être renforcé
S'il n'est pas contestable, en droit, que la loi organique sur les lois de finances contienne des dispositions relatives au contrôle, il est particulièrement opportun que la réforme en cours, en ce domaine, permette de poser quelques principes clairs dans la nouvelle loi organique .
Forte de cette conviction, votre commission des finances a exploré plusieurs pistes sur lesquelles elle propose que le débat s'engage.
Elle propose d'abord que les pouvoirs de contrôle des commissions des finances et de leurs membres (président, rapporteur général, rapporteurs spéciaux) y soient consacrés.
Elle demande ensuite que les principaux moyens nécessaires à l'accomplissement des missions de contrôle ou d'évaluation y soient reconnus.
Il en irait ainsi du " contrôle sur pièces et sur place " et du droit d'accès aux documents administratifs et financiers, qui serait étendu aux rapports des organismes, quels qu'ils soient, chargés du contrôle de l'administration . Il conviendrait cependant de réserver un certain nombre de matières -limitées en nombre- pouvant justifier un refus de communication, et d'instituer une protection à l'égard des informations nominatives que ces rapports pourraient comporter.
Le droit d'audition serait reconnu et les refus de s'y soumettre seraient sanctionnés.
a) Aménager les relations avec la Cour des comptes
Le droit, déjà existant, de saisir la Cour des comptes d'une enquête, qui devrait être conclue par elle au terme d'un délai utile pour le Parlement, pourrait être l'une des précisions permettant d'aménager concrètement la mission d'assistance du Parlement que notre Constitution confère à la Cour.
Le rôle confiée à la Cour des comptes mériterait certainement davantage de précisions. Le cadre de la réforme de l'ordonnance organique de 1959 se prête cependant mal à cet exercice puisqu'aussi bien, il faudrait alors s'engager dans la modification de différents autres textes organiques.
Dans le paysage international des instances supérieures de contrôle financier, la Cour des comptes occupe une place qui situe sa mission d'assistance au Parlement au rang de simple collaboration.
D'autres modèles existent où l'instance supérieure de contrôle financier est placée sous la dépendance du Parlement. Tel est le cas en Belgique, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne ou encore aux Etats-Unis. Ce type d'organisation est donc largement répandu. Il se traduit fréquemment par la désignation par le Parlement des membres de l'organisme de contrôle et par la faculté ouverte au Parlement de décider de son programme de contrôle.
On est ainsi très loin de la situation française où la programmation des travaux de la Cour des comptes n'est même pas communiquée, pour information, au Parlement.
Il serait très souhaitable de faire évoluer ces pratiques.
Elles sont parfois justifiées par le statut de juridiction dont est doté la Cour des comptes qui, faisant de ses membres des magistrats, appelle un fort degré d'indépendance.
Cette explication n'est pas entièrement convaincante. Comme le rappelait M. Jacques Magnet, conseiller-maître à la Cour des comptes, dans un article relatif à la " classification des institutions supérieure de contrôle financier " 33 ( * ) , si " la juridiction suppose l'indépendance de celui qui l'exerce, tant à l'égard du pouvoir exécutif qu'à l'égard du Parlement .... l'attribution d'une fonction juridictionnelle à l'instance supérieure de contrôle financier ... n'a pas suffi à assurer à la Cour des comptes belge ni au Tribunal des comptes espagnol l'indépendance à l'égard du Parlement " .
Cette dernière situation ne manque d'ailleurs pas de logique. Il n'est en effet peut-être pas satisfaisant que la dualité des attributions de la Cour des comptes soit mal prise en compte par un statut qui lui confère, sans nuances, une complète indépendance. S'il est indispensable que celle-ci soit défendue lorsque la Cour est appelée à juger les comptables publics, cette exigence pourrait être nuancée quand elle exerce son contrôle du bon usage des deniers publics.
La fonction de certification des comptes de l'Etat qui pourrait utilement être confiée à la Cour des comptes implique sans nul doute que celle-ci soit protégée contre toute instruction qui pourrait lui être adressée.
En revanche, les missions de la Cour des comptes relatives au contrôle du " bon emploi des crédits " assimilables à un simple contrôle de gestion, si elles demandent le respect d'une certaine indépendance technique, devraient pouvoir, mieux qu'aujourd'hui, être programmées par le Parlement. Celui-ci devrait être mis en mesure d'en définir la liste. Il devrait pouvoir compter sur leur conclusion dans les délais fixés par lui.
Un droit de saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière pourrait enfin être prévu au bénéfice des commissions des finances.
Ces dispositions ne sont aucunement destinées à placer le gouvernement sous une quelconque tutelle du Parlement. Il s'agirait simplement de garantir l'équilibre effectif des pouvoirs auquel notre Constitution est attachée.
b) Envisager la reconnaissance juridique des moyens des rapporteurs
Enfin, il convient de mettre en évidence un débat que votre commission des finances a engagé sur les moyens dont dispose le Parlement pour exercer ses prérogatives de contrôle.
Une première question est celle du statut des fonctionnaires parlementaires qui sont les auxiliaires institutionnels des commissions des finances lorsqu'ils sont amenés à participer à une mission de contrôle ou d'évaluation conduite par un parlementaire. Si, habituellement, leur participation ne pose pas de difficultés, la coutume s'étant établie de les considérer comme contribuant naturellement aux missions de contrôle du Parlement, l'absence d'une reconnaissance légale de leur rôle a pu être mise à profit par le passé pour priver le travail des parlementaires de leur logistique habituelle au cours d'un contrôle. La question d'une reconnaissance explicite de leur rôle a donc été examinée. Votre rapporteur estime, de son côté, que la participation des fonctionnaires parlementaires est assimilable à celle des commissaires du gouvernement qui assistent ce dernier lorsqu'il est présent en séance publique. Le règlement des assemblées prévoit d'ailleurs l'assistance des fonctionnaires parlementaires à leurs rapporteurs en séance publique. Votre rapporteur considère donc que leur participation aux missions de contrôle ou d'évaluation des parlementaires est naturelle.
La seconde question porte sur l'éventualité d'habiliter des personnes ou organismes entièrement extérieurs au Parlement à participer aux missions de contrôle ou d'évaluation conduites par les commissions des finances. Cette question est controversée. En toute hypothèse, une telle perspective ne saurait être ouverte que moyennant de nombreuses précautions.
Votre rapporteur constate que cette disposition, qu'il est conduit à considérer avec une grande prudence, n'a pas, à ce stade, recueilli une adhésion majoritaire.
Une dernière suggestion a recueilli un plus fort consensus : celle d'instaurer une obligation de réponse aux observations notifiées aux gouvernements à la suite des missions de contrôle ou d'évaluation du Parlement.
Celui-ci réalise en effet un important travail en la matière mais le sentiment prévaut que les conclusions et les recommandations auxquelles ce travail aboutit ne sont tout simplement pas lues par le gouvernement dans la plupart des cas. Il s'agit donc d'assurer cette suite minimale au moyen d'un dialogue désormais obligatoire.
* 33 " Classification des institutions supérieures de contrôle financier ". In Revue française des finances publiques n° 36. 1991.