ANNEXES
ANNEXE 1
COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DU SENAT |
Rapport de synthèse sur la gestion des personnels des EPST (période 1996-2003) |
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Octobre 2003 |
SOMMAIRE
INTRODUCTION 44
I. LA POLITIQUE DE L'EMPLOI SCIENTIFIQUE 47
A. LES STRUCTURES ET LES MOYENS DU PILOTAGE AU MINISTÈRE CHARGÉ DE LA RECHERCHE 47
1. L'organisation du ministère de la recherche 47
2. La coordination entre les directions du ministère de l'éducation nationale 47
3. La coordination et le conseil aux EPST en matière de gestion des ressources humaines 48
4. Les remontées d'informations vers le ministère de la recherche 49
B. LES ACTIONS MISES EN oeUVRE PAR LE MINISTÈRE DE LA RECHERCHE 49
1. L'âge moyen des chercheurs 49
2. La gestion prévisionnelle et le problème du renouvellement des personnels des EPST dans les années 2000-2010 50
3. L'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) 54
C. LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES DANS LES EPST 56
II. LA GESTION DES PERSONNELS DES EPST 57
A. LES CHERCHEURS 57
1. Le statut 57
2. Les concours de recrutement 57
3. Les post-doctorants 59
4. Les personnels rémunérés sur convention de recherche 60
5. La mobilité 60
B. LES ITA 61
1. Le rapport ITA/chercheurs 61
2. Les concours de recrutement 61
C. LA GESTION DES CRÉDITS ET LES RÉMUNÉRATIONS 63
1. Les retards de recrutement et les virements des crédits de personnel non utilisés 63
2. La rémunération des personnels dirigeants (président, directeur général, secrétaire général, directeurs...) 63
3. Les rémunérations complémentaires fonctionnelles : l'indemnité pour fonction d'intérêt collectif 64
4. Les primes de recherche 64
III. L'ÉVALUATION DES PERSONNELS 67
A. LA DÉMARCHE D'ÉVALUATION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE 67
B. L'ÉVALUATION DES CHERCHEURS 68
1. Caractéristiques générales 68
2. La composition des instances 68
3. La procédure 70
4. Les conséquences 70
INTRODUCTION
La Cour a, depuis quelques années, renforcé ses investigations dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Cette orientation l'a notamment amenée à publier en 1999 et en 2001 deux rapports consacrés à la fonction publique de l'Etat et, à inclure dans ses autres publications, chaque fois que cela semblait opportun, comme par exemple, dans le récent rapport d'avril 2003 relatif à la gestion du système éducatif, des analyses relatives aux ressources humaines.
En ce qui concerne la recherche scientifique publique, la Cour a déjà formulé des observations relatives à la gestion des ressources humaines dans ses rapports publics de 1999, 2000 et 2001.
Ainsi, dans le chapitre du rapport public de 1999 consacré à la gestion des établissements publics de recherche et à leurs relations avec les autorités de tutelle, la Cour faisait le constat de l'insuffisante autonomie de gestion des EPST, de la forte augmentation des dépenses de personnel, du vieillissement des équipes, et de la faible mobilité interne et externe des chercheurs.
En 2000, à l'occasion de l'examen du rôle du ministère de la recherche et des organismes de recherche dans le domaine biomédical, la Cour incitait le ministère de la recherche à consacrer une attention particulière au recrutement de jeunes chercheurs et à l'amélioration des procédures d'évaluation.
En 2001, à l'issue du contrôle du CNRS, elle relevait la faible mobilité des chercheurs, l'absence d'effet pratique de l'évaluation des travaux et l'aspect décisif pour l'avenir du renouvellement du potentiel de recherche.
Compte tenu des enjeux associés à la recherche scientifique, il a paru important d'approfondir et d'actualiser ces constats. Les politiques de ressources humaines sont en effet un élément majeur des politiques scientifiques. Les performances de la recherche scientifique sont étroitement liées à la qualité des ressources humaines auxquelles elle fait appel et en premier lieu à celle de ses chercheurs (même si certains domaines de la science sont de plus en plus dépendants d'équipements techniques).
La Cour a étudié plus spécifiquement la gestion des ressources humaines, pendant la période 1996-2002, dans les neuf établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), en complément du dernier cycle de contrôle de ces organismes (intervenu entre 1996 et 2000), ainsi que l'organisation et le fonctionnement de la tutelle exercée par le ministère chargé de la recherche. Le présent document fait la synthèse de ces différentes enquêtes et des réponses apportées par le ministère aux observations de la Cour.
Tableau n° 1 : Liste des EPST
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Dénomination |
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CNRS |
Centre national de la recherche scientifique |
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CEMAGREF |
Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts |
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INED |
Institut national d'études démographiques |
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INRA |
Institut national de la recherche agronomique |
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INRETS |
Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité |
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INRIA |
Institut national de recherche en informatique et automatique |
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INSERM |
Institut national de la santé et de la recherche médicale |
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IRD (ex ORSTOM) |
Institut de recherche pour le développement |
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LCPC |
Laboratoire central des ponts et chaussées |
La Cour poursuivra ses travaux en examinant les mesures prises par les établissements au vu de ses premières séries d'observations, lors du nouveau cycle de contrôle ouvert en 2003, qui se poursuivra en 2004 et 2005 et sera étendu à deux établissements publics à caractère industriel et commercial qui ont pour mission d'effectuer des recherches scientifiques : le CIRAD 2 ( * ) et l'IFREMER 3 ( * ) . Elle vient également d'engager une enquête sur la recherche universitaire qui devrait s'achever au printemps 2005 et qui l'amènera à examiner plus particulièrement, sous cet angle, la gestion des enseignants chercheurs.
Les EPST représentent une large part de l'effort de recherche et développement public. En 2000, ils ont réalisé environ 37 % des dépenses totales et employaient 34 % des effectifs (soit 45 891 personnes 4 ( * ) ) affectés à la recherche publique civile 5 ( * ) .
Ils sont régis par des dispositions communes édictées, en particulier, par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France. Ils constituent, néanmoins, un ensemble hétérogène regroupant des entités de taille, de finalités et d'organisation très différentes. Chacun d'entre eux dispose d'un statut particulier, qui bien que respectant les principes généraux édictés par la loi du 15 juillet 1982, comporte des dispositions propres, notamment quant au rôle et la répartition des compétences entre les différentes instances. L'organisation mise en place par chaque établissement pour son fonctionnement et sa gestion est également spécifique, compte tenu notamment de la taille, du nombre et de la dispersion géographique des différentes unités de recherche et des liens plus ou moins étroits entretenus avec d'autres institutions (ministère de tutelle, universités....).
Les statuts des personnels de ces établissements sont établis sur le même modèle à partir des principes et règles édictés par la loi de 1982 et le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des EPST.
Les EPST ont recruté massivement comme toute la recherche publique dans les années 60 et 70. Les rythmes de recrutement ont été, en revanche, très ralentis dans les années 80 et 90. Cette irrégularité dans les flux de recrutement produit différentes conséquences. Les chercheurs publics français de l'enseignement supérieur et des EPST sont aujourd'hui parmi les plus âgés du monde (leur âge moyen, en 2000, était de 47 ans 6 ( * ) ). Les EPST connaîtront à partir de 2005 des flux de départs importants. Sur la période 2005-2012 c'est environ 50 % des chercheurs actuellement en poste qui quitteront leurs fonctions.
Une telle perspective, très favorable à un redéploiement des moyens en fonction de nouvelles orientations stratégiques, pose le problème du renouvellement du potentiel de recherche qui s'inscrit dans un contexte d'incertitude sur l'efficacité de la recherche publique française, de structuration de la recherche scientifique au niveau européen et dans le cadre d'une compétition internationale grandissante. Dans le même temps, la désaffection pour les études scientifiques réduit les ressources humaines disponibles. Les recrutements qui vont intervenir dans la recherche scientifique au cours de la prochaine décennie constituent donc à la fois un défi par leur ampleur, en même temps qu'une opportunité de réorientation en faveur des champs disciplinaires considérés comme prioritaires et d'adaptation aux nouvelles conditions de la production scientifique.
Ces considérations justifient une réflexion sur les conditions de la gestion des ressources humaines dans les EPST et sur la manière dont sont abordés et éventuellement anticipés les recrutements et changements à venir.
Les observations de la Cour portent sur la politique de l'emploi scientifique, la gestion des ressources humaines, et l'évaluation des personnels.
I. LA POLITIQUE DE L'EMPLOI SCIENTIFIQUE
Au regard des enjeux qui viennent d'être évoqués, les structures responsables tant de la définition des politiques de ressources humaines que de leur mise en oeuvre paraissent insuffisantes, à la fois du point de vue de leur organisation, comme en ce qui concerne les instrument de pilotage. Il faut probablement y voir une cause de la faiblesse des initiatives prises en matière de politique de l'emploi scientifique pendant la période étudiée. L'action essentielle a consisté dans la préparation d'un plan décennal de l'emploi scientifique à caractère quantitatif et qualitatif, adopté à la fin de 2001 et abandonné en 2003 après seulement un an de mise en oeuvre.
Les compétences relatives aux ressources humaines des EPST sont partagées entre le ministère chargé de la recherche et les établissements. Le ministre chargé de la recherche a un rôle général de définition des politiques et des cadres juridiques et statutaires, ainsi que de tutelle à l'égard des établissements. En revanche, son rôle est marginal dans la gestion administrative de ces personnels 7 ( * ) . Cette dernière est largement de la compétence des établissements eux-mêmes 8 ( * ) , qui au travers notamment des recrutements, de l'évaluation ou des pratiques indemnitaires disposent d'espaces de liberté qui permettent d'orienter les politiques de ressources humaines.
A. LES STRUCTURES ET LES MOYENS DU PILOTAGE AU MINISTÈRE CHARGÉ DE LA RECHERCHE
1. L'organisation du ministère de la recherche
Entre 1997 et le début de l'année 2000, aucune structure administrative n'était chargée des questions de ressources humaines et aucune expertise n'était présente au sein de l'administration centrale du ministère de la recherche.
Au milieu de l'année 2000, un directeur de projet a été nommé afin de préparer le plan décennal pour l'emploi scientifique. Mais ce n'est qu'en avril 2002, que l'embryon d'une structure administrative destinée à suivre d'une manière plus générale les questions de ressources humaines dans la recherche publique a été créé avec la nomination d'un chargé de mission auprès du sous-directeur chargé des organismes de recherche et de la coordination de la politique de recherche. Cette évolution a été confirmée, en 2003, par la création d'un bureau de l'emploi scientifique.
2. La coordination entre les directions du ministère de l'éducation nationale
Les questions statutaires relatives aux personnels des EPST font intervenir plusieurs directions du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : direction des personnels enseignants pour les chercheurs, direction des personnels, de la modernisation et de l'administration pour les ingénieurs et techniciens, direction des affaires financières et direction des affaires juridiques. L'organisation mise en place répond à une logique de spécialisation technique : instruction par la direction gestionnaire du corps, validation par la direction des affaires juridiques et coordination statutaire avec les autres ministères assurée par la direction des affaires financières.
En pratique, cet ordonnancement complexe fonctionne mal 9 ( * ) . Les questions relatives aux personnels des EPST sont relativement marginales par rapport aux compétences des directions concernées relatives aux personnels de l'éducation nationale.
L'éclatement des responsabilités entre directions du ministère de l'éducation nationale et du ministère de la recherche suppose, au minimum, qu'une structure spécifique dispose d'une vision et d'une compétence d'ensemble sur les personnels de recherche afin d'assurer une coordination indispensable entre les différents intervenants. Il paraît logique que cette responsabilité soit assurée par l'administration du ministère chargé de la recherche. Mais en l'absence d'une telle compétence, au sein des directions de la recherche ou de la technologie, cette fonction de coordination n'était plus réellement assumée jusqu'en avril 2002, sauf ponctuellement lorsque le directeur de la recherche, son adjoint ou éventuellement le cabinet du ministre se saisissait d'un dossier.
Le ministère de la recherche reconnaît d'ailleurs à ce sujet que « ce fonctionnement devient très difficile lorsque les directions de la recherche et de la technologie ne disposent pas d'interlocuteur unique et qu'elles ne disposent pas de ressources suffisantes pour assurer la maîtrise d'ouvrage des dossiers. C'est particulièrement le cas dans le domaine de l'emploi scientifique et de la gestion des personnels statutaires de la recherche(...) Le regroupement dans une structure unique et identifiable des compétences en matière de maîtrise d'oeuvre aujourd'hui dispersées dans trois directions s'agissant des corps de chercheurs et d'ITA aurait rendu le traitement des dossiers plus facile ».
3. La coordination et le conseil aux EPST en matière de gestion des ressources humaines
Le rôle de coordination générale du ministère de la recherche à l'égard des EPST s'étend naturellement aux questions de ressources humaines. Cette fonction est assurée par des réunions régulières des différents responsables (directeurs généraux et secrétaires généraux) autour du directeur de la recherche ou du sous-directeur chargé de la sous direction des organismes de recherche et de la coordination des politiques de recherche. Cependant, entre 1997 et mars 2002, pour les raisons précédemment évoquées le ministère de la recherche ne pouvait pas s'appuyer sur les compétences nécessaires pour assumer cette fonction.
Ainsi, en matière d'automatisation de la gestion des ressources humaines, chaque EPST a développé ou acheté ses propres logiciels de manière insuffisamment concertée. Par conséquent les produits et solutions retenues sont spécifiques à chaque établissement alors que la plupart des problèmes de gestion des ressources humaines sont identiques dans tous les EPST et que le recours à des solutions informatiques communes aurait vraisemblablement permis une économie de moyens.
Dans le cadre de sa fonction de coordination, le ministère de la recherche n'a que fort peu incité les EPST à collaborer entre eux.
4. Les remontées d'informations vers le ministère de la recherche
Les EPST produisent mensuellement à l'intention du contrôle financier des tableaux d'évolution des effectifs et de l'occupation des emplois budgétaires. En dehors de ces documents, les remontées régulières d'informations relatives aux ressources humaines en direction du ministère de la recherche sont très limitées. Une question importante comme la mobilité des chercheurs ne fait l'objet d'aucun suivi précis faute d'informations quantitatives et qualitatives fiables et actualisées.
Dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats pluriannuels, les EPST devraient désormais transmettre annuellement des indicateurs de suivi notamment dans le domaine des ressources humaines. Mais en réalité, à l'exception de l'INRIA 10 ( * ) , ces indicateurs n'ont pas été définis précisément, voire sont absents des contrats d'établissement et le ministère ne s'est pas préoccupé, jusqu'à présent, d'obtenir l'élaboration d'indicateurs homogènes et comparables entre les établissements.
* 2 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
* 3 Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer.
* 4 Il s'agit des effectifs en ETP (équivalent temps plein) travaillant dans ces établissements quelle que soit l'origine de la rémunération. En 2000, les effectifs budgétaires des EPST étaient de 44 050 emplois qui avaient permis de rémunérer 41 732 personnes (ETP).
* 5 En 2000, les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations publiques civiles se sont élevées à 10,4 milliards d'euros, pour des effectifs de 134 987 personnes employées (en ETP et quelle que soit l'origine de la rémunération). L'enseignement supérieur représentait 37,5 % de ces dépenses et 45,4 % des effectifs et les EPIC de recherche environ 23 % des dépenses et 15,7 % des effectifs (sources : Etats de la recherche et du développement technologique, annexés aux projets de loi de finances pour 2002 et 2003).
* 6 source OST
* 7 Le ministre chargé de la recherche n'est appelé à intervenir que dans des cas très limités tels que la nomination des personnels dirigeants (présidents, directeurs généraux, secrétaires généraux)
* 8 Le LCPC constitue un cas particulier
* 9 Comme le relève un rapport de janvier 2000 de l'IGAENR sur « l'évaluation du système d'élaboration des textes statutaires par l'administration centrale ».
* 10 Ainsi l'on trouve dans le contrat de l'INRIA des indicateurs relatifs aux effectifs de personnels de différentes catégories, aux conditions de recrutement des chercheurs (exemple : la proportion des directeurs de recherche ne provenant pas du corps des chargés de recherche de l'INRIA), à la mobilité des chercheurs et ingénieurs, tel que le taux de mobilité annuel des chercheurs titulaires, le nombre de séjours à l'étranger de plus de trois mois ou les départs de chercheurs ou ingénieurs vers les entreprises....