SOMMAIRE
I. UNE MESURE JUSTIFIÉE FACE À UNE DYNAMIQUE ÉPIDÉMIQUE DE LA FIN DE L'ANNÉE 2021 MARQUÉE PAR UNE VAGUE « DELTA » 7
A. LES PROJECTIONS DE L'ÉVOLUTION DE
L'ÉPIDÉMIE DISPONIBLES
À L'AUTOMNE 2021 LAISSAIENT
PRÉSAGER DE FORTES TENSIONS
SUR LE SYSTÈME DE SOINS
7
1. Les risques de la cinquième vague liée à la propagation du variant Delta 7
2. La conjugaison des vagues « Delta » et « Omicron » 8
3. Une vague hospitalière redoutée 9
B. LA NÉCESSITÉ DE LIMITER L'IMPACT DE
LA VAGUE SUR LE SYSTÈME
DE SANTÉ PAR UNE NOUVELLE INCITATION
À LA VACCINATION
10
1. Les réponses préconisées : l'accroissement de la couverture vaccinale de la population et la campagne de rappel 10
2. Une transformation du passe sanitaire en passe vaccinal comme outil de prévention des conséquences de la nouvelle vague 11
3. Une validation du Conseil constitutionnel sous réserve d'une adéquation à la situation sanitaire 14
II. UN OUTIL QUI N'A PAS PLEINEMENT REMPLI SES OBJECTIFS ET DONT LES EFFETS SONT INCERTAINS FACE À L'ÉVOLUTION DE L'ÉPIDÉMIE 15
A. UN OUTIL QUI N'A PAS PERMIS DE RÉDUIRE
SIGNIFICATIVEMENT
LE NOMBRE DE PERSONNES SUSCEPTIBLES DE DÉVELOPPER
DES FORMES GRAVES
15
1. Les primo-vaccinés recensés depuis mi-décembre ne constituent pas la cible prioritaire pour réduire les potentielles formes graves de la covid-19 15
2. Un essoufflement de la vaccination face à l'évolution de l'épidémie et aux consignes sanitaires contradictoires 20
B. UN OUTIL DONT LE SUIVI ET L'ÉVALUATION SONT INSUFFISANTS 25
1. Un suivi très insuffisant des effets du passe vaccinal 25
2. Les fluctuations et les insuffisances dans les données recueillies nuisent au suivi de l'évolution de l'épidémie 28
3. La contribution variable et lacunaire des agences et des autorités sanitaires au suivi, à l'expertise et l'aide à la décision 30
III. UN OUTIL DONT L'UTILITÉ PEINE
À ÊTRE JUSTIFIÉE DE MANIÈRE OBJECTIVE PAR LE
GOUVERNEMENT AU REGARD DE L'ÉVOLUTION
DE L'ÉPIDÉMIE
34
A. DES MESURES RESTRICTIVES À L'ASSISE SCIENTIFIQUE INSUFFISAMMENT EXPLIQUÉE 34
1. Un circuit de la décision qui ne favorise pas l'acceptabilité des mesures 34
2. Des annonces qui peinent à être justifiées scientifiquement par le Gouvernement 36
B. UNE NOUVELLE PHASE DE L'ÉPIDÉMIE DEPUIS LA MI JANVIER 2022 38
1. Une situation constatée au début de l'année proche des projections scientifiques 38
2. Les données scientifiques confirment les projections optimistes sur l'évolution de l'épidémie 40
a) Un « pic » de la vague qui semble franchi 40
b) Une incertitude quant à l'impact du sous-variant « BA.2 » dont la part progresse dans les contaminations en France 41
c) Une levée anticipée du passe au Danemark aux conséquences a priori maîtrisées 42
3. Des projections encourageantes pour la situation de l'hôpital 44
a) Une nécessaire approche différenciée des hospitalisations « avec » et « pour » covid 44
b) Un ralentissement engagé des admissions et une baisse des hospitalisations projetée très rapide 47
c) Une situation hospitalière très fragile après deux ans de pandémie 49
C. UNE LEVÉE DU PASSE VACCINAL QUI DOIT
DÉSORMAIS S'ENGAGER
AVEC PRÉCAUTION ET DE MANIÈRE
TRANSPARENTE
51
1. Engager sans délai, mais avec prudence, la levée du passe vaccinal 51
2. Impliquer le Parlement et veiller au formalisme de la décision 52
3. Concentrer les efforts sur les populations les plus fragiles 54
I. CONSTITUTION DE LA MISSION D'INFORMATION 59
II. ÉCHANGES DE VUES SUR LE CALENDRIER DES TRAVAUX 61
IV. COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 75
• Audition de M. Gilles Bloch, président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de M. Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'agence interne ANRS Maladies infectieuses émergentes - Priorités et résultats de la recherche médicale et état des connaissances scientifiques sur le variant Omicron de la covid-19 75
• Audition de M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, et M. Jérôme Marchand-Arvier, directeur de cabinet du ministre des solidarités et de la santé 89
• Audition du Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique 104
• Audition du Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur et membre du conseil scientifique, de M. Simon Cauchemez, responsable du laboratoire de modélisation mathématique des maladies infectieuses de l'Institut Pasteur et membre du conseil scientifique, et de Mme Vittoria Colliza, directrice de recherche à l'institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique de l'Inserm 115
• Audition de Mme Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France 129
• Audition de Mme Alice Desbiolles, médecin de santé publique 142
• Audition de M. Fabrice Lenglart, directeur, et de Mme Charlotte Geay, chef du lab innovation et évaluation en santé, de la Drees 167
• Audition de MM. Nicolas Berrod, journaliste, Germain Forestier, chercheur, et Guillaume Rozier, fondateur de CovidTracker 178
• Audition du Professeur Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale 199
• Audition de M. Stanislas Niox-Château, co-fondateur et président-directeur général de Doctolib 211
• Audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé 216
• Audition du Professeur Henrik Ullum, directeur, et du Docteur Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention des maladies infectieuses, du Statens Serum Institut (Danemark) 234
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 249
CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES 253
• Contribution du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) 253
• Contribution du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE) 255
Soucieuse de suivre la proportionnalité des mesures restrictives de gestion de la crise sanitaire, la commission des affaires sociales a obtenu le 20 janvier 2022 les prérogatives d'une commission d'enquête pour évaluer l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19 .
À l'issue de ses travaux, la commission estime qu'il est désormais temps d' engager une levée rapide du passe vaccinal et appelle à renforcer la transparence dans la gestion de l'épidémie, tout en veillant à la protection des plus fragiles.
I. UNE MESURE JUSTIFIÉE FACE À UNE DYNAMIQUE ÉPIDÉMIQUE DE LA FIN DE L'ANNÉE 2021 MARQUÉE PAR UNE VAGUE « DELTA »
A. LES PROJECTIONS DE L'ÉVOLUTION DE L'ÉPIDÉMIE DISPONIBLES À L'AUTOMNE 2021 LAISSAIENT PRÉSAGER DE FORTES TENSIONS SUR LE SYSTÈME DE SOINS
1. Les risques de la cinquième vague liée à la propagation du variant Delta
Après une situation globalement maîtrisée durant l'été 2021 en France hexagonale, une nouvelle vague épidémique forte a émergé à l'automne. Ainsi, si le taux d'incidence au niveau national était passé sous le seuil des 50 cas pour 100 000 habitants le 1 er octobre 2021, une nouvelle progression a commencé dès le 8 octobre. Cette « cinquième vague », est alors caractérisée, comme le soulignait le Gouvernement en décembre 1 ( * ) , par une « augmentation constante depuis le mois d'octobre et dépasse, sur la semaine glissante du 17 au 23 décembre, 700 cas pour 100 000 habitants ».
Deux raisons sont principalement avancées pour l'expliquer : la période hivernale , propice tant à la circulation des virus qu'à des activités en intérieur, d'une part, les effets du variant « Delta » , d'autre part. Majoritaire à la fin de l'année 2021, ce variant est caractérisé par un haut niveau de transmissibilité, estimé 1,6 fois supérieur à celui du variant Alpha, lui-même 1,6 fois plus contagieux que la souche originelle. Surtout, selon plusieurs études internationales, celui-ci engendre une augmentation du risque d'hospitalisation, du risque d'admission en soins critiques et de mortalité.
Cette situation apparaît préoccupante alors que les fêtes de fin d'année et le brassage de population qu'elles occasionnent approchent. Surtout, des études publiées à l'automne indiquent que l'efficacité du vaccin diminue avec le temps et qu'une dose de rappel est nécessaire pour maintenir une protection suffisante contre l'infection mais, surtout, contre les formes graves de la maladie.
2. La conjugaison des vagues « Delta » et « Omicron »
Ce contexte de cinquième vague s'est vite dégradé au cours du mois de décembre du fait de la diffusion particulièrement rapide d'un nouveau variant « Omicron » , classé variant préoccupant par l'OMS le 26 novembre 2021. Les études préliminaires rappelées par le Gouvernement sur la situation au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, où le variant est apparu, suggéraient qu' Omicron serait environ trois fois plus transmissible que le variant Delta .
Fin décembre, cette souche était dominante au Danemark et déjà majoritaire au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ce variant est majoritaire en France depuis la dernière semaine du mois de décembre 2021 et Santé publique France estime que sa proportion atteignait début janvier 2022 plus de 80 % des cas .
Proportions des variants identifiés en circulation
Alors que l'étude d'impact jointe au projet de loi déposé le 27 décembre soulignait que « cette propagation rapide du virus s'est traduite par l'atteinte des niveaux de contaminations les plus élevés observés depuis le début de la pandémie , avec 84 272 nouveaux cas positifs pour la seule journée du 22 décembre, 91 608 cas positifs détectés le 23 décembre et 104 611 cas positifs enregistrés le 24 décembre », le nombre de cas constatés au début de l'année 2022 dépasse considérablement ces précédents records.
Le 5 janvier 2022, soit au début de l'examen en première lecture du projet de loi au Sénat, plus de 330 000 tests positifs étaient recensés.
3. Une vague hospitalière redoutée
Dans son avis 2 ( * ) du 16 décembre 2021, le conseil scientifique estimait que la « 6 ème vague due au variant Omicron va s'installer rapidement et poursuivre sans vrai répit la 5 ème vague liée au variant Delta ». Surtout, « cette situation pourrait mettre en grande tension le système de soins à partir de la mi-janvier pour une période de plusieurs semaines . L'impact des vagues Delta et Omicron se fera sentir sur le système hospitalier tout au long du premier trimestre 2022 , et peut-être au-delà. Après cette période difficile, la situation épidémiologique devrait s'améliorer par la suite, notamment avec l'arrivée du printemps ».
Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi déposé le 27 décembre 2021, le Gouvernement insistait particulièrement sur la situation hospitalière le conduisant à proposer ces mesures nouvelles : « au 26 décembre 2021, on dénombrait 16 431 patients hospitalisés pour cause de covid-19, parmi lesquels 3 160 étaient pris en charge en soins critiques. Ainsi, le taux d'occupation des lits de réanimation continue d'augmenter et s'établit désormais à 65 % de la capacité d'accueil . De plus, la tension hospitalière est accrue par la circulation d'autres virus à la faveur de la période hivernale et par les nécessaires reprogrammations d'interventions chirurgicales qui avaient été reportées lors des précédentes vagues épidémiques ». Au 8 janvier, 21 721 personnes étaient hospitalisées, 3 821 personnes en soins critiques.
Les premières études sur le variant Omicron indiquaient que ce dernier semblait conduire à des formes moins graves que le variant Delta. Cependant, les projections soulignaient alors que sa très forte contagiosité, renforcée par rapport au précédent variant, pourrait en définitive engendrer une vague hospitalière très haute. Était alors éventuellement anticipée une répartition différente des besoins entre lits d'hospitalisation classique avec oxygénation et lits de réanimation .
Aussi, bien que désormais minoritaire en proportion, le variant Delta demeurait début janvier à un très haut niveau en nombre de cas, avec donc un fort risque persistant pour les lits en réanimation.
Reprise attendue des hospitalisations en fonction des hypothèses sur la croissance et la sévérité d'Omicron
Note : Les lignes noires représentent les données, les lignes colorées les simulations
Source : Institut Pasteur, publication du 27 décembre 2021
* 1 Étude d'impact du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire.
* 2 Avis du Conseil scientifique COVID-19 du 16 décembre 2021 - Mise à jour de l'avis du 8 décembre 2021, le variant Omicron : anticiper la 6ème vague.