Mme Audrey Bélim. Cet amendement symbolique vise à attirer l’attention de M. le ministre sur le financement global de la recherche agricole. Dans un contexte de bouleversement climatique et de crise agricole, et alors que le Gouvernement affirme vouloir renforcer notre souveraineté alimentaire, la recherche publique doit être non seulement maintenue, mais aussi développée.

Les économies nécessaires ne peuvent affecter ce point névralgique, au risque de compromettre directement notre avenir alimentaire. L’ensemble de nos productions sont concernées et attendent que les recherches menées aboutissent à des solutions. De la lutte contre la drosophila suzukii sur les cerises à la flavescence dorée sur la vigne, sans oublier la mouche de l’olive, toutes les productions connaissent aujourd’hui des impasses techniques qui remettent structurellement en cause leur existence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Cet amendement, qui porte sur un sujet à l’évidence d’un grand intérêt, n’est pas opérant.

La commission en demande donc le retrait. À défaut, elle y sera défavorable. Je demande néanmoins à M. le ministre de se pencher sur la question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Il y a une erreur dans les documents initiaux du PLF 2025 : la subvention du ministère de l’agriculture pour la recherche agricole est bien de 25 232 865 euros et non de zéro. Nous soutenons massivement cette activité.

Le Gouvernement demande donc lui aussi le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1579 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1966, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

1

 

1

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

1

 

1

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

1

1

1

1

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement d’appel vise à créer une allocation d’autonomie jeunesse pour tous les jeunes en formation de 18 à 25 ans. Il s’inspire de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études, déposée par notre groupe et dont nous avons discuté voilà un peu plus d’un an.

Les 18-24 ans sont les plus touchés par la pauvreté, puisqu’ils sont 1,4 million à vivre sous le seuil de pauvreté. Face à cette galère quotidienne, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se priver de nourriture, de soins, de chauffage ou de loisirs. Les aides sociales actuelles à destination des jeunes en formation dépendent des revenus des parents. Ce fonctionnement entraîne une mauvaise prise en compte de la situation réelle des jeunes et constitue un frein à leur émancipation. La multiplication des aides sous condition de revenus entraîne un taux de non-recours de plus en plus important, qui atteint désormais 50 %.

Pour faire face à cette crise, les mesures conjoncturelles ne suffisent plus. Il faut remettre à plat le système de protection sociale des jeunes. Afin de garantir les conditions de vie décentes à notre jeunesse et de lui donner des moyens de s’émanciper, nous proposons donc d’instaurer une allocation d’autonomie universelle d’études de 1 092 euros par mois pour tous les jeunes en formation de 18 à 25 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de cet amendement d’appel, sur lequel la parole de M. le ministre est attendue. À défaut, elle y sera un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Le Gouvernement défend le principe d’un système d’aides équitable et redistributif, centré sur ceux qui en ont le plus besoin. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1966.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je vous rappelle que la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Article 60

Après l’article 60

M. le président. L’amendement n° II-1967, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de l’article L. 841-5 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les établissements publics d’enseignement supérieur, le montant versé au titre de chaque étudiant inscrit est au moins deux fois supérieur à celui versé aux établissements d’enseignement supérieur privés. ».

II. – La perte de recettes résultant du présent article pour les établissements publics d’enseignement supérieur, des établissements mentionnés aux articles L. 443-1 et L. 753-1 du code de l’éducation ou à l’article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales dispensant des formations initiales d’enseignement supérieur, des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à garantir une attribution prioritaire de la CVEC aux établissements publics d’enseignement supérieur.

Le décret n° 2024-777 du 8 juillet 2024 portant modification de la répartition du produit de la CVEC a aligné le montant versé aux établissements publics d’enseignement supérieur et aux établissements d’enseignement supérieur privés, à hauteur de 46 euros. Précédemment, la répartition était plus favorable aux établissements publics, qui touchaient 41 euros, contre 20 euros pour les établissements privés.

Les écologistes dénoncent cette augmentation déguisée du financement de l’enseignement supérieur privé. Cet amendement vise donc à garantir que le montant versé au titre de chaque étudiant inscrit dans un établissement public d’enseignement supérieur soit au moins égal au double de celui qui est versé dans les établissements d’enseignement supérieur privés. La détermination de ce montant continuerait à être faite par voie réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. Comme les étudiants du privé paient le même montant de CVEC que ceux du public, il serait injuste qu’ils bénéficient d’un financement moitié moindre. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Le Gouvernement se range à l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Les établissements publics d’enseignement supérieur mènent un certain nombre d’actions en matière de jeunesse et de vie associative qui bénéficient aussi aux étudiants du privé. Je pense aux infrastructures sportives ou aux associations subventionnées. C’est pourquoi les établissements publics ont besoin de se voir redistribuer une part de CVEC plus importante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1967.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1989, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de la clause de revoyure prévue par la loi de programmation de la recherche.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. C’est une demande de rapport sur une demande de rapport. (Sourires.) La LPR prévoyait une clause de revoyure et le Gouvernement aurait donc dû nous présenter un bilan dès la première année. Nous ne l’avons jamais reçu.

Je pense que vos services, monsieur le ministre, tiennent un décompte précis et actualisé de la mise en œuvre de la LPR. Si ce décompte avait été favorable, si le Gouvernement avait respecté la LPR, vous nous l’auriez dit. Je subodore qu’elle n’est pas tout à fait respectée. Je souhaiterais savoir précisément dans quelles proportions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Nous ne votons jamais les demandes de rapport, mais, sur le fond, cette clause de revoyure doit être respectée, monsieur le ministre.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Cet amendement est satisfait, son dispositif étant conforme à l’article 3 de la LPR. Je m’engage à ce que cette clause de revoyure soit respectée. À ce stade, je comprends que 100 % des crédits de la LPR ont été dépensés conformément à ce qui était prévu. Il est normal qu’un rapport soit rendu au Parlement pour le certifier.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Réécrire dans la loi le principe d’une clause de revoyure pourrait ne servir à rien, puisque cela y figure déjà. Mais il serait beau que le Sénat vote cet amendement à l’unanimité. Je le voterai, en tout cas, pour faire passer ce message au Gouvernement. (Marques dapprobation sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1989.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur lensemble des travées.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 60.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je souhaite vous remercier, pour ma première expérience au Sénat, de la qualité des débats et des échanges. Je m’engage à porter le budget que vous avez voté, même s’il reste à finaliser pour converger complètement, et à soutenir sans faille la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-huit, est reprise à seize heures deux.)

M. le président. La séance est reprise.

Écologie, développement et mobilité durables

Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 60), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous précise d’emblée que je ne vais pas tenter la gageure de présenter les crédits de huit programmes en sept minutes ! (Sourires.)

La discussion des amendements nous permettra certainement d’évoquer l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), le fonds Chaleur, le fonds Économie circulaire, le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (CAS Facé), ou le développement des énergies renouvelables… Autant de sujets qui auraient eu leur place dans ce propos liminaire.

Il y a au moins une certitude : les crédits que je rapporte ont une spécificité. Leur suppression ne va strictement rien changer demain : les oiseaux chanteront toujours, l’eau coulera sous les ponts ; surtout, les Français ne seront pas dans la rue. En revanche, elle pourrait très certainement avoir des conséquences après-demain !

D’ailleurs, les effets du réchauffement climatique sont déjà réels. Je vous invite à regarder les chiffres qui figurent à la page 7 du plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), publié au mois d’octobre dernier : la température a augmenté de 1,7 degré en France hexagonale depuis 1900 ; 313 communes ont fait l’objet d’une déclaration de catastrophe naturelle (CatNat) dans les Hauts-de-France voilà un an du fait des inondations ; 5 000 kilomètres de littoraux sont concernés par l’érosion du trait de côte ; 11 millions de maisons sont en zone à risque RGA (retrait-gonflement des argiles) ; 2 300 espèces sont menacées de disparition.

Or les coûts financiers liés à l’inadaptation au changement climatique sont très difficiles à quantifier d’un point de vue économique, même s’il y a eu un rapport assez nourri de France Stratégie sur le sujet au mois d’avril 2023. Voilà qui ne facilite pas le soutien de ces crédits dans les discussions budgétaires !

Au cours de l’exécution 2024, les crédits d’investissement ont déjà été largement rabotés. Je pense à MaPrimeRénov’, au fonds vert et à d’autres.

Malheureusement, la baisse se poursuit en 2025. Je le dis ici, le redressement des comptes publics est, pour moi, une priorité. Mais la cohérence des politiques publiques en est une autre.

Le 4 novembre dernier, le Gouvernement a présenté la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ces deux textes stratégiques pour notre avenir étaient ouverts à la consultation jusqu’à la mi-décembre. Les objectifs de ces documents sont ambitieux : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030, contre 40 % précédemment ; passer d’une consommation énergétique à 60 % carbonée à une consommation énergétique à 60 % décarbonée d’ici à 2030.

Toutefois, quelle crédibilité accorder à ces annonces quand, dans le même temps, les crédits de la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB) sont diminués de moitié dans le projet de loi de finances pour 2025, alors qu’un rapport commun de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), publié en novembre 2022, évaluait les coûts de la mise en œuvre de cette stratégie à 618 millions d’euros en 2023, à 817 millions en 2025 et jusqu’à 890 millions en 2027 pour l’État et ses opérateurs ? Quelle crédibilité y accorder quand les crédits de la première année de mise en œuvre du douzième programme d’intervention des agences de l’eau sont inférieurs de 175 millions d’euros à la trajectoire de financement dudit programme, du fait de l’application incomplète de la réforme des redevances, qui était prévue dans la loi de finances pour 2024 ?

Il est donc désormais temps de faire des choix. La SNB 2030, lancée à l’automne 2023, doit être revue pour prioriser les actions les plus efficaces en matière de préservation de la biodiversité, tout en tenant compte de la contrainte budgétaire.

Ce constat s’applique à toutes les politiques publiques de mon périmètre budgétaire. En leur temps, j’avais déjà dénoncé l’inefficacité environnementale de dispositifs tels que MaPrimeRénov’ ou le bonus automobile. La contrainte budgétaire remet en cause l’existence de tels outils. Les crédits consacrés cette année à l’acquisition de véhicules propres sont divisés par trois par rapport à l’exécution 2024.

Au regard du reste à charge pour les ménages modestes, le bonus automobile – ayons le courage de le dire – est avant tout un outil incitatif pour les ménages les plus aisés, qui peuvent, eux, financer l’acquisition d’un véhicule électrique. À la tonne de CO2 évitée, le dispositif de leasing social introduit l’année dernière est certainement un des dispositifs les plus coûteux jamais inventés.

Certes, ces mesures seront financées, demain, par les certificats d’économies d’énergie (C2E). Mais nous devons quand même constater que les C2E à acquérir par les obligés sont en nombre fini.

Par conséquent, l’utilisation d’un tel outil pour financer la transition du parc automobile et la rénovation thermique des bâtiments va nécessairement obliger à cibler les actions les plus efficaces en matière d’économies et d’énergies, donc à revoir le catalogue des fiches actions.

Pour cette politique, comme pour d’autres, les solutions ne sont pas uniquement budgétaires. Il ne faut pas hésiter à utiliser les barrières tarifaires et normatives, comme le font les Américains ou les Chinois, pour préserver la compétitivité de l’économie européenne tout en lui demandant d’aller plus loin et plus vite sur la décarbonation et la préservation de l’environnement.

Il faudra aussi, avec courage, revenir sur les subventions directes ou les mesures fiscales qui ne soutiennent pas la transition écologique. Un signal-prix clair doit privilégier les sources d’énergies renouvelables ou celles qui émettent peu de gaz à effet de serre par rapport aux énergies fossiles, lesquelles sont de plus en plus importées.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé une augmentation, l’une des rares, des crédits du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, que nous connaissons tous sous le nom de « fonds vert ». Depuis sa création dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, j’ai toujours émis de fortes réserves sur ce fonds. Annoncé comme étant à la main des collectivités territoriales, il est devenu en fait, dès 2024, une véritable variable d’ajustement des politiques environnementales de l’État.

Sur mon initiative, le Sénat avait voté l’année dernière une affectation automatique d’une partie des crédits aux intercommunalités dotées d’un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). La mesure retenue dans la LFI n’a jamais été mise en œuvre. Le fonds étant amené à être fusionné, demain, avec la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), je ne suis pas certaine que cette disposition trouve à s’appliquer en 2025. Pourtant, elle permettrait d’apporter rapidement des cofinancements à des projets inscrits dans un projet d’aménagement territorial concerté. Vous le savez tous, les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics.

La création de ce fonds a aussi eu pour défaut d’introduire un manque de visibilité dans la maquette budgétaire de la mission. Inscrire des politiques publiques sur plusieurs programmes permet, dans les faits, de cacher leur sous-financement.

À cet instant, j’ai un exemple très précis en tête : la prévention des risques. Dans la continuité des travaux de la commission des finances, je vous proposerai de regrouper tous les crédits de prévention sur le programme 181 « Prévention des risques » et d’inscrire des crédits à la hauteur de la somme collectée sur les assurés au cours de cette année.

L’adaptation d’une France à +4 degrés va avoir un coût important pour les finances publiques. Des travaux sont encore nécessaires pour cibler et séquencer au mieux les investissements là où les principales vulnérabilités sont localisées. Il faut néanmoins ouvrir sans attendre le débat sur la manière dont on choisira collectivement de se préparer. Chercher à rendre une route insubmersible peut coûter plusieurs millions d’euros de travaux, alors qu’organiser des fermetures temporaires de circulation lors d’un épisode de crue demande uniquement d’accepter un moindre niveau de service, mais est aussi beaucoup moins coûteux pour les finances publiques.

En d’autres termes, déterminer les coûts et les moyens de l’adaptation, c’est d’abord se demander quel niveau de service souhaite-t-on à tout prix conserver. Qu’est-on prêt à transformer ? À quoi est-on prêt à renoncer ? Voilà des questions ouvertes pour nos futurs débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par rappeler que l’essentiel des investissements de l’État dans les infrastructures de transport transite par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).

Pour contribuer à l’effort de redressement de nos finances publiques, des économies sur les financements de l’État dans les infrastructures de transport sont prévues dans ce budget. En 2024, déjà, dans le projet de loi de fin de gestion, les crédits de l’Afit France ont été réduits de 393 millions d’euros. L’effet de cette baisse sur le budget a cependant été atténué en raison du versement en parallèle par les sociétés d’autoroutes d’une somme de 188 millions d’euros, qu’elles refusaient jusque-là de régler depuis 2021.

En 2025, les efforts d’économies doivent se prolonger, puisqu’en première partie du projet de loi de finances nous avons adopté une baisse de 810 millions d’euros des moyens de l’Afit France par rapport aux moyens alloués dans la loi de finances initiale pour 2024. Il faut cependant rappeler que les moyens de l’Afit France avaient été nettement augmentés en 2024. Ainsi, après ces efforts d’économies, les investissements de l’État dans les infrastructures de transport reviendraient en 2025 à leur niveau de 2023, soit environ 3,7 milliards d’euros.

Le présent budget a été calibré pour permettre d’honorer les restes à payer 2025 de l’Agence, c’est-à-dire les programmes déjà engagés pour lesquels des appels de fonds sont prévus cette année. En revanche, aucun nouveau projet non engagé ne pourra être financé en 2025. (M. Olivier Jacquin sexclame.) Cette situation entraînera notamment un décalage dans le temps de certaines opérations des contrats de plan État-région (CPER). Ce « coup de frein » sera vraisemblablement amplifié par la situation financière des collectivités locales, notamment des régions elles-mêmes.

Cela faisait trois ans que les sociétés d’autoroutes, en conflit avec l’État au sujet de l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), retenaient en otage l’Afit France et le financement des infrastructures de transport en refusant de payer une contribution annuelle de 60 millions d’euros. Après avoir été déboutées en première instance, les sociétés d’autoroutes ont dû verser à l’Afit France les sommes qu’elles lui devaient au titre des exercices 2021, 2022 et 2023, soit 188 millions d’euros. Toutefois, elles ont fait appel de la décision et ont de nouveau refusé de payer l’échéance 2024. Le sujet est donc malheureusement loin d’être clos.

J’en viens aux crédits prévus sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports ». Le principe général qui a prévalu a été celui d’une reconduction des crédits 2024 sans prise en compte de l’inflation, c’est-à-dire un principe de « continuité des services publics » sans « mesures nouvelles ».

Cependant, une exception notable à ce principe concerne les crédits destinés à la régénération dans les infrastructures existantes. Compte tenu de l’état calamiteux de nos infrastructures, qu’il s’agisse d’infrastructures de transport ferroviaire, routier ou fluvial, ces investissements ont été sanctuarisés, et ils vont même progresser en 2025 à un rythme supérieur à l’inflation. Dans le contexte budgétaire très contraint qui est le nôtre, un tel effort de priorisation est une très bonne chose.

Dans cette logique, d’après les informations dont nous disposons, les crédits alloués à l’entretien des ponts devraient être augmentés non pas en valeur absolue, mais tout de même augmentés, car une partie du périmètre des ponts qui étaient gérés par l’État va se réduire, ce qui devrait permettre d’avoir des crédits supérieurs pour les ponts restant de la compétence de l’État. Cette priorisation est donc, encore une fois, extrêmement positive.

J’espère que l’amendement qui a été déposé ce matin pour réduire les crédits du programme 203 de 47 millions d’euros et ceux du programme 205 de 4 millions d’euros ne tend pas à remettre une telle priorisation en cause. Je le rappelle, nous en avons été saisis vingt minutes avant la réunion de la commission, c’est-à-dire quelques heures avant l’examen en séance. Nous n’avons donc pas pu l’examiner de manière approfondie. Voilà qui est franchement regrettable et qui témoigne d’un certain mépris du Parlement. J’espère que le Gouvernement pourra nous rassurer, non pas sur le respect qu’il porte au Parlement, mais, du moins, sur le fait qu’une adoption de l’amendement n’aboutirait pas à une réduction des crédits consacrés à la régénération.

Je laisse la parole à ma collègue Marie-Claire Carrère-Gée, qui va vous présenter les autres aspects de notre mission. (M. Marc Laménie applaudit.)