B. METTRE EN oeUVRE DES PRIORITÉS NETTEMENT IDENTIFIÉES
Afin d'éviter une dispersion excessive des moyens et des volontés préjudiciables à l'efficacité, la mise en oeuvre de la politique nationale de lutte contre le cancer devra s'attacher à la réalisation de procédés nettement identifiés dans les domaines suivants :
- la prévention et le dépistage, 42.000 morts par an pouvant être évités, selon les estimations de l'une des personnalités auditionnées par la mission 5 ( * ) , par une politique de prévention et de dépistage adaptée ;
- la veille épidémiologique, afin de pallier le manque de moyens et l'absence d'analyses systématiques qui limitent aujourd'hui la connaissance du mal à combattre ;
- la recherche contre le cancer, la France accumulant, dans ce domaine, et en raison du désengagement de l'Etat, un retard de plus en plus préoccupant ;
- les besoins prévisibles en cancérologues et en radiothérapeutes , les effets conjugués de la démographie médicale et de l'absence d'« attractivité » dans les cursus de formation des futurs médecins laissant prévoir une pénurie des spécialistes nécessaires dans les prochaines années ;
- la radiothérapie et l'imagerie médicale, le constat établi par la CNAMTS faisant notamment apparaître l'obsolescence du parc français et l'inadaptation de la valorisation financière de la nomenclature à l'évolution des pratiques ;
- la prise en charge globale du malade et l'égalité de l'accès aux soins qui relèvent désormais d'une démarche pluridisciplinaire, paraissent pouvoir être garanties dans le cadre des réseaux de soins coordonnés en cancérologie.
1. La prévention et le dépistage
Mieux vaut prévenir que guérir. Pour certains cancers, cet adage populaire se vérifie pleinement.
Les auditions de la mission d'information ont permis à ce sujet de vérifier la pertinence des analyses déjà largement développées, par ailleurs, notamment par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale en septembre 2000.
Le premier constat qui peut être établi dans ce domaine est que la lutte contre certains cancers relève en priorité de la responsabilité individuelle de chacun d'entre nous.
En effet, les principaux facteurs de risque incriminés dans la survenue des cancers sont les suivants :
- le tabac est un facteur de risque reconnu et expliquerait 22 % des décès par cancer. Les fumeurs ont un risque augmenté de cancers bronchiques, des voies aériennes et digestives supérieures, de la vessie, du rein et du pancréas. Les fumeuses auraient également un risque augmenté de cancers du col utérin ;
- l'alcool expliquerait 12 % des décès par cancer. La consommation d'alcool augmente considérablement les risques de cancer de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage, du foie et probablement du sein. L'interaction alcool-tabac multiplie les risques de cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage ;
- l'alimentation pourrait expliquer 35 % des décès par cancer. Elle joue un rôle dans la genèse des cancers. Une consommation élevée de graisses ou une consommation faible de fibres ou de vitamines ou une contamination de l'alimentation par aflatoxines ou nitrosamines pourraient accroître le risque de cancer. L'obésité est un facteur de risque du cancer du corps de l'utérus et du sein. Le rôle des graisses est évoqué principalement pour les cancers colorectaux, mais également pour les cancers du sein, de l'ovaire et de la prostate. Le risque de cancer des VADS, estomac, côlon, poumon, pancréas, sein, col et corps utérins, ovaire et vessie est réduit par une consommation élevée de fruits et de légumes frais. Le risque de cancer colorectal diminuerait avec une consommation élevée de fibres. Les composés nitrés ont probablement été responsables du risque élevé de cancer de l'estomac dans le passé ;
- la pollution pourrait expliquer 2 % des décès par cancer ;
- le comportement sexuel et les caractéristiques de la reproduction pourraient expliquer 7 % des décès par cancer. Les risques de cancer du sein et du corps utérin sont plus élevés chez les femmes ayant eu une puberté précoce et chez les femmes nullipares. Une première grossesse tardive augmenterait le risque de cancer du sein. L'allaitement est associé à un risque plus faible de survenue d'un cancer du sein avant la ménopause ;
- les virus et parasites pourraient expliquer 10 % des décès par cancer. Le virus d'Epstein-Barr serait facteur de risque du lymphome de Burkitt mais aussi du cancer du naso-pharynx. Le risque de cancer primitif du foie est plus élevé chez les porteurs d'anticorps du virus de l'hépatite V et de l'hépatite C. Certains papillomavirus ont été incriminés dans l'étiologie du cancer du col utérin. Le VIH est associé à une augmentation du risque de sarcome de Kaposi et de lymphome malin non hodgkinien ;
- parmi les médicaments associés au risque de cancer, on peut citer les traitements hormonaux (distilbène et cancer du vagin, contraceptifs oraux combinés et diminution du risque de cancer de l'endomètre et de l'ovaire mais augmentation du risque de cancer du sein, tamoxifène et augmentation du risque de cancer de l'endomètre mais diminution du nombre de rechutes du cancer du sein), les cytostatiques (augmentation du risque de leucémie aiguë), les immunosuppresseurs utilisés lors de transplantations d'organes (augmentation du risque de lymphome non hodgkinien, de sarcome de Kaposi, de cancer de la peau et du foie) et les psoralènes (huile de bergamote) associés aux UV, l'aspirine (réduction du risque de cancer colorectal) ;
- les radiations ionisantes augmentent le risque de survenue de leucémies et de cancers de la thyroïde ;
- les rayons ultraviolets et en particulier les UVB sont responsables de l'apparition de tumeurs cutanées essentiellement les mélanomes ;
- les expositions professionnelles pourraient expliquer 4 % des décès par cancer. On citera principalement l'amiante et les mésothéliomes, l'arsenic et les cancers primitifs du foie ou les cancers de la peau, les goudrons et le cancer de la vessie et de la peau, le bois et le nickel et les cancers de l'ethmoïde et sinus de la face.
S'il paraît difficile d'agir sur la pollution ou les virus en tant que facteurs de risque sur les cancers, il est évident en revanche qu'une action de prévention efficace et ciblée, visant à limiter la consommation d'alcool et de tabac, pourrait obtenir des résultats significatifs . Or, par exemple, malgré le renforcement récent de la politique de lutte contre le tabagisme, la Cour des comptes relève dans son rapport précité que des progrès certains restent à accomplir tant en ce qui concerne le contrôle de l'application actuelle de la réglementation « anti-tabac » que les actions de communication destinées soit au grand public, soit à des populations plus particulièrement exposées.
La mission estime donc nécessaire de développer de vastes campagnes de communication cofinancées par l'ensemble des partenaires concernés et visant à faire prendre conscience, par l'opinion publique, de sa propre responsabilité individuelle dans la lutte contre le cancer . A l'instar des pays anglo-saxons, il paraît nécessaire de renforcer le caractère « cru » et dissuasif des messages diffusés . Ces actions de communication devront être relayées par une intervention accrue des associations dans les lieux publics, qu'il s'agisse, notamment, des hôpitaux et du milieu scolaire. Sur ce dernier point en effet, le tabagisme des jeunes et plus particulièrement le tabagisme des jeunes femmes constitue un problème de santé publique de plus en plus préoccupant.
S'agissant par ailleurs du dépistage, les insuffisances ou les blocages mis en évidence par la Cour des comptes paraissent d'autant plus inacceptables que, pour certains cancers (sein, côlon, prostate), un dépistage précoce est un gage avéré de possibilité de survie . Or, notre pays conjugue, tout à la fois, la volonté quelque peu contradictoire d'organiser de vastes dépistages de masses concernant toute la population, sans y parvenir réellement, et d'autre part, la prise en charge par l'assurance maladie, des dépistages « spontanés » relevant de l'initiative individuelle. Les personnalités auditionnées par la mission ont souligné cette contradiction et ont estimé que la politique de dépistage du cancer devait être plus cohérente en s'organisant autour des principes directeurs suivants :
- « cibler » les dépistages de masse sur les cancers pour lesquels de tels dépistages peuvent être réellement efficaces, et définir à ce sujet des cahiers des charges précis garantissant la qualité du dépistage proprement dit et le suivi du diagnostic ;
- rationaliser les conditions de prise en charge par l'assurance maladie des dépistages « spontanés » afin d'éviter une multiplication inefficace qui peut, en outre, s'avérer source d'inquiétudes infondées.
LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION 1. La prévention : - Organiser des campagnes nationales d'information plus ambitieuses, associant l'ensemble des partenaires concernés, notamment à destination des populations les plus exposées aux risques sanitaires (tabac, alcool, alimentation ou exposition professionnelle) ; - Favoriser l'intervention des bénévoles des associations de lutte contre le tabagisme ou l'alcoolisme dans les lieux publics et le milieu scolaire ; - Sensibiliser les médecins généralistes à la prévention sanitaire et valoriser, en conséquence, la tarification de leurs consultations. 2. Le dépistage : - Généraliser le dépistage du cancer du sein. Evaluer les effets positifs pouvant être éventuellement attendus d'un abaissement de l'âge de ce dépistage ; - Etudier les conditions scientifiques et méthodologiques autorisant, dans les meilleurs délais, la mise en oeuvre du dépistage de masse du cancer colorectal et de la prostate. - Définir, au plan national, une politique d'évaluation et de suivi des programmes de dépistage. * 5 Professeur Gérard Dubois, Président du comité national contre le tabagisme. Accès rapideAccès thématiquesRapports les plus consultés<iframe name="iframe-rapports" src="/rapports/les-plus-consultes.html" frameborder="0" height="106" scrolling="no" width="100%"> </iframe>Librairie en ligneLes autres sites du Sénat |