Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je voterai également cet amendement. Henri Cabanel, on le sait, est un élu de bon sens.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme nous tous !
M. Laurent Burgoa. Il parle peu, mais toujours dans le sens de l’intérêt général !
Madame la ministre, permettez-moi de rappeler, en dépit de tout le respect que j’ai pour votre personne et pour votre fonction, que ce sont les élus qui tranchent ! Si le Parlement décide, l’administration n’a pas à dire qu’elle ne peut pas mettre en œuvre ! Il m’arrive parfois de me demander qui a le pouvoir dans ce pays : les élus ou bien l’administration ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)
À un moment où les agriculteurs souffrent, il serait bon que ce soient les élus qui décident !
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Ce n’est pas la première fois que je défends cet amendement : c’est au moins la quatrième ! À chaque fois, on me répond, comme vous l’avez fait, qu’on réfléchit, qu’on va faire les choses.
Cette année j’ai travaillé en amont, avec votre collègue ministre de l’agriculture et avec tous les acteurs. La mise en œuvre serait compliquée, dites-vous, madame la ministre. Je rejoins mon collègue Laurent Burgoa : dans nos territoires, des élus et des agents des caisses régionales de la MSA sont prêts à mener cette expérimentation. Pourquoi ne pas les laisser faire ? Cela ne coûterait rien. Il suffit d’avoir la volonté d’agir.
Comme l’a dit également Laurent Burgoa, je ne m’exprime pas beaucoup, mais j’ai mon BSP, mon bon sens paysan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 586 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Exclamations amusées.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 341 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Henri Cabanel et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
Article 7
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L’article L. 136-1-1 est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un 7° ainsi rédigé :
» 7° La rémunération des apprentis mentionnée à l’article L. 6221-1 du code du travail pour la part excédant 50 % du salaire minimum de croissance. » ;
2° Le a du 1° du III est abrogé.
II. – L’article L. 5553-11 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « , de la cotisation d’allocations familiales mentionnée à l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale et de la contribution à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi mentionnée au 1° de l’article L. 5422-9 du code du travail dues par les employeurs, » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, les entreprises d’armement maritime mentionnées au premier alinéa peuvent être exonérées des cotisations d’allocations familiales prévues à l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale et des contributions à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi dues par les employeurs prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail pour les équipages qu’elles emploient à bord de navires de transports de passagers, au sens de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, faite à Londres le 1er novembre 1974 mentionnée à l’article L. 5242-9 du présent code » ;
3° Au deuxième alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux premiers alinéas du présent article » ;
5° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux premiers alinéas ».
III. – À la première phrase du I de l’article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2004-1311 du 30 décembre 2003), les mots : « aux jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement définies à » sont remplacés par les mots : « aux entreprises remplissant les conditions cumulatives définies aux 1° et 2°, au b du 3° et aux 4° et 5° de ».
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025 et est applicable aux cotisations et aux contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter de la même date.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Cet article vise notamment à rationaliser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d’apprentissage. Les entreprises qui recrutent des apprentis bénéficient, en effet, non seulement d’aides directes à cette fin, mais aussi d’exonérations de cotisations.
Or, comme vous le soulignez à juste titre dans votre rapport, madame la rapporteure générale, le montant de ces aides a explosé, puisqu’elles sont passées de 6 milliards d’euros en 2018 à près de 14 milliards d’euros en 2022, alors que les dépenses consenties par les entreprises pour recruter des apprentis sont de 11 milliards d’euros. Le montant des seules exonérations de cotisations sociales liées à l’apprentissage s’élève à 1,5 milliard d’euros en 2023, tandis que celui des pertes de recettes de CSG-CRDS est estimé à 1,2 milliard d’euros.
Il semble donc opportun de réduire la voilure, comme cela est proposé dans cet article. Le problème, c’est qu’au passage, vous assujettissez à la CSG-CRDS, madame la ministre, la part de la rémunération des apprentis qui excède un demi-Smic – vous avez bien entendu, mes chers collègues : un demi-Smic !
On sait tous quels sont les niveaux de rémunération des apprentis. Cette mesure leur ferait perdre entre 50 euros et 100 euros, soit 10 % de leur rémunération. Cette mesure est particulièrement injuste, d’autant plus que ces apprentis sont souvent des jeunes issus de familles populaires, qui pourraient difficilement poursuivre leurs études autrement. Et je n’évoquerai pas, car ce n’est pas le sujet aujourd’hui, la casse des lycées professionnels, qui conduit à développer considérablement l’apprentissage.
En conclusion, si nous sommes favorables à une réduction de la voilure, pour les raisons que j’ai invoquées, sur les exonérations des entreprises, nous sommes résolument opposés à ce qu’on ampute le salaire des apprentis.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Cet article supprime l’exonération de cotisations employeur dont bénéficient les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les jeunes entreprises de croissance (JEC).
Il réduit, à partir du 1er janvier 2025, de 79 % à 50 % du Smic le seuil à partir duquel les rémunérations des apprentis sont exonérées de cotisations sociales. De même, ces rémunérations seront assujetties à la CSG-CRDS sur la part qui excède 50 % du Smic, alors qu’elles sont actuellement totalement exemptées.
La France compte un million d’apprentis, soit quatre fois plus qu’il y a cinq ans. C’est un succès indéniable pour l’emploi et l’insertion des jeunes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est exact !
M. Daniel Chasseing. Le système social et fiscal de l’apprentissage est attractif pour les employeurs, mais il s’agit d’un investissement durable pour notre économie que nous devons conserver pour faciliter l’accès à l’emploi : 70 % des jeunes apprentis trouvent ainsi un travail dans les six mois suivant leur formation, alors que notre pays connaît des difficultés économiques.
Ce dispositif est aussi un ascenseur social qui fonctionne : un tiers des jeunes en alternance dans le supérieur sont issus de familles modestes ; ils n’auraient pas obtenu leurs diplômes sans alternance. Il faut donc conserver ce système.
J’ai cosigné un amendement visant à supprimer cet article. Je soutiens néanmoins la position de la commission. J’espère que la baisse des aides en faveur des apprentis n’entraînera pas de problèmes et ne réduira pas l’attractivité de l’apprentissage.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.
M. Jean-Marie Mizzon. Je prends la parole à ce stade pour dénoncer non pas une injustice, mais une inégalité de traitement injuste : celle qui prévaut entre un salarié frontalier et un salarié frontalier qui est, par ailleurs, élu. Alors que le premier paie ses cotisations sociales dans le pays voisin et bénéficie des services de santé de ce pays, le second ne bénéficie de ce système que si son indemnité d’élu ne représente pas plus de 25 % de la somme de son indemnité et de sa rémunération.
C’est injuste. Voilà qui n’incitera pas les gens à se porter candidats lors des élections municipales de 2026. Cela ne favorisera pas la pluralité des candidatures.
Madame la ministre, êtes-vous sensibilisée à ce problème ? Il y a là une véritable injustice pour les départements frontaliers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Brault. Je voudrais parler des apprentis.
En 1963, j’avais 13 ans : on ne m’a pas laissé le choix, je suis parti passer un certificat d’aptitude professionnelle (CAP). J’ai ensuite créé une entreprise, qui compte, à ce jour, une centaine de compagnons.
Le drame, aujourd’hui, c’est qu’on manque de compagnons pour former nos apprentis. Si l’on ne forme pas d’apprentis maintenant, on n’aura pas de compagnons demain ! Des entreprises que je connais très bien font venir des compagnons du Portugal, payés 48 euros de l’heure, pour exercer le métier de soudeur qualifié.
Un bon compagnon peut former des apprentis. L’apprentissage est une nécessité. Sa réforme a été un véritable succès, parce que les charges ont été allégées. Sans doute faut-il encadrer le dispositif, ne pas l’ouvrir à ceux qui ont plus qu’un CAP ou qu’un brevet professionnel : l’objectif n’est pas que des multinationales recrutent des apprentis ! (Mmes Anne Souyris et Raymonde Poncet Monge renchérissent.)
En revanche, il est vital pour nos artisans, nos PME et nos TPE de cinquante ou cent compagnons, en plomberie, en chauffage, en maçonnerie, en plâtrerie, de former des apprentis. Notre pays n’a plus de compagnons. Or, j’y insiste, si l’on ne forme pas d’apprentis aujourd’hui, on manquera de compagnons demain. Je l’ai dit : beaucoup d’entreprises font venir des compagnons soudeurs du Portugal et d’Espagne, alors que la France avait, dans ce domaine, d’excellents professionnels il y a encore quinze ans, en particulier dans le nucléaire. On n’en a plus. Formons des compagnons, formons des apprentis ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. Nous nous opposerons sans surprise à cet article en votant pour les amendements de suppression déposés par nos collègues. Sans surprise, puisque cet article est le pendant de l’article 6, dont nous avons défendu hier soir la suppression.
L’article 7 revient en effet sur plusieurs mesures de soutien à l’emploi, notamment des plus jeunes, en prévoyant d’assujettir à la CSG-CRDS les rémunérations des apprentis au-delà de 50 % du Smic.
Nous avons porté ces dernières années un certain nombre de mesures en faveur du développement de l’apprentissage dans notre pays, et ce avec succès, puisque le cap symbolique du million d’apprentis en France a été dépassé à la fin de 2023, avec près de 850 000 nouveaux contrats enregistrés sur l’année. Je rappelle quand même qu’ils étaient 350 000 en 2017.
Cet article 7, qui va de pair avec la baisse des aides versées aux entreprises, dont nous aurons à débattre lors de l’examen du projet de loi de finances, nous semble aller à contre-courant des politiques menées en faveur de l’emploi et de l’insertion des jeunes. Le signal envoyé est donc désastreux.
Il en va de même pour les jeunes entreprises innovantes. Toute mesure d’économie sur ce dispositif pénaliserait les start-up et PME innovantes, alors que l’écosystème subit une crise de financement depuis bientôt deux ans.
Cette mesure d’économie interviendrait par ailleurs quelques mois seulement après l’extension du dispositif aux jeunes entreprises de croissance.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. Monsieur le président, permettez au sénateur alsacien que je suis de conseiller aux membres de notre assemblée de ne toucher à la réglementation de l’apprentissage qu’avec une main tremblante, si vous me permettez de paraphraser une expression consacrée initialement à la Constitution.
J’ai été directeur général d’une grande chambre de métiers, la chambre de métiers d’Alsace, au temps béni où l’Alsace était encore une région, et je voudrais redire toute l’importance que peut avoir l’apprentissage, non seulement en matière d’insertion professionnelle, mais aussi en matière de qualification professionnelle, ce dont parlaient les orateurs précédents.
En Alsace, nous avions cette chance, de par notre histoire, d’avoir proportionnellement beaucoup plus d’apprentis par classe d’âge qu’ailleurs. Et j’ose le dire ici, la prospérité économique de notre région doit beaucoup à la prépondérance de l’apprentissage, les entreprises artisanales se développant grâce à une main-d’œuvre qualifiée.
Depuis lors, l’apprentissage s’est ouvert à d’autres diplômes – à l’époque, c’était simplement le niveau 5, c’est-à-dire le niveau CAP, ou le brevet de compagnon chez nous –, puisqu’il concerne dorénavant l’enseignement supérieur, y compris les doctorants, même si cela n’a pas encore été testé. Pour notre pays, c’est une chance qu’il convient de préserver.
Lorsque j’étais directeur général, ce qui remonte à quelques années, nous ne comptions pas plus de 300 000 apprentis. En quelques années, nous sommes passés au million ! Il ne faut pas casser cette dynamique, dont je ne saurais dire si elle est due aux aides ou à l’acquisition d’une culture nouvelle. À l’époque, c’est vrai, l’éducation nationale ne voulait pas envoyer des jeunes en apprentissage, sauf les plus mauvais. Cela a quand même changé considérablement. Je le répète, je ne sais pas où est l’explication, mais nous devons faire très attention à ce que nous votons en matière d’apprentissage.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.
Mme Annie Le Houerou. Cet article 7 a pour objet de faire peser les économies gouvernementales sur les jeunes cherchant à s’insérer dans le monde du travail, à savoir les apprentis, alors que le développement de l’apprentissage a été une avancée pour eux, souvent discriminés qu’ils étaient à leur entrée dans le monde professionnel. La proposition gouvernementale d’élargir le nombre d’apprentis assujettis aux cotisations sociales est une erreur manifeste.
Vous connaissez notre position sur les exonérations. Elles ne doivent être conservées que lorsqu’elles sont efficaces. Or réduire les revenus des apprentis dès que leur rémunération dépasse la moitié du Smic, soit moins de 700 euros net mensuels, c’est-à-dire presque le RSA, attaque directement leurs moyens de subsistance. Il est complètement injuste de faire porter les dérives budgétaires sur les apprentis, dont nous connaissons la précarité des conditions de vie.
Par ailleurs, cette mesure aura un impact important sur la capacité des artisans et petits commerces d’engager des apprentis, car les TPE et PME n’ont pas toutes les moyens d’augmenter la rémunération brute de leurs apprentis pour conserver leur attractivité vis-à-vis des jeunes.
Beaucoup ont proposé, en découvrant cet article 7 dans le PLFSS, de limiter cette mesure aux apprentis de niveau bac ou d’un niveau inférieur à bac+3. Toutefois, il faut garder en tête que deux tiers des apprentis s’engagent dans des études grâce à l’apprentissage, qui est une source de financement des parcours d’études, de plus en plus onéreux. Nous voterons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, sur l’article.
M. Pierre Jean Rochette. Là, les gens ne vont absolument pas comprendre ce que nous sommes en train de faire. C’est une hérésie, cette histoire. J’espère que vous en avez tous conscience.
Même avec toute la bienveillance dont je peux faire preuve envers les représentants du Gouvernement, je dois dire que je ne comprends même pas que cette mesure figure dans le PLFSS.
De grâce, madame la ministre, il y a assez d’économies à faire ailleurs en chassant les fraudeurs et en réformant l’État de l’intérieur ! C’est d’ailleurs ce que nous demandent les Français. Ils ne demandent pas le démantèlement du système social et ils demandent encore moins que l’on aille taxer ceux qui démarrent dans la vie active, qui sont les plus faibles et les plus fragiles dans le monde du travail.
Beaucoup de choses n’ont pas marché ces dernières années, mais la réforme de l’apprentissage a, elle, très bien fonctionné. N’allons pas assommer de charges des jeunes qui démarrent dans la vie active et des entreprises qui laissent leur chance à des jeunes. De grâce !
Je remercie sincèrement tous ceux qui portent les amendements de suppression. Mes chers collègues, dans un sursaut, faisons en sorte de réparer cette grossière erreur.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, sur l’article.
Mme Frédérique Puissat. Comme l’a rappelé notre collègue Iacovelli tout à l’heure, nous avons discuté hier soir de l’article 6, qui ne traitait pas du même sujet, mais qui était un peu de la même veine que cet article 7.
Ce n’est pas un article que nous voterons de gaieté de cœur, mais nous aurons l’occasion de reparler plus tard de l’apprentissage, qui est traité principalement dans le projet de loi de finances, et non dans le PLFSS.
Mes chers collègues, je veux simplement vous dire que, depuis la loi de 2018, la mission « Travail et emploi », qui concerne principalement l’apprentissage, est passée de 14 milliards d’euros à 22 milliards d’euros.
Alors oui, c’est vrai, le nombre d’apprentis a augmenté. Oui, c’est vrai, nous croyons à l’apprentissage et nous pouvons nous féliciter d’avoir davantage d’apprentis. Mais à quel prix, mes amis ?
Nous avons fait le choix, avec la loi 2018, de centraliser l’apprentissage en créant France Compétences pour suppléer les régions.
Mme Monique Lubin. Quelle erreur !
Mme Frédérique Puissat. Nous avons, pour reprendre l’expression de la Cour des comptes, créé un guichet ouvert, où l’on pouvait à tout moment demander l’ouverture d’un contrat d’apprentissage. France Compétences a ainsi vite été confrontée à des déficits que nous n’arrivons toujours pas à résorber.
Oui, nous avons créé un appel d’air en faveur de l’apprentissage, mais nous n’avons toujours pas trouvé le point d’équilibre pour financer son développement.
L’article 7 pèse non pas sur l’aide à l’apprentissage aux entreprises, mais sur les apprentis. Il y a en effet des apprentis qui ont de faibles revenus, mais d’autres en ont un peu plus. Au-dessus d’un certain âge, il y a des rémunérations supérieures aux 800 euros qui sont souvent pris en exemple.
Je le répète, ce n’est pas de gaieté de cœur que nous devons voter cet article, qui pèse quand même pour 350 millions d’euros dans l’équilibre global du budget de la sécurité sociale. Nous allons essayer de le préserver, faute de quoi nous devrons bien trouver ces 350 millions d’euros ailleurs. Pour l’heure, je vous rappelle que le déficit de la sécurité sociale est de 16 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l’article.
Mme Ghislaine Senée. Contre toute attente, je souhaite modérer un peu notre discussion.
En effet, depuis la réforme de 2018, la mission « Travail et emploi » est passée de 14 milliards d’euros à 22 milliards d’euros.
Nous sommes pour les cotisations, parce que c’est un acte de solidarité, les cotisations des uns pouvant bénéficier à d’autres.
Un étudiant qui n’est pas apprenti, mais qui doit travailler au McDo pour financer ses études, va, lui, payer de la CSG. Un ingénieur apprenti, issu d’une famille aisée ayant les moyens de financer son école, et qui aura un niveau de salaire élevé à son entrée dans la vie active, se sera vu offrir des droits à la retraite sans avoir payé de la CSG.
Il faut vraiment bien poser les termes du débat pour tendre vers l’équité. Évidemment, c’est difficile de dire brutalement à des personnes qui ne payaient pas de cotisations qu’elles vont dorénavant en payer. En toute responsabilité, je suis beaucoup plus modérée que nombre de mes collègues sur ces propositions de suppression de l’article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Autant j’étais disposée à amender l’article, autant je suis opposée à sa suppression. La quasi-unanimité qui se dégage à cet égard ne laisse pas de m’interroger.
En effet, l’apprentissage rencontre un véritable succès, mais France Travail remarque que près de 10 % des nouveaux inscrits sont d’anciens apprentis. Il y a également des groupes qui font tourner les apprentis. Si vous voulez des exemples, nous pourrons vous en donner. Il s’agit d’analyser cette évolution pour identifier les effets d’aubaine, qu’il faut combattre, tout en conservant l’esprit du dispositif.
J’ai constaté une belle unanimité pour dire qu’on ne pouvait pas payer de cotisations salariales au-delà de 50 % du Smic. D’accord, mais j’attends les propositions pour les 17 % de smicards français qui en paient, ce qui vient alourdir le coût du travail, une expression que je récuse par ailleurs.
Je ne pense pas que les apprentis concernés par l’article verront une grande différence. Quand ils vont s’inscrire au chômage, pour 8 % à 10 % d’entre eux, ils vont bien avoir le bénéfice des droits contributifs, auxquels doivent correspondre des cotisations. Il faut arriver à leur faire comprendre cela, même si je pense que leur niveau de rémunération n’est pas assez élevé.
Un jeune salarié n’est pas traité équitablement par rapport à un apprenti, et je ne pense pas qu’il y aura moins d’apprentis s’ils paient des cotisations à partir de 50 % du Smic. Il y a par ailleurs assez d’aides pour que les employeurs en tiennent compte dans leur politique de rémunération.
Je le répète, je ne comprends pas trop cette quasi-unanimité.
Mme Jocelyne Guidez. C’est fini !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, je souhaite non pas supprimer, mais amender cet article.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord, et tout l’a démontré ces dernières années, l’apprentissage est une filière d’excellence.
Je veux d’abord rappeler que cet article 7 concerne non pas seulement les apprentis, mais également le transport maritime, les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises en croissance. Or tout le monde ne parle que des apprentis… Peut-être pourrons-nous aborder les autres statuts à la faveur d’amendements ultérieurs.
La question qui se pose est la suivante : peut-on financer la sécurité sociale par des exonérations de cotisations ? Non !
Comme vient de le dire très justement, après d’autres, notre collègue, si l’on cotise, on a des droits. Dans le cas qui nous intéresse, les apprentis ont des droits sans cotiser, alors que les stagiaires paient la CSG-CRDS. Or personne ne remet cela en cause.
J’aimerais mieux que cet article soit absent de ce PLFSS, qui exige un effort de tous ceux que j’ai énumérés au début de mon intervention, mais la situation est tellement grave que tout le monde doit contribuer. De surcroît, cette mesure permettra également d’éviter les effets d’aubaine, que personne n’ignore. Il y a toujours des profiteurs…
Enfin, nous pourrons débattre de l’apprentissage lors de la discussion du PLF. Je préfère vraiment discuter du montant de l’aide, plutôt que de revenir sur cette proposition visant à assujettir certains apprentis à la CSG-CRDS.
Mme Anne-Sophie Romagny. Bien sûr !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En tant que rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, je n’arrive pas à comprendre toutes ces exonérations de cotisations. Cela me trouble. La réalité, c’est que les cotisations ouvrent des droits. C’est ailleurs qu’il faut trouver des ressorts pour impulser des politiques particulières de l’apprentissage pour tel type d’entreprises, pour tel secteur d’activité, pour telle situation économique particulière, comme dans les outre-mer. Les cotisations sociales ne doivent pas servir à régler les problèmes de l’emploi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Permettez-moi d’apporter mon propre témoignage.
Quand j’ai reçu le texte, j’avoue que j’ai été très sceptique, appuyant ma réflexion sur les mêmes arguments que ceux que nous venons d’entendre. J’ai donc organisé une réunion dans mon département avec les acteurs de l’apprentissage et les entreprises pour parler de ce sujet.
Très vite, tout le monde a bien compris que n’étaient concernés que les revenus au-dessus de 900 euros. Si l’on prend en compte les personnes en CAP, c’est au bout de la troisième année qu’elles basculent dans cette tranche de rémunération. Autour de moi, j’avais un apprenti touchant autour de 1 200 euros en troisième ou quatrième année et un salarié touchant à peine plus. Or l’un ne payait ni CSG, ni CRDS, ni impôt sur le revenu, tandis que l’autre payait les trois !
Par ailleurs, j’y insiste, les exonérations seront revues uniquement au-dessus de 900 euros de rémunération. Lisez bien l’article ! Quand j’entends dire qu’une telle mesure précipitera la fin de l’apprentissage, j’y vois une affirmation un peu exagérée. Je suis d’accord, il y a un effort à faire, mais n’empruntez pas de tels raccourcis, mes chers collègues.
D’ailleurs, à la fin de la réunion que j’ai évoquée plus haut, il n’y avait guère d’enthousiasme, mais les participants étaient revenus à de meilleurs sentiments. On peut faire le choix de faire payer les salariés au Smic, ainsi que les stagiaires, et pas les apprentis, mais cet article ne va pas signer la fin de l’apprentissage. C’est une caricature ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)