2. Renforcer les solidarités locales face aux risques, en faisant du SDIS un établissement public commun à l'ensemble départemental
La création d'un établissement public commun au départemental, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés sur son territoire constitue le coeur de la loi du 3 mai 1996.
La mise en commun des moyens humains, matériels et financiers consacrés aux services d'incendie et de secours doit contribuer à améliorer l'efficacité du service rendu et à en rationaliser la gestion. En application du principe « qui paye commande », le conseil d'administration de l'établissement public est composé exclusivement d'élus locaux 8 ( * ) . On notera cependant que les sièges au conseil d'administration ne sont pas répartis proportionnellement à la contribution de chacun des « financeurs ».
La solidarité locale peut, dans ce contexte, s'appréhender de deux manières :
- les collectivités --départements, communes, groupements-- sont libres de se répartir entre elles, comme elles l'entendent, le coût des services d'incendie et de secours ;
- les collectivités locales sont également désormais « dans le même bateau », solidairement responsables du bon fonctionnement de l'établissement public.
a) La mise en commun des moyens a eu lieu
Au terme du délai légal pour la mise en commun des moyens, il apparaît que les collectivités ont été à la hauteur de leursexercé les responsabilités qui leur étaient imposées, en procédant aux transferts nécessaires au bon fonctionnement de l'établissement public.transferts prévus par la loi. L'étude montre en effet que la plupart des moyens ont effectivement été transférés.
Ce processus n'a pas été sans provoquer des tensions, et même parfois des violences, notamment sur le plan social : l'intégration, au sein d'un corps commun, de personnels dont les statuts étaient spécifiques à la commune de rattachement de leur corps, ne pouvait être effectuée sans susciter certaines jalousies et une farouche détermination de chacun à préserver ses « acquis sociaux ».
Sur le plan des moyens matériels, le processus de mise en commun a permis d'améliorer une meilleurela transparence des coûts. Il a surtout mis en évidencesuscité ou généréengendré des besoins considérables de remise à niveau desen équipements, pas toujours justifiés ni opportuns..
b) La solidarité locale dans un contexte d'augmentation des coûts des SDIS
Depuis 1996, la gestion solidaire des services d'incendie et de secours constitue un test délicat pour le principe d'autonomie locale.
Contrairement aux prévisions initiales, la mise en commun des moyens n'a pas consisté à répartir une charge constante entre les collectivités, en fonction des capacités de chacune, mais à répartir le poids d'une dépense dont le coût augmente, dans des proportions très importantes.
L'augmentation, souvent déraisonnable, des coûts des SDIS pendant la période de mise en oeuvre de la réforme, très largement supérieure aux prévisions initiales, rend délicate la détermination par les conseils d'administration du montant des contributions des uns et des autres au financement de l'établissement public.
Selon l'étude de Ernst & Young , la solution la plus communément retenue a été celle d'une stabilisation des contributions des communes et une prise en charge des surcoûts par les conseils généraux. ----et une prise en charge des surcoûts par les conseils généraux. Cette situation présente un avantage pratique puisqu'elle permet aux conseils généraux de parvenir progressivement à une parité de financement avec les communes et leurs EPCI et, ce faisant, de légitimer sur le plan financier le mode de fonctionnement institutionnel qui s'est jusqu'ici révélé le plus efficace : de manière générale, les SDIS fonctionnent mieux lorsque le président du conseil général en est lui-même le « patron ».
En tout état de cause, la complexité des relations entre collectivités au sein des conseils d'administration pourrait expliquer l'échec d'une formule prévue par la loi du 3 mai 1996 et qui, sur le plan de la rationalité financière et fonctionnelle, présentait de nombreux avantages 9 ( * ) , celle de l'établissement public interdépartemental (EPID), regroupant plusieurs services départementaux d'incendie et de secours. La crainte de retrouver au niveau interdépartemental les difficultés rencontrées au sein des conseils d'administration aura sans doute découragé les quelques velléités qui auraient pu se manifester.
Malgré ces difficultés, les collectivités locales se sont engagées sur la voie de la mutualisation et ont trouvé des clefs de répartition sinon satisfaisantes, du moins stables, puisque 71,7près de 72 % des SDIS indiquent avoir stabilisé la formule de calcul des contributions financières des communes ou EPCI à leur budget.
Le caractère inconfortable pour les collectivités locales de la mise en oeuvre de la réforme a été accentué par le rôle plus qu'ambigu et dépensier de l'État au cours de la période. A la fois initiateur de la réforme, puisqu'il s'agit de l'application de dispositions législatives, et en retrait, puisque la réforme concerne des domaines qui relevaient déjà des collectivités locales avant 1996, et dans lesquels ses finances sont peu ou pas impliquées, l'État a donné le sentiment de ne pas être concerné par les difficultés rencontrées par les collectivités, notamment en donnant pendant longtemps le sentiment de minimiser les conséquences financières de la départementalisation 10 ( * ) qu'il a largement contribué à aggraver..
De surcroît, le décalage entre l'explosion des dépenses des SDIS et la succession des textes réglementaires générateurs de coûts supplémentaires a suscité l'incompréhension et, parfois, la colère des élus.. La multiplication des nouveaux règlements a également pu donner le sentiment que l'État cherchait à « passer en force » en imposant, pas toujours de manière subreptice, des dépenses nouvelles qui, intervenant concomitamment au processus de départementalisation, peuvent à première vue être interprétées comme des conséquences de la départementalisation et non comme des charges nouvelles résultant de décisions de l'État.
Enfin, du fait de l'intervention de l'État et de la croissance des nouvelles dépenses obligatoires, le principe selon lequel « qui paye commande », qui avait conduit à ne faire siéger que des élus au conseil d'administration, s'est trouvé vidé de son sens puisque les conseils d'administration n'ont, de fait, qu'une maîtrise très limitée de l'évolution des dépenses. La libre administration des collectivités locales s'en est trouvée un peugravement malmenée.
* 8 Le préfet et des représentants des sapeurs-pompiers y siègente, mais sans voix délibérative.
* 9 Cette solution aurait permis aux SDIS d'effectuer d'importantes économies d'échelle.
* 10 Par exemple, en réponse à une question écrite de notre collègue Daniel Eckenspieller, le ministre de l'intérieur considérait que « s'il peut apparaître que la mise en oeuvre de l'organisation territoriale des SDIS n'a pas entraîné une hausse systématique des dépenses, néanmoins, dans certains départements, une remise à niveau des services peut conduire à des augmentations significatives des dépenses » (JO Sénat, 15 juillet 1999, p. 2433).