N° 116
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 décembre 2001 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom du comité d'évaluation des politiques publiques (1) et de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (2) sur l' évaluation de l' action des services départementaux d' incendie et de secours ,
Par MM. Alain LAMBERT, Philippe MARINI
et Michel CHARASSE,
Sénateurs.
(1) Ce comité est composé de : MM. Alain Lambert, Philippe Marini, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Michel Charasse, Marcel Debarge, Pierre Fauchon, André Ferrand, Bernard Fournier, Yves Fréville, Paul Loridant, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Daniel Soulage, Alain Vasselle, Serge Vinçon.
(2) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.
Sécurité civile . |
SERVICES DÉPARTEMENTAUX
D'INCENDIE ET DE
SECOURS :
L'EXPLOSION FINANCIÈRE
SOMMAIRE
Pages
I. LE BILAN : UNE RÉACTION EN CHAINE MAL CONTRÔLÉE
A. LA REVUE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION
1. Confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales
a) Une compétence inégalement partagée sur le plan financier
b) L'établissement public, un nouvel acteur qui a du mal à trouver sa place
2. Renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du SDIS un établissement public départemental
a) La mise en commun des moyens a eu lieu
b) La solidarité locale dans un contexte d'augmentation des coûts des SDIS
3. Apporter des réponses adaptées aux besoins des services et aux attentes de nos concitoyens
4. Respecter les liens historiques des sapeurs-pompiers avec les collectivités territoriales
B. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION PARFOIS PLUS FORMEL QUE RÉEL
1. Les charges explosent sans réelle amélioration du service rendu
2. La réforme institutionnelle se met en place mais dans l'ambiguïté
C. DES RISQUES PERSISTANTS DE DÉRAPAGES
1. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué, gravement et systématiquement, par des transferts de charges incontrôlés
2. La loi et l'attitude du pouvoir exécutif ont favorisé une certaine montée des corporatismes
3. Le volontariat a été découragé au profit d'une professionnalisation naturellement coûteuse
4. Un déséquilibre potentiel entre ressources et charges
II. LES PERSPECTIVES : UNE NÉCESSAIRE « REMISE À PLAT »
A. LES AJUSTEMENTS INSTITUTIONNELS SUGGÉRÉS PAR ERNST & YOUNG : DES PROPOSITIONS INTÉRESSANTES MAIS PAS SUFFISANTES
1. Renforcer l'efficacité des conseils d'administration des SDIS
2. Réinventer les instances consultatives
3. Encourager la professionnalisation de la gestion
B. DES PISTES À EXPLORER AUTOUR D'UN MÊME IMPÉRATIF : CLARIFIER LES RESPONSABILITÉS
1. Rechercher de nouvelles sources de financement : une vraie solution ?
2. Mieux faire apparaître le coût des SDIS
3. Encadrer le pouvoir réglementaire dont les initiatives doivent faire l'objet d'un chiffrage voire d'une autorisation législative préalables
4. Étudier la possibilité de distinguer les responsabilités opérationnelles de la direction administrative dans les SDIS
5. Clarifier et harmoniser les régimes de travail et de rémunération
6. Réévaluer le rôle des sapeurs pompiers volontaires en leur confiant plus de responsabilités et en rentabilisant leur formation
7. Assurer la transparence des coûts et des performances
EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ ET LA COMMISSION
AVANT-PROPOS 75
INTRODUCTION 97
I. LE BILAN : UNE RÉACTION EN CHAINE MAL CONTRÔLÉE 119
A. LA REVUE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION 119
1. Confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales 1210
a) Une compétence inégalement partagée sur le plan financier 1210
b) L'établissement public, un nouvel acteur qui a du mal à trouver sa place 1311
2. Renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du SDIS un établissement public départemental 1311
a) La mise en commun des moyens a eu lieu 1412
b) La solidarité locale dans un contexte d'augmentation des coûts des SDIS 1412
3. Apporter des réponses adaptées aux besoins des services et aux attentes de nos concitoyens 1614
4. Respecter les liens historiques des sapeurs-pompiers avec les collectivités territoriales 1715
B. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION PARFOIS PLUS FORMEL QUE RÉEL 1816
1. Les charges explosent sans réelle amélioration du service rendu 1816
2. La réforme institutionnelle se met en place mais dans l'ambiguïté 2119
C. DES RISQUES PERSISTANTS DE DÉRAPAGES 2220
1. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué, gravement et systématiquement, par des transferts de charges incontrôlés 2320
2. La loi et l'attitude du pouvoir exécutif ont favorisé une certaine montée des corporatismes 2321
3. Le volontariat a été découragé au profit d'une professionnalisation naturellement coûteuse 2422
4. Un déséquilibre potentiel entre ressources et charges 2522
II. LES PERSPECTIVES : UNE NÉCESSAIRE « REMISE À PLAT » 2925
A. LES AJUSTEMENTS INSTITUTIONNELS SUGGÉRÉS PAR ERNST & YOUNG : DES PROPOSITIONS INTÉRESSANTES MAIS PAS SUFFISANTES 2925
1. Renforcer l'efficacité des conseils d'administration des SDIS 2925
2. Réinventer les instances consultatives 3026
3. Encourager la professionnalisation de la gestion 3026
B. DES PISTES À EXPLORER AUTOUR D'UN MÊME IMPÉRATIF : CLARIFIER LES RESPONSABILITÉS 3127
1. Rechercher de nouvelles sources de financement : une vraie solution ? 3127
2. Mieux faire apparaître le coût des SDIS 3531
3. Encadrer le pouvoir réglementaire dont les initiatives doivent faire l'objet d'un chiffrage voire d'une autorisation législative préalables 3632
4. Étudier la possibilité de distinguer les responsabilités opérationnelles de la direction administrative dans les SDIS 3733
5. Clarifier et harmoniser les régimes de travail et de rémunération 3733
6. Réévaluer le rôle des sapeurs pompiers volontaires en leur confiant plus de responsabilités et en rentabilisant leur formation 3934
7. Assurer la transparence des coûts et des performances 3935
EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ ET LA COMMISSION 4237
ANNEXES 5045
- Rapport de synthèse du Cabinet Ernst & Young - Juin 2001
- Résultats de l'enquête nationale menée par Ernst & Young auprès des Services départementaux d'incendie et de secours (moyennes et analyses nationales sur 55 réponses reçues)
AVANT-PROPOS 5
INTRODUCTION 7
I. LE BILAN : UNE RÉACTION EN CHAINE MAL CONTRÔLÉE 9
A. LA REVUE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION 9
1. Confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales 9
a) Une compétence inégalement partagée sur le plan financier 10
b) L'établissement public, un nouvel acteur qui a du mal à trouver sa place 11
2. Renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du SDIS un établissement public départemental 11
a) La mise en commun des moyens a eu lieu 12
b) La solidarité locale dans un contexte d'augmentation des coûts des SDIS 12
3. Apporter des réponses adaptées aux besoins des services et aux attentes de nos concitoyens 14
4. Respecter les liens historiques des sapeurs-pompiers avec les collectivités territoriales 15
B. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION PARFOIS PLUS FORMEL QUE RÉEL 16
1. Les charges explosent sans véritable amélioration du service rendu 16
2. La réforme institutionnelle se met en place mais dans l'ambiguïté 18
C. DES RISQUES PERSISTANTS DE DÉRAPAGES 20
1. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué par des transferts de charges incontrôlés 20
2. La loi et l'attitude du pouvoir exécutif a favorisé une certaine montée des corporatismes 20
3. Le volontariat a été découragé au profit d'une professionnalisation naturellement coûteuse 21
4. Un déséquilibre potentiel entre ressources et charges 22
II. LES PERSPECTIVES : UNE NÉCESSAIRE « REMISE À PLAT » 25
A. LES AJUSTEMENTS INSTITUTIONNELS SUGGÉRÉS PAR ERNST & YOUNG : DES PROPOSITIONS INTÉRESSANTES MAIS PAS SUFFISANTES 25
1. Renforcer l'efficacité des conseils d'administration des SDIS 25
2. Réinventer les instances consultatives 26
3. Encourager la professionnalisation de la gestion 26
B. DES PISTES À EXPLORER AUTOUR D'UN MÊME IMPÉRATIF : CLARIFIER LES RESPONSABILITÉS 27
1. Rechercher de nouvelles sources de financement : une vraie solution ? 27
2. Faire des SDIS des établissements publics à fiscalité propre ? 30
3. Encadrer le pouvoir réglementaire dont les initiatives doivent faire l'objet d'un chiffrage voire d'une autorisation législative préalables 31
4. Étudier la possibilité de distinguer les responsabilités opérationnelles de la direction administrative dans les SDIS ? 32
5. Clarifier et banaliser les régimes de travail et de rémunération 32
6. Réévaluer le rôle des sapeurs pompiers volontaires en leur confiant plus de responsabilités et en rentabilisant leur formation 33
7. Assurer la transparence des coûts et des performances 34
EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ ET LA COMMISSION 37
A N N E X E S 45
- Rapport de synthèse du Cabinet Ernst & Young juin 2001
- Résultats de l'enquête nationale menée par Ernst & Young auprès des Services départementaux d'incendie et de secours (moyennes et analyses nationales sur 55 réponses reçues)
INTRODUCTION 7
I. LE BILAN : UNE RÉACTION EN CHAINE MAL CONTRÔLÉE 9
A. LA REVUE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION 9
1. Confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales 9
a) Une compétence inégalement partagée sur le plan financier 10
b) L'établissement public, un nouvel acteur qui a du mal à trouver sa place 11
2. Renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du SDIS un établissement public commun à l'ensemble 11
a) La mise en commun des moyens a eu lieu 12
b) La solidarité locale dans un contexte d'augmentation des coûts des SDIS 12
3. Apporter des réponses adaptées aux besoins des services et aux attentes de nos concitoyens 14
4. Respecter les liens historiques des sapeurs-pompiers avec les collectivités territoriales 15
B. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION PARFOIS PLUS FORMEL QUE RÉEL 16
1. Les charges explosent sans véritable amélioration du service rendu 16
2. La réforme institutionnelle se met en place mais dans l'ambiguïté 18
C. DES RISQUES PERSISTANTS DE DÉRAPAGES 19
1. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué par des transferts de charges incontrôlés 20
2. La loi et l'attitude du pouvoir exécutif a favorisé une certaine montée des corporatismes 20
3. Le volontariat a été découragé au profit d'une professionnalisation naturellement coûteuse 21
4. Un déséquilibre potentiel entre ressources et charges 22
II. LES PERSPECTIVES : UNE NÉCESSAIRE « REMISE À PLAT » 25
A. LES AJUSTEMENTS INSTITUTIONNELS SUGGÉRÉS PAR ERNST&YOUNG : DES PROPOSITIONS INTÉRESSANTES MAIS PAS SUFFISANTES 25
1. Renforcer l'efficacité des conseils d'administration des SDIS 25
2. Réinventer les instances consultatives 26
3. Encourager la professionnalisation de la gestion 26
B. DES PISTES À EXPLORER AUTOUR D'UN MÊME IMPÉRATIF : CLARIFIER LES RESPONSABILITÉS 27
1. Rechercher de nouvelles sources de financement : une vraie solution ? 27
2. Faire des SDIS des établissements publics à fiscalité propre ? 30
3. Encadrer le pouvoir réglementaire dont les initiatives doivent faire l'objet d'un chiffrage voire d'une autorisation législative préalables 31
4. Étudier la possibilité de distinguer les responsabilités opérationnelles de la direction administrative dans les SDIS ? 32
5. Clarifier et banaliser les régimes de travail et de rémunération 32
6. Réévaluer le rôle des Sapeurs pompiers volontaires en leur confiant plus de responsabilités et en rentabilisant leur formation 33
7. Assurer la transparence des coûts et des performances 34
EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ ET LA COMMISSION 35
AVANT-PROPOS
Le Comité d'évaluation des politiques publiques 1 ( * ) , avait, le 15 juin 2000, décidé de confier à M. Jacques Bimbenet la responsabilité de mener une étude d'évaluation des services départementaux d'incendie et de secours en s'appuyant sur les capacités d'expertise d'un cabinet d'étude extérieur, comme en avait la possibilité l'ex-office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, dont il a pris la suite au Sénat.
En février 2001, à l'issue d'une mise en concurrence dans les formes prévues par le code des marchés publics, MM. les Questeurs du Sénat ont décidé, à la demande du Président de la commission des finances, président du Comité d'évaluation des politiques publiques, et sur proposition de M. Jacques Bimbenet, de confier l'étude au cabinet Ernst & Young.
L'étude, présentée sous forme de note d'étape à M. Jacques Bimbenet en juillet 2001, a été remise au mois de septembre suivant, sans que ce dernier ait pu en assurer la réception définitive avant le renouvellement sénatorial.
La non- réélection de M. Jacques Bimbenet a conduit, compte tenu des circonstances, et pour assurer la continuité des travaux en cours, le Comité à désigner dans comme rapporteur, M. Michel Charasse, conjointement avec M. Alain Lambert, président de la commission des finances et président du Comité d'évaluation des politiques publiques, et M. Philippe Marini Rapporteur général.
Faire le point de la départementalisation des services d'incendie et de secours décidée par la loi du 3 mai 1996 , évaluer les résultats obtenus au regard de ceux qui étaient recherchés, apprécier les conséquences de la réforme sur les finances locales , autant d'objectifs assignés à l'étude entreprise par le cabinet Ernst & Young.
L'initiative du Comité apparaît d'autant plus opportune qu'elle s'inscrit dans la perspective de la discussion du projet de loi sur la démocratie de proximité, qui comporte des mesures relatives aux services d'incendie et de secours.
A cet égard, le travail du Comité a vocation à ouvrir le débat. Les sénateurs pourront non seulement confronter leurs expériences aux données de l'étude, mais encore trouver des arguments pour répondre à des questions de fond : faut-il financer les SDIS par un impôt spécial ? Comment restaurer les arbitrages et clarifier les responsabilités en vue de maîtriser une évolution des coûts, actuellement explosive , et de permettre aux Français de dire combien ils veulent dépenser pour leur sécurité ?
INTRODUCTION
La départementalisation des services d'incendie et de secours, telle qu'elle résulte de la loi du 3 mai 1996 et de la loi du même jour relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers 2 ( * ) , a-t-elle été une erreur ?
La question mérite d'être posée car, au vu des difficultés qu'a suscitées et que continue à susciter sa mise en oeuvre, nombreux seraient les parlementaires qui ne l'auraient sans doute pas votée, s'ils avaient pu être en mesure d'en évaluer (, même très approximativement), les conséquences.
L'expiration du délai de cinq ans laissé aux départements pour appliquer la loi, est l'occasion de faire le point sur la réforme et de procéder à un bilan de la nouvelle organisation des services d'incendie et de secours 3 ( * ) .
L'initiative du Comité d'évaluation des politiques publiques est venue, dans ce contexte, pour faire entendre la voix du Sénat dans un processus de révision engagé par le pouvoir exécutif.
Il faut rappeler que quelques mois avant que le Comité ait pris la décision de lancer son étude, M. Jacques Fleury, député de la Somme, a été nommé parlementaire en mission par le Premier ministre pour étudier les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la réforme des services d'incendie et de secours introduite par les lois de 1996 4 ( * ) . Rendu en juin 2000, son rapport a été suivi par l'introduction dans le projet de loi sur la démocratie de proximité d'articles relatifs au fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours, qui modifient, sans vraiment rienles bouleverser, certaines dispositions de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996.
La méthode choisie par le rapporteur initialement nommé par le Comité pour évaluer la départementalisation, a consisté, non à procéder à l'audition de responsables, dont il se serait donné pour tâche de synthétiser l'opinion, mais à apporter des éléments de fait de nature à alimenter le débat en faisant appel à un cabinet extérieur susceptible d'aller, sur le terrain, observer le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours.
Le cabinet Ernst & Young, a , conformément au cahier des charges , procédé à partir d'informations issues de la documentation existante, de l'analyse des textes législatifs et réglementaires intervenus depuis 1996, de monographies réalisées dans six départements significatifs et de l'exploitation des réponses à un questionnaire adressé à l'ensemble des SDIS. Cinquante-neuf SDIS ont répondu au questionnaire adressé par Ernst & Young. Cinquante-cinq réponses ont pu être exploitées, soit plus de la moitié des SDIS. Ces réponses permettent de bénéficier d'informations très complètes sur la mise en oeuvre des réformes engagées par les lois du 3 mai 1996 .
Toute la difficulté de la tâche d'évaluation de la réforme de 1996 vient de qu'il n'est pas simple de faire la part dans les évolutions et les dysfonctionnements constatés entre ce qui tient à la départementalisation elle-même et ce qui résulte de l'intervention de l'État , qui n'a cessé d'imposer par voie réglementaire aux collectivités territoriales si ce n'est de nouvelles contraintes, du moins de nouvelles règles du jeu.
Les cinq dernières années ont, en effet, été marquées également par une intense activité législative, mais surtout, réglementaire , dans le domaine des services d'incendie et de secours : cinq lois, vingt-huit décrets, soixante-dix huit arrêtés et vingt-deux circulaires sont intervenus depuis 1996 dans ce domaine. Par ailleurs, quatre notes d'informations, non publiées, ont été transmises aux préfets.
A l'inquiétude persistante des élus dont témoigne le nombre des questions écrites posées sur le sujet 5 ( * ) , s'ajoute, outre une très vive inquiétude des sapeurs-pompiers volontaires qui se jugent souvent « sacrifiés » et , une grogne endémique des professionnels, qui s'est traduite par dequi n'ont cessé de multiplier les exprimée dans dede nombreux conflits sociaux locaux , au cours de la période. C'est le caractère sensible pour ne pas dire explosif de la matière, qui explique peut-être la prudence dont fait souvent preuve l'étude dans la formulation de ses diagnostics.
Comme l'ont montré les débats au sein du Comité, il est facile de « décoder » les formules utilisées et d'y trouver des arguments pour, dresser un bilan critique de la départementalisation, souligner les risques de dérapages financiers et explorer des pistes de réformes plus radicales.
I. LE BILAN : UNE RÉACTION EN CHAINE MAL CONTRÔLÉE
L'étude réalisée par Ernst & Young, qui fait le point de la mise en oeuvre de la loi de 1996, montre que les collectivités locales ont joué le jeu et qu'elles se sont efforcées d'atteindre les objectifs fixés par le législateur. La réforme n'est, cependant, que très inégalement et très imparfaitement mise en oeuvre.
S'appuyant sur leur expérience personnelle, la plupart des membres du comité ont ainsi considéré que la départementalisation était un processus peu ou pas du tout non ou mal maîtrisé, certains d'entre eux estimant d'ailleurs qu'il est en fait « in maîtrisable »..
A. LA REVUE DES OBJECTIFS DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION
Pour mettre en perspective l'étude du Cabinet Ernst & Young, les rapporteurs ont souhaité examiner les résultats obtenus, à la lumière des quatre grands axes de la loi du 3 mai 1996 mis en avant par le ministre de l'intérieur lors de la présentation du projet de loi devant l'Assemblée nationale en première lecture 6 ( * ) :
- confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales ;
- renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du service départemental d'incendie et de secours un établissement public commun à l'ensemble des collectivités territoriales dans le département ;
- apporter des réponses adaptées aux besoins de modernisation des services d'incendie et de secours pour qu'ils répondent mieux à leurs missions de service public et couvrent des risques très évolutifs dans une société de haute technologie ;
- respecter les liens historiques des sapeurs-pompiers avec les collectivités territoriales, et notamment les maires..
1. Confirmer la sécurité civile comme une compétence partagée entre l'État et les collectivités locales
Les compétences en matière de sécurité civile découlent du partage du pouvoir de police entre le maire et le représentant de l'État, défini notamment aux articles L. 131-2 et L. 131-13 du code des communes, et précisé par la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile.
La loi du 3 mai 1996 n'a pas remis en cause ce partage et, peut-être pour apaiser d'éventuelles craintes, le ministre de l'intérieur, en présentant le projet de loi qui allait devenir la loi du 3 mai 1996, insistait d'emblée sur le fait que « les sapeurs-pompiers, qu'ils relèvent ou non d'un corps départemental, continueront de servir, selon les circonstances, sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs de police respectifs ».
La loi de 1996 avait pour objectif d'améliorer les conditions dans lesquelles les maires garantissent la sécurité sur le territoire communal, en mutualisant, au sein d'un établissement public de type nouveau, les moyens nécessaires pour assurer la sécurité dans l'ensemble des communes d'un département. Dans l'esprit de ses concepteurs, l'existence d'un établissement public compétent pour gérer les moyens permettait de déterminer le niveau des moyens consacrés à la sécurité civile en fonction des besoins constatés et non en fonction des capacités financières des communes, comme cela pouvait être le cas dans l'ancien système.
a) Une compétence inégalement partagée sur le plan financier
Les services départementaux d'incendie et de secours, s'ils contribuent à l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police et de ses obligations en matière de sécurité, sont financés non seulement par les communes, mais aussi par leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et par les conseils généraux. Le financement de la compétence en matière de sécurité civile est donc partagé entre plusieurs niveaux de collectivités locales.
L'État participe aussi au financement de la sécurité civile. Cependant, alors que la sécurité civile s'apparente à une fonction régalienne, son effort financier est sans proportion avec celui des collectivités locales.
En réponse à une question écrite de notre collègue Serge Mathieu, le gouvernement indique que « le budget consacré par l'État pour la sécurité civile est de 1,6 milliard de francs en 2001 » 7 ( * ) .
L'effort consenti parimposé aux les collectivités locales est dix fois supérieur. Les contributions des communes, établissements publics de coopération intercommunale et départements au budget des SDIS en 2001 s'établissent en effet à 2,41 milliards d'euros (15,8 milliards de francs).
b) L'établissement public, un nouvel acteur qui a du mal à trouver sa place
Depuis leur création en 1996, les « nouveaux » SDIS deviennent progressivement des acteurs à part entière de la mise en oeuvre de la politique en matière de sécurité civile.
Ils ne sont plus seulement des « appendices fonctionnels » des collectivités locales, mais deviennent des structures de plus en plus autonomes et même aux yeux de certains, largement incontrôlables. L'étude menée par le cabinet Ernst & Young souligne d'ailleurs que la condition de l'efficacité du service rendu par un service départemental d'incendie et de secours réside dans l'unicité de direction, et donc en la capacité de son directeur général à opérer la synthèse entre ses différents « patrons », en l'occurrence (le maire Président du CASDIS, le préfet et les élus locaux « financeurs » des SDIS qui siègent au conseil d'administration).
Dès lors, il conviendrait de prendre acte de l'émergence de ce nouvel acteur, et du décalage entre son rôle croissant et les règles qui lui sont applicables, désormais trop étroites.
Comme le montre l'étude, la mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 contraint les services d'incendie et de secours à opérer un saut qualitatif en termes de couverture des risques, avec toutes les conséquences administratives, organisationnelles et financières que cela implique, sans pour autant leur fournir les moyens d'assumer pleinement ces nouvelles responsabilités .
* 1 Groupe d'étude rattaché à la commission des finances rassemblant des sénateurs de toutes les commissions et de tous les groupes, créé le 21 mars 2000 par le Bureau du Sénat pour poursuivre l'action de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, supprimé à l'initiative de l'Assemblée Nationale.
* 2 La promulgation de la première loi est l'aboutissement d'un processus législatif engagé par le dépôt sur le bureau du Sénat d'un projet de loi, examiné en conseil des ministres le 28 septembre 1994, retiré ensuite et déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui examinera en première lecture en janvier 1995, au cours d'une session extraordinaire. Sept mois plus tard est intervenue la première lecture au Sénat (juin 1995), la deuxième lecture par l'Assemblée nationale, ayant lieu en février 1996. Deux mois plus tard, enfin, la commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions restant en discussion entre les deux chambres parvenait à s'accorder sur un texte commun.
* 3 Le bilan apparaît d'autant plus utile et nécessaire et qu'il intervient alors que le gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile avant la fin de l'année.
* 4 Il convient de rappeler que d'autres rapports traitant plus généralement de la décentralisation, ont abordé la question des services d'incendie et de secours, notamment :
- rapport de la commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par Pierre Mauroy, remis au Premier ministre, Lionel Jospin, le 17 octobre 2000.
- rapport de la mission d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales (« pour une république territoriale - l'unité dans la diversité » - n° 447, 1999-2000.)
* 5 Cent treize questions écrites ont été adressées au gouvernement par les seuls sénateurs depuis 1993. Les réponses ministérielles se caractérisent par une rare indigence.
* 6 Journal officiel Assemblée nationale, première séance du 16 janvier 1996, p. 81.
* 7 Réponse à la question n° 30983 du 8 février 2001, JO Sénat, 12 juillet 2001, p.2333.