M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice de Cidrac, la question que vous posez est évidemment essentielle.
Nous devons continuer à repenser nos structures d’accueil pour la santé périnatale et il est urgent de nous consacrer à l’amélioration de celle-ci ; je compte vraiment en faire une priorité.
Vous le savez, les maternités ne peuvent fonctionner qu’en toute sécurité, c’est-à-dire à condition qu’il y ait suffisamment de gynéco-obstétriciens, d’anesthésistes ou encore de sages-femmes pour assurer la sécurité des parturientes. C’est absolument essentiel. (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.)
Quand de petites maternités ferment parce qu’elles n’ont pas les ressources humaines pour assurer cette sécurité, il ne faut pas laisser la place vide. Il faut créer une unité pour assurer le suivi des grossesses, accueillir les futures mères et les futurs pères, effectuer le travail de prévention inhérent à la périnatalité et donner des conseils dans la recherche du lieu d’accouchement.
Je salue le travail des sénatrices Jacquemet et Guillotin, qui ont remis un rapport très argumenté sur la santé périnatale. J’irai dans le sens de leurs conclusions. Nous devons continuer à avancer pour assurer un maillage territorial à la fois sécurisant, efficace et suffisant pour garantir d’excellentes conditions de prise en charge aux papas, aux mamans et aux enfants. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Florence Lassarade. Et les pédiatres ?
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, j’entends vos arguments. Ils sont souvent avancés dans le débat public, et ils ne sont pas dénués de fondement.
Pour autant, j’aimerais vous alerter sur un dossier dont vous avez, je crois, déjà connaissance. À Saint-Germain-en-Laye, notre maternité fermera au 1er janvier 2025. Et cela a été annoncé à M. le maire par un simple coup de téléphone voilà quelques jours ! Il vous a d’ailleurs écrit pour protester contre cette décision inique, brutale et unilatérale, qui s’inscrit dans les orientations de l’agence régionale de santé.
Il est tout de même étonnant que les maires ne soient pas informés en amont. C’est, hélas ! trop souvent le cas en France.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur votre soutien pour nous aider à trouver une solution : beaucoup de mamans ne savent pas encore où elles vont accoucher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
surexposition des enfants aux écrans
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Madame la ministre, vous avez annoncé la semaine dernière la création d’un nouveau carnet de santé avec des pages dédiées aux écrans, ainsi que des mesures de suivi.
Je me réjouis que ce gouvernement s’occupe enfin du sujet très préoccupant de la surexposition des enfants aux écrans, notamment des tout-petits. C’est un sujet sur lequel, forte d’un rapport réalisé au nom de notre la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport en 2018, j’avais alerté votre prédécesseure Agnès Buzyn. En vain. Nos travaux, fondés sur les conclusions d’experts, et la proposition de loi adoptée à l’unanimité qui en était issue n’avaient alors, hélas ! pas été soutenus.
L’année dernière, la proposition de loi de la députée Caroline Janvier, qui prévoyait notamment, comme vous, une modification du carnet de santé, n’a pas connu de suite au Sénat, malgré nos démarches conjointes auprès de Catherine Vautrin. Pourtant, le rapport commandé par le Président de la République au mois de janvier 2024 laissait penser qu’il s’agissait d’une urgence nationale.
Aujourd’hui, les études le démontrent, le phénomène tend à s’aggraver : retards dans l’apprentissage ; difficultés d’attention et de concentration ; attitude passive de l’enfant face au monde qui l’entoure.
Au-delà des mesures sectorielles que vous avez annoncées, quel plan global de prévention et d’action, associant élus, professionnels de santé, familles, enseignants et éducateurs, et en prenant appui sur l’ensemble de nos propositions, entendez-vous mener avec vos collègues membres du Gouvernement chargés de l’éducation nationale, de la petite enfance et du numérique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous avez raison, le temps excessif d’exposition des enfants, notamment des enfants jeunes, aux écrans est un fléau ; et ce qu’ils peuvent voir sur ces écrans en est un autre.
Il y a aujourd’hui un consensus scientifique pour dire que la surexposition aux écrans nuit au sommeil et favorise la sédentarité, l’obésité, les épidémies de myopie, les troubles du développement socioémotionnel, voire l’anxiété et la dépression. Elle est donc source d’un mal-être notable, ce qui doit nous interpeller.
M. le Premier ministre ayant souhaité ériger la santé mentale en grande cause nationale pour l’année 2025, nous devons, me semble-t-il, inclure dans ce cadre une réflexion sur ce temps d’exposition aux écrans, qui crée un mal-être important chez les jeunes. Nous le savons bien, l’anxiété peut conduire progressivement à la dépression.
Le phénomène que vous évoquez constitue bien un enjeu de santé publique.
Dès le 1er janvier, les nouveaux carnets de santé comprendront des pages consacrées à la prévention à destination des parents. Nous sommes également en train de modifier les carnets de maternité, afin, là aussi, de donner des indications aux futurs parents.
Nous devons construire ensemble une feuille de route à partir du rapport que le professeur Benyamina et le docteur Mouton ont remis au Président de la République au mois d’avril dernier.
La surexposition aux écrans est un fléau que nous devons combattre avec un cadre précis, axé sur la prévention et les conseils aux parents, afin qu’ils puissent agir. Je crois moins à la coercition, qu’il serait en l’occurrence compliqué de mettre en œuvre. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, vous admettez qu’il s’agit d’un sujet extrêmement grave. Dès lors, pourquoi attendre encore et appeler à une nouvelle réflexion ?
Des rapports antérieurs à ceux qui ont été remis au Président de la République existaient déjà au Sénat. Appuyons-nous sur la proposition de loi de l’ancienne députée Caroline Janvier, qui est dans la navette : ce texte contient des mesures de prévention, mais aussi d’action.
D’ici là, je suggère que le Gouvernement engage d’ores et déjà une campagne d’intérêt général de santé publique pour promouvoir les dispositions de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, que nous venons de voter, et, surtout, les outils de contrôle parental sur tablettes et téléphones ; il en existe, mais ils sont, nous dit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), largement sous-utilisés.
Nous le devons aux enfants, dont c’est aujourd’hui la Journée internationale des droits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 27 novembre 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 32 de notre règlement.
Afin de garantir la clarté et la sincérité de nos débats, le Gouvernement pourrait-il nous préciser ou nous confirmer ses intentions ?
Des informations circulent depuis ce matin selon lesquelles il envisagerait de renoncer à la réduction des exonérations de cotisations sociales, à la hausse du ticket modérateur sur les dispositifs médicaux ou encore à la réduction de 5 % du taux de remboursement des médicaments.
Il nous paraîtrait utile, notamment sur le premier sujet, et alors que nous n’avons pas fini de discuter des exonérations de cotisations sociales, que les termes du débat soient stabilisés, de sorte que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause.
Nous avons volontiers salué la volonté manifestée par le Premier ministre, après des années de refus, d’ouvrir le débat sur les recettes. Nous ne voudrions pas nous retrouver Gros-Jean comme devant au cas où le Gouvernement ferait volte-face et refermerait un dossier à peine ouvert.
J’appelle donc le Gouvernement à nous préciser ses intentions, en confirmant ou en infirmant ces informations, afin que nous puissions poursuivre les débats dans de bonnes conditions.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce rappel au règlement, qui me permet d’apporter une clarification.
Au nom du Gouvernement, je démens les informations publiées ce matin sur le site du Figaro – l’article a été retiré depuis lors – au sujet de la suppression de l’article 6.
M. Xavier Iacovelli. Mince, nous qui pensions enfin obtenir une victoire…
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je viens d’échanger, à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement, avec la ministre chargée de la santé au sujet des dispositions relatives à l’assurance maladie et au ticket modérateur : aucun changement n’est à l’ordre du jour, du moins pour l’instant.
En tout état de cause, je démens, encore une fois, toutes les rumeurs dont vous venez de faire état.
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Candidatures à une commission d’enquête
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier de la deuxième partie, à l’examen des amendements identiques nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter, tendant à insérer un article additionnel après l’article 6.
DEUXIÈME PARTIE (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025
TITRE Ier (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Après l’article 6 (suite)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 464 rectifié bis est présenté par Mmes Malet, Jacques et Petrus, MM. Lefèvre, Milon, Somon et Khalifé, Mmes Aeschlimann, Belrhiti, Joseph et Richer, MM. Sol, Panunzi et Genet, Mmes Lassarade et M. Mercier et MM. Gremillet et Fouassin.
L’amendement n° 1093 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et G. Jourda et M. Fagnen.
L’amendement n° 1297 rectifié ter est présenté par Mmes Bélim et Canalès et MM. Cozic, Tissot, Bourgi et Ziane.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de l’exonération calculé selon les modalités prévues au dernier alinéa du présent B est applicable aux employeurs relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics pour le paiement des cotisations et contributions mentionnées au I de l’article L. 241-13 dues du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2027 ».
II. – Les dispositions du I entrent en vigueur au 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 464 rectifié bis.
Mme Viviane Malet. Cet amendement tend à placer les entreprises ultramarines du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) dans un barème renforcé d’exonération de charges pour deux années, en raison des difficultés majeures qui fragilisent ce secteur dans nos territoires.
La filière réunionnaise du BTP, par exemple, a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017. Le chiffre d’affaires du secteur a ainsi chuté de 40 % en dix ans.
Cet allégement temporaire constituerait un signal fort pour soutenir l’activité et préserver l’emploi dans un secteur essentiel pour les économies locales.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 1093 rectifié bis.
M. Victorin Lurel. Cet amendement a pour objet de réparer une inégalité de traitement entre les différents secteurs et les différentes filières, en faisant bénéficier le BTP du régime mis en place par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom.
Le Gouvernement, tout comme nos rapporteurs, n’ignore pas que chez nous, dans les outre-mer, le BTP est bel et bien le moteur de l’activité et de la croissance.
Or, au cours de ces dernières années, les entreprises du secteur ont subi toutes les charges, là où d’autres ont bénéficié d’exonérations.
Depuis la crise de la covid-19 et alors que l’emploi s’était développé dans le BTP, les commandes publiques y sont devenues pratiquement inexistantes. Pourtant, les entreprises continuent de payer plein pot et de s’en prendre « plein la figure » !
Il conviendrait donc, ainsi que le Gouvernement l’a déjà prévu voilà bien longtemps, d’intégrer le secteur du BTP, si important dans les îles, dans le régime Lodéom, et ce pour une durée de deux ans.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l’amendement n° 1297 rectifié ter.
Mme Audrey Bélim. J’ajouterai simplement que, dans un tel contexte, les acteurs de la filière souhaitent que les pouvoirs publics nationaux et locaux prennent véritablement en compte cette situation critique, en allégeant temporairement le coût du travail pour les entreprises du secteur.
L’objectif est de maintenir l’outil productif et, surtout, de sauvegarder les emplois jusqu’à la relance effective de l’activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, au travers de vos amendements, vous demandez que les entreprises du BTP de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion bénéficient du barème Lodéom renforcé.
Ce barème vise en fait les entreprises qui sont concernées par la concurrence internationale. Or les emplois du BTP revêtent une dimension très locale. Votre demande ne correspond donc pas vraiment à l’esprit du dispositif.
La commission des affaires sociales partage néanmoins votre constat. C’est la raison pour laquelle elle a toujours émis par le passé un avis de sagesse sur des amendements similaires.
Lors de l’examen des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, les gouvernements en fonction ont toutefois été systématiquement défavorables à cette mesure.
L’an dernier, il nous a été indiqué que la mesure coûterait 100 millions d’euros. Compte tenu des difficultés financières actuelles, il est sans doute encore moins possible d’accéder à votre demande.
Pour autant, la commission émet un avis de sagesse sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, comme Mme la rapporteure générale vient de l’exposer, ce régime de compétitivité renforcée vise des entreprises qui sont soumises à la concurrence internationale.
Par ailleurs, il est difficile de mener cette réflexion sans disposer d’une vision d’ensemble sur le dispositif Lodéom.
Je l’évoquais hier soir : la mission conjointe de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’inspection générale des finances (IGF) rendra ses conclusions à ce sujet dans les prochains jours.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Si je peux entendre, je ne peux pas approuver (Sourires.)
Madame la ministre, dites-moi quelle est l’ouverture internationale des économies insulaires. Les économies insulaires sont exclusivement tournées vers la métropole. Et je peux vous dire que la concurrence vient non pas de l’étranger, mais bien de l’Hexagone.
Dans ce contexte, les entreprises ultramarines ne peuvent pas résister : les prêts à taux zéro ne sont plus attribués, il faut rembourser les dettes contractées lors de la crise du covid-19, la commande publique a baissé et les surcoûts des matières premières sont importants.
Il y va de la compétitivité et de la survie des entreprises. Cela fait des années que l’on nous sert le même discours. Mais quand on s’enquiert précisément de la concurrence, quand on demande le nom des entreprises étrangères qui concurrencent les entreprises ultramarines, quand on s’interroge sur la réalité des exportations qui permettraient de préserver la compétitivité de nos entreprises, nous n’obtenons pas de réponse.
Nous avons aujourd’hui un problème de survie et de moteur de la croissance. Si nous n’en tenons pas compte, nous aurons des problèmes, car la situation est catastrophique.
Faut-il attendre que cette incompréhension débouche sur des émeutes comme en Martinique, hier, chez moi, en Guadeloupe, à La Réunion ou en Nouvelle-Calédonie ?
Le secteur du BTP tient l’économie. Quand le BTP va, tout va. Eh bien, pour le moment, ça ne va pas !
Donnons ce coup de pouce pour deux ans et nous ferons le bilan après.
Ce n’est jamais le moment. Nous entendons qu’il faille redresser les comptes, mais c’est à budget constant que nous vous demandons d’agir, madame la ministre.
Il s’agit d’un redéploiement. Le barème renforcé existe ; nous vous demandons d’y intégrer des entreprises qui, je vous l’assure, ne sont pas exportatrices.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je remercie Mme la rapporteure générale de son avis de sagesse, qui reflète une situation très préoccupante.
Je sens bien que Mme la ministre aurait envie de donner un avis favorable sur ces amendements. (Mme la ministre sourit.) Malheureusement, elle est contrainte par le royaume de Bercy… (Sourires.) Je comprends en tout cas sa retenue, je compatis et je la remercie.
La démonstration qui vient d’être faite par Victorin Lurel et Audrey Bélim est tout à fait pertinente.
Nous aurons certainement un travail à mener lors de nos futures rencontres – vous nous y invitez, madame la ministre – sur l’écriture des ordonnances, afin de remettre de l’ordre dans tout cela.
Je veux néanmoins vous rassurer sur la concurrence internationale qui sévit dans mon territoire dans le secteur du bâtiment : la Martinique, qui compte 340 000 âmes, ne va pas attirer les multinationales du monde entier !
Notre concurrence, nous la livrons contre le chômage, le mal-vivre et le mal-être. Les entreprises locales survivent difficilement sur des marchés microscopiques, dans un contexte de pouvoir d’achat très faible.
Il faut certainement renouveler le concept de concurrence internationale, entre autres, et le dépoussiérer.
Vous nous avez appelés à y travailler, madame la ministre. Nous serons les premiers à vos côtés pour contribuer à cette modernisation. La description qui a été faite par mes collègues n’en est pas moins réaliste, et leur demande est légitime.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je me suis renseignée sur les types de secteurs considérés comme « à compétitivité renforcée » bénéficiant dudit régime dans les outre-mer.
L’exemple que l’on m’a donné est celui des centres d’appels. (M. Victorin Lurel acquiesce.)
Un centre d’appels peut être localisé n’importe où, selon la langue utilisée. Il s’agit donc d’un secteur fortement exposé à la compétition internationale, ce qui justifie son éligibilité à ce régime particulier.
C’est moins le cas pour le BTP, qui est une activité locale.
J’entends votre inquiétude, mesdames, messieurs les sénateurs : n’attendons pas une émeute ou des manifestations très dures pour faire des concessions. (Mme Catherine Conconne acquiesce.)
Je remarque simplement que, en l’état du droit, le BTP n’est pas considéré comme un secteur à forte exposition internationale.
Il nous faut donc trouver d’autres solutions. La remise sur le métier de la Lodéom, ainsi que les mesures prises dans le cadre de la discussion de l’article 6, devrait permettre de corriger ces incohérences.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : quand le BTP va, tout va. L’impact de ce secteur est très important sur nombre de filières et de métiers.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, puis-je répondre à Mme la ministre ?
M. le président. Je regrette, monsieur Lurel, notre règlement ne vous autorise pas à reprendre la parole.
M. Victorin Lurel. Ce qui est absolument certain, c’est que je maintiens mon amendement ! Il y a des émeutes chez moi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 221 rectifié ter est présenté par Mmes Malet et Jacques, MM. Lefèvre, Milon, Somon et Khalifé, Mmes Aeschlimann, Belrhiti, Joseph et Richer, MM. Sol, Panunzi et Genet, Mmes Lassarade et M. Mercier et MM. Gremillet et Fouassin.
L’amendement n° 289 rectifié bis est présenté par Mme Petrus et MM. Mandelli, Naturel et Houpert.
L’amendement n° 337 rectifié est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne, Bélim et G. Jourda, MM. Fagnen, Raynal et M. Weber et Mme Monier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les employeurs ou les travailleurs indépendants installés dans une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution ou à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon et y exerçant leur activité depuis au moins deux années au 31 décembre 2024, peuvent solliciter, à compter du 1er janvier 2025 et jusqu’au 31 décembre 2026, auprès de l’organisme de sécurité sociale dont ils relèvent, un sursis à poursuite pour le règlement de leurs cotisations et contributions sociales restant dues auprès de cet organisme, au titre des dettes non prescrites ainsi que des majorations de retard et pénalités afférentes.
Cette demande est formalisée par écrit, sur un formulaire dédié, auprès de l’organisme de sécurité sociale et entraîne immédiatement et de plein droit, la suspension des poursuites afférentes auxdites créances, ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard inhérentes.
En tout état de cause, les obligations déclaratives continuent à être souscrites aux dates en vigueur et le cotisant règle les cotisations en cours, postérieures à sa demande d’étalement de la dette auprès de l’organisme de sécurité sociale.
II. – Dès réception de la demande écrite du cotisant, l’organisme de recouvrement lui adresse une situation de dettes faisant apparaître le montant des cotisations dues en principal, ainsi que les majorations et pénalités de retard, arrêtées à la date de la demande du cotisant.
Le cotisant dispose alors d’un délai de trente jours à compter de la réception de la situation de dettes pour indiquer à l’organisme de sécurité sociale s’il est en accord avec la masse globale réclamée ou s’il en conteste le montant sur la foi de justificatifs.
En cas de rejet de la contestation relative à la masse globale réclamée, l’organisme de sécurité sociale motive sa décision et les voies de recours ordinaires sont ouvertes au cotisant. Si le cotisant ne se manifeste pas dans les trente jours suivant la réception de la situation de dettes, sa demande d’étalement de la dette est caduque.
III. – Une fois la masse globale consolidée, un plan d’apurement transmis par la voie ordinaire de dématérialisation est conclu entre le cotisant et l’organisme de sécurité sociale. Ce plan entre en vigueur dans le mois suivant sa conclusion. Les échéances prévues au plan d’apurement de la dette sont réglées par prélèvements de l’organisme de sécurité sociale, sur le compte bancaire préalablement désigné par le cotisant, selon mandat de l’espace unique de paiement en euros.
Ce plan d’apurement de la dette est conclu sur une période pouvant s’étaler de six à soixante mois, en fonction de la masse globale, hors majorations et pénalités de retard ainsi que des facultés du cotisant et porte sur l’ensemble des dettes non prescrites dues par le cotisant à la conclusion du plan.
Par exception, les cotisants bénéficiaires d’un contrat de commande publique peuvent solliciter une demande de mise en place du plan concordante à la date de déblocage des paiements des travaux prévus par l’acteur public et doivent, pour ce faire, motiver expressément leur demande en produisant un décompte général définitif.
IV. – Durant l’exécution du plan d’apurement de la dette, le cotisant s’engage à respecter les échéances du plan et à régler les cotisations en cours postérieures à la demande de conclusion du plan d’apurement de la dette. L’entreprise qui a souscrit un plan d’apurement de la dette et qui respecte tant les échéances du plan d’apurement prévu au III, que le paiement des cotisations en cours prévu au I, est considérée à jour de ses obligations de paiement des cotisations sociales.
Sous réserve de respect de l’intégralité du plan d’apurement de la dette et paiement régulier des cotisations en cours, le cotisant bénéficie d’une remise d’office de la totalité des pénalités et majorations de retard pour les dettes apurées prévues au plan d’étalement de la dette.
En revanche, l’absence de respect de l’échéancier prévu par le plan d’apurement de la dette ainsi que le non-paiement des cotisations et contributions sociales dues postérieurement à la demande de signature de ce plan, après relance de l’organisme de sécurité sociale infructueuse, entraîne sa caducité. Dès lors, les majorations de retard et les pénalités afférentes à la masse globale, restant dues et contenues dans le plan, sont recalculées rétroactivement. L’organisme de sécurité sociale peut alors reprendre les poursuites en vue du recouvrement de l’intégralité de la dette.
V. – Les cotisants ayant au 31 décembre 2024 un plan d’apurement de la dette en cours d’exécution conclu selon des modalités différentes de celles prévues au présent article, à l’exception des cotisants radiés, peuvent solliciter, en cas de difficultés de trésorerie, la modification de leur plan d’apurement selon les mêmes modalités que celles prévues au présent article.
VI. – Les cotisants ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article en cas de condamnation en application des articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail au cours des cinq années précédentes. Toute condamnation de l’entreprise ou du chef d’entreprise pour les motifs mentionnés au premier alinéa du VI, en cours de plan d’étalement de la dette, entraîne la caducité du plan.
VII. – Les présentes dispositions s’appliquent aux entrepreneurs et travailleurs indépendants, y compris dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.
Le présent article ne s’applique pas pour les sommes dues à la suite d’un contrôle prévu à l’article L 243-7 du code de la sécurité sociale.
VIII. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l’amendement n° 221 rectifié ter.