6. La prise en charge globale du malade et l'égalité d'accès aux soins
Le traitement du cancer passe obligatoirement par une démarche pluridisciplinaire assurant la prise en charge globale du malade .
Or, le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2000, analysant la politique de santé publique de lutte contre le cancer, relève les obstacles suivants, dans l'organisation actuelle de notre système de santé, au développement de cette prise en charge globale :
- l'orientation parfois obscure du malade ;
- l'absence de coordination des soins ;
- la multiplication des cloisonnements entre public et privé, entre médecine générale et médecine spécialisée ;
- un manque de cohérence entre la ville et l'hôpital ;
- les effets pervers de la nomenclature et de sa valorisation financière, sur les modalités de prise en charge du malade.
Face à ces dysfonctionnements, la solution la plus « réactive » et la plus adéquate semble être les réseaux réunissant tous les professionnels qui interviennent dans la prise en charge d'une pathologie ou d'une population déterminée.
Devenue un enjeu majeur de la réorganisation du système de santé, la mise en place des réseaux de soins est d'ailleurs l'élément majeur de la deuxième génération des schémas régionaux d'organisation sanitaires (SROS).
Souffrant initialement de l'absence d'un cadre juridique, ces structures informelles ont su profiter de la reconnaissance que leur apportaient les ordonnances de 1996 et de la circulaire de mars 1998. Désormais, il s'agit davantage de structurer et de coordonner les bonnes volontés que de convaincre les acteurs de la prise en charge du patient cancéreux de l'utilité de travailler ensemble, de substituer une logique de complémentarité à une logique fragmentée, voire concurrentielle.
Or, l'audition de responsables de certains réseaux (ONCORA, ONCOLOR) par la mission a mis en évidence les différents obstacles qui entravent aujourd'hui le développement des réseaux de soins coordonnés en cancérologie.
La « juxtaposition » de structures nationales et régionales d'agrément (commission Soubie, ARH 6 ( * ) et URCAM 7 ( * ) ) doit ainsi être surmontée. Selon certaines personnalités auditionnées, l'agrément de la commission Soubie pourrait être limité aux réseaux ayant une vocation nationale ou faisant intervenir un financeur privé. Pour les autres réseaux, les procédures d'évaluation et d'agrément pourraient être dévolues à une structure régionale unique (ARH ou ARH et URCAM), qui disposerait d'une enveloppe transversale permettant de subvenir au frais de mise en service ou d'animation de ces réseaux. Le déblocage d'une enveloppe spécifique ou la globalisation des cinq enveloppes de financements actuelles, plus héritées de l'histoire administrative de notre système de santé apparaît comme évidente.
La plupart du temps, l'agrément par le directeur de l'ARH ne crée pas de toutes pièces un réseau de soins en cancérologie ; mais, le plus souvent, il reconnaît le travail et l'utilité d'une structure déjà existante. Enfin, le statut juridique de la structure coordonnant le réseau reste incertain : établissement hospitalier (au risque de cantonner le réseau au monde hospitalier), association ou GIP...
La volonté de dispenser des soins de proximité soulève d'autres difficultés. Dans un premier temps, la disparité géographique concernant la richesse de l'offre de soins nécessitera, dans la définition des SROS, des investissements préalables pour rétablir certains équilibres. D'autre part, la délégation de certaines phrases de traitement à des établissements de proximité peut se révéler difficilement compatible avec leurs budgets, compte tenu du prix de certains médicaments.
Afin de renforcer la collaboration entre l'hôpital et la médecine de ville (le médecin généraliste étant le plus souvent le premier acteur de la prise en charge du patient), il serait souhaitable que l'adhésion à ces réseaux puisse apparaître comme un label de qualité, soulignant l'approche pluridisciplinaire propre à cette pathologie, l'assurance d'une orientation avisée du patient au sein du réseau, la concertation, la complémentarité et la qualité des membres du réseau.
La généralisation de tels réseaux permettrait également une meilleure récolte des données sur la fréquence de cette pathologie auprès des registres du cancer dont les principales sources sont actuellement les certificats de décès. Ainsi les études sur l'épidémiologie des cancers souffriraient moins des limites qu'elles connaissent aujourd'hui.
La prise en charge globale du malade et l'égalité d'accès aux soins : LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION - Veiller à la mise en oeuvre effective de la circulaire du 24 mars 1998 relative à l'organisation des soins en cancérologie dans les établissements publics et privés, et préciser les conditions de son articulation avec les réseaux de soins coordonnés en cancérologie. - Favoriser la prise en charge globale du malade dans le cadre des réseaux de soins coordonnés en cancérologie. A cet égard : · simplifier le cadre réglementaire actuellement applicable ; · confier l'agrément des réseaux à un « guichet unique » (ARH ou ARH et URCAM), compétent au niveau régional ; · établir un cahier des charges, définissant les conditions de cet agrément, et assurant, notamment, la participation effective des médecins généralistes ; · surmonter le cloisonnement actuel des financements, par la création d'une enveloppe spécifique (ou la globalisation des enveloppes de financement actuelles) permettant de subvenir aux frais de mise en service ou d'animation des réseaux. - Procéder à un inventaire complet de la nomenclature, et de sa valorisation financière, afin d'en éliminer les éventuels effets pervers en ce qui concerne la prise en charge du cancer. - Définir un budget spécifique hors dotation globale pour les innovations thérapeutiques contre le cancer. METTRE EN OEUVRE DES PRIORITES NETTEMENT IDENTIFIEES Les propositions de la mission d'information (Récapitulatif) 1. La prévention : - Organiser des campagnes nationales d'information plus ambitieuses, associant l'ensemble des partenaires concernés, notamment à destination des populations les plus exposées aux risques sanitaires (tabac, alcool, alimentation ou exposition professionnelle) ; - Favoriser l'intervention des bénévoles des associations de lutte contre le tabagisme ou l'alcoolisme dans les lieux publics et le milieu scolaire ; - Sensibiliser les médecins généralistes à la prévention sanitaire et valoriser, en conséquence, la tarification de leurs consultations. 2. Le dépistage : - Généraliser le dépistage du cancer du sein. Evaluer les effets positifs pouvant être éventuellement attendus d'un abaissement de l'âge de ce dépistage ; - Etudier les conditions scientifiques et méthodologiques autorisant, dans les meilleurs délais, la mise en oeuvre du dépistage de masse du cancer colorectal et de la prostate. - Définir, au plan national, une politique d'évaluation et de suivi des programmes de dépistage. 3. La veille épidémiologique : - Sans attendre, renforcer les moyens financiers consacrés au fonctionnement des registres locaux ou spécialisés existants. - Faire un bilan coûts/avantages de la création éventuelle d'un registre national du cancer ; - Optimiser la collecte et l'analyse, au niveau local (services déconcentrés du ministère de la santé) et national (DGS), des données épidémiologiques disponibles. 4. La recherche : - Impliquer davantage l'Etat dans le financement de la recherche contre le cancer, qui ne peut plus relever de la seule responsabilité des grandes associations nationales, ou de l'industrie pharmaceutique. - Créer un « Institut national de la recherche contre le cancer » concrétisant, en termes financiers, et en association avec les autres acteurs concernés, cet engagement de l'Etat en faveur de la recherche contre le cancer ; - Renforcer, à cette occasion, la recherche de transfert, clinique et thérapeutique, nécessaire à la génération et à l'évolution de référentiels diagnostiques et thérapeutiques. - Tirer les conséquences des études en cours sur l'influence des facteurs génétiques sur la survenue des cancers. 5. La démographie médicale : - Evaluer les besoins prévisibles en oncologie et en radiothérapie et réfléchir, en conséquence, à une éventuelle adaptation du « numerus clausus » ; - Augmenter « l'attractivité » de la cancérologie dans les études médicales, en favorisant, d'une part, les « passerelles » entre la formation des spécialistes d'organes et celles des cancérologues radiothérapeutes ou des oncologues médicaux et en créant, d'autre part, des postes d'assistants chefs de cliniques pour ces disciplines. 6. La radiothérapie et l'imagerie médicale : - Définir une programmation pluriannuelle pour remettre à niveau le parc de radiothérapie (matériels et environnement technique) ; - Créer un statut pour les radiophysiciens ; - Procéder à une revalorisation ciblée de la nomenclature, tant pour le secteur hospitalier que pour la médecine de ville ; - Evaluer, notamment au regard des autres pays développés, le coût d'une mise à niveau de l'équipement en « Pet-Scan » et définir un programme pluriannuel d'investissement en ce domaine. 7. La prise en charge globale du malade et l'égalité d'accès aux soins : - Veiller à la mise en oeuvre effective de la circulaire du 24 mars 1998 relative à l'organisation des soins en cancérologie dans les établissements publics et privés, et préciser les conditions de son articulation avec les réseaux de soins coordonnés en cancérologie. - Favoriser la prise en charge globale du malade dans le cadre des réseaux de soins coordonnés en cancérologie. A cet égard : · simplifier le cadre réglementaire actuellement applicable ; · confier l'agrément des réseaux à un « guichet unique » (ARH ou ARH et URCAM), compétent au niveau régional ; · établir un cahier des charges, définissant les conditions de cet agrément, et assurant, notamment, la participation effective des médecins généralistes ; · surmonter le cloisonnement actuel des financements, par la création d'une enveloppe spécifique (ou la globalisation des enveloppes de financement actuelles) permettant de subvenir aux frais de mise en service ou d'animation des réseaux. - Procéder à un inventaire complet de la nomenclature, et de sa valorisation financière, afin d'en éliminer les éventuels effets pervers en ce qui concerne la prise en charge du cancer. - Définir un budget spécifique hors dotation globale pour les innovations thérapeutiques contre le cancer. EN CONCLUSION L'essentiel de toute politique de santé est de protéger l'Homme. C'est pourquoi l'Homme malade doit être entouré de toute la considération que mérite l'être humain. Il convient donc de répondre aux interrogations et à l'angoisse du malade. * 6 ARH : agence régionale de l'hospitalisation. * 7 URCAM : Union régionale des caisses d'assurance maladie. Accès rapideAccès thématiquesRapports les plus consultés<iframe name="iframe-rapports" src="/rapports/les-plus-consultes.html" frameborder="0" height="106" scrolling="no" width="100%"> </iframe>Librairie en ligneLes autres sites du Sénat |