II. UN OUTIL QUI N'A PAS PLEINEMENT REMPLI SES OBJECTIFS ET DONT LES EFFETS SONT INCERTAINS FACE À L'ÉVOLUTION DE L'ÉPIDÉMIE
A. UN OUTIL QUI N'A PAS PERMIS DE RÉDUIRE SIGNIFICATIVEMENT LE NOMBRE DE PERSONNES SUSCEPTIBLES DE DÉVELOPPER DES FORMES GRAVES
1. Les primo-vaccinés recensés depuis mi-décembre ne constituent pas la cible prioritaire pour réduire les potentielles formes graves de la covid-19
Après avoir annoncé, le 25 novembre 2021, que la validité du passe sanitaire pour les personnes majeures serait conditionnée, à compter du 15 janvier 2022, à une dose de rappel administrée au plus tard 7 mois après la dose précédente, le Gouvernement a procédé, le 17 décembre, à l'annonce de la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal à compter du 15 janvier 2022. Ces annonces ont été suivies d'une augmentation significative de l'administration de doses de vaccin , pour l'entrée dans un schéma vaccinal ainsi que pour un rappel vaccinal.
Le taux de population ayant reçu une dose de rappel est ainsi passé de 8,5 % au 21 novembre 2021 à 47,1 % au 16 janvier 2022 , pour atteindre 55,9 % au 13 février 2022. Quant à la part de la population ayant reçu au moins une première injection, elle est passée de 77,6 % au 21 novembre 2021 à 79,8 % au 16 janvier 2022 , pour atteindre 80,4 % au 13 février 2022. Entre le 20 décembre et le 23 janvier, ce sont ainsi 800 000 personnes qui ont reçu une première dose de vaccin.
Évolution du taux de vaccination de la population (en %)
Source : commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
Alors que l'incitation à l'administration d'une dose de rappel pour les personnes vaccinées pouvait être obtenue en conditionnant la validité d'un passe sanitaire à une dose de rappel, le passe vaccinal permettait d'inciter les personnes non vaccinées à s'engager dans la vaccination.
L'utilité du passe vaccinal doit donc être principalement évaluée au regard du nombre de primo-vaccinations réalisées depuis qu'il a été annoncé, en particulier pour les personnes les plus vulnérables.
Nombre de primo-vaccinations réalisées en moyenne hebdomadaire
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
Si l'on constate une augmentation du nombre de primo-injections administrées après l'annonce du passe vaccinal, cette hausse est sans commune mesure avec celle observée après la mise en place du passe sanitaire. Cet écart doit toutefois être relativisé au regard du nombre de personnes encore non vaccinées à la fin de l'année 2021, estimé à environ 5 millions par le ministère des solidarités et de la santé.
Personnes ayant reçu au moins une injection (par tranche d'âge)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
Les données de l'Assurance maladie sur les primo-vaccinations réalisées depuis la mi-décembre 2021 montrent que l'entrée dans la vaccination a davantage concerné les personnes âgées de moins de 40 ans . Les personnes non vaccinées de moins de 40 ans étant plus nombreuses que celles de 40 ans et plus, elles ont logiquement été plus nombreuses à recevoir une première dose de vaccin. Il n'en demeure pas moins que plus la population est âgée, moins la progression de la vaccination a été importante , alors que les risques de développer une forme grave de la covid-19 augmentent avec l'âge.
Nombre de non vaccinés par tranche d'âge Part des personnes non vaccinées par tranche d'âge
Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après les données Vac-SI
Si le nombre de personnes non vaccinées, tous âges confondus, a diminué de 10 % entre le 12 décembre et le 6 février , on observe que cette diminution a été plus significative chez les plus jeunes, sans même tenir compte de l'ouverture de la vaccination à l'ensemble des enfants de 5 à 11 ans depuis le 22 décembre 2021.
Entre le 12 décembre et le 6 février, le nombre de personnes non vaccinées a ainsi diminué de 34 % pour les personnes âgées de 18 à 39 ans , de 20 % pour celles âgées de 40 à 64 ans et de 13 % pour les personnes de 65 ans et plus 14 ( * ) .
Associées au déploiement du passe sanitaire puis du passe vaccinal, les démarches dites « d'aller vers » pour inciter les personnes vulnérables à la vaccination , dont le renforcement a été annoncé le 17 décembre par le Gouvernement, n'ont donc pas dans le même temps suffisamment porté leur fruits . Au-delà des personnes qui ne sont pas entrées dans la vaccination par manque d'information ou du fait de difficultés d'accès à la santé, demeure en outre une part de la population qui est opposée au vaccin et qui a fait le choix, malgré les contraintes posées par la loi, de ne pas se faire vacciner.
Au total, l'annonce du passe vaccinal a donc été suivie d' une hausse certaine des primo-vaccinations entre la mi-décembre 2021 et la fin janvier 2022 mais elle n'a pas permis de cibler en priorité les personnes non vaccinées les plus âgées , qui présentent le plus de risques de développer une forme grave de la covid-19 et d'être hospitalisées.
Risque, conditionnel à un test positif, d'entrer
en hospitalisation
pour covid-19 selon le statut vaccinal
Source : Drees. Données au 11 février 2022 (appariements entre les bases SI-VIC, SI-DEP et VAC-SI)
L'annonce du passe vaccinal a donc été suivie d'une hausse certaine des primo-vaccinations jusqu'à la fin janvier 2022 mais elle n'a pas permis de cibler en priorité les personnes non vaccinées les plus susceptibles de développer une forme grave de la covid-19.
2. Un essoufflement de la vaccination face à l'évolution de l'épidémie et aux consignes sanitaires contradictoires
La hausse de la vaccination, tant pour un schéma initial que pour un rappel, s'est rapidement dégradée au début de l'année 2022 , alors que le variant Omicron, plus contagieux mais moins sévère que Delta, devenait majoritaire et que des perspectives de levée des restrictions sanitaires se dessinaient.
Tout d'abord, la montée d'une vague liée au variant Omicron, marqué par une forte contagiosité, a entrainé une circulation virale encore jamais observée, la vaccination n'empêchant pas la transmission du virus. Le nombre de tests positifs quotidien a ainsi dépassé les 350 000 à la mi-janvier 2022.
En conséquence, près d'un français sur cinq aurait été contaminé par le variant Omicron , comme l'indique le Conseil scientifique dans son avis du 19 janvier 2022 : « L'analyse des données de criblage et des données sur les cas suggère que depuis l'émergence d'Omicron, 4,5 millions de cas déclarés ont été infectés par le variant Omicron. Cela correspond à 9-14 millions d'infections par le variant Omicron depuis l'émergence du variant en France sous l'hypothèse que 33-50 % des infections sont détectées comme étant des cas positifs. Ce niveau d'infections est exceptionnel sur une si courte période dans l'histoire de l'épidémie. Pour rappel, on estime que le nombre de contaminations durant la 1 ère vague (mars-avril 2020) était d'environ 3 millions. »
Ces contaminations ont ainsi annulé ou reporté la nécessité, pour les personnes concernées, de se faire vacciner, soit pour un schéma initial, soit pour un rappel . En effet, depuis le 15 février, un test positif doit dater de plus de 11 jours et, pour les personnes infectées avant toute injection, entre deux injections ou moins de 3 mois après leur schéma vaccinal initial, de moins de quatre mois pour assurer la validité du passe vaccinal. Les personnes qui ont été testées positives plus de trois mois après leur schéma vaccinal initial complet obtiennent un passe vaccinal valide pour une durée illimitée, au même titre qu'avec une dose de rappel .
Ainsi, au 15 janvier, 4,6 millions de personnes cumulent une vaccination complète, avec ou sans rappel, avec un certificat de rétablissement , soit deux justificatifs permettant la validité du passe vaccinal.
Profil des passes vaccinaux actifs
pour les 18 ans et plus, au 15 janvier 2022
Source
: Commission des
affaires sociales du Sénat, d'après les données transmises
par le ministère
des solidarités et de la santé
En outre, la moindre dangerosité du variant Omicron, comparée à Delta, a pu désinciter à la vaccination pour un schéma initial ou pour un rappel.
Enfin, l'évolution de l'épidémie a conduit le Gouvernement à annoncer dès le 20 janvier la levée progressive de certaines restrictions alors que le passe vaccinal n'entrait en vigueur qu'au 24 janvier 2022. Le Gouvernement a ainsi annoncé :
- à compter du 2 février, la fin des jauges dans les établissements recevant du public, la levée du télétravail « obligatoire » et la fin de l'obligation du port du masque à l'extérieur ;
- à compter du 16 février, la réouverture des discothèques, la reprise des concerts debout, la consommation debout dans les bars et la consommation possible dans les stades, cinémas et transports publics.
À cette même date, le Gouvernement a indiqué qu'à compter du 15 février, le délai d'injection du rappel vaccinal serait réduit de 7 à 4 mois et que le délai de validité du certificat de rétablissement serait réduit de 6 à 4 mois . Ces raccourcissements de délais ont pour conséquence de faire expirer plus rapidement les passes vaccinaux dont la validité était due à un seul schéma vaccinal initial complet ou à un certificat de rétablissement.
L'expiration progressive de certains passes vaccinaux
Le certificat de rétablissement pour les personnes possédant un premier schéma vaccinal complet est aujourd'hui valide sans limite de temps. Les expirations de passes vaccinaux ne concernent que les personnes n'ayant pas été vaccinées et ayant été infectées ou n'ayant pas complété leur premier schéma par une injection et n'ayant pas été contaminées.
- Au 15 février : environ 4,0 millions de personnes ont perdu leur passe vaccinal (schéma initial complet), en moyenne 10 000 certificats de rétablissement (0 dose) expirent chaque semaine.
- Au 15 mars : environ 0,6 million de passes supplémentaires pourraient arriver à expiration (schéma initial complet), en moyenne 15 000 certificats de rétablissement (0 dose) pourraient expirer chaque semaine à cette période de l'année.
- Au 15 avril : environ 1,0 million de passes supplémentaires pourraient arriver à expiration (schéma initial complet), en moyenne 65 000 certificats de rétablissement (0 dose) pourraient expirer chaque semaine à cette période de l'année.
Source : Réponses du ministère des solidarités et de la santé aux questions des rapporteurs
La succession d'annonces parfois contradictoires, avant même que certains outils de gestion de l'épidémie soient applicables, a contribué à brouiller le message adressé à la population. La perspective d'une amélioration de la situation sanitaire, annoncée par le Gouvernement par la levée de certaines restrictions dès le début du mois de février, a certainement contribué à limiter le principal effet du passe vaccinal qui est d'inciter les personnes non vaccinées à entrer dans la vaccination.
Primo-vaccinations depuis décembre 2021
(par
tranche d'âge)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
Nombre moyen de primo-injections quotidiennes depuis le 1 er novembre 2021
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
Le nombre d'injections quotidiennes, qu'elles soient réalisées pour un schéma initial ou pour un rappel, a donc significativement diminué depuis la mi-janvier.
Nombre moyen d'injections de rappel
réalisées quotidiennement
depuis le 1
er
novembre
2021
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Vac-SI
* 14 D'après les données de l'Assurance maladie.