B. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION PARFOIS PLUS FORMEL QUE RÉEL

Même s'il est difficile de parler des SDIS en général tant sont importantes les différences de situation entre les établissements 13 ( * ) , les débats en commission ont montré qu'il pouvait être fait une lecture moins optimiste des résultats de l'enquête d'Ernst & Young, faisant apparaître une explosion des charges sans que l'on puisse lui faire correspondre une amélioration sensible du niveau de couverture des risques et alors même que l'on peut parfois douter du caractère effectif des objectifs voulus par la loi.

1. Les charges explosent sans véritable réelle amélioration du service rendu

Alors que la réforme était censée être financièrement neutre, puisqu'il ne s'agissait que de mettre en commun des moyens existants, elle s'est avérée coûteuse car la mise en commun a révélé suscité des besoins nouveaux de mise à niveauen des équipements.

Au cours des quatre dernières années, le coût total des SDIS est passé d'environ 14 milliards de francs à 18 milliards de francs .

De plus, le regroupement des personnels a rendu nécessaire une harmonisation des régimes indemnitaires, processus qui s'est traduit par des négociations difficiles entraînant souvent une augmentation de la masse salariale. Parallèlement à la mise en oeuvre de ces mesures se sont multipliées les dispositions réglementaires particulièrement coûteuses.

Les élus sont ainsi extrêmement nombreux à dénoncer l'inflation des coûts. Notre collègue Hubert Haenel indiquait dans une question écrite 14 ( * ) que le budget de fonctionnement du SDIS du Haut-Rhin avait progressé de 56 % en 1998, « tandis qu'une augmentation très sensible est également à prévoir jusqu'en 2002 ». Notre collègue Alain Journet attirait pour sa part l'attention du ministre de l'intérieur sur le fait que « le département du Gard a vu sa contribution augmenter en moyenne annuelle de 19,2 % entre 1990 et 1999. La contribution demandée pour 2000 est en augmentation de 25,7 % par rapport à 1999 ».

Face à la disparité des situations locales, des niveaux d'intégration départementale et de stabilisation budgétaire, Ernst & Young ne chiffre malheureusement pas l'augmentation des coûts, mais se contente d'en énumèreérer les facteurs d'évolution parmi lesquels il cite :

- les frais de personnel (en général les dépenses de fonctionnement absorbent les deux tiers des budgets) : pour reprendre les formules du cabinet d'étude, il s'agit « à la fois des effets de la structuration indiciaire de la filière, de l'harmonisation des régimes de travail et des avantages associés, et des recrutements supplémentaires pour mettre à niveau la garde opérationnelle sur l'ensemble du département », formules qui sont faciles à décoder et derrière lesquelles certains sentent le poids des corporatismes et la faiblesse --pour ne pas dire la complaisance-- de l'État à leur égard puisqu'il ne paye rien !;

- l'accroissement du nombre des médecins pompiers à plein temps, ainsi que celui des personnels administratifs et techniques et spécialisés,

- la mise à niveau des vacations et des pratiques de paiement ainsi que des allocations de vétérance.

Si on manque de données chiffrées homogènes pour estimer l'augmentation des coûts des services départementaux d'incendie et de secours depuis la loi de 1996, l'étude fait apparaître des augmentations de personnel suffisamment substantielles pour que l'on ait une idée de l'ampleur de la dérive et des facilités démagogiques introduites par le nouveau régime.

C'est ainsi que si le nombre des sapeurs-pompiers volontaires s'est effectivement accru de 16 % entre 1996 et 2001, l'augmentation des effectifs est encore plus sensible en ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels (+ 40 %), les personnels administratifs, il est vrai peu nombreux (+ 127 %) et les personnels techniques et spécialisés, (+ 98 %).

A titre d'exemple, l'un des rapporteurs a souhaité compléter ces considérations générales par des exemples situations concretsconcrètes, qui montrent que les économies d'échelle qui auraient dû procéder de la mise en commun des moyens et la coordination accrue des actions opérationnelles, ont eu, dans certains cas, l'effet inverse.

On peut citer à cet égard trois exemples qui témoignent d'une centralisation excessive, qu'il s'agisse de celui des pharmacies centrales, à l'origine parfois de perte de temps et d'argent, d'une sectorisation des compétences de nature à augmenter ponctuellement le délai d'intervention, ainsi que les transferts occultes pouvant intervenir dans le cadre de la gestion des comités d'oeuvres sociales.

Ce qui semble certain, c'est que la réforme n'a pas entraîné d'amélioration significative du service rendu et donc, de la sécurité des Français. On notera cependant une hausse de 9 % du total des interventions des SDIS ayant participé à l'enquête et de 26 % s'agissant de secours aux personnes :( les données nationales de la direction de la défense et de la sécurité civiles semblent indiquer des croissances encore supérieures).

On peut noter que l'étudePar ailleurs, l'étude mentionne le délai maximum d'intervention tel qu'il résulte des règlements opérationnels : 6 minutes 30 pour le départ après l'appel, et 18 minutes pour l'arrivée sur les lieux.

Les collectivités territoriales subissent des charges nouvelles, dont on leur fait porter la responsabilité alors qu'elles n'en ont pas la maîtrise.

Cette augmentation des charges est d'autant plus insupportable pour les collectivités territoriales que le processus de rattrapage et de mise à niveau des moyens au niveau plan départemental que l'on peut effectivement imputer à la départementalisation, se double de l'accumulation de nouvelles contraintes réglementaires décidées au niveau national : les élus sont alors amenés à « porter le chapeau » pour une augmentation des coûts résultant largement de mesures décidées dans les bureaux à Paris par des colonels officiers de pompiers professionnels ou des cadres civils de la DDSCdirection de la défense de la sécurité civiles 15 ( * ) ..

* 13 Deux points doivent être soulignés :

- d'une part, l'agrégation des données financières auxquelles a procédé le cabinet Ernst & Young est difficile à interpréter dans la mesure ou un certain nombre de transferts de compétences , notamment en matière immobilière, rendent aléatoire la comparabilité des chiffres aussi bien dans le temps que dans l'espace,

- d'autre part , les SDIS ont des moyens extrêmement variables, qui s'étalent sur une échelle allant de un à 18, les budgets déclarés variant de 40 à 730 millions de francs .

* 14 Question n° 16788, JO Sénat du 3 juin 1999, p. 1838.

* 15 Il convient de souligner que si toutes les mesures à incidences financières favorables aux personnels font toujours l'objet d'intenses négociations entre le ministère de l'Intérieur et les organisations professionnelles ou syndicales, les collectivités qui payent sont toujours soigneusement exclues de toutes ces discussions.

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