3. Les " jaunes ", un effort méritoire mais insuffisant pour combler les lacunes de l'information budgétaire
Les besoins exprimés par le Parlement en matière d'information sur les finalités de l'action publique ont donné lieu à l'édiction d'obligations successives de produire et d'annexer aux projets de loi de finances des documents supplémentaires dénommés " jaunes ".
Le fondement juridique des " jaunes " est double. Il se trouve à titre principal dans l'alinéa 2 de l'article premier de l'ordonnance et, à titre secondaire, dans le dernier alinéa de son article 32. Leur origine réside clairement dans le mécontentement manifesté par le Parlement face à l'information insuffisante donnée par les " bleus ".
A l'expérience, les " jaunes " ne satisfont pas pleinement les besoins d'information qui ont justifié leur création. Pour autant, ils ne sont pas dépourvus de mérites, même s'ils peuvent être améliorés.
a) Les objectifs poursuivis par les " jaunes " témoignent d'une insatisfaction face aux documents budgétaires...
L'un des objectifs des " jaunes " consiste à identifier l'ensemble des moyens consacrés à une politique publique donnée. Il s'agit de dépasser les cloisonnements ministériels résultant de la présentation des " bleus ", mais aussi de faire apparaître les crédits consacrés à un objectif particulier.
Les données retracées dans les " bleus " sont relatives aux crédits de l'année à venir comme à ceux relatifs au budget de l'année en cours. Les " jaunes " visent, pour plusieurs d'entre eux, à élargir ce cadre temporel afin de situer le financement des politiques dans une perspective plus longue, en tenant compte des événements pouvant survenir après les lois de finances initiales. Ils peuvent ainsi avoir vocation à rendre compte des modifications intervenues dans le cadre des lois de finances rectificatives ou de la consommation effective des crédits.
Parmi les 23 " jaunes " annexés au projet de loi de finances pour 1997, on peut distinguer ceux comportant de simples états récapitulatifs de ceux consistant en des rapports ; ils contiennent des commentaires et des données quantitatives de nature non budgétaire " éclairant " les données budgétaires qu'ils compilent.
b) ... mais ne sont pas atteints en pratique
L'intérêt des " jaunes " est donc réel. Mais leur capacité à satisfaire les besoins qui ont justifié leur instauration est encore limitée.
Leur principale faiblesse résulte de leur caractère quelque peu adventice. Issus le plus souvent d'initiatives parlementaires, leur instauration répond à une logique du coup par coup. Comblant un " vide " ponctuel ressenti à un instant donné, ils ne peuvent, en l'état, être considérés comme apportant toute l'information faisant défaut dans le champ des finances publiques .
Dans une réponse du 20 juin 1997, à une question de votre commission, la Cour des comptes les qualifie " d'ensemble peu homogène ". Ils concernent, en effet, les sujets les plus variés, ont une périodicité variable et se présentent sous différentes formes : rapports, états récapitulatifs et listes.
Dans la même réponse, la Cour des comptes a considéré, à juste titre, que informations comprises dans les " jaunes " sont " d'inégale qualité ".
Leur contenu informatif est en effet assez variable. Mais ils partagent tous, comme d'ailleurs les " bleus ", la même lacune, celle d'être presque exclusivement axés sur la description des moyens, et d'être dénués d'indicateurs d'objectifs et de résultats .
A titre d'exemple, les informations suivantes, portant sur les moyens, ne sont pas systématiquement recensées :
la proportion des crédits en provenance de chaque ministère par rapport à l'effort total consacré à l'objet du " jaune ", 4 ( * )
le détail des chapitres concernés par la contribution de chaque ministère à l'objet du jaune, afin de mesurer la pertinence des crédits affichés,
la précision que les crédits recensés concernent exclusivement ou non l'objet du " jaune ",
la prise en compte de la dépense fiscale.
Dans certains cas, les crédits recensés par les " jaunes " apparaissent manquer d'exhaustivité.
Il s'agit d'abord des fonds de concours, dont l'évaluation est très variable selon les documents. Il s'agit aussi de la prise en compte des interventions des organismes tiers. Bien que ne réalisant pas directement la mobilisation de crédits de l'Etat, elles mériteraient néanmoins d'être recensées lorsqu'elles viennent à l'appui des interventions de l'Etat et qu'elles sont financées par prélèvements obligatoires.
Enfin, si l'accroissement bienvenu des commentaires n'est pas parvenu à compenser les déficiences de la présentation des crédits, il n'a pas davantage permis une présentation systématique reliant les crédits aux objectifs et aux résultats.
* 4 Il pourrait également être intéressant de connaître la part, au sein des crédits de chaque ministère, des actions en faveur de la politique décrite par le jaune. Le jaune " environnement " est le seul à comporter ces chiffres, qui permettent d'avoir une idée de l'ampleur de l'implication des différents acteurs dans un champ de l'action gouvernementale.