Mme Viviane Malet. Cet amendement vise à ouvrir une période d’exception permettant aux entreprises ultramarines de conclure des plans d’apurement de leurs dettes sociales, selon des modalités d’application inspirées des plans qui ont été appliqués à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma.
L’objectif est de permettre aux employeurs de régulariser leur situation sans augmenter leurs dettes sociales de façon exponentielle.
Pour éviter des cessations de paiements, le cotisant ultramarin aurait ainsi la possibilité, pour une durée limitée à deux ans, de négocier avec les caisses de recouvrement compétentes des plans d’étalement de la dette de six à soixante mois en fonction des situations.
En parallèle, le cotisant s’engagerait à honorer le paiement des échéances des cotisations en cours, en sus de celles qui sont prévues par le plan d’étalement de la dette.
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour présenter l’amendement n° 289 rectifié bis.
Mme Annick Petrus. Cet amendement tend à instaurer une période d’exception pour les cotisants ultramarins en difficulté, en permettant la négociation de plans d’apurement des dettes sociales sur une période de six à soixante mois.
Ce mécanisme suspendrait les majorations et pénalités de retard pour les employeurs respectant les échéances. Il s’inspire des dispositifs appliqués après les crises Irma et covid-19.
L’ensemble des dettes sociales non prescrites seraient incluses dans le dispositif, à condition que les employeurs s’acquittent de leurs cotisations courantes.
En cas de non-respect, le plan serait annulé et les majorations recalculées rétroactivement.
Pour les entreprises du BTP, particulièrement affectées par les retards de paiement des collectivités, le remboursement des dettes pourrait être reporté jusqu’au déblocage des fonds publics, sous réserve de justificatifs.
Ce dispositif éviterait des cessations de paiements massives, dont les conséquences économiques et sociales seraient majeures dans les territoires ultramarins.
Mieux vaut un paiement différé que des entreprises qui ferment ou qui, pour le cas de Saint-Martin, se délocalisent du côté hollandais.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 337 rectifié.
M. Victorin Lurel. Pour résumer, nous demandons un sursis à poursuites au bénéficie des entreprises qui seraient notamment sous moratoire.
En Guadeloupe, mais aussi dans l’ensemble des outre-mer, les entreprises qui bénéficient de moratoires font l’objet de poursuites pouvant entraîner le dépôt de bilan en cas de difficultés persistantes.
Lorsque j’étais ministre, j’avais rédigé avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault une circulaire qui offrait de telles possibilités – tenez-vous bien, je ne vous ferai pas cette demande ! – y compris lorsque les poursuites relevaient du code pénal.
Ainsi, le recouvrement des cotisations salariales ouvrières pouvait être revu, corrigé et étalé de façon à éviter les poursuites pendant six mois.
En l’espèce, il vous est demandé, par cet amendement, d’accorder un sursis à poursuites en matière de règlement des cotisations et des contributions sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques tendent à instaurer, pour les territoires ultramarins, un dispositif spécifique d’apurement des dettes sociales.
Lors de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions déjà examiné des amendements de cette nature et nous avions alors émis un avis de sagesse.
Les gouvernements d’alors, en revanche, y étaient défavorables, et les amendements qui avaient été adoptés au Sénat n’avaient pas survécu à la navette parlementaire.
Pour ma part, je répéterai ce que je soulignais l’année dernière : il existe déjà des mesures d’accompagnement très spécifiques dans l’Hexagone, mais aussi dans les territoires ultramarins.
La création d’un nouveau dispositif législatif me semble quelque peu hasardeuse. Comment pourrions-nous en effet distinguer les entreprises qui auraient des difficultés à payer leurs contributions sociales pour de bonnes raisons et les autres ?
Efforçons-nous d’adopter sur cette question un point de vue juridique.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Je le regrette, mais je pense sincèrement que les services de recouvrement sont souvent attentifs aux situations particulières que rencontrent les entreprises qui sont en difficulté pour de bonnes raisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je remercie Mme la rapporteure générale de son avis de sagesse sur les amendements précédents, ainsi que les membres de notre assemblée pour le vote qui vient d’avoir lieu.
S’il est vrai que cette histoire de BTP a pu provoquer des barrages dans certaines îles, l’urgence n’est pas la motivation première des auteurs des amendements nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter : il fallait en effet corriger un problème de longue date.
Madame la rapporteure générale, peut-être serons-nous amenés à nous revoir sur d’autres sujets, comme vous nous y avez invités hier.
En ce qui concerne mon amendement n° 337 rectifié, il s’agit non pas de demander une quelconque dérogation ou exception, mais de suspendre temporairement les poursuites. Ou alors j’ai mal compris son économie générale…
Il faut le faire en raison de l’urgence et parce que des barrages routiers se sont formés notamment pour porter cette revendication.
La sécurité sociale est en quelque sorte le banquier des entreprises. Alors que ces dernières sont sous moratoire, celles qui rencontrent des difficultés font face à une multiplication des poursuites depuis plusieurs années.
Nous demandons donc de revoir les échéanciers et d’étaler les dettes sociales au moyen d’un dispositif déclaratif. Ce formalisme sera provisoire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Sans revenir sur le fond de la question, j’alerte sur un point important. Des mesures équivalentes ont été mises en place au moment de la crise du covid-19, selon le principe « à situation particulière, dispositions particulières ».
Je ne suis pas certain que, malgré la crise qui secoue les outre-mer, une mesure de cette nature passerait l’obstacle du Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette revendication paraît légitime, mais je souhaiterais voir précisé que sont ici visées les dettes sociales afférentes aux cotisations employeur.
En effet, les cotisations salariales, elles, ont bien été collectées, puisqu’elles n’ont pas fait l’objet d’un moratoire.
M. le président de la commission des affaires sociales a raison d’évoquer le Conseil constitutionnel : il n’est pas possible de différer ce qui a déjà été collecté. Or c’est le cas des cotisations sociales salariales.
Lorsqu’une entreprise est en difficulté – j’ai aidé moi-même une association –, elle peut d’ores et déjà négocier des échéanciers sur ses cotisations patronales. L’Urssaf n’a aucun intérêt en effet à voir une entreprise disparaître plutôt que de lui « offrir » un échéancier.
En tout état de cause, nous pouvons être favorables à ces amendements, à la condition que soit précisé que la dette sociale visée exclut les cotisations salariales. Faute de quoi la disposition pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221 rectifié ter, 289 rectifié bis et 337 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 833, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation ayant pour objectif d’évaluer spécifiquement, pour 2024, la perte de recettes qui aurait été évitée par le gel des barèmes des allégements généraux et la suppression des exonérations de cotisations au-delà de deux fois le salaire minimum de croissance.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Conseil d’analyse économique (CAE) estime, dans une étude de 2019, que, si les baisses de cotisations sociales sur les bas salaires ont pu avoir des effets sur l’emploi, « les baisses de cotisations sociales sur les salaires plus élevés – au-delà de 1,6 Smic – n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité » – elles sont pourtant anciennes !
De même, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) – le contrôle, n’est-ce pas aussi notre mission ? –, indiquait, dans son rapport sur le contrôle et l’efficacité des exonérations de cotisations sociales de septembre 2023, que le « maintien des exonérations de cotisations familiales (dites “ bandeau famille ”) portant sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic ne se justifiait pas ». Elle proposait, en conséquence, de les supprimer.
Même les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, pourtant mandatés par le Gouvernement, ne parviennent pas à démontrer que les exonérations de cotisations qui excèdent un certain seuil ont un effet sur l’emploi.
Ainsi, alors que le coût des mesures en faveur de l’emploi ne cesse de peser sur le budget de l’État et sur les comptes de la sécurité sociale, selon qu’elles sont compensées ou non par l’État – les mesures non compensées s’élevant environ à 3 milliards d’euros –, les gouvernements successifs s’obstinent à ne pas remettre en cause cette politique d’exonérations dont les effets, au-delà d’un certain seuil, ne sont pas démontrés – quand elles ne sont pas contestées –, ni sur l’emploi ni sur la compétitivité.
Comme je l’ai déjà dit hier, la suppression des bandeaux sur les rémunérations supérieures à 2 Smic réduirait le montant des exonérations, et donc la dépense pour l’État, de 8 milliards d’euros.
Aussi, par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement nous remette un rapport, afin d’évaluer – enfin ! –, dans un souci de transparence, la perte de recettes qui aurait été évitée par la suppression des allégements généraux de charges au-delà de 2 Smic.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. La création d’un comité de suivi chargé d’évaluer les allégements généraux, à la suite de l’adoption, hier, de l’amendement n° 123 rectifié de la rapporteure générale, vous donnera en grande partie satisfaction.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 823, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’espère, madame la ministre, que l’amendement tendant à créer ce comité de suivi sera davantage suivi d’effets que les amendements visant à demander des rapports au Gouvernement que nous adoptons quelquefois…
L’abattement sur l’assiette de la CSG (contribution sociale généralisée) et de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) au titre des frais professionnels a été plafonné à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) par la loi de finances pour 2011. Le taux de l’abattement est ainsi passé, le 1er janvier 2012, de 5 % à 1,75 %.
Or cet abattement devrait plutôt être ciblé sur les revenus bas et moyens, soit jusqu’à 3 666 euros mensuels en 2023, et non pas profiter mécaniquement aux revenus aisés. Cette iniquité a déjà été soulignée dans le rapport Vachey, La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement, dont l’objet était de définir des pistes de financement pour la branche autonomie, dans la perspective de la fameuse loi sur la dépendance, que nous attendons encore…
Les auteurs de ce rapport indiquaient ainsi que le « plafonnement à 4 Pass de cet abattement conduit à offrir un avantage en réduction de la CSG et de la CRDS » – impôts universels, je le rappelle – « pour des salariés ayant des rémunérations élevées […] ».
En conséquence, ce rapport préconisait une réduction à 1 Pass du plafond de cet abattement : cette mesure devait procurer, en 2020, lorsque le plafond était de 3 428 euros par mois, une recette complémentaire de 150 millions d’euros par an.
Soucieux de fournir des leviers de financement à la branche autonomie et aux comptes sociaux, tout en tenant compte de la hausse du coût de la vie et de la stagnation générale des salaires, nous proposons, par cet amendement à l’ambition somme toute modeste, de reprendre les préconisations du rapport Vachey, sans aller toutefois aussi loin : nous demandons que l’abattement soit plafonné à 2 fois le Pass, soit 7 850 euros brut, ce qui concerne une grande majorité de salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous avez raison, ma chère collègue, le financement de la branche autonomie constitue un enjeu crucial à long terme. Nous devons trouver des solutions durables. Vous proposez de plafonner l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à 2 fois, et non plus à 4 fois, le Pass.
Je rappellerai simplement que l’abattement pour frais professionnels est en partie conventionnel. Il est censé représenter les frais engagés par les intéressés. Un amendement analogue a été présenté lors de l’examen du PLFSS pour 2024. Il était alors proposé de fixer le plafonnement à 1 fois le Pass. La commission et le gouvernement d’alors avaient émis un avis défavorable, et l’amendement avait été rejeté.
La commission a émis de nouveau un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 586 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, permettre aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole d’opter pour que leurs cotisations soient calculées à titre provisionnel sur la base d’une assiette fixée forfaitairement, en dérogation aux I et II de l’article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au I sont définies par décret, au plus tard au 1er octobre 2025. Les ministres chargés du travail et de l’agriculture arrêtent la liste des territoires participant à l’expérimentation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans la limite de trois régions.
III. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d’une généralisation.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à mettre en œuvre une expérimentation afin de permettre aux chefs d’exploitation agricole d’opter pour que leurs cotisations soient calculées à titre provisionnel sur la base d’une assiette fixée forfaitairement.
En effet, les agriculteurs ont actuellement le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales : ils peuvent prendre pour base soit les revenus de l’année n-1, soit la moyenne de ceux qui ont été perçus au cours des trois dernières années.
Or, comme les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, les agriculteurs se retrouvent souvent en difficulté pour payer leurs cotisations sur les années passées.
Imaginons ainsi que l’agriculteur ait fait une bonne récolte l’année n-1 et une mauvaise récolte l’année n. Cette mauvaise récolte pèsera sur la trésorerie de l’exploitation. Or c’est aussi au cours de cette année n que l’agriculteur devra payer des cotisations au titre de l’année n-1.
Dans un souci d’équité, je propose que nous donnions aux agriculteurs la même possibilité que celle que nous avons offerte, dans la LFSS 2022, aux travailleurs indépendants et aux non-salariés, à l’issue d’ailleurs d’une expérimentation qui avait commencé en 2018.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme vous l’avez dit, les agriculteurs ont le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales. Vous proposez une troisième voie, qui semble satisfaire un certain nombre d’entre eux. Celle-ci serait mise en œuvre dans le cadre d’une expérimentation.
Je trouve, à titre personnel, que cet amendement est intéressant : il vise à donner aux agriculteurs une possibilité qui a été offerte aux travailleurs indépendants. Cependant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Je n’irai pas plus loin. (Sourires.)
Vous connaissez, mes chers collègues, les difficultés que rencontrent les agriculteurs. Cette proposition a été soumise à un certain nombre d’entre eux ; elle semble, je le répète, les satisfaire. C’est sans doute le bon moment pour l’adopter.
Certains articles de ce PLFSS concernent les agriculteurs. La commission des affaires sociales a été sensible au fait que cet amendement était déposé à un moment où les transformations dans le secteur agricole sont nombreuses. Dans un souci de lisibilité, la commission a estimé qu’il ne fallait peut-être pas en ajouter de nouvelles.
Toutefois, je le redis, à titre personnel, je ne suis pas opposée à la mise en œuvre de l’expérimentation que vous proposez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Lors des discussions sur les PLFSS des années précédentes, les différents gouvernements s’étaient en effet engagés à procéder à une réforme visant à rendre autant que possible contemporaine de leurs revenus l’assiette des cotisations pour les exploitants agricoles.
Des travaux ont été menés en lien avec la profession agricole et la Mutualité sociale agricole (MSA), afin d’identifier des solutions pour résoudre les problèmes d’ordre technique, juridique, informatif, liés à la mise en place de cette assiette contemporaine.
À la lumière de ces travaux, il semble que les représentants de la profession eux-mêmes aient mis en question l’intérêt de cette contemporanéité. Par ailleurs, je vous rappelle que des travaux très importants sont conduits pour mettre en œuvre la réforme visant à instaurer une assiette sociale « super brut », qui a été votée l’année dernière.
Il ne nous semble donc pas raisonnable de lancer l’expérimentation proposée alors que les travaux sur l’assiette sociale dite « super brut » se poursuivent.
Pour ces raisons je vous invite, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je vais essayer de trouver un terrain d’entente pour satisfaire tout le monde. Dans une démarche sans doute très puriste sur la forme, mais juste, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Elle n’est pas opposée à la proposition sur le fond, mais elle considère que, compte tenu de l’ensemble des réformes qui sont menées en ce moment, le calendrier ne semble pas opportun. On peut l’entendre.
Madame la ministre, vous avez indiqué que différents travaux de réflexion étaient en cours. La mise en œuvre de cette expérimentation permettrait sans doute de tester en grandeur réelle l’efficacité du dispositif.
L’amendement prévoit que ses modalités seront définies par un décret. Voilà qui nous offre une porte de sortie : rien ne nous empêche, mes chers collègues, de tenir du compte du fait que le calendrier des acteurs est particulièrement chargé en ce moment, tout en faisant en sorte qu’il soit possible, par la suite, de mener cette expérimentation.
Même si je comprends l’avis de la commission, en faveur duquel j’ai d’ailleurs voté, nous pourrions, vu les éléments apportés au débat aujourd’hui, dans la mesure où l’amendement renvoie à un décret la définition des modalités, garder notre avis défavorable, mais en tout état de cause, le résultat sera parfait… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je vous appelle à réviser votre position, madame la ministre.
L’expérimentation proposée ne coûte rien !
Je soutiens l’amendement présenté par Henri Cabanel. On ne demande pas de diminuer les cotisations : on souhaite seulement que les agriculteurs puissent opter pour une troisième méthode de calcul et de paiement des cotisations, qui soit fondée sur les revenus de l’année. Actuellement ils ne peuvent choisir qu’entre deux méthodes : l’une qui s’appuie sur l’assiette triennale, qui permet de lisser les revenus sur les trois années précédentes ; l’autre qui repose sur les revenus de l’année n-1.
Dans certaines activités, lorsque les variations des récoltes, et donc des revenus, sont importantes, comme c’est le cas notamment dans la viticulture, il est intéressant pour les agriculteurs de pouvoir payer leurs cotisations au plus vite, plutôt que d’avoir à payer des cotisations très élevées, au terme de plusieurs bonnes années, au moment où leurs revenus sont les plus bas. C’est du bon sens !
Madame la ministre, je vous livre une autre information de nature à vous faire réviser votre avis : le président de la MSA, avec qui j’ai eu, tout à l’heure, un entretien téléphonique, et les représentants des syndicats agricoles, que j’ai rencontrés, sont d’accord pour mener cette expérimentation. À l’issue de celle-ci, nous pourrons choisir, comme cela a été les cas pour les artisans et les commerçants, de conserver le système, ou non. Mais il faut expérimenter pour se faire une opinion ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vois que les Deux-Sèvres se rapprochent de la Normandie : « P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non »… (Sourires.)
Je suis ravie que la jurisprudence Duplomb, qui est apparue hier soir, s’applique aujourd’hui. J’espère que ce sera aussi le cas pour l’examen de mon amendement portant article additionnel après l’article 8 quater.
Je voterai cet amendement de bon sens. Celui-ci intervient au bon moment. Notre assemblée doit se montrer sensible aux problèmes des agriculteurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je ne conteste pas l’intérêt de l’expérimentation sur le fond, mais je m’interroge sur la possibilité de la conduire alors même que la MSA doit déjà réviser l’assiette sociale et alors même que nous travaillons avec elle, par ailleurs, pour faire en sorte que la réforme des retraites des non-salariés agricoles entre en vigueur le plus tôt possible. Ce sont les mêmes équipes – juridiques, informatiques, financières – qui sont sollicitées pour ces différents dossiers.
Je pourrais donner un avis favorable, mais nous devons aussi tenir compte, lorsque l’on écrit la loi, des difficultés de mise en œuvre. (MM. Laurent Burgoa et Laurent Duplomb le contestent.)
Il ne serait pas raisonnable de demander à la MSA…
MM. Laurent Burgoa, Laurent Duplomb et Daniel Laurent. Ils sont d’accord !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … de mener cette expérimentation, alors qu’elle doit déjà mener à bien deux chantiers très lourds.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voterai cet amendement. La MSA a dit qu’elle était prête à réaliser cette expérimentation : celle-ci, par définition, ne concernerait pas tous les agriculteurs ; elle n’aurait, en outre, aucun caractère obligatoire.
On ne cesse de repousser les nouveautés. Il en a été de même pour la réforme visant à calculer la retraite des exploitants agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années. Cette dernière était dans les tuyaux depuis de nombreuses années. Son principe avait été acté dès 2021, lorsque nous avons adopté la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricole les plus faibles. Or nous attendons toujours sa mise en œuvre.
Les promesses s’accumulent, mais les agriculteurs en ont assez d’attendre ! Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient toujours être traités différemment. Le sens de l’Histoire est d’aligner le régime des agriculteurs sur celui des travailleurs indépendants. Nous devons donc, en l’espèce, aller encore plus loin en ce qui concerne la réforme de l’assiette des cotisations.
Les récoltes ne sont plus régulières, comme elles l’étaient voilà une vingtaine d’années. En raison des aléas climatiques, il est devenu impossible de savoir quelle sera la récolte de l’année suivante. C’est pourquoi il est pertinent de prendre pour base une assiette contemporaine des résultats des agriculteurs, afin de tenir compte de leurs moyens financiers à l’instant T. Sinon, ils peuvent être amenés à payer au cours d’une mauvaise année des cotisations portant sur une très bonne année.
Les agriculteurs ont besoin de ce soutien. Ce n’est pas le moment de les énerver davantage !