Sommaire
Présidence de M. Dominique Théophile
Questions d'actualité au Gouvernement
situation des collectivités territoriales et en particulier avenir du modèle départemental
situation budgétaire des collectivités locales
situation des collectivités territoriales
insécurité dans les petites villes de france
situation de la scolarisation des enfants à Mayotte
contribution des collectivités à la réduction du déficit de la france
protection des élus locaux face aux violences
caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
finances des collectivités territoriales
retraite des sapeurs-pompiers volontaires
fermeture de maternités, notamment dans les yvelines
surexposition des enfants aux écrans
Candidatures à une commission d'enquête
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
modification de l'ordre du jour
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mise au point au sujet d'un vote
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
nomination de membres d'une commission d'enquête
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
J'indique que M. le président du Sénat, Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il intervient cet après-midi devant le Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous sommes très heureux de vous annoncer que nous accueillerons demain dans nos tribunes, dans le cadre de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, une soixantaine de duos constitués de nos collègues, de collaborateurs ou membres du personnel et de personnes en situation de handicap pour leur faire découvrir le fonctionnement de notre institution et nos métiers. (M. Michel Savin applaudit.)
Le Sénat est pleinement mobilisé pour l'inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment au travers de ces journées d'échanges, qui constituent un moment privilégié pour changer de regard et, ensemble, dépasser nos préjugés.
Je remercie chaque sénateur, sénatrice, fonctionnaire, contractuel et collaborateur de sa participation à cette journée consacrée à l'emploi des personnes en situation de handicap.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun d'entre vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
situation des collectivités territoriales et en particulier avenir du modèle départemental
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Fidèle à la Constitution, le Sénat est la maison des collectivités locales, une maison ouverte toute l'année à tous les élus qui maillent nos territoires, avec dévouement et responsabilité, que ce soit en métropole, en outre-mer, mais aussi aux conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, que je n'oublie pas. Cette semaine, où se tient le Congrès annuel des maires et des présidents d'intercommunalité de France, ces élus garnissent nos tribunes bien plus que d'habitude. C'est un honneur pour nous de les recevoir.
J'en profite pour tous vous saluer, mesdames, messieurs les maires, ainsi que tous les élus vos communes.
Sur nos travées, dans cet hémicycle, malgré nos sensibilités différentes, nous savons ensemble défendre les communes, les intercommunalités, les départements et les régions.
Monsieur le Premier ministre, vous savez comme nous ce dont tous les élus ont besoin, quel que soit l'échelon auquel ils exercent. Nous y travaillons au Sénat : un statut qui protège la fonction d'élu ; un cadre simplifié pour l'exercice des compétences locales ; une clarification, bien sûr, des règles d'autonomie financière.
À Angers, lors des Assises des départements de France, vous avez indiqué que le modèle départemental est arrivé à ses limites. Peut-on aujourd'hui en savoir plus sur votre projet d'instance de pilotage partagée ?
Les départements jouent un rôle incontestable de bouclier social. Au fil des crises, ils investissent de plus en plus de moyens pour soutenir nos concitoyens dans la proximité, y compris pour aider nos agriculteurs, qui lancent en ce moment même un nouvel appel de détresse.
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, quel sera le modèle départemental à l'avenir ?
Pour le groupe du RDSE, il est un principe qui doit être respecté : le département ne doit pas être la variable d'ajustement des défaillances de l'État. Si nouveau partenariat il doit y avoir, celui-ci doit s'inscrire dans un véritable contrat de confiance.
Je formule la même demande concernant les relations entre l'État déconcentré et les communes, ces dernières étant bien entendu, elles aussi, garantes de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Carrère, je m'associe évidemment à l'hommage que vous avez rendu à tous les élus, sentinelles et acteurs de la République, du cadre communal aux régions, en passant par les intercommunalités et les départements. Je suis très heureux que ce message de soutien et de confiance, que j'adresse aux élus présents, nombreux, dans vos tribunes, soit porté en ce moment même par le président Larcher, avec la force et la conviction qui sont les siennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre qui s'exprime devant vous n'a rien oublié de ce qu'il a appris au cours des dix-sept années durant lesquelles il a présidé un conseil général, celui de la Savoie, et travaillé quotidiennement avec les maires, y compris ceux des plus petites communes.
C'est dans cet esprit que je me suis adressé aux présidents de conseil départemental à Angers la semaine dernière. En effet, je pense que, après tant d'années, le modèle départemental est à bout. On constate – et c'est le sentiment des conseillers départementaux aujourd'hui – qu'ils se sont transformés en distributeurs de subventions obligatoires, pour les collèges et l'action sociale, qu'ils sont malgré eux devenus des opérateurs de l'État. Or je pense que le destin des départements n'est pas d'être des sous-traitants de l'État.
Voilà pourquoi, madame la présidente, j'ai parlé d'un projet d'instance de pilotage partagée, notamment pour ce qui concerne l'action sociale.
Le département, à mes yeux, c'est le lieu, avec les communes, de la cohésion sociale et territoriale. Cette cohésion doit être coconstruite, et non pas imposée d'en haut. Voilà pourquoi nous allons bâtir, avec la ministre Catherine Vautrin et les autres membres du Gouvernement, ce contrat de confiance partagé, décidé ensemble, pour plusieurs années. Les départements, comme les communes, ont besoin de prédictibilité et de visibilité.
J'ai annoncé un certain nombre de mesures, qui sont en discussion en ce moment même devant votre assemblée, pour améliorer la copie, comme me l'ont demandé les conseils départementaux. Nous consulterons également les maires et le Sénat dans les temps qui viennent.
Madame la présidente, vous avez également évoqué la proximité naturelle entre les départements et le monde agricole et rural, qui souffre et exprime aujourd'hui des incompréhensions, des colères, des demandes.
J'ai à mes côtés Annie Genevard, la ministre de l'agriculture, en qui j'ai confiance et qui travaille énormément pour répondre à la colère et aux inquiétudes des agriculteurs. Nous tiendrons, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les engagements qui ont été pris par le précédent gouvernement et Marc Fesneau, qui avait apporté un certain nombre de réponses très concrètes.
Au-delà, nous avons complété les fonds nécessaires pour faire face à la fièvre catarrhale ovine. Nous mettons en place des prêts bonifiés, parce que les agriculteurs ont besoin de simplification et de trésorerie.
Pour terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un mot sur la simplification, qui est une clé également pour les communes, les départements et les régions.
Nous allons aller très loin – pas trop loin, mais très loin – en matière de simplification et de déconcentration vers les préfets de département. Vous le verrez dans les jours qui viennent.
Les agriculteurs ont raison de demander que l'on examine une par une les normes européennes et leur application chez nous. La preuve est faite que, depuis une vingtaine d'années, nous avons surtransposé un certain nombre de textes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Chacune de ces surtranspositions, quand elle n'est pas justifiée, introduit de la concurrence déloyale, que nous créons nous-mêmes, contre nos propres entreprises agricoles, artisanales ou industrielles.
Nous allons donc examiner, madame la présidente, chacune de ces surtranspositions. Je souhaite d'ailleurs que cet examen fasse l'objet d'un travail bicaméral. Cela représente beaucoup de travail et nécessite une grande expertise, que nous sommes prêts à apporter au Parlement. Je prends l'engagement, avec le Gouvernement, de mettre fin aux surtranspositions qui ne sont pas justifiées aujourd'hui et qui créent des concurrences déloyales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
situation budgétaire des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, les maires de France, nombreux dans nos tribunes aujourd'hui, devront-ils demain augmenter le tarif de la cantine dans leurs écoles ou bien réduire le grammage des repas distribués aux enfants ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) C'est à de telles décisions qu'ils seront désormais confrontés. Il ne s'agit pas là d'une vue de l'esprit.
En privant les régions, les départements, les intercommunalités et les communes des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions, les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron ont détricoté, maille après maille, le contrat constitutionnel entre l'État et nos collectivités.
Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, poursuit dans cet engrenage et aggrave la situation en prévoyant des mesures d'austérité budgétaire sans précédent. Avec de telles mesures, vous pourriez même faire passer les fameux contrats de Cahors pour acceptables. Nous allons passer de l'illusion du ruissellement à l'assèchement total !
Alors que vous évoquez des baisses de crédits de 10 milliards d'euros, puis de 7 milliards et de 5 milliards d'euros, les élus locaux ne sont pas dupes de vos astuces politiciennes. Ce n'est pas parce que ces coupes budgétaires seront moins élevées qu'annoncé que nous les accepterons.
Notre position ne changera pas : baisser les moyens des collectivités, c'est non ; s'attaquer au reste de leur autonomie financière, c'est encore non, pas par corporatisme, mais parce que nous sommes convaincus qu'affaiblir les communes est une faute politique. C'est se priver de leur rôle historique d'amortisseur de crise. C'est se priver de leurs investissements pour l'aménagement du territoire et le bien-être de nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, nous ne vous laisserons pas fracasser l'avenir des communes sur le mur de votre incurie budgétaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comptez-vous poursuivre cette politique de casse de la décentralisation, au risque de conduire à une crise non pas des « gilets jaunes », mais des « écharpes tricolores » ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je vous le dis droit dans les yeux : je vous ai connu plus mesuré ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)
Je me souviens d'ailleurs d'un dialogue que j'ai eu ici même lorsque j'ai participé avec vous, à l'invitation du président Larcher, à la commémoration du quatre-vingtième anniversaire de l'installation de l'Assemblée consultative provisoire. J'ai alors eu l'espoir que, à l'image de cette assemblée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et dans l'esprit du Conseil national de la Résistance, on puisse trouver dans ce pays, tous ensemble, la capacité de dire des choses justes, respectueusement, en faisant preuve de nuance. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Monsieur Kanner, votre question, ainsi que la manière dont vous l'avez posée, n'est pas vraiment l'illustration de la nuance ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. François Patriat. C'est vrai !
M. Michel Barnier, Premier ministre. Ne protestez pas ! Pour ma part, je n'évoquerai pas les baisses de crédits des collectivités locales durant le quinquennat de François Hollande. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe SER.) Mais on peut faire le compte, si vous le souhaitez.
Je n'évoquerai pas non plus le devoir d'humilité qui doit être le nôtre concernant le montant de la dette que j'ai trouvée à mon arrivée et que j'essaie de gérer.
M. Hussein Bourgi. La faute à qui ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. La faute à qui ?
On peut expliquer une partie de cette dette par la crise de la covid, que nous avons affrontée tous ensemble, le Gouvernement en tête, mais, mesdames, messieurs les sénateurs, franchement, vous savez bien que la dette remonte à au moins une vingtaine d'années ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
On peut évaluer le coût de cette dette accumulée : il s'élève aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, à près de 870 euros d'intérêts chaque année pour tous les Français, qu'ils soient âgés d'un mois ou de 80 ans. Cela ne peut pas durer !
Nous devrions assumer ensemble, monsieur Kanner, cette responsabilité. Réduire la dette de notre pays est aujourd'hui un devoir d'intelligence national. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)
Pensez-vous que cela me fasse plaisir, monsieur le président Kanner, de présenter le projet de budget que je défends en ce moment ? Pensez-vous que cela me fasse plaisir de proposer des réductions, ce freinage général ? Nous y sommes obligés, dans l'intérêt national ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Prenez les recettes là où elles sont !
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas un Premier ministre, mais un président de groupe !
M. Michel Barnier, Premier ministre. J'ai réellement du mal à comprendre la véhémence dont vous faites preuve sur ce sujet. Nous devrions tous être un peu plus solidaires. L'intérêt du pays est de réduire cette dette.
Je sais que le projet de budget que je présente n'est pas parfait, mais j'ai dû le fabriquer en quinze jours, avec les membres du Gouvernement. En quinze jours ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Jamais un Premier ministre n'a été conduit à présenter un projet de budget dans un délai aussi contraint.
J'ai dit, ici même, dès le premier jour, qu'il n'était pas parfait, qu'il était améliorable et amendable. Nous l'améliorons, y compris en faveur des collectivités territoriales – et à commencer par elles. La République, qui est fragile, a besoin – peut-être est-ce là un point d'accord entre nous – des communes, des départements et des régions.
Nous allons améliorer le projet de budget, avec le Sénat. Nous allons réduire le poids de l'effort que nous demandions aux collectivités, car il n'était pas juste, notamment, dans certains cas, pour les départements et pour les communes.
M. Akli Mellouli. Quelles recettes ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. Nous allons repartir d'un nouveau pied, monsieur Kanner. Au-delà de ce budget, que nous préparons dans l'extrême urgence, le dos au mur, j'ai envie de relever la ligne d'horizon. J'espère que nous le ferons ensemble, pour les communes et les autres collectivités locales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous nous renvoyez à François Hollande : zéro inflation, remise à plat des comptes de la Nation (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) et aucune atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales !
Monsieur le Premier ministre, votre politique vise à mettre à genoux les élus de la République à l'échelon local : nous serons là pour les maintenir debout ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, qui tendent à rendre inaudible l'orateur.)
situation des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, nous le savons tous, la baisse des dotations aux collectivités a toujours eu des conséquences très fortes sur l'investissement local. Au-delà de la question des chiffres – l'effort qui leur est demandé sera-t-il de 5 milliards d'euros ou, comme l'estiment certains, plutôt de 8,5 ou de 9 milliards d'euros ? –, permettez-moi de vous faire part des inquiétudes des maires.
Depuis hier, des milliers d'élus locaux sillonnent les allées du Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France. Dans la diversité de leurs engagements, de leurs expériences, de leurs territoires, des strates de collectivité dans laquelle ils sont élus, ils sont tous profondément inquiets, car ils entendent parler d'une réduction des crédits du fonds vert, du financement des régions, des départements, des intercommunalités, des budgets communaux, et craignent donc une fragilisation de cet équilibre.
Par ailleurs, nous rencontrons lors de ce même congrès, comme nous l'avons fait aujourd'hui, des chefs d'entreprise et leurs salariés inquiets pour les conséquences demain de ces réductions sur l'investissement local.
L'annonce d'une baisse du taux du fonds de compensation sur la taxe pour la valeur ajoutée (FCTVA) et d'une réduction de son assiette, c'est-à-dire, très concrètement, des dépenses éligibles, suscite une inquiétude très forte.
Monsieur le Premier ministre, l'article 30 du projet de loi de finances dont nous entamerons l'examen dès la semaine prochaine va pénaliser toutes les collectivités, à rebours de la philosophie qui est la vôtre. Alors que vous annonciez un budget fondé sur un partage de l'effort, toutes les communes qui investissent, des plus fragiles aux plus riches, sans exception, subiront cette mesure drastique.
Par ailleurs, cet article a un caractère rétroactif, ce qui le rende doublement injuste. Lorsqu'elles ont mis en œuvre un plan d'investissement il y a trois, quatre ou cinq ans, les communes n'ont pas anticipé les mesures que vous annoncez.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer à cet article 30 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Je vous remercie, madame la présidente Cukierman du fond et du ton de votre question. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Je dis ce que je pense ! Et vous ne m'empêcherez pas de le faire, mesdames, messieurs les sénateurs, que cela vous plaise ou non. Il y a une manière de se parler !
Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles nous avons appelé à cet effort l'ensemble des partenaires, des collectivités et des citoyens, en essayant d'être justes. Je ne suis pas sûr que nous ayons encore complètement atteint cet objectif, mais nous allons nous efforcer d'y parvenir ensemble. Nous allons essayer d'améliorer l'équilibre final du projet de budget, avec tous les groupes de votre assemblée, et en tenant compte aussi d'un certain nombre de propositions et de bonnes idées de l'Assemblée nationale.
Notre déficit doit être réduit à 5 % de notre PIB l'année prochaine. Il y va de l'intérêt national. En ce qui me concerne, vous ne m'entendrez jamais montrer du doigt les collectivités locales. Je ne l'ai pas fait à Angers et je ne le ferai pas plus aujourd'hui que demain.
Les collectivités sont des partenaires. Je sais les efforts d'investissement qu'elles réalisent, le rôle vital qu'elles jouent en termes de cohésion sociale et territoriale. Notre pays en a grand besoin en ce moment où la République est fragile. Voilà ce qui justifie l'effort que nous allons faire au sujet du fonds de réserve, comme je l'ai indiqué la semaine dernière.
Comme vous me l'avez demandé, madame la présidente, et comme d'autres groupes l'ont demandé, qu'il s'agisse, ici, de la majorité sénatoriale ou, à l'Assemblée nationale, du socle législatif qui nous soutient – c'est un travail collectif –, je vous indique, concernant le FCTVA, que, oui, nous allons revenir sur le caractère rétroactif de l'article 30 pour continuer à soutenir l'investissement et pour ne pas être injustes.
D'autres mesures sont également prévues, comme l'étalement sur quatre ans, au lieu de trois ans, de la hausse des cotisations employeur et des dispositions concernant les dépenses des départements pour l'autonomie.
Puis viendra un moment où nous devrons, comme je l'ai dit au président Kanner, relever la ligne d'horizon, sortir de nos difficultés, après avoir, dans l'intérêt du pays, réduit le déficit. Nous devrons faire autre chose, dans un esprit de confiance, par le contrat plutôt que par la contrainte, avec l'ensemble des collectivités locales, en particulier les communes et les départements.
Nous parlerons ainsi de la compétence eau et assainissement, sur laquelle j'ai déjà évoqué l'avancée et la proposition d'ouverture des départements, de l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), du statut de l'élu, sur lequel votre assemblée a beaucoup travaillé, de la prévention des risques et de la sécurité au quotidien. Sur ce sujet, les deux ministres concernés, Bruno Retailleau et Nicolas Daragon, ont envoyé aujourd'hui même une circulaire à tous les préfets pour relever, avec les collectivités locales, le défi de la sécurité au quotidien, défi auquel l'État prendra sa part.
Il y a tellement de choses à faire pour améliorer la vie, pour créer du progrès, qu'il nous faut aller le plus vite possible, de la manière la plus juste, pour sortir de cette période difficile et travailler avec l'ensemble des collectivités locales. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
insécurité dans les petites villes de france
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre de l'intérieur, connaissez-vous Rumilly ?
Ville de 16 000 habitants située dans mon département de la Haute-Savoie, aux confins de la Savoie, monsieur le Premier ministre, entre Annecy et Aix-les-Bains, elle a été le théâtre d'un nouveau drame dimanche. En plein après-midi, et au centre-ville, une bagarre générale entre deux bandes rivales s'est soldée par la mort d'un jeune de 17 ans, tué d'une balle dans la tête. Un autre jeune, blessé au thorax, est actuellement entre la vie et la mort.
Je pense à leurs familles et je comprends le traumatisme que cela représente pour les habitants de Rumilly et pour les élus de cette ville.
L'enquête déterminera bien sûr si cette affaire est un règlement de comptes et/ou si elle est liée à des trafics de stupéfiants.
En tout état de cause, ce drame est la preuve que même nos petites villes n'échappent pas aux phénomènes d'hyperviolence.
Monsieur le ministre de l'intérieur, les Français aspirent à la paix dans l'espace public. Alors que les maires de France se réunissent pour leur congrès annuel à Paris, quelles sont les initiatives prises par le Gouvernement pour les soutenir dans leurs actions locales visant à préserver la sécurité de nos concitoyens et à prévenir les violences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, le constat que vous faites est une tragédie, je le fais mien aussi : des violences de plus en plus désinhibées, des violences dont les auteurs et les victimes sont de plus en plus jeunes, des violences qui sont en train de s'étendre sur l'ensemble du territoire. Aucun territoire aujourd'hui n'est épargné.
Un jeune de 17 ans est mort, un autre, âgé de 19 ans, est entre la vie et la mort. Je pense bien entendu à leurs proches et à leurs amis, et surtout à leurs familles.
Nous ne réglerons pas la question de l'hyperviolence avec des coups de menton ; nous ne la réglerons pas non plus en claquant des doigts. L'État seul ne pourra pas la régler.
Je l'ai dit ici il y a quelques jours en réponse à une question, nous avons réuni l'ensemble des acteurs de l'État chargés de la sécurité publique : les préfets, les policiers, les gendarmes. Je leur ai demandé d'élaborer, sur le terrain, un plan d'action pour restaurer la sécurité publique. C'est un contrat entre eux et nous. Je vais leur donner plus de liberté, en échange de résultats. Je leur ai surtout demandé de travailler avec les élus locaux, dans un continuum de sécurité. C'est fondamental.
Je viens de visiter deux communes, Meaux et, en Moselle, Metz. Je vous assure que, lorsque les élus se sentent concernés, quand ils réunissent, notamment au sein de comités locaux de sécurité, l'ensemble des partenaires, les policiers, bien sûr, les gendarmes, mais aussi la justice et les bailleurs sociaux, on obtient des résultats. Quand on met en place de la vidéoprotection, des polices municipales, quand celles-ci sont armées, on obtient des résultats. C'est important de le dire.
Telle est l'idée que je défends et que je continuerai de porter parce que, sans les élus locaux, sans les maires, nous ne pourrons rien.
Et Paris ne sait pas tout. C'est la raison pour laquelle nous mettrons en œuvre autant de plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien qu'il y a de départements.
Mais il nous faudra sans doute également apporter une réponse plus large, prendre en compte les familles, l'autorité parentale. Il faut restaurer l'autorité scolaire, les interdits aussi, le respect de l'autre, de la règle, une hiérarchie entre l'élève et l'adulte, l'élève et le maître. C'est fondamental. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre de l'intérieur, les maires sont très présents dans les domaines de la prévention, de l'éducation, de la politique de la ville, mais également de l'autorité publique, avec leurs polices municipales. L'État, avec la police nationale, avec la gendarmerie nationale, mais aussi avec la justice, doit se tenir à leurs côtés.
Monsieur le ministre, merci d'aider Rumilly ! Merci d'aider toutes les communes de France face au défi de l'insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
nouveau coup porté aux collectivités territoriales dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne les ajustements significatifs qui ont été annoncés dans le budget, et notamment les efforts demandés aux collectivités territoriales.
Les derniers gouvernements ont voulu faire peser sur les collectivités territoriales la responsabilité de la dette, mais celle-ci ne peut pas leur être imputée ! L'absorption du déficit actuel ne peut pas davantage leur être demandée.
Le projet de loi de finances pour 2025, que nous examinerons prochainement, demandait initialement aux collectivités locales un effort de 5 milliards d'euros.
Ce montant est contesté par tous. Charles de Courson évalue l'effort à 7,8 milliards d'euros ; France urbaine parle de 8,5 milliards ou de 9 milliards d'euros ; les maires, qui tiennent actuellement leur congrès autour de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, arrivent au chiffre de 8,7 milliards d'euros, ou 10,9 milliards d'euros si l'on tient compte du désengagement de l'État des programmes destinés aux territoires.
Tous expriment leur crainte, justifiée, de voir disparaître des actions essentielles comme la prise en charge sociale, par les départements, des mineurs non accompagnés (MNA) ou du revenu de solidarité active (RSA) et, dans les communes, des services de la petite enfance ou de la transition écologique.
Même après les dernières annonces, faites pour éviter le pire, le compte n'y est pas. Amateurisme ou insincérité ? Le résultat sera le même : néfaste. Ce gouvernement sera-t-il celui de l'abandon par l'État des collectivités territoriales et des services au public ? Assumez-vous de mettre en péril ces piliers de la République que sont les communes pour laver les péchés d'une politique budgétaire nationale coupable ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Benarroche, vous avez entendu ce qu'a dit M. le Premier ministre il y a quelques instants. Comme lui, je commencerai par saluer Mmes et MM. les maires qui, à l'occasion du Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France, sont aujourd'hui en tribunes pour assister à cette séance de questions au Gouvernement.
Je vous répondrai très directement, monsieur le sénateur, que le gouvernement dirigé par Michel Barnier se mobilise précisément pour travailler avec l'ensemble des collectivités territoriales : les régions, les départements et le bloc communal.
Le Premier ministre vient de répondre sur les départements ; je centrerai donc ma réponse sur les communes.
Vous savez dans quelles conditions le budget a été préparé. Le Sénat a commencé à l'étudier, et je remercie pour cela le rapporteur général de votre commission des finances Jean-François Husson, tout comme le sénateur Sautarel, avec qui nous travaillons.
Pour rappel, les communes auxquelles un effort était demandé étaient celles dont le budget dépasse les 40 millions d'euros, qui ne bénéficient pas de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et qui ne sont pas concernées par la péréquation, puisqu'elles reçoivent une aide et ne participent pas.
En d'autres termes, toutes les communes de France n'étaient pas directement concernées, sauf par la mesure relative au FCTVA. Sur ce point, vous avez entendu la réponse de M. le Premier ministre : il n'y aura pas de rétroactivité.
Le travail de ce gouvernement, monsieur le sénateur, consiste donc à répondre point par point, de façon à préserver la capacité d'investissement des communes et à les accompagner. Nous savons que les maires sont les premiers visages de la République sur le territoire. C'est l'honneur de ce gouvernement d'être aux côtés des collectivités territoriales pour répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, le dialogue entre État et collectivités territoriales est au bord de la rupture. J'ai souvent regretté la « recentralisation déconcentrée » du pouvoir sous le règne d'Emmanuel Macron, qui a ainsi fait payer aux collectivités territoriales la politique fiscale à crédit qu'il a menée depuis des années.
L'autre réalité de ce budget est que la majorité sénatoriale est prête à lâcher les collectivités territoriales et les politiques locales qui touchent directement les habitants, et ce sous couvert de responsabilité et sous prétexte de certaines petites avancées que vous appellerez des victoires. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Le coup de rabot demandé coûtera cher à l'État, car il aura un effet récessif, condamnant nos collectivités territoriales à une certaine décroissance.
M. Jacques Grosperrin. Ça, c'est plutôt chez vous !
M. Guy Benarroche. Je sais que vous n'aimez pas ce mot, mais c'est bien cela qui va se produire, messieurs les sénateurs de droite. Pour un gouvernement mal né et amené à mourir rapidement,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. … c'est vraiment déplacé : nous pouvons tous mettre une écharpe noire ! (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, l'orateur ayant dépassé son temps de parole. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
zéro artificialisation nette
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous n'avez jamais cessé de faire preuve de courage et d'audace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d'ironie sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Vous avez rendu de nouveau facultatif le transfert des compétences eau et assainissement, vous vous êtes attelé au statut de l'élu, vous avez annoncé la baisse de la participation des collectivités territoriales au budget 2025. Je souhaite vous interroger sur le « zéro artificialisation nette », qui se heurte aujourd'hui à un contexte sans précédent de crise du logement et à la volonté sans faille des élus de nos territoires d'accueillir dans leurs communes de l'activité économique.
Ceux-ci nous alertent sur la désespérance qu'ils éprouvent de ne plus être des élus bâtisseurs qui maîtrisent le destin de leur commune.
Prompt à trouver des solutions, le Sénat a lancé un travail collégial sur la question, et nos collègues Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier ont déposé une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Ce texte comporte des dispositions opérationnelles pour régler les difficultés de nos communes (M. Akli Mellouli s'exclame.) tout en respectant l'effort de sobriété foncière et, bien sûr, la nécessité de prendre des mesures de prévention des risques climatiques.
Ce texte, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à le soutenir ? Pouvons-nous espérer, avant son examen, une pause dans l'application du ZAN ? Bref, préférez-vous le chemin tortueux du ZAN ? Nous, nous préférons la Trace sénatoriale ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Darnaud, j'aime les mots de chemin, de trace… Dans mon pays de Savoie, on sait ce que c'est qu'une trace durable. Et on aime les chemins, même escarpés ! Je ne parle pas du travail du Premier ministre… (Sourires.)
Au cours de mon long parcours – vous voyez mes cheveux blancs –, j'ai été pendant très longtemps président d'un département. J'ai été aussi ministre de l'environnement et de la prévention des risques naturels.
Par conséquent, monsieur le président, je vous dirai d'emblée, sans ambiguïté, que nous ne renoncerons pas à l'objectif de sobriété foncière. Nous devons maîtriser les risques d'une excessive artificialisation des sols. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et GEST.) Je n'ai pas oublié les catastrophes auxquelles nous avons dû faire face. Il y en a eu un certain nombre au cours des dernières années. Je ne parle pas seulement de ce qui s'est passé à Valence, dans un pays voisin et ami. N'ayons pas la mémoire courte, soyons prudents !
C'est l'objectif du travail que nous allons mener, comme je le disais tout à l'heure, avec les maires. Ils sont sur le terrain, en première ligne quand il y a une catastrophe, face à un risque ou pour résoudre des problèmes de cette nature.
J'ai appris aussi, lorsque j'étais ministre ou président de département, que les espaces naturels et les ressources naturelles ne sont ni gratuits ni inépuisables. Nous devons faire attention. Je sais que vous partagez cet état d'esprit aussi, monsieur le président Darnaud, et vous l'avez montré dans votre région. (Marques d'incrédulité sur les travées du groupe GEST.)
En même temps, on constate que la législation, la réglementation, enserre les maires dans un carcan. Or ceux-ci doivent pouvoir exercer leur mission, qui est aussi d'être des maires bâtisseurs, pour reprendre vos mots. On observe qu'on ne sait plus où construire certaines infrastructures ou installer certaines usines, certaines entreprises.
Je pense qu'il est possible de trouver un chemin – une trace – pour atteindre en même temps ces deux objectifs, qui ne sont pas incompatibles. Nous allons y travailler avec vous, avec l'Assemblée nationale et avec les élus locaux.
Je remercie sincèrement à mon tour les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier de leur proposition de loi, que nous allons soutenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) Son examen sera l'occasion d'introduire des ajustements, des assouplissements, toujours avec pragmatisme, dans l'application du ZAN. Dans ce travail, il faudra aussi nous assurer, monsieur le président Darnaud, que l'objectif puisse toujours être atteint, comme je vous l'ai dit, mais nous devons aussi construire le ZAN en partant davantage de la réalité des besoins et du dialogue avec chaque territoire. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.)
En attendant, nous allons prendre, sous l'impulsion de Catherine Vautrin, plusieurs dispositions pour apporter de la souplesse, avant même le vote de ce texte, là où c'est possible et nécessaire. Nous inviterons les préfets à se saisir de la circulaire dite des 20 %, afin de donner des marges supplémentaires aux collectivités territoriales qui en ont besoin immédiatement. (M. Guillaume Gontard s'exclame.)
De plus, nous allons modifier les décrets pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus considérés comme des surfaces artificialisées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous prendrons aussi en compte les nouveaux projets au titre des projets d'envergure nationale et européenne. Je veillerai à ce que les préfets soient informés de notre volonté de changer bientôt la loi pour que les décisions futures soient prises en bonne intelligence avec les maires et en préfigurant, en quelque sorte, ce qui sera dans la loi.
M. Guy Benarroche. Sera-t-elle rétroactive ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. Je me réserve aussi, monsieur le président Darnaud, la possibilité de prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires pour atteindre de manière intelligente, ambitieuse et souple cet objectif de protection de l'environnement.
Enfin, comme vous l'avez suggéré, nous pourrions peut-être changer le nom du dispositif : ce serait la trace du Sénat ! Ce changement serait le symbole d'un nouvel état d'esprit, d'une nouvelle confiance partagée en faveur de ce double objectif : construire, aménager, mais aussi faire attention à l'environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Suivre cette trace, c'est redonner aux maires des capacités d'agir. C'est tout simplement redonner à la France communale du souffle : elle en a grand besoin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
situation de la scolarisation des enfants à Mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l'éducation nationale, sur l'enseignement dans les écoles primaires à Mayotte, les chiffres parlent d'eux-mêmes. L'état des lieux est très éclairant. Le nombre d'élèves inscrits à l'école primaire a augmenté de 20 % entre 2019 et 2023. Il manque 1 200 salles de classe à ce jour. Quelque 57 % des élèves suivent un enseignement en rotation et ne bénéficient donc que de deux jours d'enseignement par semaine. Et 92 % des élèves ne reçoivent pas de repas chaud le midi. Enfin, sur l'ensemble de l'île de Mayotte, vos services, madame la ministre, estiment entre 6 000 à 10 000 le nombre d'enfants non scolarisés, soit 9 % du total.
Les chiffres que je viens de vous citer émanent de la chambre régionale des comptes de Mayotte et des services de votre ministère. Ces données illustrent très bien l'origine de la progression, fulgurante ces dernières années, de la délinquance juvénile. De fait, on peut s'interroger sur le lien entre cet état des lieux et le caillassage des bus scolaires, les intrusions et les tentatives d'incendie des établissements scolaires, qui sont le quotidien des habitants de Mayotte. Hier matin encore, un bus transportant trente-sept élèves a fait l'objet d'un caillassage très violent à Mamoudzou.
Quelles mesures d'urgence le ministère de l'éducation nationale compte-t-il prendre face à cette situation aux conséquences d'ores et déjà catastrophiques pour l'avenir de Mayotte et de ses générations futures ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale.
Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Saïd Omar Oili, je rappelle d'abord, alors que nous sommes en période de discussion budgétaire, que notre école républicaine ne représente jamais une dépense : c'est un investissement. C'est un investissement collectif pour l'avenir, y compris pour celui de nos jeunes Mahorais et de Mayotte.
J'ai rencontré ce matin, au Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France, le maire de Mamoudzou, M. Soumaïla, qui m'a expliqué que quelque 10 000 enfants naissent chaque année sur son île. Très concrètement, cela signifie qu'il faudrait une salle de classe de plus par jour !
Il manque, très précisément, 302 salles de classe, ce qui impose un système de rotation, avec classe le matin pour les uns, l'après-midi pour les autres, qui permet de garantir malgré tout que l'école vient à chacun de nos jeunes Mahorais.
La réponse de l'État est claire. En ce qui concerne le bâti scolaire, nous savons qu'il faut construire. Pour cela, l'État met sur la table 1 milliard d'euros. À Mayotte, ce sont plus de 500 millions d'euros qui seront prévus pour construire de nouveaux bâtiments d'ici à 2027. Dans le budget 2025, 138 millions d'euros sont inscrits pour le bâti scolaire à Mayotte. Cela permettra d'accueillir plus de 14 000 élèves supplémentaires.
Il faut aussi mettre des professeurs dans ces classes. Aujourd'hui, 15 000 de nos professeurs sont présents sur le territoire de Mayotte. Au total, il y a 19 000 agents de l'éducation nationale sur place, en comptant les surveillants, les accompagnants d'enfants en situation de handicap, les inspecteurs, les personnels de direction, etc. Nous déployons des moyens de formation pour les accompagner : nos enseignants sont formés.
Bien sûr, il faudra aller plus loin, et dépasser le système des rotations. Soyez assurés que mon ministère et tout le gouvernement de M. Barnier, notre Premier ministre, seront à vos côtés pour soutenir Mayotte, parce que l'école est notre priorité nationale. Nous devons à tout prix élever le niveau de tous et ne laisser personne sur le bord de la route, sans excepter nos jeunes Mahorais. Soyez assurés de notre complet soutien. Nous serons à vos côtés tout au long de l'année 2025 et des années qui viennent pour que le territoire de Mayotte et nos jeunes Mahorais fassent partie de la promesse républicaine, de la promesse d'avenir de la Nation. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
contribution des collectivités à la réduction du déficit de la france
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, les élus locaux sont très inquiets, monsieur le ministre chargé du budget. Quelque 2 000 maires ont démissionné depuis 2020, dont beaucoup n'avaient pas encore achevé leur premier mandat. Et les autres s'interrogent sérieusement sur l'opportunité de se représenter en mars 2026.
Il faut dire que leur confiance envers l'État a maintes fois été érodée par la question des compensations à l'euro près, l'inflation normative ou encore la diminution considérable de leur autonomie financière.
Alors que nos collectivités territoriales ont l'obligation de présenter des budgets équilibrés en recettes et en dépenses, elles ont été désignées l'été dernier parmi les responsables des déficits publics catastrophiques de notre pays.
Plusieurs mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2025 inquiètent particulièrement les élus locaux, notamment l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les conditions d'attribution du FCTVA ou l'abondement du fonds de réserve par des prélèvements sur le montant des impositions qui leur reviennent.
Or n'oublions pas que nos élus sont les premiers investisseurs publics, qu'ils portent à bout de bras la modernisation de nos infrastructures locales, dédiées à nos populations et à notre économie, et qu'ils font face aux enjeux majeurs de la parentalité ou de la transition écologique.
Pouvez-vous nous assurer que les sommes qui seront prélevées à une collectivité territoriale lui seront bien restituées intégralement au 1er janvier 2026, et qu'il ne s'agit pas d'un fonds de péréquation déguisée ? Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que ce mécanisme ne sera pas étendu à d'autres collectivités dans le cas où les finances publiques se dégraderaient encore ?
Certes, il est nécessaire que chacun contribue aux efforts pour assainir les finances publiques, mais ces efforts doivent être justement répartis et ils ne doivent pas pénaliser les plus vertueux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Laure Darcos, le Premier ministre et la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, Catherine Vautrin, ont rappelé pourquoi une contribution est demandée aux collectivités territoriales. Comme vous le savez, l'état de nos finances publiques exige que l'ensemble des administrations publiques participent à l'effort de redressement des comptes. Celui-ci passe d'abord par la baisse de la dépense publique.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet effort doit être également juste et proportionné.
Cela signifie que c'est d'abord à l'État de faire cet effort. Il le fait, à hauteur de plus de 20 milliards d'euros. L'effort de freinage des dépenses de la sécurité sociale est également une priorité, et nous visons 15 milliards d'euros d'économies – après cette séance de questions au Gouvernement, vous reprendrez l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Vous avez raison, dans le texte initial du projet de loi de finances, le Gouvernement demandait aux collectivités territoriales un effort de 5 milliards d'euros. Nous allons retravailler ensemble ce texte, comme le Premier ministre l'a indiqué.
Les collectivités territoriales représentent 20 % de la dépense publique en France – pour des actions nécessaires et utiles. Nous avons donc d'abord considéré que le montant de 5 milliards d'euros était juste et raisonnable. La vraie question, c'est celle que vous posez. Qui contribuera exactement ? Comment répartir l'effort, tel qu'il sera modifié, de la manière la plus juste possible ?
Le Premier ministre a annoncé que la contribution des départements sera revue. Il y aura une réduction significative de leur participation au fonds de précaution et le caractère rétroactif de la mesure relative au FCTVA sera annulé. Il nous faudra aussi, pendant l'examen du projet de loi de finances, revoir les mécanismes du fonds de précaution.
Vous avez posé deux questions précises. Je tiens à y répondre. Nos discussions n'auront pas pour objet d'étendre le mécanisme du fonds de précaution à de nouvelles collectivités territoriales. Par ailleurs, vous avez soulevé la question du retour des fonds : oui, il s'agit bien d'un fonds à destination des collectivités territoriales, et il est très important qu'il soit compris comme tel. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. J'espère que c'est bien à la même collectivité territoriale que l'argent reviendra. En cette semaine de Congrès des maires, il faut entendre le cri de détresse de nos élus locaux et leur rendre enfin le pouvoir d'agir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
protection des élus locaux face aux violences
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Saint-Brevin-les-Pins, Pibrac, La Chapelle-Neuve, Saint-Pierre-des-Corps, Châtenois-les-Forges, Dizimieu, Chéry-Chartreuve : ce sont sept des quelque 1 300 communes dont le ou la maire a démissionné depuis juin 2020. Chaque année, ils sont environ 450 à jeter ainsi l'éponge, usés par les menaces, les insultes, les attaques physiques, le climat étouffant créé par des individus agressifs.
Dans la Creuse, un homme a été condamné en juin dernier après avoir déclaré au maire de sa commune : « Une mairie, ça brûle bien ! » Le mois dernier, un député a reçu des injures puis des coups de poing dans le ventre à la sortie d'un supermarché où il faisait des courses avec sa fille.
Une telle bestialisation ne peut que nous plonger dans la consternation. Une étude parue vendredi dernier dresse un portrait très alarmant de la santé mentale des maires : 83 % d'entre eux estiment que leur mandat est usant pour leur santé, et près de la moitié songe fréquemment à démissionner.
L'ampleur et la gravité de ces faits appellent une réponse volontaire du législateur pour sauvegarder le fonctionnement ordinaire de la démocratie locale.
Au cours d'un échange que vous avez eu récemment avec le président Mathieu Darnaud, vous avez évoqué votre intention d'adresser une nouvelle circulaire aux procureurs généraux et aux procureurs de la République afin de mettre à leur disposition de nouveaux outils pour lutter contre ces violences.
Le plan national de prévention et la loi du 21 mars dernier ont renforcé l'information des maires sur les infractions et ont consolidé le dialogue entre parquets et collectivités territoriales. Pourtant, le résultat n'est pas encore à la hauteur de nos attentes.
Ma question est la suivante : quelles sont vos pistes pour assurer, une bonne fois pour toutes, la sécurité de nos élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le questeur, la question des atteintes aux élus est pour moi une priorité, et elle le restera. Attaquer des élus, c'est attaquer la République. Cela n'est pas supportable, et cela appelle de la part de l'État et de la justice une réponse extrêmement ferme.
Vous l'avez dit, un certain nombre de circulaires ont été émises par mon prédécesseur. J'entends, bien sûr, poursuivre son action pour que ce problème soit pris à bras-le-corps. Vous le savez, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a permis d'élargir le spectre des atteintes aux élus en incluant dans cet ensemble, de façon pertinente, les candidats, en allongeant certaines durées de peine ou en parachevant les mécanismes juridiques d'information des élus.
Les procureurs de la République s'emparent du sujet, tout comme les juridictions de jugement. La réponse pénale doit être ferme, je le répète, et j'aurai l'occasion de le rappeler aux procureurs généraux et aux procureurs de la République. Nous avons adressé aux procureurs généraux un modèle de protocole relatif au renforcement des relations entre les parquets et les maires.
Je souhaite évaluer l'efficacité de l'ensemble des mesures que nous avons prises. Les remontées du terrain nous aideront à évaluer d'éventuelles pistes nouvelles pour renforcer notre action en ce domaine. J'en informerai, bien sûr, les parlementaires.
En tout cas, soyez assuré de ma pleine mobilisation et de la pleine mobilisation de la justice pour que les menaces contre les élus puissent être poursuivies et sanctionnées avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de votre engagement, monsieur le garde des sceaux, et je salue votre clairvoyance. Il est indispensable en effet que chaque tribunal soit doté d'un référent parquetier clairement identifié auprès des maires, dédié au traitement des plaintes et à l'engagement des poursuites. Les élus du pays doivent pouvoir compter sur vous pour ne plus avoir le sentiment d'être des gladiateurs prêts à descendre dans la fosse aux lions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Monsieur le Premier ministre, c'est la double peine pour les communes, pour les employeurs territoriaux et hospitaliers. Lors des Assises des départements de France, vous avez affirmé vouloir redonner des marges de manœuvre, de l'oxygène, de la liberté aux collectivités territoriales, afin de restaurer le sens de leur mission.
Mais, en rehaussant brutalement, de douze points sur trois ans, la cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), que fait le Gouvernement, sinon l'exact inverse ? Au lieu d'offrir de l'oxygène aux collectivités locales, vous les asphyxiez financièrement. Aucune compensation par l'État n'est prévue à ce jour. Au lieu de restaurer leurs missions, vous les contraignez à réduire leurs services essentiels sous le poids d'une pression financière insoutenable. Toutes les communes seront touchées. Toutes les collectivités territoriales et leurs groupements seront concernés.
Comment justifiez-vous cette contradiction ? Comment pouvez-vous parler de redonner de la liberté aux collectivités territoriales tout en les étranglant financièrement, sans même leur offrir la moindre concertation sur le sujet ? Vous le savez, c'est là une décision unilatérale du Gouvernement.
Les collectivités – et notamment les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) – risquent de se retrouver privées des moyens nécessaires pour assurer leurs missions de proximité. En Gironde, par exemple, ce sont 9 millions d'euros supplémentaires sur trois ans à trouver pour le Sdis.
Avec ces nouvelles charges de fonctionnement, l'autofinancement se réduit comme peau de chagrin. Il est grand temps de passer des mots aux actes et de rétablir un véritable dialogue avec les collectivités locales, avant qu'il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Hervé Gillé, nous anticipons le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment sur son article 40…
Je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler le travail de concertation conduit avec les sénateurs. J'en profite pour saluer le travail mené par Mme la rapporteure générale Élisabeth Doineau et par Philippe Mouiller, le président de la commission des affaires sociales.
Pour rappel, la CNRACL souffre actuellement d'un très important déficit, qui atteint 2,8 milliards d'euros cette année. En 2030, elle accumulerait 10 des 14 milliards d'euros de déficit de l'ensemble de la branche vieillesse. C'est dire s'il est impératif d'opérer son redressement pour assurer la soutenabilité du financement et du paiement des pensions dues aux fonctionnaires des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière.
En septembre, une mission a émis des recommandations beaucoup plus dures que nos propositions. Certaines ont d'ailleurs été reprises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au cours de sa rencontre avec les représentants des départements, le Premier ministre a opté pour une augmentation plus douce, sur quatre années au lieu de trois : ce sera l'objet d'un amendement présenté par la rapporteure générale.
La mission a formulé d'autres recommandations, dont nous discuterons avec les collectivités territoriales concernées. Mais nous devons relever ensemble le défi de la soutenabilité auquel cette caisse est confrontée pour garantir les pensions des retraités concernés.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, vous annoncez la possibilité d'un lissage sur quatre ans au lieu de trois, ce qui est loin de répondre aux attentes des associations d'élus. Celles-ci réclament l'abandon pur et simple de cette mesure, et surtout une véritable concertation avec l'État – car il n'y en a pas eu – pour une remise à plat. Si nous en sommes là, c'est parce que la CNRACL a largement abondé les autres caisses, avec au moins 100 milliards d'euros de transferts cumulés sur de nombreuses années. Ce n'est pas aux collectivités territoriales de payer le prix fort ! Monsieur le Premier ministre, sur ce sujet, soyez réellement équitable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
finances des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Sautarel. « Les communes… Heureusement ! » Tel est le thème du 106e Congrès des maires. Dans la période trouble que nous connaissons pour le lien social et les services fournis, je dirais même : « Le bloc territorial… Heureusement ! » C'est le quotidien des Françaises et des Français.
Je le rappelle, les dépenses des collectivités ne représentent que 19 % de la dépense publique totale, contre 34 % en Europe, alors que celles-ci assument 70 % de l'investissement public, pour seulement 8 % de la dette.
Même si chacun doit contribuer en responsabilité à un effort consenti pour redresser nos comptes publics, nous attendons de l'État que cet effort soit juste et soutenable. La priorité doit donc être de garantir l'épargne des collectivités, qui produit immédiatement un investissement dont notre pays a besoin.
Pour cela, monsieur le ministre, et avant de vous lancer, en lien avec Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, dans les réformes structurelles de la fiscalité locale et de la dotation globale de fonctionnement ou dans le desserrement bureaucratique, vous pourriez prendre trois engagements pour rassurer les communes, ainsi que les autres niveaux de collectivités.
D'abord, réduire substantiellement, de 5 milliards d'euros à 2 milliards d'euros, l'effort demandé aux collectivités, en exonérer largement les communes et les départements et en exclure totalement les communes rurales.
Ensuite, supprimer toute mesure rétroactive et garantir lisibilité et stabilité des relations avec les collectivités ; je pense évidemment d'abord au FCTVA.
Enfin, et peut-être surtout, renoncer à capter l'épargne des collectivités tout en la gelant pour partie dans leurs comptes ; je pense en l'occurrence aux modalités du fonds de précaution, qu'il faut profondément modifier en faisant confiance aux collectivités.
Monsieur le ministre chargé du budget, vos réponses pourront se traduire en amendements au projet de loi de finances dès la semaine prochaine, et ainsi éviter un blackout territorial et amorcer le contrat de confiance, tel que le Premier ministre le souhaite et nous y invite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le sénateur Sautarel, je salue l'engagement qui est le vôtre dans le dialogue engagé avec l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, de la réunion du Comité des finances locales (CFL), voilà quelques semaines, jusqu'à aujourd'hui, pour essayer de trouver le bon compromis sur la question de la contribution financière des collectivités territoriales. Comme vous l'avez indiqué, il doit bien y avoir une contribution de ces dernières, mais elle doit être juste.
Vous m'avez posé trois questions.
La première concernait la réduction de l'effort des collectivités territoriales. Oui, l'effort qui leur est demandé sera bien réduit à l'issue de l'examen du projet de loi de finances, ne serait-ce que pour mettre en œuvre les annonces du Premier ministre, qui s'est engagé sur une diminution significative de la contribution des départements. Il convient également de prendre en compte le lissage de l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL – Mme la ministre du travail et de l'emploi vient d'y faire référence en réponse à une autre question –, sujet qui, même s'il est distinct, a sa place dans les discussions portant sur l'effort demandé aux collectivités territoriales.
Votre deuxième question avait trait à la suppression de la rétroactivité. Je vous confirme que nous reviendrons sur la rétroactivité s'agissant de l'effort demandé sur le FCTVA. Nous aurons l'occasion de débattre d'autres sujets liés au FCTVA, dont son recentrage sur l'investissement, qui, je le crois, va dans le bon sens. Je pense que nous pourrons nous rejoindre sur ce point.
Votre troisième question portait sur le fonds de précaution. C'est probablement le sujet sur lequel le débat va le plus se cristalliser lors de l'examen du projet de loi de finances. Le Gouvernement est ouvert aux propositions pour que la gouvernance et la finalité du fonds puissent être repensées. Vous suggérez – nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter – que le gel se constitue au sein des collectivités, et non pas dans un fonds ad hoc. C'est une option que nous devrons regarder ensemble ; je ne l'exclus pas, mais je ne la confirme pas à ce stade. Il faut que nous l'expertisions ensemble.
Vous avez terminé en soulignant – cela résume parfaitement, me semble-t-il, la situation – la nécessité de la confiance mutuelle entre l'État et les collectivités pour parvenir à ce bon compromis. Nous aurons besoin du débat sur le projet de loi de finances pour construire cette confiance mutuelle et définir les modalités de la contribution des collectivités. Après des années de hausse des dépenses publiques, la réduction du déficit public concerne tout le monde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, et je salue le dialogue engagé, y compris avec Mme Vautrin.
À mon sens, pour rétablir la confiance, il faut poser un acte de confiance. Et le meilleur acte de confiance est de laisser l'épargne dans les comptes des collectivités avec un engagement permettant de répondre aux objectifs de réduction de notre déficit public ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, notre sécurité civile repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et son efficacité, en associant les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires au service d'un même objectif : protéger la population, les biens et l'environnement.
Par son organisation, notre modèle de sécurité civile nous permet de faire face aux accidents du quotidien comme aux situations de crise exceptionnelles. Nous l'avons malheureusement encore constaté voilà quelques semaines, notamment dans le département de la Haute-Loire.
Or cette capacité de montée en puissance dans des délais très courts repose sur une ressource précieuse : le volontariat.
Lors de l'examen du texte portant réforme des retraites, avec l'accord du gouvernement d'alors, nous avons, par un amendement sénatorial, souhaité octroyer à nos sapeurs-pompiers volontaires une bonification de trimestres de retraite au titre de la solidarité nationale pour reconnaître leur engagement citoyen et favoriser leur fidélisation. Vingt mois après l'adoption du texte, cette mesure, votée à l'unanimité sur nos travées, n'est toujours pas effective, faute de décret d'application.
Le 13 décembre dernier – cela fait pratiquement un an –, votre prédécesseur, répondant à une question de mon collègue Pascal Martin, indiquait sa volonté d'avancer sur le sujet.
À la fin du mois de septembre, lors du congrès des sapeurs-pompiers de France, à Mâcon, M. le Premier ministre a rappelé la volonté du Gouvernement de mener à son terme ce travail interministériel.
Monsieur le ministre, quand pourrons-nous exprimer à nos sapeurs-pompiers la reconnaissance qui leur est due au titre de leur engagement ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Monsieur le questeur Olivier Cigolotti, vous avez parfaitement raison. Ce qui caractérise notre modèle, ce qui fait sa force aussi, c'est la mixité : mixité d'abord des statuts, civil ou militaire ; mixité aussi des formes d'engagement, professionnel ou volontaire. (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) Sans les 200 000 sapeurs-pompiers français volontaires, notre modèle s'effondrerait.
C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez rappelé, lors de l'examen du texte portant réforme des retraites, nous avons adopté à l'unanimité – je m'en souviens très bien, d'autant qu'il était assez rare d'obtenir un vote unanime dans ce débat (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) – un dispositif de fidélisation grâce à des bonifications de trimestres de retraite. J'entends que le vote des parlementaires soit respecté. Et j'entends que l'engagement du Premier ministre à Mâcon, auquel vous avez fait référence, le soit aussi.
Je me permets de vous apporter quelques précisions sur l'objectif et les modalités. L'objectif est que le décret, en l'occurrence interministériel, puisse sortir en tout début d'année 2025. Les modalités, c'est, d'une part, le respect de l'esprit et de la lettre de la loi, et, d'autre part, la nécessité d'être raisonnable dans le contexte budgétaire actuel.
Je tiens comme à la prunelle de mes yeux – c'est aussi le cas, je le sais, de M. le Premier ministre – à la reconnaissance de l'engagement des sapeurs-pompiers professionnels, mais également des sapeurs-pompiers volontaires pour sauver des vies.
Il y a à cela une autre raison, plus symbolique. Peut-être connaissez-vous les paroles d'une très belle chanson que Bruce Springsteen avait composée en hommage aux pompiers de New York, mais qui va comme un gant aux pompiers français :
« Que votre force nous donne la force,
« Que votre espoir nous donne l'espoir ».
Mme Cécile Cukierman. Il faut chanter, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Bruno Retailleau, ministre. Les sapeurs-pompiers nous donnent la force de l'engagement, mais aussi l'espoir : l'espoir d'une cité plus fraternelle, l'espoir d'une une cité où l'on place les devoirs avant les droits, l'espoir d'une une cité où l'on place le don de soi avant le chacun pour soi !
Vive les sapeurs-pompiers ! Honneur à tous les sapeurs-pompiers de France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et RDPI. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que nous ne manquerons pas de relayer dans quelques jours, à l'occasion de la fête de la Sainte-Barbe, lorsque nous serons aux côtés de nos sapeurs-pompiers pour rendre hommage à leur courage et à leur engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
fret aérien
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Bruyen. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. Elle a trait à l'embolie croissante des plateformes aéroportuaires franciliennes. Toutes les études faisant état d'une hausse inéluctable du transport aérien, nous ne pouvons pas ne pas réagir !
Au demeurant, des solutions sont là : des aéroports peu éloignés de Paris ont la capacité d'accueillir une part du trafic.
Ce qui est reproché aujourd'hui, ce sont des nuisances sonores grandissantes, une saturation du réseau routier, notamment du fait des poids lourds, ainsi qu'un impact atmosphérique bien trop concentré.
Les avions de fret tout cargo sont des pourvoyeurs notoires de ces agressions inacceptables. Or il existe un aéroport dédié à ce type de trafic : celui de Paris-Vatry, dans la Marne, à moins de deux heures de Paris. C'est une infrastructure remarquable – la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ne me démentira pas –, de surcroît située sur un territoire de très faible densité.
Je prends cet exemple non pas pour déplacer le problème, mais afin d'organiser la répartition des vols et, ainsi, de ne pas dépasser le seuil d'acceptabilité des populations concernées.
Les opérateurs terrestres ne s'en plaindront pas, tant certains se sentent « maltraités », en termes d'immobilisation au sol du fait de l'engorgement des plateformes franciliennes.
En outre, est-il acceptable que du fret français soit traité à l'étranger et doive venir par camion sur nos routes, avec les conséquences environnementales que l'on peut imaginer ?
Monsieur le ministre, serez-vous celui qui prendra enfin les décisions qui s'imposent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Christian Bruyen, j'aimerais tout d'abord saluer l'engagement ancien, entier et constant qui est le vôtre en faveur de l'avenir de l'aéroport de Paris-Vatry.
Je suis particulièrement sensible à la question de la réduction des nuisances liées aux aéroports franciliens. C'est dans cet esprit que je travaille pour l'avenir de l'aéroport de Paris-Vatry, qui est un atout pour la France, à double titre.
D'une part, cet aéroport offre des conditions idéales, avec une piste très longue, de près de quatre kilomètres, des conditions d'exploitation assez libres compte tenu de l'absence de population à proximité et des coûts d'exploitation faibles.
D'autre part, il permet de répondre à un enjeu important pour notre pays, celui du trafic et du transport des marchandises. Comme vous le savez, nous avons beaucoup travaillé au sein du ministère des transports pour faire venir de nouvelles activités. Et vous connaissez l'engagement d'Aéroports de Paris en faveur de la complémentarité des flux entre les plateformes franciliennes et l'aéroport de Paris-Vatry. J'ai noté avec satisfaction qu'un nouvel opérateur, FTL Airlines, s'était implanté ; le groupe a des projets de développement sur cette plateforme aéroportuaire.
Il faut effectivement que nous puissions réorganiser les flux de marchandises. Ceux-ci passent trop souvent par d'autres pays d'Europe du Nord, comme la Belgique ou le Luxembourg, alors même que nous avons, avec l'aéroport de Paris-Vatry, un atout considérable pour en rapatrier un certain nombre en France.
Soyez assuré de la mobilisation du ministre des transports et de ses services en faveur de cet aéroport, qui représente un bel enjeu pour votre territoire et pour la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen, pour la réplique.
M. Christian Bruyen. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse, qui me donnent un peu d'espoir. Manifestement, le sujet vous préoccupe.
Les perspectives d'évolution se font jour. Il convient d'aller plus loin, avec des solutions pérennes. Ce n'est pas facile, j'en conviens, mais nos voisins travaillent de façon très prometteuse. Je pense à Amsterdam, avec Maastricht, à Bruxelles et à d'autres. La France doit faire de même.
La souveraineté économique tient aussi à la maîtrise des approvisionnements ; nous l'avons vu avec la crise covid. Il serait incompréhensible que l'on n'adopte pas des positions fermes.
Mieux considérer encore les aéroports de province, et pas seulement Paris-Vatry, ce serait aussi agir pour un aménagement équilibré du territoire national, sans laisser les opérateurs étrangers entrer éventuellement dans la gouvernance des infrastructures concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
violences faites aux élus
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marion Canalès. Les réseaux sociaux sont devenus le nouvel eldorado des atteintes à l'intégrité des individus, et les élus ne sont pas épargnés. Un maire sur quatre en a été victime. Si l'intelligence peut être artificielle, la violence qu'elle induit est, elle, bien réelle. Un clic peut blesser plus qu'un coup. Voilà quatre jours, le visage d'un député du Puy-de-Dôme a été découpé en deux au couteau, tandis que la tête du maire de Clermont-Ferrand et celle d'un adjoint étaient écrabouillées dans une presse.
À celles et à ceux pour qui ces montages ne seraient « pas si dramatiques », nous devons répondre fermement que l'intelligence artificielle générative crée des contenus toujours plus extrêmes, augmentant le risque de passage à l'acte. Nous ne devons pas banaliser l'intolérable, même en ligne ; les plaintes doivent être suivies d'effets.
Dans 500 jours auront lieu les élections municipales. « Rengagez-vous, qu'ils disaient ! » La formule culte du légionnaire romain dans les albums d'Astérix et Obélix pourrait aujourd'hui être celle de nombreux maires qui se posent la question de la poursuite de leur engagement. À quel prix ? Au prix de leur tranquillité, de celle de leurs proches, voire – cela a été dit par un de mes collègues – au prix de leur santé physique et mentale.
Avec le retrait de l'État et des services publics de nos territoires, les administrés n'ont plus d'interlocuteurs. C'est donc aux maires qu'ils s'adressent : le « dernier a porté d'engueulades », comme ils disent.
Chaque décision gouvernementale qui affaiblit la capacité de faire des élus locaux est un coup de canif supplémentaire porté dans le contrat passé avec eux et la République. Affaiblis, plus vulnérables, les élus locaux se sentent plus démunis. Dépourvus de moyens, ils deviennent, aux yeux de leurs détracteurs, de mauvais gestionnaires, voire inutiles, et ils ne mériteraient plus que du mépris.
Avez-vous l'intention de continuer d'entretenir ainsi la gronde pour ensuite jouer les pompiers pyromanes, avec des plans à 5 millions d'euros – 5 millions ! – pour renforcer la sécurité des élus ? Nous nous demandons d'ailleurs si les crédits seront bien dans le projet de loi de finances. Le doute plane. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je ne pense absolument pas que l'on réglera la question de la violence contre les élus à coups de millions d'euros. La violence, elle est partout ; elle se répand dans notre société. Et les premières victimes en sont évidemment les élus.
Il y a un énorme paradoxe : jamais la France n'a eu autant besoin des maires et des élus et jamais – M. le questeur Lefèvre le disait voilà quelques instants – ces derniers n'ont été autant découragés, découragés par des règles souvent bureaucratiques,…
M. Adel Ziane. Ce n'est pas la question !
M. Bruno Retailleau, ministre. … comme Mathieu Darnaud l'a souligné voilà quelques instants, découragés aussi, vous l'avez dit à juste titre, par ces violences.
J'ai été tenu au courant par le préfet de votre département des violences qui ont été exercées sur les réseaux via l'intelligence artificielle générative. D'ailleurs, ce n'est pas l'intelligence artificielle en soi qui est coupable ; en l'occurrence, les coupables, ce sont ceux qui en font cet usage-là.
Je le rappelle – d'ailleurs, je pense que vous vous en souvenez parfaitement –, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, issu d'une proposition de loi sénatoriale, offre un certain nombre d'outils pour lutter contre la violence, y compris sur les réseaux sociaux. Ce dernier volet est peut-être moins connu, mais il faut que notre texte, votre texte, puisse être scrupuleusement suivi d'effets.
J'ai demandé aux préfets de se mobiliser, notamment en signalant systématiquement au procureur lorsqu'il y a lieu de le faire. Ainsi, le préfet de votre département a signalé, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, les faits que vous avez évoqués.
Il faut également surveiller les réseaux. Et l'intelligence artificielle générative nous place face à de nouveaux défis.
Je pense qu'internet ne doit pas être une zone de non-droit. Ce que nous exigeons dans la sphère physique réelle, nous devons être en droit de l'obtenir aussi dans la sphère virtuelle. Ce principe figurait d'ailleurs dans un certain nombre de textes européens, dont celui qui concernait l'intelligence artificielle.
Vous avez raison : un élu qui dépose une plainte doit être informé des suites apportées ou de l'absence de suite. Je pense que c'est fondamental.
M. Loïc Hervé. Bien sûr ! Mais ce n'est pas toujours le cas.
M. Bruno Retailleau, ministre. En tout cas, croyez-moi, nous sommes entièrement et concrètement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. Comme le chantait Mick Jagger… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Nous espérons que les 5 millions d'euros promis dans le cadre du plan en faveur de la sécurité des élus annoncé par Mme Faure au moment de l'examen de la loi de mars 2024 seront maintenus dans le projet de loi de finances. À ce stade, le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
fermeture de maternités, notamment dans les yvelines
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Ma question porte sur la fragilisation des services dans nos territoires.
En l'occurrence, je souhaite évoquer non pas les inégalités territoriales d'accès aux soins, sujet sur lequel notre collègue Bruno Rojouan a remis dernièrement un rapport contenant trente-huit recommandations, mais les maternités.
Année après année, inexorablement, nos maternités en France ferment. Aujourd'hui, leur nombre a baissé de plus de 40 %. On s'est d'abord attaqué à la ruralité, en prétendant que c'était lié à la désertification. On a aussi dit qu'il fallait concentrer l'offre de soins en fermant de petites maternités. On a encore invoqué le manque de rentabilité des maternités du fait du nombre des naissances. C'est certain, les bonnes raisons ne manquent pas…
Mais les indicateurs ont continué de baisser, et la France a continué de reculer au classement européen. Mortinatalité spontanée et mortalité infantile sont en progression dans notre pays. La France se place au vingt-deuxième rang européen sur trente-quatre pays en termes de prise en charge des naissances.
Je ne suis pas seule à le dire. Les rapports s'empilent, tous plus alarmants les uns que les autres. Il suffit de lire le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet.
Doit-on se résoudre à laisser nos sœurs, nos filles et nos petites-filles craindre, et même redouter, l'arrivée de leurs enfants ?
Madame la ministre, que répondez-vous à celles qui n'auront plus la certitude de pouvoir accoucher en toute sécurité dans notre pays en 2024 et en 2025 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice de Cidrac, la question que vous posez est évidemment essentielle.
Nous devons continuer à repenser nos structures d'accueil pour la santé périnatale et il est urgent de nous consacrer à l'amélioration de celle-ci ; je compte vraiment en faire une priorité.
Vous le savez, les maternités ne peuvent fonctionner qu'en toute sécurité, c'est-à-dire à condition qu'il y ait suffisamment de gynéco-obstétriciens, d'anesthésistes ou encore de sages-femmes pour assurer la sécurité des parturientes. C'est absolument essentiel. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.)
Quand de petites maternités ferment parce qu'elles n'ont pas les ressources humaines pour assurer cette sécurité, il ne faut pas laisser la place vide. Il faut créer une unité pour assurer le suivi des grossesses, accueillir les futures mères et les futurs pères, effectuer le travail de prévention inhérent à la périnatalité et donner des conseils dans la recherche du lieu d'accouchement.
Je salue le travail des sénatrices Jacquemet et Guillotin, qui ont remis un rapport très argumenté sur la santé périnatale. J'irai dans le sens de leurs conclusions. Nous devons continuer à avancer pour assurer un maillage territorial à la fois sécurisant, efficace et suffisant pour garantir d'excellentes conditions de prise en charge aux papas, aux mamans et aux enfants. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Florence Lassarade. Et les pédiatres ?
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, j'entends vos arguments. Ils sont souvent avancés dans le débat public, et ils ne sont pas dénués de fondement.
Pour autant, j'aimerais vous alerter sur un dossier dont vous avez, je crois, déjà connaissance. À Saint-Germain-en-Laye, notre maternité fermera au 1er janvier 2025. Et cela a été annoncé à M. le maire par un simple coup de téléphone voilà quelques jours ! Il vous a d'ailleurs écrit pour protester contre cette décision inique, brutale et unilatérale, qui s'inscrit dans les orientations de l'agence régionale de santé.
Il est tout de même étonnant que les maires ne soient pas informés en amont. C'est – hélas ! – trop souvent le cas en France.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur votre soutien pour nous aider à trouver une solution : beaucoup de mamans ne savent pas encore où elles vont accoucher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
surexposition des enfants aux écrans
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Madame la ministre, vous avez annoncé la semaine dernière la création d'un nouveau carnet de santé avec des pages dédiées aux écrans, ainsi que des mesures de suivi.
Je me réjouis que ce gouvernement s'occupe enfin du sujet très préoccupant de la surexposition des enfants aux écrans, notamment des tout-petits. C'est un sujet sur lequel, forte d'un rapport réalisé au nom de notre la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport en 2018, j'avais alerté votre prédécesseure Agnès Buzyn. En vain. Nos travaux, fondés sur les conclusions d'experts, et la proposition de loi adoptée à l'unanimité qui en était issue n'avaient alors – hélas ! – pas été soutenus.
L'année dernière, la proposition de loi de la députée Caroline Janvier, qui prévoyait notamment, comme vous, une modification du carnet de santé, n'a pas connu de suite au Sénat, malgré nos démarches conjointes auprès de Catherine Vautrin. Pourtant, le rapport commandé par le Président de la République au mois de janvier 2024 laissait penser qu'il s'agissait d'une urgence nationale.
Aujourd'hui, les études le démontrent, le phénomène tend à s'aggraver : retards dans l'apprentissage ; difficultés d'attention et de concentration ; attitude passive de l'enfant face au monde qui l'entoure.
Au-delà des mesures sectorielles que vous avez annoncées, quel plan global de prévention et d'action, associant élus, professionnels de santé, familles, enseignants et éducateurs, et en prenant appui sur l'ensemble de nos propositions, entendez-vous mener avec vos collègues membres du Gouvernement chargés de l'éducation nationale, de la petite enfance et du numérique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous avez raison, le temps excessif d'exposition des enfants, notamment des enfants jeunes, aux écrans est un fléau ; et ce qu'ils peuvent voir sur ces écrans en est un autre.
Il y a aujourd'hui un consensus scientifique pour dire que la surexposition aux écrans nuit au sommeil et favorise la sédentarité, l'obésité, les épidémies de myopie, les troubles du développement socioémotionnel, voire l'anxiété et la dépression. Elle est donc source d'un mal-être notable, ce qui doit nous interpeller.
M. le Premier ministre ayant souhaité ériger la santé mentale en grande cause nationale pour l'année 2025, nous devons, me semble-t-il, inclure dans ce cadre une réflexion sur ce temps d'exposition aux écrans, qui crée un mal-être important chez les jeunes. Nous le savons bien, l'anxiété peut conduire progressivement à la dépression.
Le phénomène que vous évoquez constitue bien un enjeu de santé publique.
Dès le 1er janvier, les nouveaux carnets de santé comprendront des pages consacrées à la prévention à destination des parents. Nous sommes également en train de modifier les carnets de maternité, afin, là aussi, de donner des indications aux futurs parents.
Nous devons construire ensemble une feuille de route à partir du rapport que le professeur Benyamina et le docteur Mouton ont remis au Président de la République au mois d'avril dernier.
La surexposition aux écrans est un fléau que nous devons combattre avec un cadre précis, axé sur la prévention et les conseils aux parents, afin qu'ils puissent agir. Je crois moins à la coercition, qu'il serait en l'occurrence compliqué de mettre en œuvre. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, vous admettez qu'il s'agit d'un sujet extrêmement grave. Dès lors, pourquoi attendre encore et appeler à une nouvelle réflexion ?
Des rapports antérieurs à ceux qui ont été remis au Président de la République existaient déjà au Sénat. Appuyons-nous sur la proposition de loi de l'ancienne députée Caroline Janvier, qui est dans la navette : ce texte contient des mesures de prévention, mais aussi d'action.
D'ici là, je suggère que le Gouvernement engage d'ores et déjà une campagne d'intérêt général de santé publique pour promouvoir les dispositions de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, que nous venons de voter, et, surtout, les outils de contrôle parental sur tablettes et téléphones ; il en existe, mais ils sont, nous dit l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), largement sous-utilisés.
Nous le devons aux enfants, dont c'est aujourd'hui la Journée internationale des droits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 27 novembre 2024, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente,
est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l'article 32 de notre règlement.
Afin de garantir la clarté et la sincérité de nos débats, le Gouvernement pourrait-il nous préciser ou nous confirmer ses intentions ?
Des informations circulent depuis ce matin selon lesquelles il envisagerait de renoncer à la réduction des exonérations de cotisations sociales, à la hausse du ticket modérateur sur les dispositifs médicaux ou encore à la réduction de 5 % du taux de remboursement des médicaments.
Il nous paraîtrait utile, notamment sur le premier sujet, et alors que nous n'avons pas fini de discuter des exonérations de cotisations sociales, que les termes du débat soient stabilisés, de sorte que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause.
Nous avons volontiers salué la volonté manifestée par le Premier ministre, après des années de refus, d'ouvrir le débat sur les recettes. Nous ne voudrions pas nous retrouver Gros-Jean comme devant au cas où le Gouvernement ferait volte-face et refermerait un dossier à peine ouvert.
J'appelle donc le Gouvernement à nous préciser ses intentions, en confirmant ou en infirmant ces informations, afin que nous puissions poursuivre les débats dans de bonnes conditions.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce rappel au règlement, qui me permet d'apporter une clarification.
Au nom du Gouvernement, je démens les informations publiées ce matin sur le site du Figaro – l'article a été retiré depuis lors – au sujet de la suppression de l'article 6.
M. Xavier Iacovelli. Mince, nous qui pensions enfin obtenir une victoire…
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je viens d'échanger, à l'issue des questions d'actualité au Gouvernement, avec la ministre chargée de la santé au sujet des dispositions relatives à l'assurance maladie et au ticket modérateur : aucun changement n'est à l'ordre du jour, du moins pour l'instant.
En tout état de cause, je démens, encore une fois, toutes les rumeurs dont vous venez de faire état.
4
Candidatures à une commission d'enquête
M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.
En application de l'article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier de la deuxième partie, à l'examen des amendements identiques nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter, tendant à insérer un article additionnel après l'article 6.
DEUXIÈME PARTIE (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L'EXERCICE 2025
TITRE Ier (SUITE)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Après l'article 6 (suite)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 464 rectifié bis est présenté par Mmes Malet, Jacques et Petrus, MM. Lefèvre, Milon, Somon et Khalifé, Mmes Aeschlimann, Belrhiti, Joseph et Richer, MM. Sol, Panunzi et Genet, Mmes Lassarade et M. Mercier et MM. Gremillet et Fouassin.
L'amendement n° 1093 rectifié bis est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et G. Jourda et M. Fagnen.
L'amendement n° 1297 rectifié ter est présenté par Mmes Bélim et Canalès et MM. Cozic, Tissot, Bourgi et Ziane.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 du B du III de l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de l'exonération calculé selon les modalités prévues au dernier alinéa du présent B est applicable aux employeurs relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics pour le paiement des cotisations et contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 dues du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2027 ».
II. – Les dispositions du I entrent en vigueur au 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l'amendement n° 464 rectifié bis.
Mme Viviane Malet. Cet amendement tend à placer les entreprises ultramarines du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) dans un barème renforcé d'exonération de charges pour deux années, en raison des difficultés majeures qui fragilisent ce secteur dans nos territoires.
La filière réunionnaise du BTP, par exemple, a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017. Le chiffre d'affaires du secteur a ainsi chuté de 40 % en dix ans.
Cet allègement temporaire constituerait un signal fort pour soutenir l'activité et préserver l'emploi dans un secteur essentiel pour les économies locales.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 1093 rectifié bis.
M. Victorin Lurel. Cet amendement a pour objet de réparer une inégalité de traitement entre les différents secteurs et les différentes filières, en faisant bénéficier le BTP du régime mis en place par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom.
Le Gouvernement, tout comme nos rapporteurs, n'ignore pas que chez nous, dans les outre-mer, le BTP est bel et bien le moteur de l'activité et de la croissance.
Or, au cours de ces dernières années, les entreprises du secteur ont subi toutes les charges, là où d'autres ont bénéficié d'exonérations.
Depuis la crise de la covid et alors que l'emploi s'était développé dans le BTP, les commandes publiques y sont devenues pratiquement inexistantes. Pourtant, les entreprises continuent de payer plein pot et de s'en prendre « plein la figure » !
Il conviendrait donc, ainsi que le Gouvernement l'a déjà prévu voilà bien longtemps, d'intégrer le secteur du BTP, si important dans les îles, dans le régime Lodéom, et ce pour une durée de deux ans.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l'amendement n° 1297 rectifié ter.
Mme Audrey Bélim. J'ajouterai simplement que, dans un tel contexte, les acteurs de la filière souhaitent que les pouvoirs publics nationaux et locaux prennent véritablement en compte cette situation critique, en allégeant temporairement le coût du travail pour les entreprises du secteur.
L'objectif est de maintenir l'outil productif et, surtout, de sauvegarder les emplois jusqu'à la relance effective de l'activité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, au travers de vos amendements, vous demandez que les entreprises du BTP de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion bénéficient du barème Lodéom renforcé.
Ce barème vise en fait les entreprises qui sont concernées par la concurrence internationale. Or les emplois du BTP revêtent une dimension très locale. Votre demande ne correspond donc pas vraiment à l'esprit du dispositif.
La commission des affaires sociales partage néanmoins votre constat. C'est la raison pour laquelle elle a toujours émis par le passé un avis de sagesse sur des amendements similaires.
Lors de l'examen des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, les gouvernements en fonction ont toutefois été systématiquement défavorables à cette mesure.
L'an dernier, il nous a été indiqué que la mesure coûterait 100 millions d'euros. Compte tenu des difficultés financières actuelles, il est sans doute encore moins possible d'accéder à votre demande.
Pour autant, la commission émet un avis de sagesse sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, comme Mme la rapporteure générale vient de l'exposer, ce régime de compétitivité renforcée vise des entreprises qui sont soumises à la concurrence internationale.
Par ailleurs, il est difficile de mener cette réflexion sans disposer d'une vision d'ensemble sur le dispositif Lodéom.
Je l'évoquais hier soir : la mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) rendra ses conclusions à ce sujet dans les prochains jours.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Si je peux entendre, je ne peux pas approuver (Sourires.)
Madame la ministre, dites-moi quelle est l'ouverture internationale des économies insulaires. Les économies insulaires sont exclusivement tournées vers la métropole. Et je peux vous dire que la concurrence vient non pas de l'étranger, mais bien de l'Hexagone.
Dans ce contexte, les entreprises ultramarines ne peuvent pas résister : les prêts à taux zéro ne sont plus attribués, il faut rembourser les dettes contractées lors de la crise covid, la commande publique a baissé et les surcoûts des matières premières sont importants.
Il y va de la compétitivité et de la survie des entreprises. Cela fait des années que l'on nous sert le même discours. Mais quand on s'enquiert précisément de la concurrence, quand on demande le nom des entreprises étrangères qui concurrencent les entreprises ultramarines, quand on s'interroge sur la réalité des exportations qui permettraient de préserver la compétitivité de nos entreprises, nous n'obtenons pas de réponse.
Nous avons aujourd'hui un problème de survie et de moteur de la croissance. Si nous n'en tenons pas compte, nous aurons des problèmes, car la situation est catastrophique.
Faut-il attendre que cette incompréhension débouche sur des émeutes comme en Martinique, hier, chez moi, en Guadeloupe, à La Réunion ou en Nouvelle-Calédonie ?
Le secteur du BTP tient l'économie. Quand le BTP va, tout va. Eh bien, pour le moment, ça ne va pas !
Donnons ce coup de pouce pour deux ans et nous ferons le bilan après.
Ce n'est jamais le moment. Nous entendons qu'il faille redresser les comptes, mais c'est à budget constant que nous vous demandons d'agir, madame la ministre.
Il s'agit d'un redéploiement. Le barème renforcé existe ; nous vous demandons d'y intégrer des entreprises qui, je vous l'assure, ne sont pas exportatrices.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je remercie Mme la rapporteure générale de son avis de sagesse, qui reflète une situation très préoccupante.
Je sens bien que Mme la ministre aurait envie de donner un avis favorable sur ces amendements. (Mme la ministre sourit.) Malheureusement, elle est contrainte par le royaume de Bercy… (Sourires.) Je comprends en tout cas sa retenue, je compatis et je la remercie.
La démonstration qui vient d'être faite par Victorin Lurel et Audrey Bélim est tout à fait pertinente.
Nous aurons certainement un travail à mener lors de nos futures rencontres – vous nous y invitez, madame la ministre – sur l'écriture des ordonnances, afin de remettre de l'ordre dans tout cela.
Je veux néanmoins vous rassurer sur la concurrence internationale qui sévit dans mon territoire dans le secteur du bâtiment : la Martinique, qui compte 340 000 âmes, ne va pas attirer les multinationales du monde entier !
Notre concurrence, nous la livrons contre le chômage, le mal-vivre et le mal-être. Les entreprises locales survivent difficilement sur des marchés microscopiques, dans un contexte de pouvoir d'achat très faible.
Il faut certainement renouveler le concept de concurrence internationale, entre autres, et le dépoussiérer.
Vous nous avez appelés à y travailler, madame la ministre. Nous serons les premiers à vos côtés pour contribuer à cette modernisation. La description qui a été faite par mes collègues n'en est pas moins réaliste, et leur demande est légitime.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je me suis renseignée sur les types de secteurs considérés comme « à compétitivité renforcée » bénéficiant dudit régime dans les outre-mer.
L'exemple que l'on m'a donné est celui des centres d'appels. (M. Victorin Lurel acquiesce)
Un centre d'appels peut être localisé n'importe où, selon la langue utilisée. Il s'agit donc d'un secteur fortement exposé à la compétition internationale, ce qui justifie son éligibilité à ce régime particulier.
C'est moins le cas pour le BTP, qui est une activité locale.
J'entends votre inquiétude, mesdames, messieurs les sénateurs : n'attendons pas une émeute ou des manifestations très dures pour faire des concessions. (Mme Catherine Conconne acquiesce.)
Je remarque simplement que, en l'état du droit, le BTP n'est pas considéré comme un secteur à forte exposition internationale.
Il nous faut donc trouver d'autres solutions. La remise sur le métier de la Lodéom, ainsi que les mesures prises dans le cadre de la discussion de l'article 6, devrait permettre de corriger ces incohérences.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : quand le BTP va, tout va. L'impact de ce secteur est très important sur nombre de filières et de métiers.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, puis-je répondre à Mme la ministre ?
M. le président. Je regrette, monsieur Lurel, notre règlement ne vous autorise pas à reprendre la parole.
M. Victorin Lurel. Ce qui est absolument certain, c'est que je maintiens mon amendement ! Il y a des émeutes chez moi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 221 rectifié ter est présenté par Mmes Malet et Jacques, MM. Lefèvre, Milon, Somon et Khalifé, Mmes Aeschlimann, Belrhiti, Joseph et Richer, MM. Sol, Panunzi et Genet, Mmes Lassarade et M. Mercier et MM. Gremillet et Fouassin.
L'amendement n° 289 rectifié bis est présenté par Mme Petrus et MM. Mandelli, Naturel et Houpert.
L'amendement n° 337 rectifié est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne, Bélim et G. Jourda, MM. Fagnen, Raynal et M. Weber et Mme Monier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les employeurs ou les travailleurs indépendants installés dans une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution ou à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon et y exerçant leur activité depuis au moins deux années au 31 décembre 2024, peuvent solliciter, à compter du 1er janvier 2025 et jusqu'au 31 décembre 2026, auprès de l'organisme de sécurité sociale dont ils relèvent, un sursis à poursuite pour le règlement de leurs cotisations et contributions sociales restant dues auprès de cet organisme, au titre des dettes non prescrites ainsi que des majorations de retard et pénalités afférentes.
Cette demande est formalisée par écrit, sur un formulaire dédié, auprès de l'organisme de sécurité sociale et entraîne immédiatement et de plein droit, la suspension des poursuites afférentes auxdites créances, ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard inhérentes.
En tout état de cause, les obligations déclaratives continuent à être souscrites aux dates en vigueur et le cotisant règle les cotisations en cours, postérieures à sa demande d'étalement de la dette auprès de l'organisme de sécurité sociale.
II. – Dès réception de la demande écrite du cotisant, l'organisme de recouvrement lui adresse une situation de dettes faisant apparaître le montant des cotisations dues en principal, ainsi que les majorations et pénalités de retard, arrêtées à la date de la demande du cotisant.
Le cotisant dispose alors d'un délai de trente jours à compter de la réception de la situation de dettes pour indiquer à l'organisme de sécurité sociale s'il est en accord avec la masse globale réclamée ou s'il en conteste le montant sur la foi de justificatifs.
En cas de rejet de la contestation relative à la masse globale réclamée, l'organisme de sécurité sociale motive sa décision et les voies de recours ordinaires sont ouvertes au cotisant. Si le cotisant ne se manifeste pas dans les trente jours suivant la réception de la situation de dettes, sa demande d'étalement de la dette est caduque.
III. – Une fois la masse globale consolidée, un plan d'apurement transmis par la voie ordinaire de dématérialisation est conclu entre le cotisant et l'organisme de sécurité sociale. Ce plan entre en vigueur dans le mois suivant sa conclusion. Les échéances prévues au plan d'apurement de la dette sont réglées par prélèvements de l'organisme de sécurité sociale, sur le compte bancaire préalablement désigné par le cotisant, selon mandat de l'espace unique de paiement en euros.
Ce plan d'apurement de la dette est conclu sur une période pouvant s'étaler de six à soixante mois, en fonction de la masse globale, hors majorations et pénalités de retard ainsi que des facultés du cotisant et porte sur l'ensemble des dettes non prescrites dues par le cotisant à la conclusion du plan.
Par exception, les cotisants bénéficiaires d'un contrat de commande publique peuvent solliciter une demande de mise en place du plan concordante à la date de déblocage des paiements des travaux prévus par l'acteur public et doivent, pour ce faire, motiver expressément leur demande en produisant un décompte général définitif.
IV. – Durant l'exécution du plan d'apurement de la dette, le cotisant s'engage à respecter les échéances du plan et à régler les cotisations en cours postérieures à la demande de conclusion du plan d'apurement de la dette. L'entreprise qui a souscrit un plan d'apurement de la dette et qui respecte tant les échéances du plan d'apurement prévu au III, que le paiement des cotisations en cours prévu au I, est considérée à jour de ses obligations de paiement des cotisations sociales.
Sous réserve de respect de l'intégralité du plan d'apurement de la dette et paiement régulier des cotisations en cours, le cotisant bénéficie d'une remise d'office de la totalité des pénalités et majorations de retard pour les dettes apurées prévues au plan d'étalement de la dette.
En revanche, l'absence de respect de l'échéancier prévu par le plan d'apurement de la dette ainsi que le non-paiement des cotisations et contributions sociales dues postérieurement à la demande de signature de ce plan, après relance de l'organisme de sécurité sociale infructueuse, entraîne sa caducité. Dès lors, les majorations de retard et les pénalités afférentes à la masse globale, restant dues et contenues dans le plan, sont recalculées rétroactivement. L'organisme de sécurité sociale peut alors reprendre les poursuites en vue du recouvrement de l'intégralité de la dette.
V. – Les cotisants ayant au 31 décembre 2024 un plan d'apurement de la dette en cours d'exécution conclu selon des modalités différentes de celles prévues au présent article, à l'exception des cotisants radiés, peuvent solliciter, en cas de difficultés de trésorerie, la modification de leur plan d'apurement selon les mêmes modalités que celles prévues au présent article.
VI. – Les cotisants ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article en cas de condamnation en application des articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail au cours des cinq années précédentes. Toute condamnation de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour les motifs mentionnés au premier alinéa du VI, en cours de plan d'étalement de la dette, entraîne la caducité du plan.
VII. – Les présentes dispositions s'appliquent aux entrepreneurs et travailleurs indépendants, y compris dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche.
Le présent article ne s'applique pas pour les sommes dues à la suite d'un contrôle prévu à l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale.
VIII. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l'amendement n° 221 rectifié ter.
Mme Viviane Malet. Cet amendement vise à ouvrir une période d'exception permettant aux entreprises ultramarines de conclure des plans d'apurement de leurs dettes sociales, selon des modalités d'application inspirées des plans qui ont été appliqués à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy après le passage de l'ouragan Irma.
L'objectif est de permettre aux employeurs de régulariser leur situation sans augmenter leurs dettes sociales de façon exponentielle.
Pour éviter des cessations de paiements, le cotisant ultramarin aurait ainsi la possibilité, pour une durée limitée à deux ans, de négocier avec les caisses de recouvrement compétentes des plans d'étalement de la dette de six à soixante mois en fonction des situations.
En parallèle, le cotisant s'engagerait à honorer le paiement des échéances des cotisations en cours, en sus de celles qui sont prévues par le plan d'étalement de la dette.
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour présenter l'amendement n° 289 rectifié bis.
Mme Annick Petrus. Cet amendement tend à instaurer une période d'exception pour les cotisants ultramarins en difficulté, en permettant la négociation de plans d'apurement des dettes sociales sur une période de six à soixante mois.
Ce mécanisme suspendrait les majorations et pénalités de retard pour les employeurs respectant les échéances. Il s'inspire des dispositifs appliqués après les crises Irma et covid-19.
L'ensemble des dettes sociales non prescrites seraient incluses dans le dispositif, à condition que les employeurs s'acquittent de leurs cotisations courantes.
En cas de non-respect, le plan serait annulé et les majorations recalculées rétroactivement.
Pour les entreprises du BTP, particulièrement affectées par les retards de paiement des collectivités, le remboursement des dettes pourrait être reporté jusqu'au déblocage des fonds publics, sous réserve de justificatifs.
Ce dispositif éviterait des cessations de paiements massives, dont les conséquences économiques et sociales seraient majeures dans les territoires ultramarins.
Mieux vaut un paiement différé que des entreprises qui ferment ou qui, pour le cas de Saint-Martin, se délocalisent du côté hollandais.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 337 rectifié.
M. Victorin Lurel. Pour résumer, nous demandons un sursis à poursuites au bénéficie des entreprises qui seraient notamment sous moratoire.
En Guadeloupe, mais aussi dans l'ensemble des outre-mer, les entreprises qui bénéficient de moratoires font l'objet de poursuites pouvant entraîner le dépôt de bilan en cas de difficultés persistantes.
Lorsque j'étais ministre, j'avais rédigé avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault une circulaire qui offrait de telles possibilités – tenez-vous bien, je ne vous ferai pas cette demande ! – y compris lorsque les poursuites relevaient du code pénal.
Ainsi, le recouvrement des cotisations salariales ouvrières pouvait être revu, corrigé et étalé de façon à éviter les poursuites pendant six mois.
En l'espèce, il vous est demandé, par cet amendement, d'accorder un sursis à poursuites en matière de règlement des cotisations et des contributions sociales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques tendent à instaurer, pour les territoires ultramarins, un dispositif spécifique d'apurement des dettes sociales.
Lors de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions déjà examiné des amendements de cette nature et nous avions alors émis un avis de sagesse.
Les gouvernements d'alors, en revanche, y étaient défavorables, et les amendements qui avaient été adoptés au Sénat n'avaient pas survécu à la navette parlementaire.
Pour ma part, je répéterai ce que je soulignais l'année dernière : il existe déjà des mesures d'accompagnement très spécifiques dans l'Hexagone, mais aussi dans les territoires ultramarins.
La création d'un nouveau dispositif législatif me semble quelque peu hasardeuse. Comment pourrions-nous en effet distinguer les entreprises qui auraient des difficultés à payer leurs contributions sociales pour de bonnes raisons et les autres ?
Efforçons-nous d'adopter sur cette question un point de vue juridique.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Je le regrette, mais je pense sincèrement que les services de recouvrement sont souvent attentifs aux situations particulières que rencontrent les entreprises qui sont en difficulté pour de bonnes raisons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je remercie Mme la rapporteure générale de son avis de sagesse sur les amendements précédents, ainsi que les membres de notre assemblée pour le vote qui vient d'avoir lieu.
S'il est vrai que cette histoire de BTP a pu provoquer des barrages dans certaines îles, l'urgence n'est pas la motivation première des auteurs des amendements nos 464 rectifié bis, 1093 rectifié bis et 1297 rectifié ter : il fallait en effet corriger un problème de longue date.
Madame la rapporteure générale, peut-être serons-nous amenés à nous revoir sur d'autres sujets, comme vous nous y avez invités hier.
En ce qui concerne mon amendement n° 337 rectifié, il s'agit non pas de demander une quelconque dérogation ou exception, mais de suspendre temporairement les poursuites. Ou alors j'ai mal compris son économie générale…
Il faut le faire en raison de l'urgence et parce que des barrages routiers se sont formés notamment pour porter cette revendication.
La sécurité sociale est en quelque sorte le banquier des entreprises. Alors que ces dernières sont sous moratoire, celles qui rencontrent des difficultés font face à une multiplication des poursuites depuis plusieurs années.
Nous demandons donc de revoir les échéanciers et d'étaler les dettes sociales au moyen d'un dispositif déclaratif. Ce formalisme sera provisoire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Sans revenir sur le fond de la question, j'alerte sur un point important. Des mesures équivalentes ont été mises en place au moment de la crise covid, selon le principe « à situation particulière, dispositions particulières ».
Je ne suis pas certain que, malgré la crise qui secoue les outre-mer, une mesure de cette nature passerait l'obstacle du Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette revendication paraît légitime, mais je souhaiterais voir précisé que sont ici visées les dettes sociales afférentes aux cotisations employeur.
En effet, les cotisations salariales, elles, ont bien été collectées, puisqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un moratoire.
M. le président de la commission des affaires sociales a raison d'évoquer le Conseil constitutionnel : il n'est pas possible de différer ce qui a déjà été collecté. Or c'est le cas des cotisations sociales salariales.
Lorsqu'une entreprise est en difficulté – j'ai aidé moi-même une association –, elle peut d'ores et déjà négocier des échéanciers sur ses cotisations patronales. L'Urssaf n'a aucun intérêt en effet à voir une entreprise disparaître plutôt que de lui « offrir » un échéancier.
En tout état de cause, nous pouvons être favorables à ces amendements, à la condition que soit précisé que la dette sociale visée exclut les cotisations salariales. Faute de quoi la disposition pourrait être retoquée par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221 rectifié ter, 289 rectifié bis et 337 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 833, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation ayant pour objectif d'évaluer spécifiquement, pour 2024, la perte de recettes qui aurait été évitée par le gel des barèmes des allègements généraux et la suppression des exonérations de cotisations au-delà de deux fois le salaire minimum de croissance.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Conseil d'analyse économique (CAE) estime, dans une étude de 2019, que, si les baisses de cotisations sociales sur les bas salaires ont pu avoir des effets sur l'emploi, « les baisses de cotisations sociales sur les salaires plus élevés – au-delà de 1,6 Smic – n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité » – elles sont pourtant anciennes !
De même, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) – le contrôle, n'est-ce pas aussi notre mission ? –, indiquait, dans son rapport sur le contrôle et l'efficacité des exonérations de cotisations sociales de septembre 2023, que le « maintien des exonérations de cotisations familiales (dites “ bandeau famille ”) portant sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic ne se justifiait pas ». Elle proposait, en conséquence, de les supprimer.
Même les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, pourtant mandatés par le Gouvernement, ne parviennent pas à démontrer que les exonérations de cotisations qui excèdent un certain seuil ont un effet sur l'emploi.
Ainsi, alors que le coût des mesures en faveur de l'emploi ne cesse de peser sur le budget de l'État et sur les comptes de la sécurité sociale, selon qu'elles sont compensées ou non par l'État – les mesures non compensées s'élevant environ à 3 milliards d'euros –, les gouvernements successifs s'obstinent à ne pas remettre en cause cette politique d'exonérations dont les effets, au-delà d'un certain seuil, ne sont pas démontrés – quand elles ne sont pas contestées –, ni sur l'emploi ni sur la compétitivité.
Comme je l'ai déjà dit hier, la suppression des bandeaux sur les rémunérations supérieures à 2 Smic réduirait le montant des exonérations, et donc la dépense pour l'État, de 8 milliards d'euros.
Aussi, par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement nous remette un rapport, afin d'évaluer – enfin ! –, dans un souci de transparence, la perte de recettes qui aurait été évitée par la suppression des allégements généraux de charges au-delà de 2 Smic.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. La création d'un comité de suivi chargé d'évaluer les allégements généraux, à la suite de l'adoption, hier, de l'amendement n° 123 rectifié de la rapporteure générale, vous donnera en grande partie satisfaction.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 823, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'espère, madame la ministre, que l'amendement tendant à créer ce comité de suivi sera davantage suivi d'effets que les amendements visant à demander des rapports au Gouvernement que nous adoptons quelquefois…
L'abattement sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels a été plafonné à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) par la loi de finances pour 2011. Le taux de l'abattement est ainsi passé, le 1er janvier 2012, de 5 % à 1,75 %.
Or cet abattement devrait plutôt être ciblé sur les revenus bas et moyens, soit jusqu'à 3 666 euros mensuels en 2023, et non pas profiter mécaniquement aux revenus aisés. Cette iniquité a déjà été soulignée dans le rapport Vachey, La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement, dont l'objet était de définir des pistes de financement pour la branche autonomie, dans la perspective de la fameuse loi sur la dépendance, que nous attendons encore…
Les auteurs ce rapport indiquaient ainsi que le « plafonnement à 4 Pass de cet abattement conduit à offrir un avantage en réduction de la CSG et de la CRDS » – impôts universels, je le rappelle – « pour des salariés ayant des rémunérations élevées […] ».
En conséquence, ce rapport préconisait une réduction à 1 Pass du plafond de cet abattement : cette mesure devait procurer, en 2020, lorsque le plafond était de 3 428 euros par mois, une recette complémentaire de 150 millions d'euros par an.
Soucieux de fournir des leviers de financement à la branche autonomie et aux comptes sociaux, tout en tenant compte de la hausse du coût de la vie et de la stagnation générale des salaires, nous proposons, par cet amendement à l'ambition somme toute modeste, de reprendre les préconisations du rapport Vachey, sans aller toutefois aussi loin : nous demandons que l'abattement soit plafonné à 2 fois le Pass, soit 7 850 euros brut, ce qui concerne une grande majorité de salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous avez raison, ma chère collègue, le financement de la branche autonomie constitue un enjeu crucial à long terme. Nous devons trouver des solutions durables. Vous proposez de plafonner l'abattement de 1,75 % sur l'assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à 2 fois, et non plus à 4 fois, le Pass.
Je rappellerai simplement que l'abattement pour frais professionnels est en partie conventionnel. Il est censé représenter les frais engagés par les intéressés. Un amendement analogue a été présenté lors de l'examen du PLFSS pour 2024. Il était alors proposé de fixer le plafonnement à 1 fois le Pass. La commission et le gouvernement d'alors avaient émis un avis défavorable, et l'amendement avait été rejeté.
La commission a émis de nouveau un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 586 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'État peut, pour une durée de trois ans et à titre expérimental, permettre aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole d'opter pour que leurs cotisations soient calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette fixée forfaitairement, en dérogation aux I et II de l'article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation prévue au I sont définies par décret, au plus tard au 1er octobre 2025. Les ministres chargés du travail et de l'agriculture arrêtent la liste des territoires participant à l'expérimentation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans la limite de trois régions.
III. – Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d'une généralisation.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à mettre en œuvre une expérimentation afin de permettre aux chefs d'exploitation agricole d'opter pour que leurs cotisations soient calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette fixée forfaitairement.
En effet, les agriculteurs ont actuellement le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales : ils peuvent prendre pour base soit les revenus de l'année n-1, soit la moyenne de ceux qui ont été perçus au cours des trois dernières années.
Or, comme les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, les agriculteurs se retrouvent souvent en difficulté pour payer leurs cotisations sur les années passées.
Imaginons ainsi que l'agriculteur ait fait une bonne récolte l'année n-1 et une mauvaise récolte l'année n. Cette mauvaise récolte pèsera sur la trésorerie de l'exploitation. Or c'est aussi au cours de cette année n que l'agriculteur devra payer des cotisations au titre de l'année n-1.
Dans un souci d'équité, je propose que nous donnions aux agriculteurs la même possibilité que celle que nous avons offerte, dans la LFSS 2022, aux travailleurs indépendants et aux non-salariés, à l'issue d'ailleurs d'une expérimentation qui avait commencé en 2018.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme vous l'avez dit, les agriculteurs ont le choix entre deux méthodes de calcul pour leurs cotisations sociales. Vous proposez une troisième voie, qui semble satisfaire un certain nombre d'entre eux. Celle-ci serait mise en œuvre dans le cadre d'une expérimentation.
Je trouve, à titre personnel, que cet amendement est intéressant : il vise à donner aux agriculteurs une possibilité qui a été offerte aux travailleurs indépendants. Cependant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Je n'irai pas plus loin. (Sourires.)
Vous connaissez, mes chers collègues, les difficultés que rencontrent les agriculteurs. Cette proposition a été soumise à un certain nombre d'entre eux ; elle semble, je le répète, les satisfaire. C'est sans doute le bon moment pour l'adopter.
Certains articles de ce PLFSS concernent les agriculteurs. La commission des affaires sociales a été sensible au fait que cet amendement était déposé à un moment où les transformations dans le secteur agricole sont nombreuses. Dans un souci de lisibilité, la commission a estimé qu'il ne fallait peut-être pas en ajouter de nouvelles.
Toutefois, je le redis, à titre personnel, je ne suis pas opposée à la mise en œuvre de l'expérimentation que vous proposez.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Lors des discussions sur les PLFSS des années précédentes, les différents gouvernements s'étaient en effet engagés à procéder à une réforme visant à rendre autant que possible contemporaine de leurs revenus l'assiette des cotisations pour les exploitants agricoles.
Des travaux ont été menés en lien avec la profession agricole et la Mutualité sociale agricole (MSA), afin d'identifier des solutions pour résoudre les problèmes d'ordre technique, juridique, informatif, liés à la mise en place de cette assiette contemporaine.
À la lumière de ces travaux, il semble que les représentants de la profession eux-mêmes aient mis en question l'intérêt de cette contemporanéité. Par ailleurs, je vous rappelle que des travaux très importants sont conduits pour mettre en œuvre la réforme visant à instaurer une assiette sociale « super brut », qui a été votée l'année dernière.
Il ne nous semble donc pas raisonnable de lancer l'expérimentation proposée alors que les travaux sur l'assiette sociale dite « super brut » se poursuivent.
Pour ces raisons je vous invite, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je vais essayer de trouver un terrain d'entente pour satisfaire tout le monde. Dans une démarche sans doute très puriste sur la forme, mais juste, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable. Elle n'est pas opposée à la proposition sur le fond, mais elle considère que, compte tenu de l'ensemble des réformes qui sont menées en ce moment, le calendrier ne semble pas opportun. On peut l'entendre.
Madame la ministre, vous avez indiqué que différents travaux de réflexion étaient en cours. La mise en œuvre de cette expérimentation permettrait sans doute de tester en grandeur réelle l'efficacité du dispositif.
L'amendement prévoit que ses modalités seront définies par un décret. Voilà qui nous offre une porte de sortie : rien ne nous empêche, mes chers collègues, de tenir du compte du fait que le calendrier des acteurs est particulièrement chargé en ce moment, tout en faisant en sorte qu'il soit possible, par la suite, de mener cette expérimentation.
Même si je comprends l'avis de la commission, en faveur duquel j'ai d'ailleurs voté, nous pourrions, vu les éléments apportés au débat aujourd'hui, dans la mesure où l'amendement renvoie à un décret la définition des modalités, garder notre avis défavorable, mais en tout état de cause, le résultat sera parfait... (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je vous appelle à réviser votre position, madame la ministre.
L'expérimentation proposée ne coûte rien !
Je soutiens l'amendement présenté par Henri Cabanel. On ne demande pas de diminuer les cotisations : on souhaite seulement que les agriculteurs puissent opter pour une troisième méthode de calcul et de paiement des cotisations, qui soit fondée sur les revenus de l'année. Actuellement ils ne peuvent choisir qu'entre deux méthodes : l'une qui s'appuie sur l'assiette triennale, qui permet de lisser les revenus sur les trois années précédentes ; l'autre qui repose sur les revenus de l'année n-1.
Dans certaines activités, lorsque les variations des récoltes, et donc des revenus, sont importantes, comme c'est le cas notamment dans la viticulture, il est intéressant pour les agriculteurs de pouvoir payer leurs cotisations au plus vite, plutôt que d'avoir à payer des cotisations très élevées, aux termes de plusieurs bonnes années, au moment où leurs revenus sont les plus bas. C'est du bon sens !
Madame la ministre, je vous livre une autre information de nature à vous faire réviser votre avis : le président de la MSA, avec qui j'ai eu, tout à l'heure, un entretien téléphonique, et les représentants des syndicats agricoles, que j'ai rencontrés, sont d'accord pour mener cette expérimentation. À l'issue de celle-ci, nous pourrons choisir, comme cela a été les cas pour les artisans et les commerçants, de conserver le système, ou non. Mais il faut expérimenter pour se faire une opinion ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vois que les Deux-Sèvres se rapprochent de la Normandie : « P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non »… (Sourires.)
Je suis ravie que la jurisprudence Duplomb, qui est apparue hier soir, s'applique aujourd'hui. J'espère que ce sera aussi le cas pour l'examen de mon amendement portant article additionnel après l'article 8 quater.
Je voterai cet amendement de bon sens. Celui-ci intervient au bon moment. Notre assemblée doit se montrer sensible aux problèmes des agriculteurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je ne conteste pas l'intérêt de l'expérimentation sur le fond, mais je m'interroge sur la possibilité de la conduire alors même que la MSA doit déjà réviser l'assiette sociale et alors même que nous travaillons avec elle, par ailleurs, pour faire en sorte que la réforme des retraites des non-salariés agricoles entre en vigueur le plus tôt possible. Ce sont les mêmes équipes – juridiques, informatiques, financières – qui sont sollicitées pour ces différents dossiers.
Je pourrais donner un avis favorable, mais nous devons aussi tenir compte, lorsque l'on écrit la loi, des difficultés de mise en œuvre. (MM. Laurent Burgoa et Laurent Duplomb le contestent.)
Il ne serait pas raisonnable de demander à la MSA…
MM. Laurent Burgoa, Laurent Duplomb et Daniel Laurent. Ils sont d'accord !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … de mener cette expérimentation, alors qu'elle doit déjà mener à bien deux chantiers très lourds.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voterai cet amendement. La MSA a dit qu'elle était prête à réaliser cette expérimentation : celle-ci, par définition, ne concernerait pas tous les agriculteurs ; elle n'aurait, en outre, aucun caractère obligatoire.
On ne cesse de repousser les nouveautés. Il en a été de même pour la réforme visant à calculer la retraite des exploitants agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années. Cette dernière était dans les tuyaux depuis de nombreuses années. Son principe avait été acté dès 2021, lorsque nous adopté la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricole les plus faibles. Or nous attendons toujours sa mise en œuvre.
Les promesses s'accumulent, mais les agriculteurs en ont assez d'attendre ! Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient toujours être traités différemment. Le sens de l'Histoire est d'aligner le régime des agriculteurs sur celui des travailleurs indépendants. Nous devons donc, en l'espèce, aller encore plus loin en ce qui concerne la réforme de l'assiette des cotisations.
Les récoltes ne sont plus régulières, comme elles l'étaient voilà une vingtaine d'années. En raison des aléas climatiques, il est devenu impossible de savoir quelle sera la récolte de l'année suivante. C'est pourquoi il est pertinent de prendre pour base une assiette contemporaine des résultats des agriculteurs, afin de tenir compte de leurs moyens financiers à l'instant T. Sinon, ils peuvent être amenés à payer au cours d'une mauvaise année des cotisations portant sur une très bonne année.
Les agriculteurs ont besoin de ce soutien. Ce n'est pas le moment de les énerver davantage !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je voterai également cet amendement. Henri Cabanel, on le sait, est un élu de bon sens.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme nous tous !
M. Laurent Burgoa. Il parle peu, mais toujours dans le sens de l'intérêt général !
Madame la ministre, permettez-moi de rappeler, en dépit de tout le respect que j'ai pour votre personne et pour votre fonction, que ce sont les élus qui tranchent ! Si le Parlement décide, l'administration n'a pas à dire qu'elle ne peut pas mettre en œuvre ! Il m'arrive parfois de me demander qui a le pouvoir dans ce pays : les élus ou bien l'administration ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)
À un moment où les agriculteurs souffrent, il serait bon que ce soient les élus qui décident !
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Ce n'est pas la première fois que je défends cet amendement : c'est au moins la quatrième ! À chaque fois, on me répond, comme vous l'avez fait, qu'on réfléchit, qu'on va faire les choses.
Cette année j'ai travaillé en amont, avec votre collègue ministre de l'agriculture et avec tous les acteurs. La mise en œuvre serait compliquée, dites-vous, madame la ministre. Je rejoins mon collègue Laurent Burgoa : dans nos territoires, des élus et des agents des caisses régionales de la MSA sont prêts à mener cette expérimentation. Pourquoi ne pas les laisser faire ? Cela ne coûterait rien. Il suffit d'avoir la volonté d'agir.
Comme l'a dit également Laurent Burgoa, je ne m'exprime pas beaucoup, mais j'ai mon BSP, mon bon sens paysan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 586 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Exclamations amusées.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Henri Cabanel et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 7
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L'article L. 136-1-1 est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un 7° ainsi rédigé :
» 7° La rémunération des apprentis mentionnée à l'article L. 6221-1 du code du travail pour la part excédant 50 % du salaire minimum de croissance. » ;
2° Le a du 1° du III est abrogé.
II. – L'article L. 5553-11 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « , de la cotisation d'allocations familiales mentionnée à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale et de la contribution à l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi mentionnée au 1° de l'article L. 5422-9 du code du travail dues par les employeurs, » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
» En outre, les entreprises d'armement maritime mentionnées au premier alinéa peuvent être exonérées des cotisations d'allocations familiales prévues à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale et des contributions à l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi dues par les employeurs prévues à l'article L. 5422-9 du code du travail pour les équipages qu'elles emploient à bord de navires de transports de passagers, au sens de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, faite à Londres le 1er novembre 1974 mentionnée à l'article L. 5242-9 du présent code. » ;
3° Au deuxième alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux premiers alinéas du présent article » ;
5° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deux premiers alinéas ».
III. – À la première phrase du I de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2004-1311 du 30 décembre 2003), les mots : « aux jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement définies à » sont remplacés par les mots : « aux entreprises remplissant les conditions cumulatives définies aux 1° et 2°, au b du 3° et aux 4° et 5° de ».
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025 et est applicable aux cotisations et aux contributions dues au titre des périodes d'activité courant à compter de la même date.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l'article.
Mme Céline Brulin. Cet article vise notamment à rationaliser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d'apprentissage. Les entreprises qui recrutent des apprentis bénéficient, en effet, non seulement d'aides directes à cette fin, mais aussi d'exonérations de cotisations.
Or, comme vous le soulignez à juste titre dans votre rapport, madame la rapporteure générale, le montant de ces aides a explosé, puisqu'elles sont passées de 6 milliards d'euros en 2018 à près de 14 milliards d'euros en 2022, alors que les dépenses consenties par les entreprises pour recruter des apprentis sont de 11 milliards d'euros. Le montant des seules exonérations de cotisations sociales liées à l'apprentissage s'élève à 1,5 milliard d'euros en 2023, tandis que celui des pertes de recettes de CSG-CRDS est estimé à 1,2 milliard d'euros.
Il semble donc opportun de réduire la voilure, comme cela est proposé dans cet article. Le problème, c'est qu'au passage, vous assujettissez à la CSG-CRDS, madame la ministre, la part de la rémunération des apprentis qui excède un demi-Smic – vous avez bien entendu, mes chers collègues : un demi-Smic !
On sait tous quels sont les niveaux de rémunération des apprentis. Cette mesure leur ferait perdre entre 50 euros et 100 euros, soit 10 % de leur rémunération. Cette mesure est particulièrement injuste, d'autant plus que ces apprentis sont souvent des jeunes issus de familles populaires, qui pourraient difficilement poursuivre leurs études autrement. Et je n'évoquerai pas, car ce n'est pas le sujet aujourd'hui, la casse des lycées professionnels, qui conduit à développer considérablement l'apprentissage.
En conclusion, si nous sommes favorables à une réduction de la voilure, pour les raisons que j'ai invoquées, sur les exonérations des entreprises, nous sommes résolument opposés à ce qu'on ampute le salaire des apprentis.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.
M. Daniel Chasseing. Cet article supprime l'exonération de cotisations employeur dont bénéficient les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les jeunes entreprises de croissance (JEC).
Il réduit, à partir du 1er janvier 2025, de 79 % à 50 % du Smic le seuil à partir duquel les rémunérations des apprentis sont exonérées de cotisations sociales. De même, ces rémunérations seront assujetties à la CSG-CRDS sur la part qui excède 50 % du Smic, alors qu'elles sont actuellement totalement exemptées.
La France compte un million d'apprentis, soit quatre fois plus qu'il y a cinq ans. C'est un succès indéniable pour l'emploi et l'insertion des jeunes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est exact !
M. Daniel Chasseing. Le système social et fiscal de l'apprentissage est attractif pour les employeurs, mais il s'agit d'un investissement durable pour notre économie que nous devons conserver pour faciliter l'accès à l'emploi : 70 % des jeunes apprentis trouvent ainsi un travail dans les six mois suivant leur formation, alors que notre pays connaît des difficultés économiques.
Ce dispositif est aussi un ascenseur social qui fonctionne : un tiers des jeunes en alternance dans le supérieur sont issus de familles modestes ; ils n'auraient pas obtenu leurs diplômes sans alternance. Il faut donc conserver ce système.
J'ai cosigné un amendement visant à supprimer cet article. Je soutiens néanmoins la position de la commission. J'espère que la baisse des aides en faveur des apprentis n'entraînera pas de problèmes et ne réduira pas l'attractivité de l'apprentissage.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l'article.
M. Jean-Marie Mizzon. Je prends la parole à ce stade pour dénoncer non pas une injustice, mais une inégalité de traitement injuste : celle qui prévaut entre un salarié frontalier et un salarié frontalier qui est, par ailleurs, élu. Alors que le premier paie ses cotisations sociales dans le pays voisin et bénéficie des services de santé de ce pays, le second ne bénéficie de ce système que si son indemnité d'élu ne représente pas plus de 25 % de la somme de son indemnité et de sa rémunération.
C'est injuste. Voilà qui n'incitera pas les gens à se porter candidats lors des élections municipales de 2026. Cela ne favorisera pas la pluralité des candidatures.
Madame la ministre, êtes-vous êtes sensibilisée à ce problème ? Il y a là une véritable injustice pour les départements frontaliers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Brault. Je voudrais parler des apprentis.
En 1963, j'avais 13 ans : on ne m'a pas laissé le choix, je suis parti passer un certificat d'aptitude professionnelle (CAP). J'ai ensuite créé une entreprise, qui compte, à ce jour, une centaine de compagnons.
Le drame, aujourd'hui, c'est qu'on manque de compagnons pour former nos apprentis. Si l'on ne forme pas d'apprentis maintenant, on n'aura pas de compagnons demain ! Des entreprises que je connais très bien font venir des compagnons du Portugal, payés 48 euros de l'heure, pour exercer le métier de soudeur qualifié.
Un bon compagnon peut former des apprentis. L'apprentissage est une nécessité. Sa réforme a été un véritable succès, parce que les charges ont été allégées. Sans doute faut-il encadrer le dispositif, ne pas l'ouvrir à ceux qui ont plus qu'un CAP ou qu'un brevet professionnel : l'objectif n'est pas que des multinationales recrutent des apprentis ! (Mmes Anne Souyris et Raymonde Poncet Monge renchérissent.)
En revanche, il est vital pour nos artisans, nos PME et nos TPE de cinquante ou cent compagnons, en plomberie, en chauffage, en maçonnerie, en plâtrerie, de former des apprentis. Notre pays n'a plus de compagnons. Or, j'y insiste, si l'on ne forme pas d'apprentis aujourd'hui, on manquera de compagnons demain. Je l'ai dit : beaucoup d'entreprises font venir des compagnons soudeurs du Portugal et d'Espagne, alors que la France avait, dans ce domaine, d'excellents professionnels il y a encore quinze ans, en particulier dans le nucléaire. On n'en a plus. Formons des compagnons, formons des apprentis ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l'article.
M. Xavier Iacovelli. Nous nous opposerons sans surprise à cet article en votant pour les amendements de suppression déposés par nos collègues. Sans surprise, puisque cet article est le pendant de l'article 6, dont nous avons défendu hier soir la suppression.
L'article 7 revient en effet sur plusieurs mesures de soutien à l'emploi, notamment des plus jeunes, en prévoyant d'assujettir à la CSG-CRDS les rémunérations des apprentis au-delà de 50 % du Smic.
Nous avons porté ces dernières années un certain nombre de mesures en faveur du développement de l'apprentissage dans notre pays, et ce avec succès, puisque le cap symbolique du million d'apprentis en France a été dépassé à la fin de 2023, avec près de 850 000 nouveaux contrats enregistrés sur l'année. Je rappelle quand même qu'ils étaient 350 000 en 2017.
Cet article 7, qui va de pair avec la baisse des aides versées aux entreprises, dont nous aurons à débattre lors de l'examen du projet de loi de finances, nous semble aller à contre-courant des politiques menées en faveur de l'emploi et de l'insertion des jeunes. Le signal envoyé est donc désastreux.
Il en va de même pour les jeunes entreprises innovantes. Toute mesure d'économie sur ce dispositif pénaliserait les start-up et PME innovantes, alors que l'écosystème subit une crise de financement depuis bientôt deux ans.
Cette mesure d'économie interviendrait par ailleurs quelques mois seulement après l'extension du dispositif aux jeunes entreprises de croissance.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.
M. André Reichardt. Monsieur le président, permettez au sénateur alsacien que je suis de conseiller aux membres de notre assemblée de ne toucher à la réglementation de l'apprentissage qu'avec une main tremblante, si vous me permettez de paraphraser une expression consacrée initialement à la Constitution.
J'ai été directeur général d'une grande chambre de métiers, la chambre de métiers d'Alsace, au temps béni où l'Alsace était encore une région, et je voudrais redire toute l'importance que peut avoir l'apprentissage, non seulement en matière d'insertion professionnelle, mais aussi en matière de qualification professionnelle, ce dont parlaient les orateurs précédents.
En Alsace, nous avions cette chance, de par notre histoire, d'avoir proportionnellement beaucoup plus d'apprentis par classe d'âge qu'ailleurs. Et j'ose le dire ici, la prospérité économique de notre région doit beaucoup à la prépondérance de l'apprentissage, les entreprises artisanales se développant grâce à une main-d'œuvre qualifiée.
Depuis lors, l'apprentissage s'est ouvert à d'autres diplômes – à l'époque, c'était simplement le niveau 5, c'est-à-dire le niveau CAP, ou le brevet de compagnon chez nous –, puisqu'il concerne dorénavant l'enseignement supérieur, y compris les doctorants, même si cela n'a pas encore été testé. Pour notre pays, c'est une chance qu'il convient de préserver.
Lorsque j'étais directeur général, ce qui remonte à quelques années, nous ne comptions pas plus de 300 000 apprentis. En quelques années, nous sommes passés au million ! Il ne faut pas casser cette dynamique, dont je ne saurais dire si elle due aux aides ou à l'acquisition d'une culture nouvelle. À l'époque, c'est vrai, l'éducation nationale ne voulait pas envoyer des jeunes en apprentissage, sauf les plus mauvais. Cela a quand même changé considérablement. Je le répète, je ne sais pas où est l'explication, mais nous devons faire très attention à ce que nous votons en matière d'apprentissage.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l'article.
Mme Annie Le Houerou. Cet article 7 a pour objet de faire peser les économies gouvernementales sur les jeunes cherchant à s'insérer dans le monde du travail, à savoir les apprentis, alors que le développement de l'apprentissage a été une avancée pour eux, souvent discriminés qu'ils étaient à leur entrée dans le monde professionnel. La proposition gouvernementale d'élargir le nombre d'apprentis assujettis aux cotisations sociales est une erreur manifeste.
Vous connaissez notre position sur les exonérations. Elles ne doivent être conservées que lorsqu'elles sont efficaces. Or réduire les revenus des apprentis dès que leur rémunération dépasse la moitié du Smic, soit moins de 700 euros net mensuels, c'est-à-dire presque le RSA, attaque directement leurs moyens de subsistance. Il est complètement injuste de faire porter les dérives budgétaires sur les apprentis, dont nous connaissons la précarité des conditions de vie.
Par ailleurs, cette mesure aura un impact important sur la capacité des artisans et petits commerces d'engager des apprentis, car les TPE et PME n'ont pas toutes les moyens d'augmenter la rémunération brute de leurs apprentis pour conserver leur attractivité vis-à-vis des jeunes.
Beaucoup ont proposé, en découvrant cet article 7 dans le PLFSS, de limiter cette mesure aux apprentis de niveau bac ou d'un niveau inférieur à bac+3. Toutefois, il faut garder en tête que deux tiers des apprentis s'engagent dans des études grâce à l'apprentissage, qui est une source de financement des parcours d'études, de plus en plus onéreux. Nous voterons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, sur l'article.
M. Pierre Jean Rochette. Là, les gens ne vont absolument pas comprendre ce que nous sommes en train de faire. C'est une hérésie, cette histoire. J'espère que vous en avez tous conscience.
Même avec toute la bienveillance dont je peux faire preuve envers les représentants du Gouvernement, je dois dire que je ne comprends même pas que cette mesure figure dans le PLFSS.
De grâce, madame la ministre, il y a assez d'économies à faire ailleurs en chassant les fraudeurs et en réformant l'État de l'intérieur ! C'est d'ailleurs ce que nous demandent les Français. Ils ne demandent pas le démantèlement du système social et ils demandent encore moins que l'on aille taxer ceux qui démarrent dans la vie active, qui sont les plus faibles et les plus fragiles dans le monde du travail.
Beaucoup de choses n'ont pas marché ces dernières années, mais la réforme de l'apprentissage a, elle, très bien fonctionné. N'allons pas assommer de charges des jeunes qui démarrent dans la vie active et des entreprises qui laissent leur chance à des jeunes. De grâce !
Je remercie sincèrement tous ceux qui portent les amendements de suppression. Mes chers collègues, dans un sursaut, faisons en sorte de réparer cette grossière erreur.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, sur l'article.
Mme Frédérique Puissat. Comme l'a rappelé notre collègue Iacovelli tout à l'heure, nous avons discuté hier soir de l'article 6, qui ne traitait pas du même sujet, mais qui était un peu de la même veine que cet article 7.
Ce n'est pas un article que nous voterons de gaieté de cœur, mais nous aurons l'occasion de reparler plus tard de l'apprentissage, qui est traité principalement dans le projet de loi de finances, et non dans le PLFSS.
Mes chers collègues, je veux simplement vous dire que, depuis la loi de 2018, la mission « Travail et emploi », qui concerne principalement l'apprentissage, est passée de 14 milliards d'euros à 22 milliards d'euros.
Alors oui, c'est vrai, le nombre d'apprentis a augmenté. Oui, c'est vrai, nous croyons à l'apprentissage et nous pouvons nous féliciter d'avoir davantage d'apprentis. Mais à quel prix, mes amis ?
Nous avons fait le choix, avec la loi 2018, de centraliser l'apprentissage en créant France compétences pour suppléer les régions.
Mme Monique Lubin. Quelle erreur !
Mme Frédérique Puissat. Nous avons, pour reprendre l'expression de la Cour des comptes, créé un guichet ouvert, où l'on pouvait à tout moment demander l'ouverture d'un contrat d'apprentissage. France compétences a ainsi vite été confrontée à des déficits que nous n'arrivons toujours pas à résorber.
Oui, nous avons créé un appel d'air en faveur de l'apprentissage, mais nous n'avons toujours pas trouvé le point d'équilibre pour financer son développement.
L'article 7 pèse non pas sur l'aide à l'apprentissage aux entreprises, mais sur les apprentis. Il y a effectivement des apprentis qui ont de faibles revenus, mais d'autres en ont un peu plus. Au-dessus d'un certain âge, il y a des rémunérations supérieures aux 800 euros qui sont souvent pris en exemple.
Je le répète, ce n'est pas de gaieté de cœur que nous devons voter cet article, qui pèse quand même pour 350 millions d'euros dans l'équilibre global du budget de la sécurité sociale. Nous allons essayer de le préserver, faute de quoi nous devrons bien trouver ces 350 millions d'euros ailleurs. Pour l'heure, je vous rappelle que le déficit de la sécurité sociale est de 16 milliards d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l'article.
Mme Ghislaine Senée. Contre toute attente, je souhaite modérer un peu notre discussion.
Effectivement, depuis la réforme de 2018, la mission « Travail et emploi » est passée de 14 milliards d'euros à 22 milliards d'euros.
Nous sommes pour les cotisations, parce que c'est un acte de solidarité, les cotisations des uns pouvant bénéficier à d'autres.
Un étudiant qui n'est pas apprenti, mais qui doit travailler au McDo pour financer ses études, va, lui, payer de la CSG. Un ingénieur apprenti, issu d'une famille aisée ayant les moyens de financer son école, et qui aura un niveau de salaire élevé à son entrée dans la vie active, se sera vu offrir des droits à la retraite sans avoir payé de la CSG.
Il faut vraiment bien poser les termes du débat pour tendre vers l'équité. Évidemment, c'est difficile de dire brutalement à des personnes qui ne payaient pas de cotisations qu'elles vont dorénavant en payer. En toute responsabilité, je suis beaucoup plus modérée que nombre de mes collègues sur ces propositions de suppression de l'article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l'article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Autant j'étais disposée à amender l'article, autant je suis opposée à sa suppression. La quasi-unanimité qui se dégage à cet égard ne laisse pas de m'interroger.
Effectivement, l'apprentissage rencontre un véritable succès, mais France Travail remarque que près de 10 % des nouveaux inscrits sont d'anciens apprentis. Il y a également des groupes qui font tourner les apprentis. Si vous voulez des exemples, nous pourrons vous en donner. Il s'agit d'analyser cette évolution pour identifier les effets d'aubaine, qu'il faut combattre, tout en conservant l'esprit du dispositif.
J'ai constaté une belle unanimité pour dire qu'on ne pouvait pas payer de cotisations salariales au-delà de 50 % du Smic. D'accord, mais j'attends les propositions pour les 17 % de smicards français qui en paient, ce qui vient alourdir le coût du travail, une expression que je récuse par ailleurs.
Je ne pense pas que les apprentis concernés par l'article verront une grande différence. Quand ils vont s'inscrire au chômage, pour 8 % à 10 % d'entre eux, ils vont bien avoir le bénéfice des droits contributifs, auxquels doivent correspondre des cotisations. Il faut arriver à leur faire comprendre cela, même si je pense que leur niveau de rémunération n'est pas assez élevé.
Un jeune salarié n'est pas traité équitablement par rapport à un apprenti, et je ne pense pas qu'il y aura moins d'apprentis s'ils paient des cotisations à partir de 50 % du Smic. Il y a par ailleurs assez d'aides pour que les employeurs en tiennent compte dans leur politique de rémunération.
Je le répète, je ne comprends pas trop cette quasi-unanimité.
Mme Jocelyne Guidez. C'est fini !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, je souhaite non pas supprimer, mais amender cet article.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes d'accord, et tout l'a démontré ces dernières années, l'apprentissage est une filière d'excellence.
Je veux d'abord rappeler que cet article 7 concerne non pas seulement les apprentis, mais également le transport maritime, les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises en croissance. Or tout le monde ne parle que des apprentis… Peut-être pourrons-nous aborder les autres statuts à la faveur d'amendements ultérieurs.
La question qui se pose est la suivante : peut-on financer la sécurité sociale par des exonérations de cotisations ? Non !
Comme vient de le dire très justement, après d'autres, notre collègue, si l'on cotise, on a des droits. Dans le cas qui nous intéresse, les apprentis ont des droits sans cotiser, alors que les stagiaires payent la CSG-CRDS. Or personne ne remet cela en cause.
J'aimerais mieux que cet article soit absent de ce PLFSS, qui exige un effort de tous ceux que j'ai énumérés au début de mon intervention, mais la situation est tellement grave que tout le monde doit contribuer. De surcroît, cette mesure permettra également d'éviter les effets d'aubaine, que personne n'ignore. Il y a toujours des profiteurs…
Enfin, nous pourrons débattre de l'apprentissage lors de la discussion du PLF. Je préfère vraiment discuter du montant de l'aide, plutôt que de revenir sur cette proposition visant à assujettir certains apprentis à la CSG-CRDS.
Mme Anne-Sophie Romagny. Bien sûr !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En tant que rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, je ne n'arrive pas à comprendre toutes ces exonérations de cotisations. Cela me trouble. La réalité, c'est que les cotisations ouvrent des droits. C'est ailleurs qu'il faut trouver des ressorts pour impulser des politiques particulières de l'apprentissage pour tel type d'entreprises, pour tel secteur d'activité, pour telle situation économique particulière, comme dans les outre-mer. Les cotisations sociales ne doivent pas servir à régler les problèmes de l'emploi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Permettez-moi d'apporter mon propre témoignage.
Quand j'ai reçu le texte, j'avoue que j'ai été très sceptique, appuyant ma réflexion sur les mêmes arguments que ceux que nous venons d'entendre. J'ai donc organisé une réunion dans mon département avec les acteurs de l'apprentissage et les entreprises pour parler de ce sujet.
Très vite, tout le monde a bien compris que n'étaient concernés que les revenus au-dessus de 900 euros. Si l'on prend en compte les personnes en CAP, c'est au bout de la troisième année qu'elles basculent dans cette tranche de rémunération. Autour de moi, j'avais un apprenti touchant autour de 1 200 euros en troisième ou quatrième année et un salarié touchant à peine plus. Or l'un ne payait ni CSG, ni CRDS, ni impôt sur le revenu, tandis que l'autre payait les trois !
Par ailleurs, j'y insiste, les exonérations seront revues uniquement au-dessus de 900 euros de rémunération. Lisez bien l'article ! Quand j'entends dire qu'une telle mesure précipitera la fin de l'apprentissage, j'y vois une affirmation un peu exagérée. Je suis d'accord, il y a un effort à faire, mais n'empruntez pas de tels raccourcis, mes chers collègues.
D'ailleurs, à la fin de la réunion que j'ai évoquée plus haut, il n'y avait guère d'enthousiasme, mais les participants étaient revenus à de meilleurs sentiments. On peut faire le choix de faire payer les salariés au Smic, ainsi que les stagiaires, et pas les apprentis, mais cet article ne va pas signer la fin de l'apprentissage. C'est une caricature ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.
L'amendement n° 108 rectifié est présenté par MM. Bonhomme et Chaize.
L'amendement n° 112 rectifié est présenté par Mmes V. Boyer et Micouleau, M. Panunzi, Mme Bellurot, M. Bouchet et Mmes Bonfanti-Dossat, Dumont et Petrus.
L'amendement n° 214 rectifié ter est présenté par MM. Pellevat, Pointereau, Meignen et J.P. Vogel, Mme Belrhiti, MM. Chatillon et Paul, Mme Perrot et M. Gremillet.
L'amendement n° 247 rectifié sexies est présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Capus, Médevielle, Chevalier, Brault et Rochette, Mmes Bourcier et L. Darcos, M. Wattebled et Mme Paoli-Gagin.
L'amendement n° 283 est présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek.
L'amendement n° 855 rectifié bis est présenté par MM. Chaillou et Ros, Mmes Canalès, Bélim et Blatrix Contat, M. Pla, Mme Linkenheld, MM. Redon-Sarrazy, Fagnen et Chantrel, Mme Harribey, M. Cozic, Mme Monier et MM. Bourgi et Stanzione.
L'amendement n° 1158 rectifié est présenté par M. Masset, Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mmes Jouve et Pantel et M. Roux.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.
M. François Bonhomme. Cet article 7 prévoit d'assujettir à la CSG-CRDS la rémunération des apprentis au-delà de 50 % du Smic et d'abaisser par décret le seuil d'exonération des cotisations sociales de 79 % à 50 % du Smic.
Naturellement, ces dispositions ont suscité pas mal d'inquiétudes chez les représentants de certaines fédérations d'employeurs, puisque les dispositions du texte réduiraient le montant de l'aide unique à l'embauche de l'apprenti de 6 000 à 4 500 euros pour toutes les entreprises, au lieu de concentrer l'aide de l'État sur les entreprises de moins de 250 salariés, qui, elles, n'ont pas l'obligation d'embauche d'un apprenti.
Je suis néanmoins sensible aux arguments avancés en faveur d'un alignement du régime social des apprentis sur le droit commun. C'est vrai, beaucoup d'efforts ont été consentis depuis la réforme de l'apprentissage de 2018, qui a produit des effets tout à fait positifs. En effet, nous avons compté en sept ans plus de 550 000 apprentis supplémentaires, pour atteindre quasiment le million.
Pour autant, il me semble que le Gouvernement pourrait modifier quelque peu sa position durant nos débats, notamment en permettant, afin de le lisser dans le temps, de mettre en œuvre progressivement l'assujettissement à la CSG. En tout cas, nous réclamons des clarifications pour les métiers qui ont recours aux apprentis. Ne cassons pas cette dynamique d'entrée dans l'apprentissage.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour présenter l'amendement n° 112 rectifié.
M. Jean-Jacques Panunzi. Défendu.
M. le président. L'amendement n° 214 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 247 rectifié sexies.
M. Daniel Chasseing. J'ai cosigné cet amendement de Vincent Louault, qui a travaillé avec la Confédération de l'artisanat et de petites entreprises du bâtiment (Capeb) d'Indre-et-Loire. Il vise à supprimer l'article 7, qui a pour objet de modifier les prélèvements sociaux sur les apprentis. C'est pour lui un très mauvais signal pour l'emploi, l'économie, particulièrement dans des secteurs clés pour notre transition énergétique.
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l'amendement n° 283.
M. Christopher Szczurek. Les sénateurs RN s'opposent également aux dispositions de l'article 7 du PLFSS 2025, qui visent à réduire les exonérations de cotisations sociales pour les contrats d'apprentissage, ce qui reviendrait à augmenter le coût d'embauche des apprentis pour les employeurs. Cette mesure risque de compromettre une politique d'insertion professionnelle essentielle pour les jeunes et de freiner la dynamique positive de l'apprentissage.
L'apprentissage n'est pas un emploi comme les autres : il s'agit avant tout d'une formation visant à doter les étudiants des compétences nécessaires pour réussir leur insertion professionnelle future. Sa finalité première est pédagogique ; ce n'est pas la création immédiate de richesses pour l'employeur.
Plutôt que de réduire les exonérations sociales, il serait plus judicieux de rationaliser les primes à l'embauche dans le cadre du PLF. Cette approche permettrait de maintenir les incitations essentielles à la formation et à l'insertion des jeunes tout en optimisant les fonds publics pour éviter les véritables effets d'aubaine. Une gestion budgétaire cohérente et réfléchie doit préserver les dispositifs qui soutiennent l'emploi durable et la compétitivité de notre économie.
Pour toutes ces raisons, nous demandons également la suppression de l'article 7 du PLFSS 2025. Cette disposition met en péril une politique d'apprentissage qui a démontré son efficacité et sa valeur ajoutée pour l'économie française.
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l'amendement n° 855 rectifié bis.
M. Christophe Chaillou. L'échange que nous avons est particulièrement intéressant en ce qu'il nous pousse à regarder de façon assez objective la situation des apprentis et à la comparer avec celle d'autres salariés, qui peut être assez proche. Il est tout à fait légitime que ces questions puissent être soulevées.
Pour autant, madame la rapporteure générale, vous avez dit qu'il fallait être juste. Mais est-il juste, notamment dans cette période, de viser en priorité des apprentis ? À cet égard, j'ai des chiffres un peu différents de ceux qui ont été donnés tout à l'heure : 141 euros en moins par mois pour un apprenti en deuxième année de CAP et presque 180 euros de moins par mois pour un apprenti en deuxième année de bac pro.
Les conséquences semblent donc assez importantes pour les apprentis et nous aimerions avoir quelques éclaircissements.
Au-delà de cet aspect, je veux attirer l'attention sur les conséquences que peut avoir cette mesure sur des secteurs qui connaissent aujourd'hui des difficultés de recrutement. Pour avoir échangé avec des responsables d'entreprises de l'artisanat et du bâtiment, des TPE et PME, ainsi qu'avec les représentants de la Capeb du Loiret, je puis vous dire que ces secteurs ont fourni beaucoup d'efforts, avec des recrutements importants d'apprentis. Il m'a été précisé que les dispositifs d'exonération avaient permis d'accélérer ce mouvement.
Veillons aux conséquences de ce type de dispositions pour un secteur qui est déjà fragile. Nous devons être particulièrement vigilants quant aux traductions concrètes que notre vote pourrait avoir.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ce que nous reportions toute décision à ce sujet. C'est d'un examen global que nous avons besoin, y compris pour des raisons d'équité.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 1158 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement vise également à supprimer l'article 7, qui tend à modifier les prélèvements sociaux sur les apprentis.
L'effort de formation consenti par les entreprises au profit des apprentis est un investissement qu'il ne faut pas fragiliser, notamment pour nos TPE. Le coût d'apprentissage pourrait augmenter de près de 30 % pour une TPE du bâtiment employant un jeune en CAP si l'article 7 venait à entrer en vigueur.
Cet article arrive dans un contexte déjà particulièrement tendu pour l'apprentissage, le soutien de l'État diminuant fortement avec la baisse des financements de France compétences. En Lot-et-Garonne, par exemple, le centre de formation d'apprentis du BTP prévoyait déjà un impact financier de 300 000 euros pour l'année 2025, alors même que la filière accuse une décroissance de 5 % de l'activité.
Perte de pouvoir d'achat pour les apprentis, baisse de l'aide unique à l'embauche pour les employeurs : tout le monde est lésé par les mesures contenues dans cet article. Cet amendement vise donc à préserver le système actuel, qui est profitable aussi bien aux jeunes alternants qu'aux entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je réitère mon interrogation : devons-nous exonérer de cotisations sociales certaines catégories de personnes, privant ainsi de moyens la sécurité sociale ? Ces mêmes personnes bénéficient pourtant de droits contributifs : ainsi, 8 % des apprentis ne trouvent pas forcément tout de suite un emploi, ce qui ne les empêche pourtant pas d'être couverts par l'assurance chômage.
Il me semble que nous faisons porter par la sécurité sociale des charges qui devraient relever du budget de l'État. Recentrons-nous sur le sujet principal : la sécurité sociale est aujourd'hui en péril, ce qui appelle des efforts de tous.
Je souhaite répondre à notre collègue Chaillou sur les chiffres évoqués : c'est 9,2 % au-dessus de 900 euros par mois, soit 9 euros si on touche 1 000 euros. Ce ne sont pas du tout les montants que vous avez indiqués. En réalité, ils sont assez faibles. De surcroît, je trouve normal d'habituer des apprentis, qui vont devenir par la suite des salariés, à cotiser pour se voir ouvrir des droits.
Ce débat est important pour le financement de la sécurité sociale. Arrêtons de raboter sans cesse ses ressources. Nous avons parlé hier des allégements généraux et nous avons bien vu que nous avions du mal à y renoncer. C'est pourtant essentiel pour faire face à nos difficultés.
La commission est défavorable à ces amendements de suppression et je vous invite, mes chers collègues, à vraiment bien réfléchir au moment de voter. L'enjeu, c'est de sauver notre modèle de protection sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je rejoins tout à fait Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission des affaires sociales.
Nous ne sommes pas en train de parler des aides à l'embauche : c'est un sujet qui sera abordé lors de la discussion du PLF. Vous devrez alors vous prononcer sur la modulation des aides à l'embauche, qui sont aujourd'hui uniformes, quel que soit la taille de l'entreprise ou le niveau du diplôme.
Là, nous sommes dans le PLFSS.
Actuellement, les apprentis bénéficient, en tant que tels, d'exonérations. De fait, il se pose une question d'équité par rapport à des salariés, qui, à niveau de rémunération équivalent, seront soumis à la CSG-CRDS et à l'impôt sur le revenu, alors que l'apprenti ne le sera pas.
Il faut aussi se pencher sur la typologie actuelle des apprentis : 60 % des apprentis s'inscrivent dans le cadre d'une formation de niveau bac+2 ou au-delà. Ils perçoivent donc des revenus comparables à ceux de salariés. Pour en avoir discuté avec des présidents de fédération professionnelle, je peux même vous dire que des tuteurs ou des compagnons gagnent parfois moins que l'apprenti ! Et je ne vous parle pas des stagiaires…
Cet article a en tout cas le mérite de mettre cette question de l'équité sur la table.
Ensuite, comme l'a dit Mme la rapporteure générale, ce n'est pas au premier euro que l'on est assujetti ; c'est à partir de 900 euros. Je le répète, au regard de la typologie des apprentis, l'impact est assez limité.
Je vous invite à ne pas supprimer cette disposition et à voter un peu plus loin en faveur de deux amendements identiques déposés par plusieurs de vos collègues et visant à appliquer le nouveau dispositif aux contrats d'apprentissage nouvellement conclus. Il s'agirait d'appliquer ces dispositions ayant vocation à ramener les apprentis vers le droit commun aux seuls nouveaux entrants.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour explication de vote.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. J'entends les arguments de Mme le rapporteur général et de Mme le ministre, mais, en face, il y a la vraie vie ! La vraie vie, ce sont les jeunes en déshérence que l'apprentissage a sauvés ; ce sont les CFA et les chambres de métiers qui pratiquent l'excellence ; ce sont les Capeb, que nous avons tous reçus dans nos permanences. (Mme Marie-Claude Lermytte applaudit.)
M. Pierre Jean Rochette. Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. Allons donc !
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Non, cet article n'est pas un bon message. C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. On commence dans ce débat à expliquer pourquoi près de 10 % des apprentis finissent au chômage : une fois leur contrat fini, quand ils retombent dans le régime général, plus personne ne peut assumer la dépense ! Il n'est pas question du régime général à cet article : on ne soumet pas un apprenti au même régime qu'un jeune embauché au Smic, puisque le plancher d'imposition est fixé à 50 % de ce montant. La spécificité des apprentis est donc maintenue. Quant aux aides, nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.
Plutôt que de débattre de ces questions, on ferait mieux d'essayer de comprendre pourquoi le recours à l'apprentissage a explosé en même temps que le nombre de ruptures de contrat. Il y a beaucoup à dire. Reste que, en dénonçant comme vous le faites le rapprochement entre le régime des apprentis et le régime général, mes chers collègues, vous alimentez en fin de compte le mythe du coût du travail : vous affirmez que, si un jeune est soumis au régime général, il ne sera pas embauché, car le gap est trop important.
De mon côté, tout en soulignant la différence qui subsistera entre les deux régimes, je veux surtout marquer mon opposition absolue à ce mythe et je vous invite à vous interroger plutôt sur la part très importante des contrats d'apprentissage qui se terminent par une rupture, ainsi que sur le nombre important d'apprentis qui se retrouvent ensuite au chômage.
M. André Reichardt. C'est du n'importe quoi !
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce problème sérieux nécessite une évaluation.
Le régime général vous paraît trop coûteux ? Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je suis évidemment sensible à ces amendements, qui m'évoquent le souvenir d'une figure que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, celle de Lionel Stoléru – j'étais bien jeune quand je suis tombé dans la marmite de la politique ! Le succès de l'apprentissage est indéniable et c'est à juste titre que l'on craint les effets récessifs de ce que nous votons.
Je suis néanmoins tout aussi sensible aux arguments développés par la rapporteure générale et le président de la commission.
Voyez-vous, mes chers collègues, tout au long de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, puis du projet de loi de finances, nous devrons avoir l'esprit que chaque baisse de recettes que nous déciderons se traduira par un endettement supplémentaire.
Ce n'est pas un budget ordinaire que nous examinons cette année : notre obligation de responsabilité est accrue. (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K.)
À l'évidence, ce ne sera pas toujours simple. Nous pouvons toujours être tentés. Toutefois, il faut que nos votes traduisent cet esprit de responsabilité. Il faut que, à l'issue de l'examen des textes budgétaires, le déficit de nos finances publiques ne dépasse pas 5 % du PIB.
C'est la raison pour laquelle, dans cet esprit de responsabilité, je ne voterai pas ces amendements. (MM. Franck Dhersin et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous non plus, nous ne voterons pas ces amendements de suppression de l'article 7.
En effet, lorsque l'apprentissage est aujourd'hui financé à hauteur de 14 milliards d'euros par l'argent public, contre 11 milliards d'euros par les entreprises, ainsi que l'expose le rapport, cela pose tout de même un petit problème, même si l'on est, comme moi, favorable à l'apprentissage.
Hier, nous avons fait des propositions tendant à conditionner certaines exonérations de cotisations. Eh bien, voilà une disposition qui serait pertinente dans le cas présent. Ainsi, à mon sens, un artisan qui recrute un apprenti qui deviendra peut-être son successeur n'est pas dans la même situation qu'une grande, voire une très grande entreprise qui recrute un ingénieur en alternance – ce dont je ne lui fais pas grief. Ces deux employeurs ne doivent pas forcément être soutenus de la même manière.
M. Bernard Jomier. Exact !
Mme Céline Brulin. C'est pourquoi, même si nous ne voterons pas ces amendements de suppression de l'article 7, comme d'autres membres de notre assemblée, nous défendrons des amendements tendant à supprimer l'assujettissement des revenus des apprentis à la CSG-CRDS.
Certes, j'entends les limites de cette approche, d'autant que les étudiants qui travaillent ne sont pas logés à la même enseigne. C'est bien pourquoi, afin de soutenir les étudiants et tous les jeunes, nous avons voté la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études du groupe GEST. Cependant, ce n'est pas en rémunérant moins les apprentis que nous pourrons des autres jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, ne nous trompons pas de texte ! Il faut remettre les choses dans leur contexte. Nul ne peut nier que je suis favorable à l'apprentissage. Nous avons adopté des mesures qui ont boosté celui-ci et nous devrons les préserver dans le projet de loi de finances.
Aujourd'hui, c'est le budget de la sécurité sociale que nous examinons. Nous envisageons un coût supplémentaire de 9 euros pour un apprenti touchant 900 euros mensuels. Ce faisant, remet-on vraiment en cause l'apprentissage ? J'ai entendu dire que c'étaient ces exonérations de charges qui avaient favorisé l'essor de l'apprentissage. Je doute que ce soit le cas. (Si ! sur des travées des groupes UC et INDEP.)
À mon sens, ce sont les aides à l'apprentissage qui sont importantes. C'est pourquoi, mes chers collègues, encore une fois, je nous invite à ne pas nous tromper de texte : l'examen du projet de loi de finances nous permettra de traiter nombre de questions et nous pourrons alors, de manière transpartisane, soutenir l'apprentissage et l'accès de nos jeunes à l'emploi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Comme je me suis déjà exprimé, je ne reviendrai pas sur les principaux arguments. Je me contenterai de formuler deux remarques.
D'une part, sans donner le nom des expéditeurs des documents que nous avons tous reçus dans nos permanences, – ma courtoisie me l'interdit –, je veux souligner que les chiffres qui y figurent sont erronés : pour un apprenti dont le revenu mensuel est de 1 000 euros, la cotisation ne s'élèvera qu'à 9,20 euros. Le calcul effectué a pris en compte la totalité de la rémunération, alors que cela ne concerne que les sommes supérieures à 50 % du Smic, soit à partir d'environ 900 euros. On n'aboutit donc pas au même résultat.
D'autre part, je demande à ceux qui seraient tentés de supprimer la mesure relative à l'apprentissage – je n'en suis pas – de ne pas voter ces amendements de suppression de l'article 7, car cet article, tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement, contient d'autres dispositions. Certes, supprimer cette disposition aurait un coût de 360 millions d'euros, mais faire sauter l'article entier coûterait près de 700 millions d'euros !
Gardez en tête, mes chers collègues, que, si l'article entier tombe, certes, vous faites prévaloir votre position sur l'apprentissage, mais on s'éloignera de 700 millions d'euros de l'objectif d'équilibre du budget : voyez la responsabilité que vous endosseriez ! D'autres amendements à cet article ne portent que sur l'apprentissage, j'espère également qu'ils ne seront pas votés.
Toujours est-il qu'adopter ces amendements identiques aurait un coût de 700 millions d'euros. Prenez vos responsabilités !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié, 112 rectifié, 247 rectifié sexies, 283, 855 rectifié bis et 1158 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 54 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 60 |
Contre | 271 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de quatorze amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.
Les neuf premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 198 est présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek.
L'amendement n° 215 rectifié bis est présenté par MM. Pellevat, Pointereau, Panunzi, Meignen, J.P. Vogel et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. D. Laurent et Le Rudulier, Mme Micouleau, MM. Chatillon et Paul, Mmes Dumont et Bellurot et M. Gremillet.
L'amendement n° 248 rectifié sexies est présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Capus, Médevielle, Chevalier et Rochette, Mmes Bourcier et L. Darcos, M. Wattebled et Mme Paoli-Gagin.
L'amendement n° 278 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Pillefer, Mmes Antoine, Morin-Desailly, Perrot, O. Richard et Sollogoub et MM. Bleunven, Cadic, Cambier, Canévet, Capo-Canellas, Courtial, S. Demilly, Kern, Lafon, Levi, Longeot et Haye.
L'amendement n° 415 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Henno et Delcros, Mme Jacquemet, M. Folliot, Mme Romagny et M. Duffourg.
L'amendement n° 664 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, MM. Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 939 est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 1159 rectifié est présenté par M. Masset, Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L'amendement n° 1227 rectifié est présenté par MM. Théophile et Iacovelli, Mme Nadille, MM. Patriat, Lévrier, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces neuf amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joshua Hochart, pour présenter l'amendement n° 198.
M. Joshua Hochart. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour présenter l'amendement n° 215 rectifié bis.
M. Jean-Jacques Panunzi. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 248 rectifié sexies.
M. Daniel Chasseing. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 278 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est de nouveau question des mesures prises, ces dernières années, en faveur de l'apprentissage, qui ont eu un effet favorable sur l'augmentation du nombre d'apprentis. Il a été rappelé tout à l'heure que leur quantité, sur l'ensemble du territoire national, a dépassé le seuil d'un million en 2023, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Toutefois, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 marque une rupture nette avec la dynamique engagée. En effet, l'assujettissement des apprentis à la CSG-CRDS affectera directement leur pouvoir d'achat.
Comparer les apprentis à des stagiaires ou à des salariés, comme l'a fait tout à l'heure Mme la ministre, ne me paraît pas du tout pertinent. De fait, les apprentis s'engagent dans cette voie aussi pour des raisons financières, afin de pouvoir poursuivre leurs études.
J'ai entendu la remarque du président de la commission sur les chiffres qui nous ont été communiqués. D'ailleurs, je ne cache pas avoir reçu la Capeb de Vendée dans ma permanence de La Roche-sur-Yon.
Pour ma part, je souhaite que nous puissions continuer de soutenir, par des mesures claires, l'apprentissage dans nos territoires. Il a déjà été très bien expliqué combien nous avons besoin de ces alternants et pourquoi il ne faudrait pas mettre en difficulté les filières de qualité dont nous disposons. Bien souvent, les mesures en faveur de l'apprentissage ont été très bien accueillies par les entreprises, notamment les TPE et PME, puisqu'il n'est pas question ici que de grosses entreprises.
Nous parlerons des aides plus tard, mais ces mesures d'exonération représentent aussi souvent le « plus » qui permet à ces petites entreprises de s'engager, même dans un contexte économique aussi difficile que celui que nous connaissons, et d'embaucher des apprentis.
L'objet de cet amendement est donc de préserver ces mesures. Attention à ne pas mélanger tous les statuts : les apprentis ne sont pas des stagiaires !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 415 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Défendu.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 664.
Mme Monique Lubin. Il s'agit de supprimer l'assujettissement à la CSG-CRDS de la rémunération des apprentis supérieure à 50 % du Smic. Cela nous semble constituer un bon compromis, dans la mesure où, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, madame la ministre, vous avez, en réponse à l'une de mes questions, dit ne pas être à l'aise avec cette approche.
Par ailleurs, madame la rapporteure générale – prenez-le comme un clin d'œil amical –, vous dites ne plus supporter que l'on exonère de cotisations ces revenus. Pour notre part, nous avons des propositions de suppression d'exonération à foison afin de remplir les caisses de la sécurité sociale, mais, à chaque fois, vous nous répondez non ! (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sourit.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l'amendement n° 939.
Mme Silvana Silvani. Là encore, il s'agit de refuser l'assujettissement à la CSG-CRDS des rémunérations des apprentis, dont je rappelle qu'elles varient entre 694 euros et 1 389 euros.
Nous n'entendons ni commenter, ni critiquer, ni remettre en cause l'apprentissage dans son ensemble ; notre débat ne porte que sur la rémunération des apprentis. Rappelons qu'il s'agit plutôt de jeunes qui démarrent dans la vie active, dont le statut est plutôt précaire et dont les rémunérations comptent parmi les plus faibles.
Il a été question tout à l'heure d'équité vis-à-vis des stagiaires, mais, si l'on voulait vraiment l'équité, on alignerait plutôt le statut de ces derniers sur celui des apprentis, puisque leur situation en matière d'indemnité est similaire. Je parle non pas des salariés en formation continue, qui n'entrent pas dans ce champ, mais bien des jeunes en insertion professionnelle, stagiaires comme apprentis.
Le leitmotiv est que tout le monde doit contribuer, mais on devrait peut-être poser quelques lignes rouges. En particulier, affecter de la sorte un public jeune, en voie de qualification et d'insertion, me paraît envoyer un message négatif pour nos perspectives d'avenir.
C'est pour ces raisons que nous demandons nous aussi la suppression des alinéas 1 à 5 de l'article 7.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 1159 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement, dans la même veine que les précédents, vise à préserver la rémunération de nos apprentis en supprimant cette mesure qui, selon les organisations consultées, entraînerait une baisse de 150 euros à 180 euros de leur rémunération chaque mois.
Mme Frédérique Puissat. Mais non !
M. Michel Masset. On vient ici frapper au portefeuille des jeunes engagés dans une démarche de formation et d'insertion. C'est une mesure que je ne peux comprendre au regard du volontarisme des jeunes et des besoins en main-d'œuvre de nos artisans.
C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de cette mesure foncièrement injuste pour nos jeunes.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 1227 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. En cohérence avec nos amendements de suppression de l'article 7, nous ne pensons pas qu'il convienne de revenir sur une politique qui a fonctionné et eu des résultats positifs. On est en effet passé de 350 000 contrats d'apprentissage en 2017 à plus d'un million à la fin de 2023.
Certes, cette politique comprenait aussi des mesures d'aide aux entreprises, dont nous débattrons lors de l'examen du projet de loi de finances, mais l'exonération des apprentis de la CSG-CRDS a aussi joué un rôle. Les y assujettir, comme il est proposé dans les alinéas 1 à 5 de cet article, ferait peser une charge supplémentaire sur leur pouvoir d'achat. C'est aussi pour éviter de les pénaliser ainsi que nous demandons leur suppression.
Pour une fois que l'on a une politique qui fonctionne bien, pourquoi la remettre en cause ? Pour ma part, sur la question de l'apprentissage, je propose le statu quo.
M. le président. L'amendement n° 376, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
I – Alinéa 4
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, des entreprises qui emploient plus de quarante-neuf salariés
II. – Alinéa 5
Remplacer le mot :
abrogé
par les mots :
complété par les mots : « des entreprises qui emploient moins de cinquante salariés ».
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Dans l'objectif de relancer les filières de l'apprentissage, mais également, reconnaissons-le, de camoufler quelque peu le chômage de masse, le Gouvernement a largement subventionné l'apprentissage. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a suscité une augmentation certaine du nombre d'apprentis, dans l'objectif affiché d'atteindre un million de contrats d'apprentissage en 2027. Malgré nos réserves, nous saluons les effets de cette politique.
Néanmoins, l'État supporte 58 % des dépenses d'apprentissage. Cette charge a été évaluée à près de 11 milliards d'euros par la Cour des comptes, dans un rapport du mois de juillet 2023.
Dans un contexte de dégradation importante de nos comptes publics, fruit de la politique inefficace menée depuis sept ans, le Gouvernement souhaite diminuer les aides à l'apprentissage. Nous convenons qu'il faut recentrer ce dispositif, auquel sont également éligibles actuellement les étudiants en grandes écoles ou en études longues, ce qui n'est plus concevable.
Toutefois, il convient de préserver ce dispositif pour les TPE-PME. L'apprentissage y est essentiel, particulièrement dans l'artisanat ou le secteur du bâtiment.
Cet amendement vise donc à exclure de la réforme des exonérations et abattements prévue à cet article les entreprises de moins de 50 salariés.
M. le président. L'amendement n° 440 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Brault et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, Laménie, A. Marc, Rochette, Verzelen, Wattebled et Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Omar Oili, Mme Billon, M. Masset, Mme Perrot, M. Haye et Mme Nadille, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
dans les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, telles que définies par l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Il s'agit d'un amendement de ma collègue Vanina Paoli-Gagin.
La montée en puissance de l'apprentissage est une réussite collective incontestable. Grâce aux mécanismes d'incitation mis en place par la puissance publique, les entreprises se sont emparées du dispositif, auquel les jeunes ont porté un très vif intérêt. C'est particulièrement le cas pour les TPE et les PME, qui ont ainsi trouvé un moyen efficace de recruter et de former des jeunes.
Dans une logique de rationalisation des dépenses publiques, le Gouvernement a fait le choix de restreindre les mécanismes de soutien à l'apprentissage, notamment en assujettissant les rémunérations des apprentis à la CSG-CRDS. Si la hausse du coût du travail des apprentis pourra potentiellement être absorbée par les grandes entreprises, elle risque de se révéler beaucoup plus dommageable pour les TPE et les PME, ainsi que de conduire mécaniquement à une baisse de rémunération pour les titulaires de contrats d'apprentissage.
Cet amendement vise donc à exclure les TPE et PME de cette mesure d'économie.
Selon l'inspection générale des finances (IGF), une réduction générale des exonérations permettrait de générer une recette de 278 millions d'euros. En maintenant les exonérations pour les entreprises de moins de 250 salariés, comme nous le proposons via cet amendement, on réduirait de 210 millions d'euros l'impact de la mesure, ce qui permettrait donc une économie de 68 millions d'euros sans compromettre ni l'emploi ni la formation des jeunes.
M. le président. L'amendement n° 573 rectifié, présenté par Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Montaugé et Uzenat, Mme Bélim, MM. Pla et Ros, Mmes Lubin, Conway-Mouret, Brossel, S. Robert et Bonnefoy et MM. Redon-Sarrazy, Fagnen, Cozic, Michau, Ziane et Bourgi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
pour les entreprises de plus de 250 salariés
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Je ne reviens pas sur l'importance des apprentis pour les artisans et les TPE, ainsi que pour la transmission des savoir-faire. Nous proposons de concilier limitation des exonérations et soutien aux apprentis, en n'assujettissant à la CSG-CRDS que les apprentis engagés par des entreprises de plus de 250 salariés.
M. le président. L'amendement n° 439 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Brault et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, Laménie, A. Marc, Rochette, Verzelen, Wattebled et Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Omar Oili, Mme Billon, M. Masset, Mme Perrot, M. Haye et Mme Nadille, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Le a du 1° du III est ainsi rédigé :
« 1° a) Les rémunérations des apprentis mentionnées à l'article L. 6221-1 du code du travail, dans les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, telles que définies par l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Défendu.
M. le président. L'amendement n° 280 rectifié bis, présenté par Mme Billon, M. Pillefer, Mmes Antoine, Gacquerre, Morin-Desailly, Patru, Perrot, O. Richard et Sollogoub et MM. Bleunven, Cadic, Cambier, Canévet, Capo-Canellas, Courtial, S. Demilly, Lafon, Levi, Longeot et Haye, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le a du 1° du III est complété par les mots : « lorsqu'ils effectuent leur apprentissage dans un métier de l'une des familles professionnelles et une zone géographique caractérisées par des difficultés de recrutement dont la liste est déterminée par décret. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Sans préjuger de l'avis que Mme la rapporteure générale donnera sur tous ces amendements, nous proposons par celui-ci, à défaut de supprimer l'assujettissement des apprentis à la CSG-CRDS, d'en exclure au moins les métiers en tension.
On sait que la France fait face à de fortes pénuries de salariés dans divers secteurs. Ainsi, dans le bâtiment, la restauration, ou encore les soins aux personnes, le manque de personnel qualifié freine la croissance et l'efficacité des services.
Certains pays européens ont pris des mesures similaires, qui ont amélioré leur compétitivité économique et industrielle. C'est pourquoi, si l'amendement que j'ai présenté au début de cette discussion commune devait ne pas être voté, l'adoption de celui-ci offrirait une voie médiane, à savoir une exclusion des métiers en tension du champ d'application de ces mesures.
M. le président. Le sous-amendement n° 565, présenté par M. Pillefer, est ainsi libellé :
Amendement n° 280, alinéa 3
Compléter cet alinéa par la phrase :
Cette liste comprend notamment les métiers du soin et de l'aide à domicile.
La parole est à M. Bernard Pillefer.
M. Bernard Pillefer. Ce sous-amendement vise à compléter l'amendement que vient de présenter Annick Billon.
Les secteurs les plus touchés par les difficultés de recrutement sont le bâtiment et les travaux publics, la restauration et les soins à la personne. Une stratégie de soutien aux apprentis dans ces professions souvent perçues comme exigeantes est indispensable pour réduire ce décalage entre l'offre et la demande. Selon une étude, 42 % des jeunes hésitent à s'orienter vers ces secteurs en raison des conditions de travail difficiles.
En Allemagne, les politiques fiscales favorisant le recours aux apprentis dans les secteurs industriels ont permis de réduire de 25 % le déficit de main-d'œuvre qualifiée entre 2010 et 2020.
Aussi, par ce sous-amendement, j'entends rappeler l'importance d'inscrire le secteur du soin et de l'aide à domicile dans la liste des métiers en tension visée dans la disposition proposée par Mme Billon. D'après le ministère de la santé et de l'accès aux soins, environ 50 000 postes d'aide-soignant et d'aide à domicile sont vacants en 2024. Ces besoins devraient continuer d'augmenter, puisque le nombre de personnes âgées devrait être de 20 millions en 2030, contre 13,5 millions aujourd'hui. En outre, le secteur de la santé en milieu rural fait face à une désertification critique, avec un manque de 15 000 professionnels de santé en 2023.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je précise que ces amendements et ce sous-amendement n'ont pas tous le même périmètre et ne sont pas tous rédigés de la même façon.
Tout d'abord, les amendements identiques nos 198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié et 1227 rectifié visent à maintenir l'exonération intégrale de CSG-CRDS dont bénéficient les apprentis. Une telle mesure conduirait à maintenir une iniquité vis-à-vis d'autres publics similaires.
J'entends bien qu'il ne convient pas de comparer apprentis et salariés. Pour autant, tous sont dans les mêmes entreprises et comparent donc leur rémunération. Ainsi, certains cotisent et d'autres non. Pour quelle raison ? Qu'est-ce qui justifie cette différence ? Le fait d'avoir le statut d'apprenti ? Je ne crois pas que ce soit une bonne raison.
Je rappelle également que le dispositif de l'article 7 ne concerne que la part des rémunérations excédant très précisément 883 euros par mois. Au-delà de cette somme, le taux de CSG applicable sera de 9,2 %, ce qui correspond à environ 9 euros pour un salaire de 1 000 euros. Cela n'a rien d'excessif. Précisons en outre que c'est l'apprenti qui assumera ce coût, et non l'entrepreneur : en commençant ainsi à cotiser, il commencera à acquérir la notion de participation aux droits à la sécurité sociale, donc à la solidarité nationale, dont il bénéficie.
Sur ces amendements identiques, la commission émet donc un avis défavorable.
Il en est de même pour les autres amendements en discussion commune.
Les auteurs des amendements nos 376, 440 rectifié bis, 573 rectifié et 439 rectifié bis souhaitent exclure de l'assujettissement à la CSG-CRDS les apprentis qui travaillent dans les TPE-PME. Je partage vos propos sur l'apprentissage, mes chers collègues, et je conviens de la nécessité de soutenir ces entreprises, premiers employeurs dans nos territoires, qui contribuent à leur vitalité et, aujourd'hui plus que jamais, à la formation des jeunes. Toutefois, l'exonération de CSG-CRDS ne semble pas le moyen le plus adéquat d'y parvenir.
En effet, je le répète, cette exonération concerne l'apprenti et non l'employeur. Comment justifier qu'au sein d'une même classe de CFA deux apprentis ayant la même activité dans deux entreprises différentes ne se voient pas prélever la même part de CSG sur leur rémunération ? Là encore, ce serait une injustice que personne ne comprendrait. On peut aussi imaginer qu'au sein d'une même famille un enfant paierait des cotisations sociales et l'autre non. On voit bien que ce serait créer des injustices.
L'amendement n° 280 rectifié bis et le sous-amendement n° 565 visent à exclure d'assujettissement à la CSG-CRDS les apprentis travaillant dans un secteur en tension. Je comprends l'intention des auteurs et nous devons en effet aider certains des secteurs qui ont été mentionnés. Toutefois, nous savons que les choses évoluent très vite dans notre monde économique.
De nombreux secteurs sont en tension et ont du mal à recruter – Jean-Luc Brault a ainsi fait remarquer qu'il fallait faire venir des soudeurs qualifiés d'autres pays européens. Oui, cela existe, et dans de plus en plus de secteurs d'activité ! Peut-être devrions-nous postuler que le problème se pose dans tous les secteurs.
Toutefois, pour la même raison que précédemment, il semble difficile d'accepter une telle inégalité de traitement entre apprentis.
Je tiens maintenant à réagir à certains propos qui ont été tenus.
Pensez-vous vraiment qu'un jeune renoncera à prendre la voie de l'apprentissage parce qu'il devra payer 9 euros de cotisations ? Cela me semble moins déterminant que l'aide au poste ; nous aurons ce débat lors de l'examen du projet de finances.
De grâce, faisons preuve de solidarité pour décider des postes budgétaires où nous pouvons réaliser des économies ! Si nous ne le faisons pas là, nous ne le ferons nulle part – dans ce cas, autant arrêter tout de suite la discussion…
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je tenterai de répondre aux différents arguments qui ont été avancés.
Madame Poncet Monge, si, comme vous l'avez indiqué, 10 % des apprentis s'inscrivent à France Travail, cela veut dire que les 90 % restants sont parvenus à s'insérer dans le marché de l'emploi, soit en poursuivant leur formation, soit en étant embauchés ! (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)
M. Olivier Rietmann. Eh oui !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Il s'agit d'un succès, et même d'une révolution culturelle : l'apprentissage est désormais considéré par notre jeunesse comme la voie royale vers l'emploi.
M. André Reichardt. Bien sûr !
Mme Silvana Silvani. Ce n'est pas vrai…
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … mais il convient de saluer la révolution culturelle de l'apprentissage dans notre pays, quel que soit le niveau de qualification.
Madame Billon, je ne compare évidemment pas les apprentis avec les salariés et les stagiaires. Je compare en revanche les niveaux de rémunération. Dans une même entreprise, à rémunération égale, il peut exister une distorsion entre des travailleurs qui sont exonérés et d'autres non, notamment entre un apprenti et son tuteur. Nous devons nous interroger sur ce décalage.
Nous devons d'autant plus le faire, monsieur Iacovelli, que seules les rémunérations excédant 50 % du Smic seront assujetties. Cela signifie que les apprentis de moins de 21 ans, y compris ceux qui ont déjà obtenu leur baccalauréat, ne seront pas affectés par cette mesure s'ils perçoivent de faibles rémunérations.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Exactement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Il importe de préciser que nous ne proposons pas de mettre fin à cette exonération pour l'ensemble des apprentis.
Madame Lubin, vous avez eu raison de rappeler que j'ai d'abord été mal à l'aise avec cette mesure. Je l'ai d'ailleurs reconnu devant l'Assemblée nationale comme devant le Sénat. Toutefois, des dispositions prises pour traiter le flux entrant, c'est-à-dire les futurs apprentis, ont largement répondu à mes réserves. Dorénavant, une personne qui est actuellement en apprentissage ne verra pas sa rémunération baisser. Il s'agit d'une manière de traiter la question de l'équité de la mesure.
Je termine en revenant sur les métiers en tension. Je suis sensible à l'argument de la rapporteure générale selon lequel deux jeunes d'un même CFA percevant la même rémunération pourraient être traités différemment, l'un étant exonéré de cotisations sociales et l'autre non.
En France, de manière générale et sans nous limiter à la seule question de l'apprentissage, nous devons mieux flécher les financements publics de la formation professionnelle vers les besoins en main-d'œuvre des entreprises. Pour mieux traiter les métiers en tension et les besoins des entreprises, il convient de travailler avec les branches sur une différenciation en matière de coûts contrats. Ainsi, les formations seront moins chères. Par ailleurs, nous souhaitons mieux informer les jeunes et leur famille en amont sur le taux d'insertion professionnelle et les rémunérations attendues pour chaque type de formation.
Nous soutiendrons plus finement les métiers en tension en adoptant ces deux mesures qu'au travers des exonérations de cotisations des apprentis.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour explication de vote.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame le rapporteur général, monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous nous mettez face à un dilemme pour le moins insoluble. Lorsqu'il a défendu l'amendement n° 1159 rectifié, Michel Masset a évoqué une baisse de rémunération de 150 euros. Ce sont des montants similaires – entre 100 euros et 150 euros – qui m'ont été fournis dans ma permanence de votre côté, vous évoquez la somme de 9 euros. Dans ces conditions, il est difficile de prendre parti.
Néanmoins, comme précédemment, je me prononcerai en faveur de la suppression de l'article 7.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je vous confirme le montant de 9 euros !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous devons en deux minutes nous prononcer sur des amendements très divers, qui auraient mérité d'être examinés séparément pour plus d'équité. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Leurs objets sont tout de même très différents !
Madame la ministre, soit je me suis mal exprimée, soit vous mélangez deux choses : j'ai indiqué que 8 % des inscrits à France Travail étaient d'anciens apprentis, et non pas que 8 % des anciens apprentis étaient inscrits à France Travail. J'espère que vous mesurez la nuance.
J'admire l'intérêt que porte cette assemblée au pouvoir d'achat des salariés. J'espère, mes chers collègues, que vous ferez preuve du même intérêt lorsque nous examinerons d'autres amendements.
Je le redis, la sécurité sociale a pour objet non pas d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés, mais de soigner et d'offrir une retraite et des conditions de travail dignes. Voilà son objectif ! Cela n'a rien à voir avec le fait d'accorder des exonérations de cotisations sociales à de pauvres employeurs qui ne sauraient garantir autrement le pouvoir d'achat de leurs salariés…
Les écologistes prônent une restauration du consentement à la cotisation. Selon moi, la cotisation est un droit socialisé. Il convient de consentir à l'impôt et aux cotisations sociales, lorsqu'ils sont bien utilisés, pour défendre les prestations de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Il est vrai que ces amendements en discussion commune ont des objets très divers ; on ne sait plus où donner de la tête…
Je ne voudrais pas que la question de la rémunération des apprentis et de l'assujettissement aux cotisations sociales soit noyée dans le débat sur l'apprentissage. Ce n'est pas l'objet de mon amendement.
S'il est en effet question de 9 euros – je n'ai pas fait le calcul –, ne portons pas de jugements hâtifs : si elle peut paraître dérisoire depuis cet hémicycle, cette somme peut se révéler importante pour certains.
Par ailleurs, je rappelle que les apprentis ne sont pas encore des salariés.
Mme Anne-Sophie Romagny. Les stagiaires non plus !
Mme Silvana Silvani. Bien sûr, ils travaillent et ils apprennent en faisant. Pour autant, ils n'ont pas encore le statut de salarié. À mon sens – au risque d'effectuer une comparaison hasardeuse –, les assujettir aux cotisations sociales reviendrait par exemple à assujettir les étudiants boursiers. Ce ne sont pas des salariés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, ce à quoi nous assistons en ce moment même dans l'hémicycle prouve bien la nécessité d'organiser un grand débat sur l'apprentissage. Comme l'a parfaitement dit Anne-Sophie Romagny, ce débat ne saurait avoir lieu durant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou celui du projet de loi de finances.
Je parle sous le contrôle de Jean-Marie Vanlerenberghe, il me semble que c'est en 2018 que nous avons pour la dernière fois examiné une loi sur l'apprentissage. Il est largement temps d'organiser un grand débat sur ce sujet dans cet hémicycle. J'aimerais, madame la ministre, que vous vous y engagiez.
En attendant, adoptons cet article et poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Marques d'approbation sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je remercie Nathalie Goulet de ses propos. Si nous défendons tous l'apprentissage, certains dispositifs actuels mériteraient en effet un grand débat. Je pense notamment à la certification Qualiopi et aux dispositifs d'enseignement à distance, qui consomment beaucoup d'argent public.
Madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des affaires sociales, nous avons déposé des amendements très différents les uns des autres. La question que nous devons nous poser est celle des répercussions de ces mesures d'assujettissement.
Nous avons consacré énormément de temps et d'énergie à donner de l'attrait à la filière de l'apprentissage. Aujourd'hui, nous prenons des décisions qui pourraient mettre un coup d'arrêt à une telle attractivité.
Je maintiens l'amendement n° 278 rectifié bis. Je regrette toutefois que nous soyons contraints de débattre en nous fondant sur des estimations qui sont contestées par le président de la commission.
L'apprentissage se porte bien et nous devons le préserver. Pour cela, chère collègue Nathalie Goulet, je dis oui à un grand débat !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Permettez-moi de nous ramener à la réalité : nous parlons d'assujettir des personnes en apprentissage qui gagneront 800 euros par mois ! (Mme la ministre et Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales contestent.) Vous prétextez une prétendue équité entre un stagiaire et un apprenti, qui pourraient être rivaux et ne pas comprendre la différence de traitement dont ils font l'objet.
Je rappelle que de grands groupes réalisent des superprofits en France (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et supportent une imposition cinquante fois moindre que les TPE et les PME qui embauchent des apprentis. Il serait juste de mettre fin à ce débat pour savoir si nous allons diminuer de 100 euros ou de 9 euros, selon les hypothèses, les rémunérations de jeunes qui démarrent dans la vie professionnelle, qui nous occupe depuis plus d'une heure !
Soyons sérieux ! Nous pourrions trouver de l'argent facilement à condition de lever le barrage à une imposition des grands profits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos. Un apprenti qui percevra 800 euros par mois n'aura pas à payer les cotisations dont nous parlons ! Seuls ceux qui touchent plus de la moitié du Smic, soit plus de 883 euros, y seront assujettis ; ceux qui percevront 1 000 euros ne cotiseront qu'à hauteur de 9 euros !
Au reste, je vous rappelle, comme vous y êtes attaché, que ces cotisations ouvrent des droits, notamment à la retraite.
Par ailleurs, n'engageons pas un tout autre débat sur les entreprises qui réalisent de grands profits.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Pour donner un éclairage chiffré et pour aller dans le sens du président de la commission des affaires sociales, je rappelle que cette mesure vise à assujettir à la CSG-CRDS la rémunération des apprentis pour la part dépassant 50 % du Smic. Comme vient de l'expliquer la rapporteure générale, un apprenti percevant 800 euros mensuels ne sera pas concerné.
Cette mesure consiste à prélever 9 euros par tranche de 100 euros au-delà de 900 euros de rémunération. Concrètement, 9 euros seront prélevés sur le salaire d'un apprenti gagnant 1 000 euros, 18 euros sur un salaire de 1 100 euros, etc. La question de l'équité se pose bel et bien, en matière non pas de statut – apprenti ou salarié –, mais de rémunération.
Au reste, je maintiens qu'un apprenti n'est pas un salarié : il s'agit d'un étudiant en formation, qui est là pour apprendre et acquérir des savoir-faire.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Mes chers collègues, notre débat porte sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout comme il portera la semaine prochaine sur le projet de loi de finances. Ce n'est pas un texte sur l'apprentissage !
Nous aurons du mal à nous mettre d'accord sur le fond du sujet – comment utiliser au mieux l'argent public ? –, quand bien même nous en discuterions jusqu'à demain matin.
À cette question, je réponds, tout comme les chefs d'entreprise que la délégation sénatoriale aux entreprises a auditionnés, que les deniers publics doivent servir à braquer les projecteurs sur une politique publique pour la lancer.
C'est ce que nous avons fait pour l'apprentissage en le poussant et en l'accompagnant financièrement. Cela a plutôt bien fonctionné : nous avons quasiment doublé le nombre d'apprentis et le système est désormais bien en place. Les chefs d'entreprises se sont rendu compte de l'intérêt de l'apprentissage, tout comme le système scolaire et les apprentis eux-mêmes. En somme, la machine est lancée.
Si, à ce stade, nous maintenons le même niveau d'investissement public pour soutenir l'apprentissage, nous sommes obligés de trouver d'autres fonds pour lancer une nouvelle politique publique. La bourse de l'État n'étant pas illimitée, cela implique d'augmenter les cotisations sociales et les impôts pour dégager ces nouveaux fonds.
Il me semble donc préférable de rediriger les aides consacrées à l'apprentissage vers une autre politique publique. Puis, lorsque cette dernière fonctionnera bien à son tour, nous orienterons ces fonds vers un nouvel objectif.
Nous ne tomberons certainement pas d'accord sur ce sujet, mais il nous faut avoir conscience que l'argent public n'est pas illimité !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Voilà, merci !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par mon collègue Jean-Luc Fichet, auxquels je souscris pleinement.
Hier soir, lors de nos travaux en séance publique, nous avons été quelques-uns à défendre la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 4 Smic. Vous étiez toutes deux présentes, madame la ministre, madame la rapporteure générale. Je sais que la nuit porte conseil, mais je suis surpris d'assister à un tel renversement de raisonnement !
En effet, si vous aviez tenu hier soir les propos qui sont les vôtres maintenant, vous auriez approuvé sans hésitation nos amendements… Au reste, je suis bien d'accord avec Olivier Rietmann sur le fait que la bourse de l'État n'est pas infinie. C'est précisément parce que nous en sommes conscients que nous avons proposé cette mesure et que nous proposerons d'autres dispositions !
Il est tout de même étonnant, madame la ministre, madame la rapporteure générale, après avoir refusé de supprimer les exonérations de cotisations sociales au-delà de 4 Smic, de vous entendre expliquer que vous comptez prélever 9 euros sur les salaires des apprentis, par tranche de 100 euros, à partir de 900 euros…
Comprenez que le combat pour la justice que nous menons avec de nombreux autres sénateurs dans cet hémicycle doit s'illustrer de manière concrète pour nos concitoyens. Entre nos débats d'hier soir et ceux de cet après-midi, ce n'est absolument pas le cas. Si vous avez changé de position, faites-le nous savoir ; la suite de la discussion n'en sera que plus fluide ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 198, 215 rectifié bis, 248 rectifié sexies, 278 rectifié bis, 415 rectifié bis, 664, 939, 1159 rectifié et 1227 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 133 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 376.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 357 rectifié ter est présenté par Mme Devésa, M. Bleunven, Mme de La Provôté, M. Henno, Mme Guidez, MM. Canévet, Wattebled, Courtial et V. Louault et Mme Sollogoub.
L'amendement n° 383 rectifié bis est présenté par M. Dhersin, Mme Demas, MM. S. Demilly et Cadic, Mmes Perrot et Patru et M. Longeot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 6 à 12
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – La seconde colonne de la soixante-dix-septième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 5785-1 du code des transports est ainsi rédigée :
«
résultant de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2025 |
»
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article ne s'applique qu'aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d'emploi courant à compter du 1er janvier 2025 venant en déduction de l'impôt dû.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l'amendement n° 357 rectifié ter.
Mme Jocelyne Guidez. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, pour présenter l'amendement n° 383 rectifié bis.
M. Franck Dhersin. La loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue a étendu l'ensemble des exonérations au titre des contributions patronales dont bénéficiaient les entreprises d'armement de transport de passagers disposant de navires battant pavillon français et soumises à une concurrence internationale à toutes les entreprises d'armement maritime disposant de navires de transport ou de services maritimes battant également pavillon français et soumises à concurrence internationale, dans un souci de préservation de la compétitivité des armateurs et d'attractivité du pavillon français.
Le rapport d'information sur la mise en application de la loi pour l'économie bleue, rendu public au mois de décembre 2017, fait état de l'impact positif de l'élargissement du champ d'exonération des charges patronales, visant à « rétablir les conditions de la concurrence avec les marins italiens et danois ». Au moment de l'examen de ce projet de loi, le député Arnaud Leroy, rapporteur de ce texte, insistait déjà sur la nécessité de renforcer le dispositif français en matière d'exonération de charges patronales pour renforcer la compétitivité des armateurs français face à leurs concurrents européens, ces derniers bénéficiant de dispositifs de net wage beaucoup plus avantageux.
Cet amendement vise ainsi à maintenir les exonérations de charges dont bénéficient les armateurs maritimes, pour ne pas désavantager des entreprises françaises face à leurs concurrents étrangers.
M. le président. L'amendement n° 281 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Mandelli et Tabarot, Mme Aeschlimann, MM. Bacci et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Brisson, Bruyen, Cambon et Chaize, Mme Ciuntu, M. Cuypers, Mmes Demas, Di Folco, Dumont, Estrosi Sassone et Evren, M. Genet, Mmes Hybert et Joseph, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Malet et M. Mercier, M. Michallet, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Naturel et Olivier, Mme Petrus, MM. Piednoir, Rapin et Savin, Mmes Schalck et Valente Le Hir et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après les mots :
qu'elles emploient à bord
insérer les mots :
de navires câbliers ou de navires de service dédiés aux énergies marines renouvelables autres que de transport et
II. – Après l'alinéa 12
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La seconde colonne de la soixante-dix-septième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 5785-1 du code des transports est ainsi rédigée :
«
Résultant de la loi n° ... du... de financement de la sécurité sociale pour 2025 |
»
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Il existe un réel enjeu d'équité fiscale entre les résidents fiscaux français selon qu'ils travaillent en France ou dans un autre pays européen. Ainsi, cet amendement, déposé par Christine Lavarde, vise à augmenter la fiscalité apparente sur le capital et à harmoniser les régimes de prélèvements sociaux.
En résumé, un Français travaillant en France cotise à hauteur de 17,2 % sur les revenus de placement selon le découpage suivant : 9,2 % au titre de la CSG, 0,5 % au titre de la CRDS, 7,5 % au titre d'un prélèvement de solidarité. En revanche, un Français travaillant dans un autre pays européen ne cotise qu'à hauteur de 7,5 %, puisque la Cour de justice de l'Union européenne ne lui permet pas de cotiser au titre de la CSG-CRDS.
Cet amendement, dont l'objet peut paraître contre-intuitif au premier abord, vise à porter le taux de cotisation d'un Français travaillant dans un autre pays européen à 17,2 %, ce qui permettrait de dégager 2 milliards d'euros. Pour cela, nous proposons d'abord de réduire le taux de CSG applicable de 9,2 % à 0,5 % ; ensuite, dans un amendement miroir que nous défendrons lors de l'examen du projet de loi de finances, nous proposerons de rehausser le taux du prélèvement de solidarité de 7,5 % à 16,2 %.
M. le président. L'amendement n° 783 rectifié ter, présenté par Mme Havet, MM. Iacovelli et Lévrier, Mmes Schillinger et Cazebonne, M. Omar Oili, Mmes Duranton et Ramia et M. Buval, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après le mot :
passagers
Insérer les mots :
de navires câbliers ou de navires de service dédiés aux énergies marines renouvelables
II. – Après l'alinéa 12
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La seconde colonne de la soixante-dix-septième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 5785-1 du code des transports est ainsi rédigée :
«
Résultant de la loi n° ... du... de financement de la sécurité sociale pour 2025 |
»
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à maintenir l'exonération de toutes les contributions et cotisations patronales pour deux segments de la flotte de services maritimes exerçant sur les secteurs concurrentiels des énergies marines renouvelables et des câbles sous-marins.
Si le coût brut de la mesure est estimé à 4 millions d'euros, son coût net est inférieur compte tenu des effets de la disposition initiale sur la compétitivité et l'emploi des marins français.
M. le président. L'amendement n° 360 rectifié, présenté par M. Dhersin, Mmes Muller-Bronn et Demas, MM. S. Demilly, Olivier, Bleunven, Cadic et Canévet, Mmes Perrot, Sollogoub et Patru et M. Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après le mot :
passagers
insérer les mots :
, de navires câbliers ou de navires de service dédiés aux énergies marines renouvelables
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
Le présent article s'applique aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d'emploi courant à compter du 1er janvier 2025.
…. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du II est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
La parole est à M. Franck Dhersin.
M. Franck Dhersin. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 1228 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Rambaud et Théophile, Mme Nadille, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Omar Oili et Patient, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Le dispositif Jeune entreprise innovante (JEI) accompagne la création et la croissance de milliers de PME innovantes sur tous nos territoires. La suppression de la partie sociale de ce dispositif serait délétère pour l'emploi et freinerait la capacité d'innovation française. Elle nous priverait également de solutions pour la transition écologique, la réindustrialisation et la souveraineté technologique de notre pays.
Cet amendement vise donc à revenir sur cette suppression et à rétablir le dispositif JEI dans son intégralité, celui-ci constituant une part importante de l'architecture de soutien à la recherche et développement. En effet, il s'agit du seul dispositif horizontal de soutien à la recherche et développement ciblant les jeunes entreprises innovantes dès leur création.
Le dispositif a fait l'objet de nombreuses évaluations depuis sa création en 2004, qui ont toutes démontré son efficacité, c'est-à-dire un impact positif sur les dépenses et sur l'emploi. Son ciblage et ses modalités simples et rapides de versement ont permis au dispositif d'être classé premier par la Commission européenne dans son analyse des dispositifs européens de soutien à l'innovation.
Toute mesure d'économie visant ce dispositif pénaliserait fortement les start-ups et les petites et moyennes entreprises innovantes, alors même que l'écosystème subit une véritable crise de financement depuis bientôt deux ans.
Surtout, quelques mois seulement après l'extension de ce dispositif aux jeunes entreprises de croissance (JEC) et l'adoption d'autres mesures de soutien, dans la droite ligne du rapport remis par notre collègue député Paul Midy, un tel choix serait source de confusion. La politique de soutien à l'innovation pourrait, à bon droit, paraître erratique.
Nous souhaitons donc rétablir le volet social du régime de la jeune entreprise innovante, en lien avec le rétablissement des crédits de compensation, proposée par voie d'amendement au projet de loi de finances.
Selon les dernières prévisions établies par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les exonérations accordées à ce titre aux JEI s'élèveront à 281,5 millions d'euros en 2025. Le coût des exonérations pour les JEC est quant à lui estimé à 10 millions d'euros par la direction générale des entreprises (DGE).
M. le président. L'amendement n° 1345, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° À la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
…. - La soixante-dix-septième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 5785-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-659 du 26 juillet 2023 visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime, est ainsi rédigée :
«
L. 5553-11 |
Résultant de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025 |
»
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un amendement de coordination ayant pour objet Wallis-et-Futuna, monsieur le président.
Mes chers collègues, la plupart des amendements en discussion visent à revenir sur la limitation des exonérations spécifiques dont bénéficient toutes les entreprises de navires de commerce, qu'il s'agisse des cotisations employeur d'allocations familiales ou des contributions à l'assurance chômage.
Ainsi, les amendements identiques nos 357 rectifié ter et 383 rectifié bis tendent à rétablir les exonérations de charges patronales pour l'ensemble des navires de commerce. Une telle mesure ne paraît pas souhaitable, car ces exonérations visent à protéger les seules entreprises soumises à la concurrence internationale, c'est-à-dire celles dont les employés sont les moins qualifiés. Sur les navires de fret hors passagers comme sur les navires de service, les salaires sont compris entre 2,5 et 4 Smic – et je ne parle pas des entreprises de transport fluvial, dont l'exposition à la concurrence internationale est plus que limitée.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Les amendements nos 281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié tendent quant à eux à maintenir les exonérations patronales pour les navires câbliers et pour les navires dédiés aux énergies renouvelables, dont les salariés sont de facto peu exposés à la concurrence internationale. L'importance stratégique de ces bateaux n'est pas à démontrer. Pour autant, selon nous, le soutien à ces secteurs d'avenir doit passer prioritairement par un soutien à l'investissement et à la recherche.
La commission émet donc également un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l'amendement n° 1228 rectifié ne vise pas le bon alinéa. C'est pourquoi la commission en demande le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je donnerai l'avis du Gouvernement sur les amendements concernant les entreprises maritimes et laisserai à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics le soin de le faire sur les dispositions relatives aux JEI.
Le Gouvernement souhaite limiter l'exonération de cotisations famille et chômage aux seuls marins opérant sur des navires de transport de plus de douze passagers. Il entend en outre restreindre ce dispositif aux professionnels les moins rémunérés, dont a parlé Mme la rapporteure générale.
La Cour des comptes préconisait cette mesure dès 2023, en relevant les effets d'aubaine auquel donnaient lieu les personnels les mieux rémunérés de la marine : pour attirer à elles certaines compétences rares, les entreprises maritimes n'hésitent pas à offrir des salaires élevés à certains professionnels. Aussi le Gouvernement est-il défavorable aux amendements identiques nos 357 rectifié ter et 383 rectifié bis.
À l'inverse, sur les amendements nos 281 rectifié bis, 783 rectifié ter et 360 rectifié, qui visent à maintenir l'exonération pour les navires câbliers et les navires de service dédiés aux énergies renouvelables, le Gouvernement émet un avis favorable.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1345 de la commission ayant pour objet Wallis-et-Futuna. La disposition prévue risque en effet de créer une ambiguïté juridique, tout en étendant de facto l'exonération visée au personnel des bateaux de croisière. Il s'agirait là d'un nouvel effet d'aubaine.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur Iacovelli, nous souhaitons comme vous revenir à un régime plus favorable aux jeunes entreprises innovantes, mais en modifiant les critères d'intensité de recherche et développement.
Vous le soulignez avec raison, il s'agit d'un régime incitatif pour la création de JEI, entreprises qui, depuis maintenant plus de dix ans, font le succès de notre pays en matière d'innovation. L'importance de ce statut a été démontrée.
Le Gouvernement a bel et bien la volonté de protéger le secteur. Nous avons débattu de ce sujet à l'Assemblée nationale, à la suite des travaux de Paul Midy, que je tiens à saluer tout en vous remerciant de votre vigilance.
Toutefois, je vous invite à retirer l'amendement n° 1228 rectifié au profit de l'amendement n° 1237, que le Gouvernement présentera bientôt. J'observe d'ailleurs que vous avez déposé un amendement identique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 357 rectifié ter et 383 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 783 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les six premiers sont identiques.
L'amendement n° 218 rectifié octies est présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Capus, Médevielle, Chevalier, Grand et Rochette, Mmes Bourcier et L. Darcos et M. Wattebled.
L'amendement n° 254 rectifié ter est présenté par MM. Pillefer, Cambier, Levi, S. Demilly, Dhersin et Kern, Mme O. Richard, MM. J.M. Arnaud et Courtial, Mmes Romagny et Antoine et MM. Hingray et Duffourg.
L'amendement n° 441 rectifié ter est présenté par Mmes Paoli-Gagin et Lermytte, MM. Brault, Laménie, A. Marc et Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Omar Oili et Mmes Perrot et Nadille.
L'amendement n° 529 rectifié sexies est présenté par M. Ros, Mmes Le Houerou et Canalès, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Cardon, M. Weber, Raynal, Temal et Pla, Mme Linkenheld, MM. Redon-Sarrazy et Fagnen, Mmes S. Robert, Artigalas, Conway-Mouret, Monier et Carlotti et MM. Vayssouze-Faure, Ziane et Stanzione.
L'amendement n° 849 rectifié bis est présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Guillotin.
L'amendement n° 1081 rectifié est présenté par M. Haye.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié octies.
M. Daniel Chasseing. Le Gouvernement souhaite « rationaliser » le dispositif Jeune entreprise innovante en le restreignant à son seul volet fiscal et en supprimant l'exonération de charges patronales. Déposé par Vincent Louault et travaillé avec l'association France Digitale, cet amendement vise à revenir sur cette disposition.
Cette exonération est le seul avantage social que ces entreprises conservent en vertu de leur statut. La loi de finances pour 2024 a en effet supprimé l'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les JEI créées à compter du 1er janvier dernier.
Un tel cumul de suppressions entraînerait sans doute la disparition de plusieurs entreprises innovantes. Il s'agirait d'un véritable gâchis, dans des domaines où la France a plus que jamais besoin d'être performante. C'est notamment un enjeu pour nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l'amendement n° 254 rectifié ter.
Mme Anne-Sophie Romagny. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 441 rectifié ter.
M. Daniel Chasseing. Le statut de jeune entreprise innovante permet d'accompagner la création et la croissance de milliers de PME innovantes dans nos territoires. La suppression de son volet social serait délétère pour l'emploi et réduirait considérablement la capacité d'innovation française.
En supprimant cette exonération de charges patronales, l'on se priverait également de solutions pour la transition écologique, la réindustrialisation et la souveraineté technologique de notre pays.
Nous proposons donc de revenir sur cette suppression pour rétablir dans son intégralité le statut de JEI, pilier de notre politique de soutien à la recherche et développement, qui a fait l'objet de nombreuses évaluations positives.
Mes chers collègues, une telle mesure d'économie pénaliserait fortement les start-ups et les PME innovantes, alors même que l'écosystème subit une crise de financement depuis bientôt deux ans.
Surtout, quelques mois après l'extension de ce dispositif aux jeunes entreprises de croissance et l'adoption d'autres mesures de soutien, conformément aux préconisations de notre collègue député Paul Midy, une baisse de crédits pourrait créer de la confusion. La politique de soutien à l'innovation pourrait, non sans raison, sembler erratique.
Voilà pourquoi il faut rétablir le volet social du régime de la jeune entreprise innovante. Je rappelle que le rétablissement des crédits de compensation est proposé, en parallèle, via un amendement déposé au projet de loi de finances pour 2025.
Selon les dernières estimations de l'Acoss, les exonérations accordées à ce titre aux JEI s'élèveront à 281,5 millions d'euros en 2025. Le coût des exonérations pour les JEC serait pour sa part de 10 millions d'euros, d'après la DGE. Les crédits seraient ouverts en loi de finances pour 2025 à hauteur de ces prévisions : l'impact sur l'équilibre financier de la sécurité sociale serait donc nul.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l'amendement n° 529 rectifié sexies.
Mme Audrey Linkenheld. Nous proposons nous aussi de rétablir dans son intégralité le régime de la jeune entreprise innovante, le rétablissement des crédits de compensation étant proposé au titre du projet de loi de finances pour 2025 : l'équilibre financier de la sécurité sociale, qui nous tient naturellement à cœur, serait dès lors préservé.
Il convient d'accompagner la création et la croissance des PME innovantes. Notre pays en dénombre aujourd'hui des milliers. On le sait, ces entreprises sont essentielles à notre capacité d'innovation, à notre réindustrialisation, donc à notre souveraineté. En ces temps économiquement difficiles, ce sont souvent celles qui souffrent le plus, les levées de fonds se faisant plus rares. Ce n'est certainement pas le moment de les priver de soutien. Ce serait un mauvais signal à leur envoyer.
Sauf erreur de notre part, cette mesure transpartisane a reçu le soutien du Gouvernement : nous espérons ainsi avoir gain de cause. De même, nous souhaitons que le Gouvernement renonce à augmenter la contribution demandée à ces jeunes entreprises innovantes en matière de recherche et de développement. Les grandes entreprises auront, sinon plus de facilité, en tout cas moins de mal à consentir un tel effort ; en revanche, pour les PME, l'augmentation de cette contribution serait très difficile, qui plus est par les temps qui courent.
Je souligne à mon tour que, depuis sa création en 2004, le statut de JEI a fait l'objet de nombreuses évaluations positives.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l'amendement n° 849 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour présenter l'amendement n° 1081 rectifié.
M. Ludovic Haye. Nous parlons d'entreprises créées depuis moins de huit ans, qui respectent un taux minimum d'investissement en recherche et développement et qui ne sont pas le fruit d'une restructuration d'activités antérieures. Ce sont des entreprises créées ex nihilo, qui, dans plus de 80 % des cas, emploient moins de vingt salariés.
Quel message enverrait-on au monde de l'innovation en supprimant cette exonération ? Le risque est clair : décourager ceux qui ont de grandes idées, mais de petits moyens.
À l'heure du réchauffement climatique, de la transition numérique et de l'intelligence artificielle, à l'heure de la réindustrialisation, il est essentiel de soutenir nos entrepreneurs, tout particulièrement ceux qui préparent l'avenir. Nous proposons donc de rétablir dans son intégralité le régime de la JEI, qui est actuellement le seul dispositif horizontal de soutien à la recherche et au développement au service des jeunes entreprises, dès leur création.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté que le Gouvernement était revenu sur son intention et qu'il souhaitait désormais renforcer les critères de recherche et développement.
Dans le seul Grand Est, dont je suis conseiller régional, l'on dénombre plus de 800 jeunes entreprises innovantes. Ces dernières accomplissent un travail formidable au service de la région et du pays.
Mes chers collègues, les réductions de dépenses sont bien sûr nécessaires, mais elles ne doivent pas être menées au détriment de l'innovation et de la recherche. Ces dernières seront toujours du côté de la solution : elles ne seront jamais du côté du problème.
M. le président. Les deux derniers amendements sont également identiques.
L'amendement n° 1234 est présenté par MM. Iacovelli et Théophile, Mme Nadille, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 1237 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Aux a et c du 3° de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts, le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 1234.
M. Xavier Iacovelli. Il s'agit d'un amendement de repli, l'amendement n° 1228 rectifié n'ayant pas été adopté.
Nous proposons de rétablir les exonérations de cotisations patronales accordées aux jeunes entreprises innovantes sur les salaires de leurs personnels affectés à la recherche et au développement.
En parallèle, nous suggérons de relever le taux d'intensité en recherche et développement requis pour être éligible à ce statut. Ce faisant, l'on recentrerait le dispositif et l'on dégagerait 50 millions d'euros d'économies.
Je précise que ces dispositions s'inspirent des préconisations de notre collègue député Paul Midy, dont M. le ministre a salué les travaux. Il est indispensable de soutenir les jeunes entreprises innovantes.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 1237.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement propose lui aussi de maintenir le régime d'exonération des JEI tout en portant de 15 % à 20 % le taux d'intensité de recherche et développement exigé à ce titre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 1234 et 1237 et un avis défavorable sur tous les autres amendements en discussion.
Mme Audrey Linkenheld. Dommage ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 218 rectifié octies, 254 rectifié ter, 441 rectifié ter, 529 rectifié sexies, 849 rectifié bis et 1081 rectifié.
Mme Audrey Linkenheld. Dommage ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 rectifié octies, 254 rectifié ter, 441 rectifié ter, 529 rectifié sexies, 849 rectifié bis et 1081 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1234 et 1237.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 279 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Pillefer, Mmes Antoine, Gacquerre, Jacquemet, Morin-Desailly, Patru, Perrot, O. Richard et Sollogoub et MM. Bleunven, Cadic, Cambier, Canévet, Capo-Canellas, Courtial, S. Demilly, Lafon, Levi et Longeot.
L'amendement n° 1238 rectifié bis est présenté par MM. Capus et Chasseing, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Brault, Wattebled, Verzelen, Grand et Sautarel et Mme Dumont.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exception du I qui s'applique aux contrats d'apprentissage conclus à compter du 1er janvier 2025
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 279 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à limiter l'assujettissement des rémunérations des apprentis à la CSG et à la CRDS aux contrats d'apprentissage conclus à compter du 1er janvier 2025, afin de ne pas modifier les conditions de rémunération des apprentis en cours de contrat.
En 2023, 27 % des apprentis ont mis prématurément fin à leur contrat ; près de 40 % de ces ruptures étaient imputables à des motifs financiers. Ces chiffres soulignent l'importance d'une telle phase de transition.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l'amendement n° 1238 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. Nous souhaitons nous aussi limiter l'assujettissement de la rémunération des apprentis à la CSG-CRDS excédant 50 % du Smic aux contrats d'apprentissage conclus à partir du 1er janvier 2025.
En excluant du champ de cette mesure la rémunération des jeunes aujourd'hui en apprentissage, l'on éviterait de modifier les conditions de rétribution des apprentis en cours de contrat. Pour mémoire, le Gouvernement a fixé le seuil d'assujettissement à 50 % du Smic afin de préserver les apprentis les plus jeunes et en début de formation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission s'est elle aussi interrogée sur l'effectivité de cette mesure. Toutefois, il semble plutôt équitable que tous les apprentis dont la rémunération excède la limite retenue soient assujettis aux cotisations sociales à compter du 1er janvier prochain, et ce quelle que soit la date de début de leur contrat.
La solution que vous proposez et à laquelle nous avons également pensé pourrait avoir un effet pervers. Au sein d'une même entreprise, d'un même CFA, voire d'une même famille, deux jeunes pourraient être traités différemment : l'un paierait des cotisations, parce que son apprentissage a commencé un peu plus tard, et l'autre non.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez de débattre assez longuement de l'apprentissage. En la matière, comme souvent quand on parle d'exonérations, nous sommes face à des questions de stocks et de flux et j'admets qu'une mesure rétroactive pourrait sembler quelque peu injuste.
Il paraît donc justifié de limiter cette disposition aux futurs contrats. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. Claude Kern. Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est la clause du grand-père !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, lorsque nous avons examiné ces amendements identiques en commission, nous n'avions pas encore pu prendre connaissance de l'ensemble du dossier. En particulier, nous n'en avions pas discuté avec nos collègues de la commission des finances, qui se penchent eux aussi sur l'apprentissage et veillent à préserver l'attractivité des différents métiers concernés. Il s'agit évidemment d'un enjeu important.
Mme la rapporteure générale et moi-même vous confirmons l'avis défavorable exprimé. Il ne s'agit pas de nous déjuger. Toutefois, au terme d'un vaste travail mené avec Frédérique Puissat,...
M. Michel Savin. Très bien !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. … chargée au sein de notre commission de suivre le sujet de l'apprentissage, nous considérons désormais avec bienveillance ces deux amendements identiques. Il paraît légitime de ne pas changer les règles applicables aux contrats en cours.
Mme Laure Darcos et M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président de la commission, je note votre adhésion à la clause du grand-père (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.), cette règle si souvent invoquée face aux manœuvres de régression sociale…
On verra bien si l'assujettissement de la rémunération des apprentis à la CSG-CRDS, à partir de 50 % du Smic, a réellement des conséquences. Selon moi, cette mesure sera indolore, sinon qu'elle nourrira le non-consentement aux cotisations et à l'impôt. Et si, comme certains le redoutent, le nombre d'apprentis s'effondre, nous pourrons toujours revenir sur cette mesure lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 279 rectifié bis et 1238 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1213, présenté par Mme Puissat, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 6243-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce plafond ne peut excéder 50 % du salaire minimum de croissance. »
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Les apprentis bénéficient aujourd'hui d'une exonération totale de cotisations sociales salariales pour la part de leur rémunération inférieure à 79 % du Smic. Cet amendement vise à restreindre ladite exonération en la plafonnant à 50 % du Smic.
Mes chers collègues, le Gouvernement a déjà annoncé cette mesure, en précisant qu'elle serait mise en œuvre par voie réglementaire. Or la voie législative me semble préférable : c'est pourquoi je suggère de modifier en ce sens l'article L. 6243-2 du code du travail. Cette question me semble bel et bien relever du Parlement.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je maintiens que la fixation de ce plafond est d'ordre réglementaire. En la matière, le Parlement énonce les règles de principe, mais la mise en œuvre de ces dernières doit être assurée par décret.
C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme Frédérique Puissat. Je maintiens mon amendement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 942 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » par le taux : « 19,2 % ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Selon Patrick Martin, président du Medef (Mouvement des entreprises de France), mieux vaut augmenter la TVA que de réduire les exonérations de cotisations sociales des entreprises : c'est ce qu'il a déclaré samedi dernier. Il estime en effet que les entreprises sont excessivement pénalisées par le projet de loi de finances pour 2025.
Au Sénat, les membres du groupe Union Centriste ont immédiatement cédé aux sirènes du grand capital : ils ont fait savoir qu'ils proposeraient, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, une augmentation de deux points du taux normal de la TVA. Ce dernier serait dès lors porté de 20 % à 22 %, pour un gain estimé à 13 milliards d'euros.
Faire ce choix, c'est s'attaquer aux travailleurs et aux familles pour défendre les intérêts des grandes entreprises.
Nous proposons, à l'inverse, de mettre à contribution le capital : ce dernier doit participer à l'effort collectif. Nous préconisons ainsi d'augmenter de 9,2 % à 19,2 % le taux de CSG applicable aux produits de patrimoine et aux produits de placement. Cette mesure permettrait de dégager 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
M. le président. L'amendement n° 1107, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Mes chers collègues, nous partons d'un constat simple : de l'argent, il y en a, il suffit d'aller le chercher où il se trouve. Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour financer notre modèle social, c'est la volonté de mieux répartir l'effort qui fait défaut. Il s'agit tout simplement d'une question d'équité.
Aujourd'hui, les revenus du capital progressent bien plus vite que ceux du travail. Pourtant, les travailleurs sont, comme toujours, les premiers mis à contribution.
Pour notre part, nous proposons d'inverser la logique : il faut faire contribuer davantage ceux qui en ont les moyens, à savoir les détenteurs de capitaux, afin de dégager 3 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour notre sécurité sociale.
Cette mesure ne viendra pas grever les revenus modestes. Elle ne freinera pas davantage l'investissement des TPE ou des PME. Elle ne visera que les marges les plus confortables.
Au lieu d'imposer encore et encore des sacrifices aux actifs, en leur infligeant ce qui ressemble fort à une corvée d'Ancien Régime, regardons où se trouvent les véritables réserves de richesses.
En votant cet amendement, nous apporterons une réponse pragmatique et réaliste aux problèmes budgétaires auxquels notre pays est confronté. Nous accomplirons également un acte de justice. Repousser une telle mesure, c'est à l'inverse refuser de voir la réalité d'une société où l'effort est trop souvent assumé par les mêmes.
M. le président. L'amendement n° 368 rectifié bis, présenté par M. Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Chantrel et Fagnen, Mmes Lubin et Poumirol, MM. Pla, Ros, Uzenat, M. Weber et Bourgi, Mme Monier et MM. Ziane, Mérillou et Stanzione, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 11,2 % ».
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Par cet amendement, nous proposons d'augmenter de 2 points le taux de CSG assise sur le capital. Il s'agit de dégager des ressources supplémentaires pour financer en premier lieu la branche autonomie de la sécurité sociale.
Après la crise sanitaire liée au covid-19, qui a été un véritable drame dans nos Ehpad, l'abandon d'une loi relative au grand âge et à l'autonomie ou d'une loi de programmation pluriannuelle, ainsi que le renoncement à trouver des financements supplémentaires à hauteur des défis du vieillissement sont incompréhensibles.
En effet, mise à part l'affectation d'une fraction de CSG de 0,15 point en 2024, aucun financement nouveau à destination de cette branche n'est prévu. Cette réaffectation ne représentera que 2,6 milliards d'euros, alors que le rapport remis par Dominique Libault évalue à 9,2 milliards d'euros le besoin de financements supplémentaires d'ici à 2030 pour relever le défi du vieillissement de la société française.
On constate d'ailleurs que la branche autonomie redeviendrait déficitaire en 2025 et connaîtrait par la suite une dégradation.
M. le président. L'amendement n° 1221 rectifié ter, présenté par M. Mérillou, Mmes Bélim et Blatrix Contat, MM. Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Raynal, Gillé et Michau, Mme Monier et MM. Bourgi et Ziane, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 10,6 % ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à renforcer le financement des organismes de sécurité sociale au moyen d'une hausse exceptionnelle de la taxation des revenus du capital – produits de placement et patrimoine –, limitée au seul exercice 2024.
Le taux de CSG sur les revenus d'activité et de remplacement a augmenté de 1,7 point en 2018 pour compenser l'augmentation insuffisante des cotisations sociales au titre du chômage et de l'assurance maladie, de l'ordre de 1 point. Le taux de CSG sur le revenu du capital n'a quant à lui pas suivi cette hausse.
Cet amendement aurait donc pour effet d'augmenter de 1,4 point le taux de CSG sur les revenus du capital et de faire ainsi progresser les recettes des organismes de sécurité sociale de 1,5 milliard d'euros. Cette somme sera d'ailleurs affectée à leur budget, afin de permettre un financement à moyen et long termes des besoins et des politiques de sécurité sociale.
M. le président. L'amendement n° 1068 rectifié bis, présenté par Mmes Lavarde, Puissat et Aeschlimann, MM. Anglars, Bazin et Belin, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Brisson, Bruyen, Chaize, Cuypers, Daubresse et de Legge, Mmes Di Folco, Dumont, Estrosi Sassone, Evren, Gosselin et Jacques, MM. Karoutchi, Lefèvre et Mandelli, Mmes P. Martin, M. Mercier et Micouleau et MM. Olivier, Rapin, Saury, Sautarel, Savin, Sido, Somon et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 2° du I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 0,5 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Je serai très brève, car j'ai par erreur présenté cet amendement à la place de l'amendement n° 281 rectifié bis.
Pour résumer, il s'agit d'assurer 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires et de rétablir une équité fiscale entre cotisants. En effet, les résidents français qui travaillent dans l'un des pays de l'espace économique européen ne cotisent qu'à hauteur de 7,5 %, alors que les Français qui travaillent sur le territoire national cotisent à hauteur de 17,2 %.
Ce dispositif doit être couplé à un amendement que nous présenterons lors de l'examen du projet de loi de finances, afin de retrouver de l'équité fiscale.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 942 rectifié, 1107, 368 rectifié bis et 1221 rectifié ter.
Elle sollicite en revanche l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1068 rectifié bis, car il s'agit sans doute d'un bon moyen pour récupérer des recettes.
Cet amendement a pour objet de ramener la CSG sur les revenus du capital de 9,2 % à 0,5 %. Cela n'a rien à voir avec les autres amendements, visant à rehausser le taux de CSG à des montants qui diffèrent en fonction des propositions formulées.
Certes, son adoption entraînerait une perte de 16 milliards d'euros, mais il faut mettre cette mesure en relation avec un autre amendement, déposé sur le projet de loi de finances, qui vise au rehaussement du taux de prélèvement de solidarité. Ces deux dispositifs auraient pour effet d'augmenter les recettes globales de 1 milliard d'euros. Cette somme pourrait ensuite être rétrocédée à la sécurité sociale, en adaptant la TVA affectée.
C'est plutôt tentant !
Dès lors, nous souhaiterions savoir si un tel mécanisme pourrait être mis en place par le Gouvernement. Le mouvement financier proposé me semble considérable, mais, comme nous le répétons depuis le début, les enjeux n'ont jamais été aussi importants que dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans ces conditions, pourquoi pas ?
Cependant, nous devons être sûrs que la décision que nous prendrons lors de l'examen du projet de loi de finances sera suivie par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement a une analyse contraire.
Madame Puissat, votre proposition présente un certain nombre de fragilités juridiques. Je ne suis pas certain qu'un tel dispositif fiscal emporte l'adhésion de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), au regard de ce que nous avons constaté par le passé.
En outre, je ne suis pas sûr que le rendement soit à la hauteur de ce que vous envisagez. Nos services misent plutôt sur un gain de 250 millions d'euros.
M. Olivier Rietmann. Ce n'est pas pareil !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Hélas…
Cela dit, je pense que cette démarche est intéressante. Compte tenu de la jurisprudence de Ruyter, il me semble utile de retravailler ce dispositif.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Les objets des amendements nos 942 rectifié, 1107, 368 rectifié bis et 1221 rectifié ter s'inscrivent dans une logique tout autre, celle d'augmenter le taux de CSG sur les revenus du capital. Il s'agirait en réalité d'annuler totalement la réforme de la flat tax, qui a pourtant permis des investissements en hausse dans notre pays et fait le succès de la France ces dernières années. Ne cassons surtout pas cette dynamique.
Pour rappel, nous sommes en économie ouverte. Dès lors, s'ils ne sont pas réalisés en France, les investissements le seront dans un pays voisin. Il est donc impératif d'assurer notre attractivité en matière d'investissements.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Madame Souyris, il suffit d'aller chercher l'argent là où il se trouve, dites-vous. Le problème, c'est que les réserves que vous évoquez n'existeront plus !
Je ne dis pas que l'on ne peut pas avoir un débat sur les bons niveaux de fiscalité concernant les revenus du capital. D'ailleurs, l'article 3 du projet de loi de finances pour 2025 instaure une contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR). Toutefois, augmenter cette fiscalité à des montants aussi élevés agirait davantage comme un repoussoir pour les investisseurs.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Mme Apourceau-Poly a interpellé le groupe Union Centriste sur la proposition de couvrir une bonne part du coût de notre protection sociale en augmentant la TVA, formulée par son président Hervé Marseille. C'est un débat que nous devons avoir, nous y reviendrons notamment lors de l'examen du projet de loi de finances.
Faut-il continuer éternellement à faire supporter la protection sociale sur le travail ? N'est-il pas pertinent d'envisager un transfert vers la consommation ? La question n'est pas de savoir qui nous aurait murmuré cette idée à l'oreille : ce n'est pas parce qu'une idée a été formulée par une personne en particulier qu'elle est bonne ou mauvaise – à nos yeux, les idées n'ont pas de couleur, elles ont une valeur.
La TVA présente en outre l'avantage de toucher l'ensemble des produits vendus sur le territoire, y compris les produits étrangers importés, notamment chinois, à la différence des produits qui sont fabriqués uniquement dans les entreprises françaises.
Il s'agit aussi d'assurer notre dynamisme économique.
Cette question, nous devons impérativement nous la poser, qui plus est à l'heure où les États-Unis s'apprêtent à augmenter leurs droits de douane.
Nous ne vivons plus dans le même monde qu'auparavant : il faut le regarder avec les lunettes d'aujourd'hui, voire avec celles de demain. C'est d'ailleurs précisément ce que nous ferions si la TVA servait au financement de notre système de protection sociale.
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.
Mme Olivia Richard. L'une des dispositions proposées vise les résidents français au sein de l'Union européenne ; par ailleurs, la jurisprudence de Ruyter a été évoquée. En tant que sénatrice des Français de l'étranger, je tiens à faire un rappel historique.
En 2012, sous la présidence de François Hollande, le gouvernement a décidé de soumettre les revenus du patrimoine immobilier des Français de l'étranger à la CSG-CRDS. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger sont alors montés au créneau pour dénoncer la contradiction d'une telle mesure avec le droit européen.
Pour les résidents français assujettis au régime de sécurité sociale d'un autre pays, cette disposition a été déclarée contraire à la liberté des travailleurs. L'État français s'est ainsi vu contraint de rembourser des sommes très importantes à ses ressortissants.
Depuis, le Sénat vote chaque année la suppression de ce qu'il reste de cette CSG-CRDS appliquée aux Français établis hors de l'Union européenne.
Aujourd'hui, Frédérique Puissat suggère de réduire le taux de CSG pour pouvoir augmenter le prélèvement social ; en l'occurrence, il s'agit non pas d'une prestation sociale, mais d'un impôt, puisque nous parlons de TVA. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle votre proposition est valable.
Pour ma part, je ne suis pas d'accord avec le fait d'imposer l'effort suggéré aux ressortissants français établis au sein de l'Union européenne, qui s'acquittent par ailleurs des contributions sociales dans les pays où ils résident et avec lesquels nous avons conclu des accords.
J'espère que cet amendement sera retiré et que nous n'aurons pas à rediscuter de cette proposition dans le cadre du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je comprends la position de ma collègue Olivia Richard. Pour autant, je maintiens cet amendement.
J'applique ici la jurisprudence du président de la commission des affaires sociales Philippe Mouiller : tout ce qui est inscrit dans le texte sera discuté lors de la commission mixte paritaire et nous connaîtrons alors le sort qui sera réservé à nos propositions. À l'évidence, s'ils ne figurent pas dans le texte, les dispositifs que nous suggérons ne serons pas discutés du tout.
Je rappelle qu'il s'agit d'un amendement de Christine Lavarde qui, en règle générale, sait compter. Elle mentionne une perspective de recettes de 2 milliards d'euros. Quand bien même nous ne récolterions finalement que 250 millions d'euros, ce dispositif assurera des recettes supplémentaires et rétablira une équité fiscale.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Vous avez totalement raison, monsieur le ministre : l'amendement présenté par Frédérique Puissat pose un vrai problème juridique et risque d'être remis en cause.
Malheureusement, il existe une véritable iniquité fiscale entre les Français qui vivent au sein de l'Union européenne et ceux qui résident hors de ses frontières. Néanmoins, nous ne pourrons pas résoudre ce problème en augmentant la fiscalité de l'une de ces catégories de personnes.
Flécher la TVA vers la sécurité sociale, comme cela est proposé, serait à coup sûr assimilé à un détournement des règles européennes. La justice européenne contestera une telle mesure et prononcera une condamnation de la France, comme cela s'est déjà produit.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous discutons d'un amendement sur la TVA qui, en réalité, n'a pas été encore déposé, puisqu'il a vocation à être examiné dans le cadre du projet de loi de finances.
Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à une telle disposition, car il n'y pas d'impôt plus injuste que la TVA. (Marques d'approbation sur les travées des groupes GEST et SER.) En effet, elle fait partie des impôts dégressifs ; or, nous préférons les impôts progressifs.
La dégressivité de la TVA signifie que la charge de l'impôt diminue à mesure que le revenu du contribuable augmente. Ceux qui en paient la plus grande part sont donc les ménages les plus modestes, le poids de l'impôt étant plus important pour les premiers déciles.
C'est sans doute ce caractère dégressif qui a de l'intérêt à vos yeux. Les contribuables des premiers déciles ont souvent la mauvaise habitude de consommer, plutôt que d'épargner et de se constituer un patrimoine, celui-là même que vous rechignez à taxer pour soutenir l'effort collectif.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous êtes fier de votre politique, mais c'est elle qui, précisément, a conduit à la dette de la France et de la sécurité sociale !
De quoi êtes-vous fier, exactement ? Des exemptions fiscales offertes aux entreprises depuis 2018, qui représentent plus de 10 milliards d'euros et qui sont parallèles, jusqu'en 2023, à la survenance des déficits de la sécurité sociale ? Des 90 milliards d'euros qui pèsent sur l'État et qui nous obligent à financer notre déficit par la dette ?
Il n'y a pas de quoi être fier de cette politique-là ! Il faut conduire une politique économique assortie de justice sociale, sans faire de cadeaux fiscaux, car ceux-ci alimentent la dette.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Le débat est un peu complexe, car beaucoup d'éléments ont été ajoutés au cours des discussions,…
M. Michel Savin. Ce n'est pas de notre fait !
M. Bernard Jomier. … sans que l'on puisse s'appuyer sur un amendement – j'en suis désolé pour Olivier Henno. J'en dirai tout de même quelques mots.
La place de la fiscalité sur le capital constitue l'objet principal de ce débat. En ce qui nous concerne, nous constatons qu'elle reste insuffisante par rapport à la contribution sur les revenus du travail. C'est une réalité.
Il existe une première injustice persistante, que nous ne parvenons pas à corriger : ceux qui détiennent le plus de capitaux savent très bien se défendre. De manière plus générale, dans la société, ceux qui ont les moyens le font très bien.
La deuxième injustice réside dans le fait que la richesse et le patrimoine se concentrent de plus en plus entre les mains des plus âgés, du moins une partie d'entre eux, car il existe des retraités pauvres. Là encore, nous avons la plus grande difficulté à contrecarrer ce phénomène.
Je vous renvoie aux débats sur la branche autonomie. Le rapport Libault évalue à 9 milliards d'euros le besoin de financements supplémentaires d'ici à 2030. Si nous n'arrivons toujours pas à dégager les pistes qui nous permettraient d'atteindre cet objectif, c'est parce que, pour être justes, nous devrions toucher au patrimoine et aux successions.
J'en viens à la TVA. Cela fait longtemps que le financement de notre protection sociale ne repose plus que sur le travail.
Il n'est pas question de le faire reposer sur la TVA, car il s'agit bien de l'impôt le plus injuste : il frappe 10 % du revenu pour les déciles les plus bas, contre 3 % ou 4 % pour les déciles les plus élevés.
Si nous voulons créer des revenus fiscaux, ce n'est certainement pas la TVA qu'il faut cibler. Cela va de pair avec le principe même de la sécurité sociale, selon lequel on contribue selon ses moyens.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Sur la TVA,…
M. Olivier Rietmann. Encore ? Je pense que nous avons compris !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … je suis complètement d'accord avec les propos qu'a tenus Bernard Jomier. La TVA est l'impôt le plus injuste, qui s'applique à tous de la même façon, quels que soient les revenus.
En effet, la charge fiscale de la TVA – que le taux soit de 5,5 % sur les produits alimentaires ou de 20 % sur les autres produits – n'est pas la même pour celui qui gagne 1 500 euros par mois et pour celui qui perçoit un salaire de 4 000 ou de 5 000 euros.
J'insiste, cet impôt est totalement injuste et pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des familles, nous le voyons. Pour notre part, nous avons, à l'amendement n° 942 rectifié, proposé une autre solution. Je vous invite donc à le voter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je ne voudrais pas prolonger les débats, mais il s'agit d'une question importante.
Madame Poncet Monge, ce n'est pas une question de fierté. Il s'agit d'avoir l'analyse la plus objective possible en matière de mobilité du capital, en fonction de la fiscalité en vigueur.
Force est de constater qu'avec la réforme de la flat tax l'assiette d'investissements, de dividendes et de capital a augmenté. J'en ai pour preuve le fait que le produit fiscal induit a été supérieur à celui de la période précédente, et ce dès 2018.
Bref, réduire les taux sur les assiettes dynamiques fonctionne et fait augmenter les revenus imposables, donc le produit fiscal. C'est là un dispositif gagnant-gagnant : vous favorisez l'investissement dans le pays et, en retour, vous recevez plus de produit fiscal et social.
C'est en cela que cela consiste une bonne politique fiscale. Il est question non pas de fierté idéologique, mais d'efficacité des mesures que nous prenons.
Je comprends parfaitement que vos amendements sont sous-tendus par la volonté d'augmenter les taux de fiscalité sur le revenu du capital.
Vous avez raison, monsieur Jomier, il existe une différence objective entre la fiscalité sur le revenu du capital et celle qui pèse sur le travail. Ce qui est sûr, c'est que l'un est plus mobile que l'autre ! Très rapidement, les recettes issues du capital iront ailleurs si nous revenons à des niveaux de fiscalité qui ne sont pas ceux qui ont fait les belles années de l'investissement en France – il nous faut nous en souvenir.
Il y a deux façons de procéder : soit nous nous considérons en économie fermée et, par pure idéologie, nous augmentons les taux de fiscalité et puisons dans ce que nous croyons être des réserves, soit nous regardons la mobilité du capital comme une réalité factuelle et nous nous efforçons d'attirer les investisseurs dans notre pays plutôt que de provoquer leur fuite.
Tel est l'objet du débat que nous avons eu ces dernières années. À cet égard, je maintiens que la politique économique conduite depuis 2017 a donné raison à la réduction de la fiscalité sur le revenu du capital.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Depuis quelques années, certaines entreprises sont devenues compétitives grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui, je le rappelle, a été voté à gauche, par les groupes socialiste et communiste.
Mmes Céline Brulin et Silvana Silvani. Nous ne l'avons pas voté !
M. Daniel Chasseing. Elles ne l'étaient pas auparavant, parce que le prix moyen de l'heure de travail était plus élevé que dans tous les autres pays d'Europe, notamment en Allemagne.
C'est par des exonérations que nous avons pu réduire le coût du travail.
Nous devons mettre en avant la valeur travail. C'est elle qui suscite de la fierté et assure un développement tant personnel que familial.
La politique de l'offre qui a été conduite ces dernières années doit être poursuivie, pour créer plus d'emplois, plus de cotisants, plus d'entreprises. C'est ainsi que nous réussirons à régler le problème de financement des retraites et de la sécurité sociale, dans son ensemble.
Entre 2018 et 2023, nous avons constaté 600 créations nettes d'entreprises supplémentaires ; entre 2012 et 2018, nous en comptions 600 de moins. Bien sûr, tout n'est pas réglé, mais cette progression est une réussite. Je salue en particulier les avancées intervenues en matière d'apprentissage, dont nous avons parlé tout à l'heure.
Concernant les capitaux, nous sommes en compétition avec d'autres pays d'Europe.
Nous avons également pris des décisions qui n'étaient pas très utiles.
Ainsi, la suppression de la taxe d'habitation nous a coûté 22 milliards d'euros. Une telle mesure n'est bénéfique que si nous avons les moyens de la compenser. Pourtant, comme pour les 35 heures, ce n'était pas le cas.
De même, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public nous a fait perdre 3 milliards d'euros supplémentaires. Là non plus, nous n'avions pas les moyens d'acter ce genre de réforme ! Au total, nous avons perdu 25 milliards d'euros.
Bref, voilà des mesures dont nous aurions pu nous passer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1221 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Puissat, l'amendement n° 1068 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Frédérique Puissat. J'accepte de retirer cet amendement, sous réserve que le ministre s'engage à ce qu'un rapport sur ce sujet soit élaboré conjointement par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF).
C'est parole contre parole, monsieur le ministre… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Bernard Jomier. Les rapports, cela ne sert à rien ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Votre demande suscite beaucoup d'émoi, madame la sénatrice !
En l'état, je ne peux m'engager à ce qu'un tel rapport soit produit. Cependant, nous pouvons travailler sur ce sujet et je n'exclus pas de mettre à contribution l'Igas et l'IGF.
Nous pourrons faire le point ultérieurement sur les réflexions qui auront été menées.
M. le président. L'amendement n° 1068 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 945, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 10 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale, il est inséré une section… ainsi rédigée :
« Section...
« Contribution sur les plateformes de mise en relation par voie électronique
« Art. L. 137-18-1. – Il est institué une contribution sociale au taux de 10 % assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France ainsi que sur ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
« Elle est affectée aux caisses de retraite du régime de base obligatoire.
« Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L.136-6 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'État fixe la date d'application du présent article. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à faire contribuer les plateformes comme Uber au financement des caisses de retraite.
Depuis plus de dix ans, ces plateformes ont vendu aux travailleurs l'illusion de la liberté et de l'autonomie, alors qu'elles ont en réalité imposé un modèle d'auto-entrepreneuriat précaire permettant de s'affranchir des cotisations sociales. Des centaines de milliers de travailleurs se voient ainsi privés d'une véritable protection.
Selon l'Urssaf, en trois ans, Uber aurait fait perdre 2 milliards d'euros de cotisations.
En France, près de 300 000 travailleurs affiliés à ces plateformes subissent cette situation. S'ils étaient requalifiés en salariés et rémunérés au moins au niveau du Smic, ils pourraient contribuer à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an à notre système de solidarité.
Pour rappel, ces travailleurs ne sont pas indépendants. Ils subissent une subordination économique et algorithmique reconnue par de nombreuses jurisprudences. Aussi, il est urgent d'instaurer une présomption légale de salariat ; nous avons déjà eu un débat sur ce sujet à d'autres occasions.
À défaut, nous demandons la mise à contribution exceptionnelle de ces plateformes pour financer les retraites. Cela doit être regardé non pas comme une faveur, mais comme un juste dédommagement pour les manques à gagner qu'elles infligent à notre système de protection sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame la sénatrice, nous comprenons votre préoccupation et nous la partageons en partie. Néanmoins, sous couvert d'imposer une nouvelle contribution à un certain type d'entreprises, vous entendez quelque peu revenir sur la réforme des retraites. Cela ne peut motiver qu'un avis défavorable de notre part.
Au passage, je vous ferai remarquer que le mode de financement que vous proposez revient à fiscaliser davantage le financement de la protection sociale et conduit donc à renforcer la place de l'État dans la gestion de la protection sociale, au détriment des partenaires sociaux.
J'ose penser que ce n'est pas la direction que vous souhaitez prendre, même si c'est ce que nous ressentons.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Quand prendrons-nous réellement à bras-le-corps la question des plateformes ?
Madame la rapporteure générale, je ne vois pas en quoi l'adoption de cet amendement aurait pour effet de modifier la réforme des retraites. Il s'agit simplement de faire contribuer tous les revenus du travail au financement de la protection sociale, notamment des retraites.
Les travailleurs affiliés à ces plateformes sont exploités. (Mmes Pascale Gruny et Frédérique Puissat protestent.) Il y a eu beaucoup d'avancées, en particulier grâce à l'Union européenne, mais nous sommes encore très loin du compte.
J'insiste, ce sont des gens exploités…
Mme Frédérique Puissat. Non !
Mme Monique Lubin. Bien sûr que oui ! Comment pouvez-vous nier cette réalité ? Est-elle réellement contestable ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Les travailleurs Uber ou les livreurs qui traversent Paris par tout temps, dans n'importe quelle condition, ne sont-ils pas exploités ? Bien sûr que si ! Ce sont les esclaves du XXIe siècle. (Mêmes mouvements.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est pour cela que je ne commande jamais de pizzas sur ces plateformes !
Mme Monique Lubin. Encore une fois, quand allons-nous nous attaquer réellement à ce problème ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures,
est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 27 novembre d'une déclaration en application de l'article 50-1 de la Constitution portant sur les négociations en cours relatives à l'accord d'association entre l'Union européenne et le Mercosur, suivie d'un débat et d'un vote.
Ce débat pourrait avoir lieu à seize heures trente, à l'issue des questions d'actualité au Gouvernement.
Acte est donné de cette demande.
Pour ce qui concerne son organisation, nous pourrions prévoir que les orateurs des groupes interviennent selon un ordre suivant l'effectif décroissant des groupes, avec les temps de parole suivants : quatorze minutes pour le groupe Les Républicains, douze minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dix minutes pour le groupe Union Centriste, huit minutes pour les autres groupes, trois minutes pour un sénateur non inscrit.
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat serait fixé au mardi 26 novembre, à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?...
Il en est ainsi décidé.
7
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 575 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l'article 7.
Après l'article 7 (suite)
L'amendement n° 575 rectifié, présenté par Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Montaugé et Uzenat, Mmes Bélim, Conway-Mouret et Bonnefoy, MM. Redon-Sarrazy, Fagnen, Cozic et Michau, Mme Carlotti et MM. Ziane et Bourgi, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, les mots : « les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie » sont remplacés par les mots : « la contribution mentionnée à l'article L. 136-2 ainsi que les revenus professionnels des travailleurs indépendants mentionnés au I de l'article L. 136-4 ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Dans le souci constant de proposer des recettes pour assurer à terme l'équilibre des différentes branches de notre chère sécurité sociale et toujours dans l'attente d'une loi Grand Âge, qui nous permettrait d'avoir une vision générale des exonérations en fonction des différents statuts des établissements, ainsi que de répondre aux professionnels toujours oubliés du Ségur, je vous propose cet amendement qui vise à assurer le financement de la branche autonomie en assujettissant à la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) des revenus qui en sont aujourd'hui exonérés, notamment les sommes allouées aux salariés au titre de l'intéressement, de la participation de l'employeur au plan d'épargne, ainsi que les revenus des travailleurs indépendants.
Il s'agit donc d'élargir l'assiette de la CSA, qui est actuellement limitée aux cotisations patronales d'assurance maladie.
Cette proposition émane du rapport Vachey qui recommandait d'assujettir à la CSA l'ensemble des revenus redevables de la contribution sociale généralisée (CSG). Aligner ainsi l'assiette de la CSA sur celle de la CSG rapporterait 600 millions d'euros, ce qui serait un petit pas vers la couverture des besoins du secteur de l'autonomie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je rappelle que le régime des travailleurs indépendants a subi ces dernières années de nombreux changements, tant sur son assiette que sur ses cotisations.
Contrairement à un salarié classique, le travailleur indépendant supporte seul la charge d'employeur et de salarié. C'est précisément cette particularité qui justifie l'existence de taux spécifiques.
La CSA, qui finance la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), est toutefois à la charge unique des employeurs. Il ne semble donc pas souhaitable d'alourdir les cotisations des travailleurs indépendants, qui bénéficient en contrepartie d'une moins bonne couverture, vous en conviendrez, mes chers collègues.
En revanche, l'assujettissement des sommes liées au partage de la valeur dans l'entreprise constitue un sujet de réflexion. À ce propos, ma chère collègue, vous citez le rapport Vachey, que j'ai également lu avec beaucoup d'attention. Toutefois, celui-ci semble en appeler à une réponse d'ensemble, plutôt qu'à des mesures isolées.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Même avis.
M. le président. L'amendement n° 754 rectifié, présenté par Mmes Conconne, Bélim, Canalès, Artigalas et Lubin et MM. Temal, Fagnen, Uzenat, Pla et Redon-Sarrazy, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 137-41 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Est instituée une contribution de solidarité de financement pour l'autonomie au taux de 1 % assise sur les revenus distribués au sens des articles 109 et 120 du code général des impôts. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus des capitaux mobiliers, pour financer la cinquième branche de la sécurité sociale, ainsi que le préconise le rapport Vachey.
La création de la branche autonomie n'a pas donné lieu à un financement pérenne de la perte d'autonomie ; or le rapport Libault fait état d'un besoin de financement annuel de 6 milliards d'euros à partir de 2024 et de 9 milliards d'euros à partir de 2030.
Il apparaît donc nécessaire de doter cette cinquième branche de financements propres pour permettre son équilibre et une montée en charge progressive de sa capacité financière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À mon sens, la création d'une contribution sur les dividendes versés aux actionnaires constituerait un risque réel pour l'attractivité de la place financière française et, in fine, pour les fleurons de notre industrie, qui voient déjà se multiplier les plans de sauvegarde de l'emploi.
De surcroît, cette disposition irait à rebours du mouvement de rapprochement de la fiscalité européenne sur l'actionnariat.
Je ne souhaite pas anticiper nos débats à venir, mais la contribution de solidarité par le travail permettrait de dégager le même rendement et me semble plus souhaitable au titre de la solidarité intergénérationnelle.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.
Nous devons faire attention à ne pas passer systématiquement par la hausse de la fiscalité, même si le débat sur les recettes ne doit être tabou ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ni dans le projet de loi de finances. Pour autant, il nous faut toujours comprendre quelles conséquences négatives sont susceptibles d'emporter les mesures que nous proposons et dans quel domaine. En l'espèce, nous avons déjà discuté de la taxation des revenus du capital.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 616 rectifié, présenté par Mme Pantel, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve et MM. Laouedj et Roux, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution pour l'autonomie sur la transmission de patrimoine
« Art. L. 137-42. – Est créée une contribution dénommée « contribution pour l'autonomie sur la transmission de patrimoine
« Son taux est fixé à 1 % sur l'actif net taxable, pour toute transmission de patrimoine supérieure à 150 000 €. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.
« La contribution pour l'autonomie sur la transmission de patrimoine est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1du présent code. »
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Depuis la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été chargée de répondre aux défis du vieillissement de la population. Cependant, cette cinquième branche nécessite des financements pérennes et ambitieux.
Dans un contexte d'inégalités patrimoniales croissantes, il semble juste que les efforts financiers pour soutenir l'autonomie soient partagés, en mobilisant une partie des transmissions de patrimoine les plus importantes.
Aussi, cet amendement vise à créer une contribution sur les transmissions de patrimoine qui ne s'appliquerait qu'aux successions et donations dont l'actif net taxable dépasse 150 000 euros par bénéficiaire. Le taux de cette contribution a été fixé à 1 % sur l'excédent au-delà de ce seuil.
L'intégralité des fonds générés par cette mesure sera directement allouée à la CNSA.
M. le président. L'amendement n° 831 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution exceptionnelle sur les successions et donations
« Art. L. 137-…. – Est créée une contribution exceptionnelle sur les successions et les donations.
« Son taux est fixé, dès le premier euro, à 1 % sur l'actif net taxable. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.
« La contribution sur les successions et les donations est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement tend à créer une contribution pour l'autonomie de 1 % sur les successions.
Actuellement, les rendements de la taxation sur les successions sont très faibles, car seule une petite minorité de celles-ci entraîne un prélèvement. Le gain de la taxation existante est donc très limité par rapport à l'assiette globale, comme l'a souligné en 2021 la direction générale du Trésor : les droits de succession n'ont rapporté que 12,6 milliards d'euros en 2020.
L'idée d'une taxation des successions n'est pas nouvelle. Une note du Conseil d'analyse économique (CAE) de 2021 proposait déjà une réforme en profondeur de la taxation de l'héritage, laquelle permettrait de réduire les droits de succession pour 99 % de la population, tout en apportant un surplus substantiel de recettes fiscales.
L'OCDE indiquait aussi en 2021 que les impôts sur les successions et les donations devraient jouer un rôle plus important pour réduire les inégalités et améliorer les finances publiques.
Le rapport Vachey a préconisé dès 2020 la mise en place d'un tel prélèvement obligatoire sur les successions, pour un rendement de 500 millions d'euros au bénéfice de la branche autonomie.
Ce financement pourrait ainsi, en plus de constituer une mesurette de redistribution du patrimoine, financer en partie les besoins de cette branche, que le rapport Libault, je le rappelle, a chiffrés à 6 milliards d'euros en 2024 – nous y sommes – et à 9 milliards d'euros annuels à partir de 2030.
Les capitaux concernés ne sont pas mobiles. Monsieur le ministre, il est temps de taxer davantage les successions. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nathalie Goulet. Non, non, non !
M. Laurent Burgoa. Arrêtez de taxer !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, vous parlez d'une mesurette, mais il s'agit pour moi d'une mesure d'ampleur concernant le régime fiscal des transmissions !
M. André Reichardt. Eh oui !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je considère qu'elle n'a pas sa place dans ce texte dans ces conditions. Elle mériterait, en effet, une étude approfondie dans le cadre d'un projet de loi permettant d'en cerner tous les effets.
De plus, une telle contribution sur la transmission de patrimoine ne semble pas souhaitable : elle remettrait en cause les efforts réalisés depuis plusieurs années afin de favoriser la solidarité intergénérationnelle au bénéfice des plus jeunes.
Je songe également aux transmissions concernant les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui sont très importantes dans nos territoires.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous parlons ici d'un rendement de près de 20 milliards d'euros, madame la sénatrice. On a déjà vu mesurette plus modérée ! Il s'agit d'une taxation lourde sur le patrimoine.
M. André Reichardt. Oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n'est pas du tout ce dont les Français ont besoin aujourd'hui.
En tout état de cause, une telle mesure est totalement contraire à la philosophie du budget du Gouvernement. Celui-ci ne cherche pas à taxer l'ensemble des Français, et certainement pas à s'attaquer à leur patrimoine.
Mme Raymonde Poncet Monge. Seulement 1 % !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement assume de défendre un budget contenant des prélèvements exceptionnels et temporaires sur certains de nos compatriotes en fonction de leur revenu, mais certainement pas de cette façon-là.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le terme « mesurette » faisait référence à la redistribution des patrimoines.
Je vous invite, madame la rapporteure générale, puisque vous appréciez la science économique, à lire l'ouvrage de Thomas Piketty sur la croissance des inégalités patrimoniales. Il est volumineux, mais très intéressant.
Dans cet amendement, il s'agit d'une taxation de 1 %. Vous soutenez que c'est insupportable. Je ne développerai pas davantage.
Notez toutefois que la mesure proposée ici est très ciblée. Il ne s'agit pas de s'en prendre à la maison de la grand-mère que le père transmettra ensuite.
D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, ni le CAE ni l'OCDE ne vous inviteraient depuis plusieurs années à mieux taxer le patrimoine. Vous le savez, il existe des niches fiscales, par exemple concernant les donations aux descendants tous les quinze ans, etc. Au-delà de son taux formel, le rendement de l'impôt est donc absolument déplorable au regard des richesses patrimoniales.
M. le président. L'amendement n° 948, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 14 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-… ainsi rédigé :
« Art. L. 137-… – Est instituée une contribution de solidarité par les actionnaires pour l'autonomie au taux de 2 % assise sur les revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à créer une journée de solidarité des dividendes, destinée au financement de la branche autonomie, en particulier à celui de la prise en charge à 100 % des fauteuils des personnes en situation de handicap.
Vous l'aurez compris, il s'agit là d'un projet alternatif à celui de la majorité sénatoriale, qui propose, quant à elle, une journée de solidarité de sept heures gratuites.
Par cet amendement, nous démontrons qu'il est possible de financer la branche autonomie en créant une contribution modique de 2 % sur les dividendes distribués aux actionnaires. Alors que la majorité sénatoriale projette de faire travailler gratuitement les salariés sept heures par an, nous entendons donc mettre à contribution les actionnaires.
Il existe, depuis 2003, une première journée de solidarité qui repose sur les salariés, les retraités et les malades. Pourquoi les actionnaires ne participeraient-ils pas, de manière symbolique, au financement de la branche autonomie pour laquelle, je le rappelle, il n'existe pas de contribution des employeurs ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 940, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I° Après le 5° du I de l'article L. 213-1, il est inséré un … ainsi rédigé :
« …° Le recouvrement de la contribution mentionnée à l'article L. 245-… du présent code ; »
2° Le chapitre V du titre IV est complété par une section …ainsi rédigée :
« Section…
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-…. – I. – Les revenus financiers des prestataires de service, mentionnés au livre V du code monétaire et financier, des sociétés tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés des sociétés tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, en application de l'article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale mentionnés à l'article L. 131-2 du présent code.
« Les revenus financiers, à l'exclusion des prestataires mentionnés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d'assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d'assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l'article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d'assurance vieillesse.
« II. – Les contributions sont définies annuellement par le calcul de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers de la société au sens de l'article L. 245-16.
« III. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l'article L. 123-1 du code de commerce s'acquittent annuellement d'une cotisation additionnelle d'assurance vieillesse dont le taux est égal à l'écart entre les dépenses de formation et de la masse salariale par rapport à la valeur ajoutée créée.
« Les cotisations additionnelles prévues au présent article ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d'assurance vieillesse. »
« IV. – Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. La sécurité sociale a un réel besoin de financement. Cet amendement vise à dégager de nouvelles recettes en mettant à contribution les revenus financiers des entreprises. Ce dispositif n'a toutefois pas vocation à s'inscrire dans la durée, puisque nous défendons une sécurité sociale financée exclusivement par la cotisation.
Pour autant, en l'état des comptes de la sécurité sociale, la mise à contribution du capital n'est pas plus incongrue que la fiscalisation de la TVA. La CSG sur les revenus de placement est même assez proche de la philosophie de cette proposition.
La seconde partie du dispositif de cet amendement est la plus importante : elle tend à moduler le taux de cotisation en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses.
Une telle modulation des cotisations sociales patronales nous apparaît comme un vecteur pour encourager le développement d'une gestion vertueuse d'entreprises émancipées de la finance et porteuses d'emplois. En faisant évoluer les cotisations patronales en fonction des politiques d'emploi et de salaire menées par les entreprises au sein d'une même branche d'activité, il devient possible de peser sur leurs choix de gestion.
L'adoption de cet amendement permettrait de dégager près de 60 milliards d'euros de recettes nouvelles et de revenir ainsi sur l'étatisation de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La recette annoncée est importante : là non plus, il ne s'agit vraiment pas d'une mesurette ! En réalité, c'est une charge fiscale énorme pour les entreprises.
Je rappelle que celles-ci supportent d'ores et déjà des impôts très lourds en France. Notre pays figure même, si je ne m'abuse, parmi les champions européens dans ce domaine. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que ce choix soit le plus judicieux. Nous vous proposons une autre voie, certes moins rentable.
À l'heure où nous constatons un certain décrochage de l'économie française et où de nombreux plans sociaux se profilent à l'horizon, je ne suis pas persuadée que l'objet de cet amendement constitue le signal le plus opportun à envoyer.
En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Il ne s'agit pas de traiter toutes les entreprises au même niveau. Nous n'entendons pas sanctionner celles qui entretiennent un rapport vertueux tant à l'emploi qu'à la répartition des richesses, mais viser bel et bien celles pour lesquelles ce n'est pas le cas. Cette distinction me semble primordiale.
La somme en question est considérable, ce qui signifie qu'elle concerne précisément des entreprises qui ne respectent pas les règles relatives à l'emploi et à la répartition des richesses.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 649 rectifié, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Féret, M. Kanner, Mmes Canalès et Conconne, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla et Uzenat, Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section XVIII du chapitre III du titre premier de la première partie du code général des impôts est ainsi rétablie :
« Section XVIII
« Contribution additionnelle à la charge de certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif
« Art. 235 ter.... – I. – Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles gérés par un organisme de droit privé à but lucratif sont assujettis à une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés dont le taux varie en fonction du niveau de leur rentabilité financière.
« La contribution additionnelle correspond à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219 du présent code, au titre du dernier exercice clos.
« Elle est égale à 20 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature, lorsque le résultat net de l'établissement est supérieur à 10 % du montant des capitaux propres de l'entreprise. Le taux est porté à 30 % lorsque le résultat net est supérieur à 15 % des capitaux propres.
« Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« II. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« III. – Le produit de la contribution est affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie définie à l'article L. 223-6 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à créer une taxe sur les superprofits réalisés par les Ehpad privés à but lucratif. Il s'inscrit dans la continuité de la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs, dont je suis à l'origine et qui a malheureusement été rejetée par le Sénat le 17 octobre dernier.
Au-delà du cas d'Orpea mis en lumière par Les Fossoyeurs de Victor Castanet, nous constatons une montée en puissance des groupes privés dans le secteur des Ehpad. Entre 1986 et 2015, le nombre de places en établissements médico-sociaux médicalisés a augmenté de 85 %, tandis que les places dans le secteur privé lucratif ont bondi de 560 %.
Aujourd'hui, les cinq plus grands groupes français d'Ehpad privés sont contrôlés par des fonds de capital-investissement. Cette financiarisation, encouragée par la quête de profit des investisseurs, s'est installée sous les yeux des pouvoirs publics, souvent pris de court. Les chiffres sont éloquents : les fondateurs d'Orpea détiennent aujourd'hui un patrimoine de plus de 1 milliard d'euros et les grands groupes d'Ehpad figurent parmi les 500 plus grandes fortunes françaises.
Le modèle économique du secteur repose en grande partie sur de l'argent public, notamment grâce aux sommes versées directement par les agences régionales de santé (ARS) pour les soins et par les conseils départementaux pour la dépendance, ainsi qu'aux subventions publiques. Ce financement public annuel représente environ 40 % du chiffre d'affaires des Ehpad privés à but lucratif.
Face à cette situation, il est impératif de mieux redistribuer ces superprofits en prévoyant une contribution additionnelle affectée à la CNSA, qui permettrait de réinjecter ces excédents dans l'amélioration des soins, le soutien au personnel et une prise en charge plus digne de nos aînés.
Il s'agit d'un enjeu de justice sociale et de responsabilité collective.
M. le président. L'amendement n° 753 rectifié, présenté par Mmes Conconne, Bélim, Canalès et Artigalas et MM. Temal, Redon-Sarrazy, Pla, Uzenat, Bouad et Fagnen, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …°Une contribution additionnelle à la charge de certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. ».
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Cet amendement d'appel tend à créer une contribution additionnelle à la charge de certains Ehpad privés à but lucratif. Il s'agit ainsi de mobiliser de nouvelles ressources pour financer les caisses nationales de solidarité pour l'autonomie en instaurant une taxe sur les superprofits réalisés par les Ehpad privés lucratifs.
Comme vient de le souligner Jean-Luc Fichet, ce sujet traîne depuis trop longtemps. De l'argent, il en faut pour nos aînés. De l'argent, il y en a dans le secteur privé lucratif.
Nous en avons déjà débattu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, il convient maintenant de trouver quelques leviers pour répondre à cette question cruciale.
M. le président. L'amendement n° 957 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une cotisation spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif, dont le taux et l'assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous avons identifié le problème originel lors de la création de cette branche autonomie : l'absence de cotisation venant l'abonder. Cet amendement vise à y répondre en partie.
La branche autonomie est aujourd'hui financée à 88 % par la CSG, le reste provenant des impôts, taxes et autres contributions et transferts.
Nous proposons donc de remédier partiellement à cette iniquité en doublant la CSA payée par les entreprises. Cette solution nous semble plus viable et plus juste que d'envisager, comme nous nous apprêtons à en débattre, de faire contribuer les salariés par du travail gratuit.
Madame la rapporteure générale, vous avez indiqué à plusieurs reprises au cours de ce débat que la situation des entreprises était compliquée.
C'est en effet le cas pour certaines d'entre elles, notamment pour les petites entreprises qui remboursent actuellement leur prêt garanti par l'État (PGE), alors que la consommation n'est pas au rendez-vous, compte tenu du niveau du pouvoir d'achat. Cependant, de nombreuses entreprises qui ne connaissent pas de telles difficultés lancent tout de même des plans sociaux, que je qualifie pour ma part de plans de licenciement. Ceux-ci relèvent essentiellement de la volonté de leurs directions – de plus en plus souvent même, des fonds financiers qui les pilotent – d'accroître leur niveau de marge. Nous considérons qu'il faut mettre ces entreprises à contribution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs de l'amendement n° 649 rectifié reprennent la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs qui a été examinée le 17 octobre dernier. Si ma mémoire est bonne, ce texte a été rejeté. Je serais donc tentée de dire : même avis, même vote ! Il ne me semble pas que le Sénat aura changé d'avis en quelques semaines.
Plus sérieusement, l'alourdissement de la fiscalité sur les gestionnaires d'Ehpad commerciaux ferait peser un risque majeur de désinvestissement dans ce secteur.
La dénonciation des excès de certains de ces établissements était tout à fait légitime et je suis en parfait accord pour mettre en cause ceux qui créent des produits financiers sur le dos des personnes âgées. Je ne mâche pas mes mots à ce sujet.
Pour autant, à la suite de cette dénonciation, l'ensemble du secteur des Ehpad commerciaux a été touché, y compris les personnels, les familles des résidents et les résidents eux-mêmes. Il a donc fallu redoubler d'efforts pour soutenir tous ces établissements. En effet, alors même que seuls certains d'entre eux se comportaient mal, c'est sur l'ensemble du secteur que l'opprobre a été jeté. Un sursaut de vérité s'est produit, ce dont il faut se réjouir si, mais cela a rendu les choses difficiles pour tout le monde.
De plus, il convient de nuancer : le public et le privé non lucratif ont également leurs limites. Il s'agit donc de trouver un équilibre entre tous ces acteurs dont nous avons besoin, car la population vieillit. Même si l'on entre en Ehpad à un âge de plus en plus avancé – environ 87 ans aujourd'hui –, de nombreuses places d'accompagnement sont nécessaires, notamment dans les structures spécialisées. Veillons à ne pas compromettre un équilibre, qui reste à trouver.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 649 rectifié.
Sur l'amendement n° 753 rectifié, je renvoie aux travaux de la commission des affaires sociales. Trois de ses membres ont présenté un excellent rapport d'information sur la situation des Ehpad, qui a montré qu'il fallait exclure un alourdissement de la fiscalité des établissements privés à but lucratif. Je renvoie également à la proposition de loi récemment rejetée.
Là encore, la commission est un avis défavorable.
L'amendement n° 957 rectifié vise quant à lui à créer une contribution sur les revenus générés par les Ehpad privés à but lucratif. Votre exposé était tout à fait intéressant, ma chère collègue : il a montré qu'il existait en effet d'autres sources de financement pour le grand âge.
Pour autant, la proposition de la commission que je présenterai dans quelques minutes est différente. Sur ce sujet, nous ne sommes pas d'accord. Vous faites part d'une appréciation politique, ce que j'entends parfaitement. Reste que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Leurs auteurs pointent de réels problèmes, mais ils apportent de très mauvaises solutions.
Qu'adviendrait-il si l'on augmentait la fiscalité des établissements privés ? Deux scénarios sont envisageables, qui ne sont d'ailleurs pas incompatibles : soit une baisse d'investissement du privé lucratif – or nous ne vivons pas dans un pays où l'offre de places dans ce domaine est excédentaire, nous avons donc besoin de l'ensemble de ces acteurs –, soit une répercussion sur les prix – les Français paieront plus cher.
Dans les deux cas, il s'agit d'une mauvaise nouvelle.
Vous soulignez la nécessité d'augmenter les contrôles des autorités administratives, nous sommes tous d'accord sur ce point. Toutefois, l'augmentation de la fiscalité est une fausse bonne réponse à cette problématique. Elle provoquerait simplement une attrition de l'offre ou une augmentation des tarifs.
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est de l'idéologie !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je veux bien tout entendre, y compris toutes les raisons que l'on peut trouver pour ne surtout pas solliciter les grands groupes lucratifs.
Les Ehpad sont aujourd'hui financés par trois biais différents. La puissance publique paie les soins et la dépendance. C'est donc sur la seule partie « hôtelière » qui reste à la charge des résidents que certains groupes bâtissent aujourd'hui des fortunes colossales.
Je ne suis pas contre l'entreprise : il faut créer de la richesse pour pouvoir la redistribuer. Si la puissance publique ne peut pas tout faire – et encore, ce domaine pourrait être réservé à des Ehpad publics ou privés non lucratifs –, on ne peut décemment pas ne pas mettre à contribution des investisseurs qui bâtissent de telles fortunes.
Les dispositifs proposés ne sont peut-être pas la bonne solution. Toutefois, mes chers collègues, consentez-vous du moins à ce que nous en cherchions d'autres ensemble ?
La situation actuelle n'est pas acceptable, d'autant que la plupart des Français ne pourront pas se payer une place en Ehpad. Les prix ont en effet déjà augmenté, monsieur le ministre : ils atteignent des niveaux astronomiques, pour un service qui n'a pas grand-chose à voir avec de l'hôtellerie 5 étoiles, alors que – je le répète – la puissance publique paie tout le reste.
Il nous faut donc impérativement nous attaquer à ce problème, mes chers collègues. (M. Alain Milon acquiesce.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le taux d'occupation dans les Ehpad a été affecté par le scandale qui a éclaté, et sans doute aussi par les limites d'un modèle qui est à bout de souffle. Vous conviendrez que cela n'a rien à voir avec la fiscalité, madame la rapporteure générale.
En ce qui concerne l'investissement, des études montrent bien que les groupes d'Ehpad comme Orpea et les groupes de crèches se sont appuyés, pour leur développement international, sur la profitabilité que rendent possible, en France, les financements alloués par la sécurité sociale. Ces groupes ont pu croître et créer de nouveaux établissements grâce à la rentabilité des premiers établissements créés.
Il arrive aussi que ces groupes croissent grâce à de l'endettement, la Caisse des dépôts et consignations, qu'il conviendra du reste d'interroger à ce sujet dans le cadre d'une audition, les aidant paradoxalement par un effet de levier.
Je doute donc que ces groupes qui adossent leur développement aux financements de notre sécurité sociale, uniques en Europe, se désengagent en cas de durcissement de la fiscalité.
La sécurité sociale étant la base de la profitabilité et l'un des facteurs du développement de ces groupes, il n'est pas raisonnable de ne pas les réguler financièrement, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Allez donc expliquer aux maires réunis en congrès ces jours-ci, en particulier à ceux qui sont gestionnaires d'Ehpad publics ou financeurs d'Ehpad privés, qu'ils soient à but lucratif ou non, qu'Orpea fait partie des cinq cents groupes les plus riches, alors qu'eux-mêmes n'auront pas un euro de plus pour mieux gérer leur Ehpad !
Des très nombreux établissements se rapprochent aujourd'hui des agences régionales de santé (ARS) parce qu'ils sont déficitaires et se voient attribuer des financements pour des postes.
Dans le même temps, lorsqu'un Ehpad privé lucratif n'affiche pas complet, les financements de postes qui lui ont été alloués en trop disparaissent.
Ainsi, un Ehpad qui a une capacité d'accueil de cent résidents se voit financer cent postes. S'il n'accueille finalement que quatre-vingts résidents, l'établissement n'embauchera que quatre-vingts salariés. Les contrôles en aval étant inexistants, les crédits ne sont pas rappelés.
C'est ainsi que les grands groupes réalisent des profits faramineux !
Je doute donc qu'une taxation de ces grands groupes les décourage d'investir dans notre pays. C'est tellement peu le cas que certains se développent aujourd'hui dans le secteur des crèches ! Comment pourraient-ils renoncer à cette extraordinaire manne d'agent public, d'autant que les contrôles sont rares ?
La situation est telle que nous pourrions aller jusqu'à doubler le nombre de contrôleurs que les recettes seraient encore supérieures aux coûts que leur embauche emporterait, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Lors des travaux de la mission d'information sur la situation des Ehpad que j'ai conduite avec Mmes Deseyne et Nadille, nous avons pu constater que les cahiers des charges des Ehpad à but lucratif n'étaient pas du tout les mêmes que ceux des Ehpad publics et privés à but non lucratif.
Les Ehpad privés à but lucratif accueillent ainsi des résidents plus riches, dont les places ne sont pas habilitées à l'aide sociale, et des résidents qui n'ont pas de pathologies lourdes nécessitant un personnel plus nombreux.
L'argent que nous donnons à ces établissements, nous le donnons, non pas à des résidents, mais à des actionnaires. Si cet argent allait aux Ehpad publics ou privés à but non lucratif, nous dépenserions moins pour mieux traiter les résidents. L'argent que nous donnons aux Ehpad privés à but lucratif, c'est aussi l'argent de la maltraitance !
Il est tout de même grave, mes chers collègues, de financer des places d'Ehpad au seul motif que nous en avons besoin, quels qu'en soient les coûts humains et financiers. Cette mauvaise gestion alimente la maltraitance institutionnelle.
Il est temps de regarder les choses en face. La proposition de M. Fichet n'est sans doute qu'une proposition parmi d'autres, mais elle a le mérite d'exister. Donner toujours plus d'argent aux actionnaires des Ehpad privés à but lucratif, en ne soumettant ces établissements à aucun cahier des charges ne résout rien. Au contraire, nous disposons de ce fait de toujours moins d'argent dans les caisses pour assurer la prise en charge des résidents dans d'autres établissements.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Les scandales relatifs aux Ehpad et aux crèches nous poussent à trouver des solutions. Dès lors que des financements publics sont consentis, il faut être en mesure de fixer des règles. Toutefois, qui dit régulation ne dit pas forcément taxation.
Les excès et les dérives constatés montrent qu'il faut contrôler davantage. Je crois que nous en sommes tous d'accord, mes chers collègues. Renforçons donc les contrôles et imposons des cahiers des charges de manière à réguler l'argent public qui est alloué à ces Ehpad et à ces crèches, mais n'instaurons pas une nouvelle taxe dont le seul effet sera le renchérissement des tarifs supportés tous les mois par les usagers de ces établissements, ainsi que M. le ministre l'a indiqué. Toutes les sensibilités représentées dans cette assemblée devraient pouvoir s'accorder sur ce point.
Nous sommes tous conscients de la situation déficitaire des Ehpad publics et des profits que les Ehpad privés à but lucratif réalisent grâce aux financements publics. Trouvons donc des solutions rapidement, mais, de grâce, n'instaurons pas une fois de plus une taxe supplémentaire qui s'imputera sur les résidents !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour explication de vote.
Mme Chantal Deseyne. Je dénonce comme vous les abus, voire la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés à but lucratif dont nous avons eu connaissance dans le cadre des travaux de la mission d'information sur ces établissements, mes chers collègues. S'il est donc nécessaire d'effectuer davantage de contrôle et d'améliorer l'encadrement de ce secteur, gardons-nous toutefois de faire des généralités.
Je rappelle en effet que nous avons besoin de ces établissements, car les secteurs public et privé à but non lucratif n'ont pas la capacité de mettre à disposition suffisamment de places. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je suis moi aussi très attentif à la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Pour autant, j'estime que la taxation des entreprises n'est pas la meilleure solution pour développer l'économie de notre pays, qui rencontre aujourd'hui des difficultés aiguës.
Nous ne parviendrons pas à relever le défi du vieillissement de la population par la seule action publique, mes chers collègues. Fort heureusement, nous pouvons compter sur les acteurs privés qui se sont mobilisés pour assurer l'accueil de nos anciens.
L'on parle beaucoup de la maltraitance dans les établissements privés, mais il y en a aussi dans les établissements publics où, il faut le dire clairement, les usagers ne sont pas toujours pris en charge comme il le faudrait.
Mme Annie Le Houerou. Par manque de moyens !
M. Michel Canévet. Il nous faut aussi être attentifs à cette réalité dans nos départements respectifs, mes chers collègues.
Je rappelle par ailleurs que le premier actionnaire du groupe Orpea, que certains collègues ont cité, est la Caisse des dépôts et consignations,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Je l'ai dit !
M. Michel Canévet. … sous le contrôle du Parlement, et que le deuxième actionnaire est la Maif (Mutuelle assurance des instituteurs de France), organisme mutualiste. Des intérêts publics sont donc impliqués dans la gestion d'établissements privés.
Plutôt que de taxer toujours plus ces établissements, j'estime qu'il nous faut rendre possible que des investisseurs répondent aux besoins de la population. C'est ainsi que nous parviendrons à développer l'économie de notre pays.
Mme Monique Lubin. Avec des tarifs de 4 000 euros par mois ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souscris aux propos des deux derniers orateurs.
Ne mélangeons pas tout, mes chers collègues. Des alertes ont donné lieu à des contrôles qui ont mis en évidence des faits de maltraitance dans certains établissements privés.
Je rappelle toutefois que, dans les établissements publics et privés à but non lucratif, qui représentent 90 % à 95 % des établissements de nos départements ruraux, les contrôles qui ont été menés ont montré que les résidents étaient correctement pris en charge.
J'en profite pour remercier les employés de ces établissements, en particulier les infirmières et les aides-soignantes, qui ne sont hélas ! pas assez nombreuses.
Du fait du vieillissement de notre population, le nombre de personnes âgées augmentera fortement d'ici à 2040, et même au-delà. Il nous faut rapidement trouver une solution pour prendre en charge ces personnes.
Nous avons besoin de capitaux et d'investisseurs pour créer des emplois, et partant, des cotisations qui nous permettront d'équilibrer nos régimes de retraite.
C'est de cette manière que nous devons procéder.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Certains orateurs paraissent prêter aux parlementaires de gauche un réflexe pavlovien de taxation. (Oui ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C'est faire erreur, mes chers collègues !
Mme Céline Brulin. Comme beaucoup d'entre vous, je suis convaincue que les personnels qui accompagnent nos anciens agissent par vocation et qu'ils font de leur mieux, dans les établissements publics comme privés.
M. Michel Canévet. C'est vrai !
Mme Céline Brulin. Sans ouvrir un débat sémantique, lucratif signifie « qui apporte des gains, des bénéfices, des profits ». Cela ne pose aucune difficulté si ces profits sont réinvestis pour améliorer les conditions d'accueil des résidents.
Au-delà des scandales, c'est une logique que nous dénonçons. Tapez « investissement Ehpad » dans n'importe quel moteur de recherche, mes chers collègues : vous vous verrez proposer des taux de rendement qui laissent rêveurs…
L'accompagnement et les soins apportés à nos anciens sont-ils réellement compatibles avec l'objectif de faire de l'argent pour de l'argent, et non pour que celui-ci soit réinvesti pour améliorer les conditions d'accueil ?
Aujourd'hui, 66 % des Ehpad et 85 % des Ehpad publics sont en déficit. Dans de telles conditions, n'est-il pas raisonnable de nous efforcer de trouver de nouveaux moyens pour résorber ces déficits ? Pour ma part, j'estime que nous pouvons aller chercher dans le privé une partie de moyens qui nous permettront d'améliorer le ratio d'accompagnement.
M. le président. L'amendement n° 682 rectifié, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une cotisation sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des établissements et services mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique. Le taux de cette contribution est fixé à 15 %. Elle est reversée intégralement à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
La contribution est assise sur l'ensemble des dividendes réalisés dans les entreprises mentionnées au premier alinéa, réalisés en France, ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
Un décret fixe la date et les modalités d'application du présent article.
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Cet amendement vise à limiter les velléités démesurément lucratives des établissements accueillant les publics les plus fragiles.
Je souhaite revenir sur les crèches, que nous avons brièvement évoquées au détour de notre discussion sur les Ehpad.
Chaque année, nous proposons des mécanismes de régulation auxquels l'on oppose une fin de non-recevoir.
Le scandale relatif aux crèches a montré les graves dérives dont certains établissements ont été le lieu. Le groupe People & Baby en particulier, dont je rappelle que les salariés n'ont pas été correctement payés au mois d'octobre, a été montré du doigt pour des défaillances dans la qualité de l'accueil des enfants.
Les quatre mastodontes du secteur des crèches privées, qui sont à l'origine de 90 % des créations de places, sont aujourd'hui financés, non pas par des investisseurs locaux qui accompagneraient les territoires en offrant des places que le public n'est pas en mesure de proposer, mais par des fonds de pension américains.
Ces groupes qui ne recherchent que le profit au détriment de la qualité d'accueil des enfants et des conditions de travail de leurs employés mettent de plus en difficulté les collectivités locales qui leur ont consenti une délégation de service public.
Notre objectif est donc de réguler, monsieur le ministre. L'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, votre prédécesseur nous a répondu, au sujet des Ehpad, qu'il convenait de « porter le fer sur la régulation et le contrôle plutôt que de recourir systématiquement à une nouvelle taxe à chaque difficulté rencontrée ». Depuis, en dépit des scandales, rien ne s'est passé. Aucun renforcement du dispositif de contrôle n'est intervenu.
Pour notre part, nous continuons d'affirmer qu'il faut trouver des solutions. Par cet amendement qui vise non pas à taxer pour taxer, mais à réguler pour accompagner un développement plus harmonieux pour le bien des enfants et des collectivités, nous vous proposons une première solution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Dans un monde idéal, des philanthropes pallieraient le manque de places dans nos Ehpad, nos crèches et nos établissements médico-sociaux. Tel n'étant pas le cas, ma chère collègue, j'estime qu'il faut laisser une place au privé lucratif, à condition que celui-ci fasse l'objet de contrôles et d'une surveillance accrus pour s'assurer que la recherche du gain n'est pas démesurée. La dénonciation de certains faits a tout de même eu pour conséquence un encadrement plus scrupuleux.
Par cet amendement, vous proposez d'instaurer une cotisation dont le taux serait fixé à 15 % sur les dividendes des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi que sur les établissements d'accueil du jeune enfant, ma chère collègue.
Une telle disposition découragera sans doute un grand nombre d'investisseurs ; or elle concernera de nombreux établissements dont nous ne pouvons pas réellement nous passer.
Mme Audrey Linkenheld. Ce n'est pas très clair…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de mettre fin à la course effrénée à la rentabilité dans ces secteurs qui prennent en charge des publics particulièrement vulnérables.
Nous sommes également tous d'accord sur la nécessité de trouver des financements pour l'autonomie, pour l'accompagnement des personnes âgées ou handicapées et pour la petite enfance.
Nous avons toutefois un désaccord sur les moyens d'y parvenir.
Mme Audrey Linkenheld. C'est sûr…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je rejoins du reste mon collègue Michel Canévet : pensez-vous améliorer concrètement les conditions de prise en charge des publics accueillis en taxant davantage les établissements ?
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement comme ceux qui ont été précédemment examinés sont en réalité des amendements d'appel. Au fond, vous souhaitez que les activités visées ne puissent pas relever d'acteurs privés à but lucratif. (Non ! sur les travées du groupe SER.)
Mme Marion Canalès. Nous n'avons pas vraiment dit cela.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C'est un vrai débat.
Par la taxation, vous entendez stopper les investissements privés, madame la sénatrice, et c'est votre droit de considérer que la prise en charge de la petite enfance doit relever exclusivement du service public. Du reste, c'est une ambition que l'on peut partager.
La demande est toutefois telle qu'aujourd'hui nous avons besoin des acteurs privés, sous réserve bien sûr que ces derniers soient encadrés, soumis à des contrôles plus efficaces et à des cahiers des charges plus stricts. Sur ce point, je vous rejoins.
En tout état de cause, et je ne peux pas croire que les auteurs de cet amendement et des précédents n'en soient pas conscients, la taxation serait totalement contre-productive au regard de l'objectif d'augmentation du nombre de places dans les établissements médico-sociaux et dans les crèches. C'est pourquoi j'estime qu'il s'agit d'amendements d'appel.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, dont l'objet n'est pas à proprement parler fiscal ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'estime en effet qu'il ne devrait pas être possible de faire du profit sur des activités d'accueil de publics vulnérables, monsieur le ministre. Vous mélangez habilement le refus du privé et celui de la financiarisation.
Le groupe Orpea, que j'ai longuement étudié, a bénéficié de retours sur investissement très rapides grâce aux financements publics, si bien qu'il a pu financer sa croissance sans ajouter un centime d'investissement.
Vous craignez qu'une taxation ne décourage les investisseurs, monsieur le ministre, mais, si l'on tient compte des financements de la sécurité sociale, nous avons déjà payé trois ou quatre fois les places d'Ehpad et de crèche créées ! Est-il normal que des activités de soins ou de crèche donnent lieu à de tels niveaux de dividendes ?
Nous parlons non d'acteurs privés qui investiraient dans un petit Ehpad familial – je ne suis du reste pas certaine que cela existe encore –, mais d'un secteur financiarisé dont les profits indécents sont dégagés au détriment de la qualité de l'accueil.
Je le répète, grâce aux financements de la sécurité sociale, nous avons déjà payé chaque place d'Ehpad et de crèche deux, trois ou quatre fois. Il s'agit simplement de mettre un terme à cette spoliation et d'en réaffecter les bénéfices. Avec cet argent, nous aurions pu créer des crèches publiques. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je suis d'accord pour abandonner l'idée d'une taxe additionnelle au profit d'un renforcement des contrôles, à condition que l'on s'engage à contrôler chaque établissement au moins tous les deux ans de manière aléatoire.
J'estime que de tels contrôles, qui devront également porter sur l'utilisation de l'argent public, et conduire à sa restitution en cas de trop-perçu, seront tout aussi dissuasifs qu'une taxation. Les investisseurs y regarderont à deux fois avant de s'engager et, s'ils le font, ils adopteront un autre mode de gestion.
En tout état de cause, nous ne sommes pas du tout opposés à l'investissement privé, dès lors qu'il est encadré et que les profits qu'il permet contribuent à l'amélioration des conditions d'accueil des publics pris en charge.
Je rappelle que, du fait des conditions d'accueil dans le public, qui manque de moyens, et de celles dans le privé qui, lui, ne manque pas de moyens, mais qui ne souhaite pas les consacrer à l'amélioration des conditions d'accueil, seulement 15 % des personnes âgées hébergées en Ehpad sont heureuses d'y vivre.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. La disposition proposée n'est pas une taxation à l'aveugle sur des acteurs privés, qui ont par ailleurs tout à fait le droit de développer une activité économique. Il s'agit d'instaurer une cotisation sur des dividendes qui sont produits grâce à de l'argent public et par des groupes qui font l'objet de recapitalisations par des fonds de pension. En effet, les quatre mastodontes visés ont fait appel à des fonds d'investissement. Je ne vois donc pas où est le problème.
Je ne retirerai pas mon amendement, monsieur le ministre. Comme celui de votre prédécesseur l'année dernière, votre avis sera défavorable. Dont acte.
En 2022, Jean-Christophe Combe, alors ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, a annoncé qu'il fallait des contrôles. Depuis, rien ne s'est passé, si bien que toute une génération d'enfants, désormais scolarisée, aura été accueillie dans des crèches dont certaines ont pu être le lieu de déviances du fait de la recherche de profit.
Nous avons eu un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) demandé par M. Combe, des rapports d'information du Sénat et de l'Assemblée nationale. Arrêtons de faire des rapports et passons aux actes. Il faut désormais que les contrôles soient effectifs et que des solutions soient trouvées. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et lors de l'examen du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. J'ai demandé la parole en réaction à l'hostilité manifeste de la gauche de cet hémicycle à tout ce qui a trait au privé, mais j'ai été rassuré par la mise au point de Jean-Luc Fichet.
C'est une hérésie de croire que nous réglerons tout par l'action publique.
Mme Annie Le Houerou. Ce n'est pas ce qu'on a dit !
M. Michel Canévet. Si on le pouvait, cela se saurait. Il est temps de reconnaître que le privé a toute sa place aux côtés du public pour répondre aux besoins de la population.
En Bretagne, par exemple, la plupart des médecins exercent à titre privé, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes relèvent presque exclusivement du secteur privé, marginalement du secteur privé à but non lucratif, tandis que les établissements hospitaliers sont pour la plupart mutualistes ou privés. Telle est la situation, mes chers collègues.
Arrêtons donc d'opposer le privé et le public et admettons que nous avons besoin de l'articulation de ces deux secteurs pour apporter à la population les services dont elle a besoin. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements et de deux sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 125, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'intitulé de la section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier de la troisième partie est ainsi rédigé : « Contribution de solidarité par le travail » ;
2° L'article L. 3133-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « contribution de solidarité par le travail » ;
b) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° D'un temps de travail supplémentaire non rémunéré pour les salariés ; » ;
3° L'article L. 3133-8 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « sept heures, durant la journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « quatorze heures, au titre de la contribution de solidarité par le travail » ;
b) Au 2°, les mots « d'une journée » sont remplacés par les mots : « de deux journées » ;
c) Au 1° et au dernier alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quatorze » ;
4° À la première phrase de l'article L. 3133-9, les mots : « journée de solidarité, dans la limite de sept » sont remplacés par les mots : « contribution de solidarité par le travail, dans la limite de quatorze » ;
5° L'article L. 3133-10 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
- les mots : « une journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « les heures de travail correspondant à la contribution de solidarité par le travail » ;
- les mots : « d'une nouvelle journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « de nouvelles heures de travail correspondant à cette même contribution » ;
- les mots : « ce jour » sont remplacés par les mots : « à ce titre » ;
b) Au second alinéa, les mots : « cette journée supplémentaire » sont remplacés par les mots : « ces heures supplémentaires » ;
6° L'article L. 3133-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « de la journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « des heures de travail effectuées au titre de la contribution de solidarité par le travail » ;
b) Les quatre derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet accord peut prévoir toute modalité permettant le travail de quatorze heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises, à l'exception d'heures de travail effectuées le 1er mai. » ;
7° À l'article L. 3133-12, les mots : « de la journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « des heures de travail effectuées au titre de la contribution de solidarité par le travail » ;
8° Après les mots : « ne peut », la fin de l'article L. 3134-16 est ainsi rédigée : « définir des modalités d'accomplissement de la contribution de solidarité par le travail sous la forme d'heures de travail effectuées le premier ou le second jour de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint. » ;
9° À l'article L. 3422-1 du même code, les mots : « journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « contribution de solidarité par le travail ».
II. – La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code général de la fonction publique est ainsi modifiée :
1° À l'intitulé, les mots : « journée de solidarité » sont remplacés par les mots : « contribution de solidarité par le travail » ;
2° L'article L. 621-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-10.- La contribution de solidarité par le travail prévue à l'article L. 3133-7 du code du travail peut être accomplie par les agents publics sous la forme de toute modalité permettant le travail de quatorze heures précédemment non travaillées, à l'exception d'heures de travail effectuées le 1er mai et à l'exclusion des jours de congés annuels. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 621-11 est ainsi rédigé :
« Les modalités d'accomplissement des heures de travail effectuées au titre de la contribution de solidarité par le travail sont fixées : ».
III. – Au second alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2008-351 du 16 avril 2008 relative à la journée de solidarité, les mots : « la journée de solidarité ne peut être accomplie » sont remplacés par les mots : « les heures de travail effectuées au titre de la contribution de solidarité par le travail ne peuvent être accomplies ».
IV. – L'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « la journée de solidarité mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail est fixée » sont remplacés par les mots : « les modalités d'accomplissement de la contribution de solidarité par le travail mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail sont fixées » ;
2° Les quatre derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le respect des procédures énoncés aux alinéas précédents, la contribution de solidarité par le travail peut être fixée sous la forme de toute modalité permettant le travail de quatorze heures précédemment non travaillées, à l'exception d'heures de travail effectuées le 1er mai et à l'exclusion des jours de congés annuels. »
VI. – À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % ».
VII. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, j'ai le sentiment que vous attendiez cet amendement avec impatience, même si vous ne manifestez pas la même appétence ou le même enthousiasme sur toutes les travées.
La préoccupation qui nous est commune reste de trouver comment financer le mur du grand âge, le virage domiciliaire, la transformation des Ehpad, l'investissement dans les Ehpad publics, en d'autres termes comment établir une stratégie pour répondre au vieillissement de la population.
Tout d'abord, nous n'avons pas assez anticipé dans ce pays le vieillissement de la population. Cela est indéniable. Dire que nous sommes au pied du mur n'a rien d'exagéré. Nous nous retrouvons face à de grosses difficultés, comme Dominique Libault l'annonçait déjà en 2019 dans le rapport de la concertation Grand Âge et autonomie, où les besoins étaient évalués à au moins 10 milliards d'euros. S'il fallait réactualiser cette prévision, le montant ne serait certainement pas loin du double.
Alors, que faire ? Au cours du débat, nos collègues situés à la gauche de cet hémicycle ont fait des propositions que nous avons écoutées. À présent, nous présentons la nôtre. Je ne vous cache pas qu'elle trouve son inspiration dans le rapport Vachey que certains d'entre vous ont cité. La piste d'un jour travaillé pour la solidarité y figure déjà. Dans leur rapport d'information sur la situation des Ehpad, nos collègues de la commission préconisent elles aussi la mise en place d'une journée de solidarité.
Nous avons donc mûri notre réflexion en nous intéressant à l'évolution de la première journée de solidarité, qui a été instaurée en 2004. D'abord fixée au lundi de Pentecôte, elle s'est ensuite appliquée de manière assez souple. Le choix de la journée a été laissé à l'entreprise ou aux salariés. Certains ont pu la prendre sur des jours de réduction du temps de travail (RTT), d'autres en la fragmentant en deux demi-journées, voire plus, réparties dans l'année. En réalité, les conditions d'application de cette journée de solidarité dépendent de l'entreprise, de son activité et du dialogue social qui existe en son sein.
Nous avons fait évoluer la terminologie, en préférant désigner notre dispositif non pas comme une « journée de solidarité » mais comme une « contribution de solidarité par le travail ». Il ne s'agit pas là de « faire passer l'affaire » (M. Bernard Jomier manifeste son scepticisme.), mais de rendre compte du fait que, dans les entreprises, l'organisation initiale a pris des formes différentes, depuis quelques années.
Nous proposons le doublement des heures de travail pour la solidarité, soit un passage de sept heures à quatorze heures. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Pour le dire plus clairement, à la journée de solidarité de sept heures qui existe déjà, nous proposons d'ajouter une nouvelle contribution de sept heures de travail sans rémunération par an, qui devrait garantir un financement pérenne de 2,5 milliards d'euros. Il ne s'agit évidemment pas de demander une contribution de solidarité de quatorze heures en plus de la journée de solidarité qui existe déjà.
Mes chers collègues, ce n'est pas de gaieté de cœur que nous faisons cette proposition. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Dans ce cas, ne le faites pas !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce genre de mesure est toujours compliqué à introduire.
D'ailleurs, je suppose que ce n'est pas non plus de gaieté de cœur que vous avez proposé les contributions que nous avons examinées précédemment. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Nous sommes donc dans le même état d'esprit que vous. Cette mesure est utile, car il nous faut trouver de nouveaux moyens de financement. La contribution de sept heures supplémentaires que nous proposons en est un.
M. le président. Le sous-amendement n° 1360, présenté par M. Canévet, est ainsi libellé :
Amendement n° 125
I. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
II. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
deux journées
par les mots :
vingt-cinq heures
III. – Alinéa 12
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
IV. – Alinéa 13
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
V. – Alinéa 23
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
VI. – Alinéa 30
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
VII. – Alinéa 37
Remplacer le mot :
quatorze
par le mot :
vingt-cinq
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Nous venons de l'évoquer assez longuement, la situation de l'hébergement et de l'accueil des personnes âgées dans notre pays est tellement difficile qu'elle nécessite que nous mobilisions des moyens importants. La proposition qui vient d'être formulée par la rapporteure générale est intéressante, mais ne me semble pas suffisante, en particulier pour répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Il nous faut donc aller plus loin, et même beaucoup plus loin, si nous voulons dégager les moyens qui permettront cette prise en charge que tout le monde attend.
M. Jean-Luc Fichet. Toujours plus !
M. Michel Canévet. Par ailleurs, vous observerez, mes chers collègues, que nous avons depuis longtemps un problème de productivité du travail dans notre pays. Nous ne sommes pas assez productifs. Regardez les pays voisins ! Notre pays est très loin de la moyenne de l'OCDE pour ce qui est du temps de travail. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Étonnez-vous, dès lors, que nous ne tenions pas notre rang dans la compétition internationale entre les entreprises – car, oui, nous sommes très loin dans le classement !
Il importe donc de trouver des réponses au problème ; cela passe par un effort collectif.
Mme Cécile Cukierman. Le travail gratuit va renforcer la productivité de la France !
M. Michel Canévet. Cela signifie que tout le monde doit participer. En effet, la protection sociale concerne tout le monde et chacun y a droit. Pour y avoir droit, il faut contribuer ; chacun doit donc contribuer.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les salariés ! Toujours les mêmes…
M. Michel Canévet. Ce ne sont pas toujours les mêmes, rassurez-vous, chère collègue.
Ce sous-amendement vise à apporter des réponses non seulement pour l'année qui vient, mais également pour les deux ou trois années suivantes. Je propose donc de porter le temps de travail à 1 625 heures, contre 1 607 heures aujourd'hui.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est facile de faire travailler les bras des autres !
M. Michel Canévet. Je vous assure que cela ne suffira pas : il faudra trouver d'autres réponses encore.
M. le président. Le sous-amendement n° 1365, présenté par Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Amendement n° 125, après l'alinéa 38
I. – Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
.... – Le 1° de l'article L. 241-6-2 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigé :
« 1° Une fraction égale à trois quarts du produit de la contribution prévue à l'article L. 137-40 ;
« 1° bis La contribution prévue à l'article L. 137-41 ; »
.... – Le b de l'article L. 3332-1 du code général des collectivités est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Une fraction égale à un quart du produit de la contribution prévue à l'article L. 137-40. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. L'adoption de l'amendement de la commission des affaires sociales doit générer une hausse de 2,5 milliards d'euros pour la branche autonomie via la hausse du taux de la contribution de solidarité pour l'autonomie de 0,3 % à 0,6 %. Cette hausse viendra augmenter les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Les départements se félicitent sur le principe de l'octroi de ces moyens supplémentaires, à l'heure où ils sont durement confrontés à un effet ciseaux entre les évolutions respectives de leurs ressources et de leurs dépenses. En conséquence, une partie de cette somme devrait leur bénéficier afin de poursuivre les politiques conduites auprès des personnes âgées.
En 2024, alors que la CNSA a bénéficié d'un transfert de 0,15 point de CSG, et à l'exception d'un complément de 150 millions d'euros prévu dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, les concours de la CNSA pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et pour la prestation de compensation du handicap (PCH) n'ont pas été augmentés en conséquence.
Le taux de couverture des dépenses d'APA et de PCH des départements – soit respectivement 40 % et 30 % en moyenne – est désormais insuffisant pour faire face aux enjeux des politiques de soutien à l'autonomie, liés notamment au virage domiciliaire et au choc démographique.
Il convient de rehausser en urgence ces concours pour les porter à 50 %, ce qui impliquerait une hausse des ressources de 1,4 milliard d'euros environ.
C'est pourquoi il est proposé de flécher dès à présent la moitié de hausse de la CSA vers les conseils départementaux.
M. le président. L'amendement n° 903 rectifié ter, présenté par MM. Canévet et Mizzon, Mme Sollogoub, MM. Fargeot, Delcros, Longeot, S. Demilly, Courtial et Bleunven, Mmes Antoine et Romagny et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l'article L. 3123-41, au sixième alinéa de l'article L. 3121-44 et au dernier alinéa de l'article L. 3123-1 les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 625 heures » ;
2° L'intitulé de la section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier de la troisième partie est ainsi rédigée : « Journée et heures de solidarité » ;
3° Après l'article L. 3133-10, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art L. 3133-10-1 – Les heures de solidarité instituées en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées correspondent aux heures effectuées entre la 1608ème et 1616ème heure. » ;
« Art L. 3133-10-2 – Les heures de solidarité instituées en vue de compenser les dispositions mentionnées à l'article L. 241-13 correspondent aux heures effectuées entre la 1617ème et 1625ème heure. »
II- Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l'article L. 611-1 les mots : « 1 607 heures » sont remplacés par les mots : « 1 625 heures » ;
2° L'intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI est ainsi rédigé : « Jours fériés, journée et heures de solidarité » ;
3° Après l'article L. 621-11, il est inséré un article L. 621-… ainsi rédigé :
« Art L. 621-1… – Les heures de solidarité prévues aux articles L. 3133-10-1 et L. 3133-10-2 du code du travail peuvent être accomplies par les agents publics. »
III - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % ».
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement, il est vrai, est de même nature que celui que je viens de défendre.
Posons-nous la question de savoir pourquoi il y a des difficultés aujourd'hui. Je considère, quant à moi, que cela vient du passage aux 35 heures. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Cécile Cukierman. Tiens donc !
Mme Émilienne Poumirol. Et les congés payés !
M. Michel Canévet. Eh oui ! Depuis lors, nous sommes passés d'une société du travail à une société du loisir.
Mme Cécile Cukierman. Depuis qu'on a supprimé le travail des enfants en France… (Sourires.)
M. Michel Canévet. Il faut donc revenir sur cette réforme, en demandant non pas un effort exceptionnel aux salariés, mais un effort qui soit à la hauteur des besoins de la protection sociale, aujourd'hui.
Nous devons le faire, parce que nous ne vivons pas en autarcie, entre nous ou en dehors d'un monde qui est en train d'évoluer. Vous le voyez bien, l'espérance de vie augmente et il faut que les Français puissent travailler un peu plus, d'autant qu'ils entrent plus tard dans la vie active.
De plus, nous sommes confrontés aussi à la concurrence internationale, de sorte que nous avons besoin d'entreprises qui soient particulièrement performantes. Or le temps de travail n'est pas suffisant dans notre pays au regard de ce qui est pratiqué dans les autres pays. Par conséquent, l'augmenter légèrement, de dix-huit heures supplémentaires par an, ne sera vraiment pas un effort très important.
Encore une fois, il s'agit de savoir si nous devons travailler dix-huit heures de plus par an ou bien continuer à supporter des déficits que jamais nous n'arriverons à résorber et que les générations futures auront à payer.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Faux : on a proposé des recettes !
M. Michel Canévet. Nous ne voulons pas de la dernière option. Pour l'éviter, nous devons faire preuve de responsabilité et prévoir des réponses immédiates.
M. le président. L'amendement n° 1043 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Chevalier, Rochette, Brault, Laménie et Wattebled, Mme Paoli-Gagin, MM. Grand, Malhuret, L. Vogel, V. Louault, A. Marc et Menonville, Mmes Sollogoub, Perrot, Belrhiti, Dumont et Antoine et MM. Haye et E. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 3133-7 du code du travail, les mots : « La journée de solidarité instituée » sont remplacés par les mots : « Les journées de solidarité instituées » et les mots : « prend » sont remplacés par les mots : « prennent ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Emmanuel Capus. La sagesse corrézienne ! (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. La trajectoire actuelle nous permet d'affirmer que nous ne serons pas à la hauteur pour relever le défi du vieillissement de la population qui va s'accentuer. La proportion des personnes de plus de 85 ans devrait doubler entre 2020 et 2040 et nous devrions passer de 1,3 million de personnes dépendantes en 2020 à 2 millions entre 2040 et 2050.
Il faut donc augmenter le recrutement de personnel en Ehpad pour arriver le plus rapidement possible à 0,75 équivalent temps plein (ETP), en créant 35 000 emplois, soit quatre postes supplémentaires par établissement.
Nous devons aussi réhabiliter les Ehpad, renforcer le maintien à domicile et augmenter le nombre de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) pour les personnes âgées et les personnes handicapées.
Pour mettre en œuvre ces mesures indispensables et pour prendre en charge la dépendance de façon décente, nous devrons créer 50 000 emplois. Il est impératif de disposer de 2,5 milliards d'euros supplémentaires par an. L'instauration d'une seconde journée de solidarité permettrait ce financement et montrerait une cohésion nationale dynamique et consciente de l'enjeu budgétaire grave auquel notre pays est confronté.
De plus, nous avons bénéficié d'un certain nombre de « cadeaux », comme la suppression de la taxe d'habitation et de la contribution à l'audiovisuel public, qui ont coûté 22 milliards d'euros à l'État. Nous ne demandons qu'un peu de solidarité, pas plus de dix minutes de travail non rémunéré par semaine, pour financer une cause noble, celle de la gestion de l'autonomie. Nous devons cette solidarité à nos aînés, nous devons penser à l'Histoire et à ceux qui se sont dévoués pour nous. Voilà ce qui figure aussi dans le rapport Vachey.
N'instaurons pas de nouvelles taxes, mais prévoyons un petit geste de solidarité pour nos aînés. La France est l'un des pays de l'OCDE où l'on travaille le moins. Il me semble que nous devrions pouvoir fournir un effort de sept heures de plus par an.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Chasseing. L'entreprise crée la richesse et l'économie. C'est la raison pour laquelle nous devons non pas la taxer davantage, mais au contraire demander aux actionnaires d'investir pour créer la richesse et de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 820 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 904 rectifié ter est présenté par MM. Canévet et Mizzon, Mme Sollogoub, MM. Fargeot, Delcros, Longeot, S. Demilly, Courtial, Bleunven et Duffourg et Mme Havet.
L'amendement n° 947 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 820.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, nous serons tous d'accord pour envisager la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) non pas simplement comme une cotisation de l'employeur, mais comme la contrepartie des sept heures de travail non rémunérées. Nous proposons donc de doubler son taux en le faisant passer de 0,3 % à 0,6 % sans augmenter le temps de travail.
Puisque Michel Canévet a ouvert le sujet, je tiens à dire que le passage aux 35 heures a entraîné une intensification du travail inédite, qui a été une mauvaise manière d'accroître la productivité. En effet, il s'agissait de faire en 35 heures ce que l'on faisait auparavant en 39 heures.
M. Daniel Chasseing. Non !
Mme Raymonde Poncet Monge. Mais si ! Lisez les études économiques, notamment celle de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) qui montre, mesures à l'appui, que l'intensification du travail – c'est-à-dire l'augmentation de productivité, car c'est bien de cela qu'il s'agit – atteint un niveau inédit. (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Étant donné la nécessité d'augmenter sérieusement le financement de la branche autonomie pour baisser le reste à charge des ménages, nous proposons, au travers de cet amendement, de rehausser le taux de la contribution de solidarité pour l'autonomie de 0,3 % à 0,6 %. Il s'agit, ainsi, de faire contribuer les employeurs pour assurer un financement pérenne à la hauteur des besoins et des attentes sociétales.
Encore une fois, mes chers collègues, vous ne pourrez pas augmenter davantage le temps de travail compte tenu du niveau inédit de l'intensification du travail constaté aujourd'hui en France. Je vous le dis, vous ne récolterez que du burn-out, de l'épuisement professionnel et des arrêts de travail. Il n'est pas possible d'augmenter un temps de travail déjà densifié et intensifié.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 904 rectifié ter.
M. Michel Canévet. Je souscris entièrement à l'analyse que vient de faire ma collègue sur les méfaits des 35 heures. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à augmenter le temps de travail ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Kanner. Déposez une proposition de loi !
M. Michel Canévet. C'est indispensable si nous voulons apporter une réponse satisfaisante au problème de financement qui est le nôtre.
L'amendement n° 904 rectifié ter est un amendement de repli. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de présenter un amendement à l'objet identique l'année dernière et celle d'avant. Hélas, la commission n'y a pas été favorable, sinon nous n'en saurions pas à avoir ce débat aujourd'hui. Comme quoi, il n'est pas toujours bon d'avoir raison trop tôt… (Sourires sur les travées du groupe UC.)
L'amendement n° 903 rectifié ter vise à porter le temps de travail annuel de 1 607 heures à 1 625 heures, toutes ces heures étant bien évidemment rémunérées. Il ne s'agit évidemment pas de travailler gratuitement. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Je tiens à le préciser ! Cette mesure générerait une recette significative qui permettrait d'apporter des réponses à tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis le début de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je préférerais nettement que cet amendement soit voté plutôt que l'amendement de repli que je suis en train de présenter, dont l'adoption apportera une réponse ponctuelle au problème de l'autonomie, mais ne suffira pas à long terme.
Réfléchissez-y ! C'est le sens de l'Histoire que d'augmenter le temps du travail pour que notre pays soit mieux armé pour affronter la compétition économique dans le monde. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Allons-y, n'ayons pas peur !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 947.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à doubler le niveau de la contribution de solidarité pour l'autonomie payée par les entreprises, afin de ne pas laisser les salariés et les retraités financer, seuls, la branche autonomie.
Il s'agit donc de faire participer les entreprises au financement de cette branche, car la perte d'autonomie est une conséquence du mal-travail que la sécurité sociale est la seule à assumer pour l'instant.
Nous considérons qu'il existe une réponse autre à la politique d'austérité du gouvernement Barnier et à la casse des droits collectifs proposée par la majorité sénatoriale. Il est possible d'augmenter la contribution des entreprises pour financer la branche autonomie sans imposer aux travailleurs de travailler gratuitement, sept heures de plus par an, comme le propose la majorité gouvernementale du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 574 rectifié, présenté par Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Montaugé et Uzenat, Mmes Bélim et Blatrix Contat, M. Tissot, Mmes Conway-Mouret et Bonnefoy, MM. Redon-Sarrazy, Fagnen, Cozic et Michau, Mme Carlotti et MM. Ziane et Bourgi, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Il s'agit d'une autre contre-proposition à l'amendement n° 125 de Mme la rapporteure générale.
Cet amendement vise à créer une recette de 2,5 milliards d'euros, soit exactement le même montant que celui qui est prévu dans l'objet de l'amendement n° 125, en doublant le taux de la contribution de solidarité pour l'autonomie.
Madame la rapporteure générale, c'est une autre solution que nous vous proposons. Vous refusez nos propositions de taxation, aussi diverses et variées soient-elles, mais vous n'hésitez pas à taxer le travail à 100 %.
M. le président. L'amendement n° 1169 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Chevalier, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Brault, Grand et Longeot, Mmes Dumont et Perrot et M. Sautarel, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié
1° Après la section 3 du chapitre III du titre III du livre Ier de la troisième partie, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section …
« Journée de solidarité par le travail
« Art. L 3133-.... - Une journée de solidarité par le travail est instaurée en vue d'assurer le financement de la branche autonomie et de la branche vieillesse de la sécurité sociale. Cette journée prend la forme d'une journée supplémentaire de travail par la suppression d'un jour de congé payé. » ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 3141-3 est complété par les mots : « dont un jour est reversé sous forme de contribution à la branche autonomie et à la branche vieillesse de la sécurité sociale par la journée instituée à l'article L. 3133-13 ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement s'inscrit dans la continuité de ceux qu'ont présentés les orateurs précédents, en particulier Michel Canévet et Daniel Chasseing.
Les Français travaillent en moyenne 1 664 heures par an. C'est l'un des taux de travail les plus bas de la zone euro et de l'OCDE, la moyenne des pays de l'OCDE étant de 1 770 heures par an.
Nous pourrions considérer que le fait de travailler peu justifie un régime social défaillant et pas assez protecteur. C'est pourtant l'inverse. Nous travaillons moins que les autres, mais nous avons un système social plus protecteur qu'ailleurs. Nous ne pouvons que nous en féliciter, c'est le fruit de notre histoire.
Qui plus est, les besoins s'accroissent, car les problèmes de dépendance se multiplient, d'autant que la génération des baby-boomers arrive à la retraite et deviendra bientôt dépendante.
Pour résumer, nous travaillons moins que les autres, nous bénéficions d'une protection plus grande et nos besoins s'accroissent. Comment répondre à la difficulté que pose cette situation ? Il faut le faire en travaillant plus – pas énormément, sept heures de plus.
Plusieurs mécanismes ont été proposés, celui de la rapporteure générale et celui de Daniel Chasseing. J'en propose un troisième, qui prévoit également sept heures de travail supplémentaires, mais, plutôt que de polémiquer sur la suppression de tel ou tel jour férié, cela prendra la forme d'un jour de congés payés en moins. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) La France restera toutefois le pays où il y a le plus de congés payés au monde.
Pour conclure, je dirai comme Michel Canévet que je suis d'accord avec Mme Poncet Monge. En plus d'être désastreux pour la compétitivité de notre pays, le passage aux 35 heures l'a aussi été pour la qualité des conditions de travail. Il a favorisé le stress au travail. En réalité, aucun emploi n'a été créé, parce que les salariés ont fait en 35 heures ce qu'ils faisaient en 39 heures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La proposition de Michel Canévet se rapproche de celle de la commission des affaires sociales, puisqu'il s'agit d'instaurer dix-huit heures de travail supplémentaires, effectuées dans les mêmes conditions que la journée de solidarité. Nous souscrivons à l'objectif de renforcer les moyens alloués à l'autonomie de manière pérenne, mais la quotité proposée risquerait de compromettre le consentement des travailleurs.
Certains peuvent contester cette notion de consentement, mais, comme je vous le disais précédemment, cela fait vingt ans que la première journée de solidarité a été instituée et elle ne donne pas tellement lieu à contestation. Elle reste globalement plutôt bien acceptée. (M. André Reichardt acquiesce. – M. Mickaël Vallet s'exclame.)
Quoi qu'il en soit, il nous semble préférable d'en rester à la proposition de la commission, même s'il faudra très rapidement la compléter par de nouvelles sources de financement. Je ne vous cache pas, en effet, que la recette attendue de 2,5 milliards d'euros ne suffira pas pour établir une stratégie de long cours en matière de politique du grand âge.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 1360, ainsi que sur l'amendement n° 903 rectifié ter.
Je partage bien évidemment l'objectif que défend l'auteur du sous-amendement n° 1365, à savoir une meilleure couverture des dépenses sociales par la CNSA. Aujourd'hui, le taux de couverture des dépenses d'APA est de 46 %, alors qu'il est seulement de 31 % pour les dépenses de PCH. Dans les deux cas, c'est trop peu.
Toutefois, en affectant un quart du produit de la CNSA aux départements, nous priverions la branche autonomie d'une partie importante de ses ressources. Cela représenterait une perte de 600 millions d'euros aujourd'hui, mais une perte de plus de 1,2 milliard d'euros si nous adoptons la contribution de solidarité proposée par la commission, qui doublerait les recettes de la CNSA.
Par ailleurs, la proposition de la commission vise à financer la branche autonomie de la sécurité sociale pour sécuriser son avenir, en affectant une partie des recettes nouvelles directement aux départements. Nous risquerions de brouiller le message si nous allions plus loin.
Enfin, nous examinerons à l'article 20 un amendement du Gouvernement qui prévoit une réforme des concours de la CNSA aux départements. Une garantie sur le taux de couverture des dépenses départementales au titre de l'APA et au titre de la PCH est notamment prévue. Nous pourrons alors débattre plus précisément de ce sujet et du financement de ces différentes prestations assurées par les départements.
Par conséquent, la commission demande le retrait du sous-amendement n° 1365 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
La proposition de la commission vise à instaurer une contribution de solidarité par le travail, dans le cadre de laquelle le taux de la CSA sera augmenté de 0,3 % à 0,6 %. Par conséquent, les amendements nos 1043 rectifié bis, 574 rectifié et 1169 rectifié, ainsi que des amendements identiques nos 820, 904 rectifié ter et 947 sont satisfaits. C'est pourquoi la commission en demande également le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme Cécile Cukierman. Nous ne l'avions pas compris ainsi.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Telle est pourtant la réalité !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Avant d'aborder le sujet du temps de travail, sur lequel portent tous ces amendements et sous-amendements, je veux revenir sur celui des contributions de la CNSA que Mme la rapporteure générale vient d'évoquer. C'est d'autant plus important qu'il s'agit en réalité de l'élément sous-jacent sur lequel reposent toutes les propositions que nous examinons.
Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres.
À périmètre constant, compte tenu des annonces du Premier ministre, le montant des concours de la CNSA devrait atteindre 6 milliards d'euros en 2025, couvrant ainsi le soutien exceptionnel de 200 millions d'euros aux départements, qui a été annoncé, et l'ensemble des aides pour couvrir les dépenses de l'APA et de la PCH – vous les avez citées, madame la rapporteure générale.
Le sujet du financement de l'autonomie reste central. Faut-il que cela passe par une augmentation du temps de travail ? Vous avez eu le mérite de poser le débat dans les bons termes, au travers de ces amendements. En réalité, c'est la question plus générale du financement de notre modèle social qui est posée, considérée ici sous l'angle de la cinquième branche.
Dans notre pays, le modèle de protection sociale repose essentiellement sur le travail. C'est un choix que certains contestent, mais qui reste fidèle, me semble-t-il, aux idéaux de ceux qui ont créé la sécurité sociale.
Mme Cécile Cukierman. Nous tenons le nouvel Ambroise Croizat…
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Si nous finançons notre régime social par le travail et que nous devons faire face à une multiplication des besoins et des dépenses, alors il faut travailler plus : il suffirait d'un simple produit en croix pour le démontrer.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous savez calculer !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. N'est-ce pas ? J'ai fait des mathématiques, madame la sénatrice. (Sourires.)
Plus sérieusement, pourquoi est-il pertinent et intéressant de poser la question du temps de travail ? Comme certains d'entre vous l'ont fait, il faut comparer notre situation à celle des autres pays pour mesurer ce qu'est la réalité du travail effectif dans notre pays. Les chiffres précis…
M. Guillaume Gontard. Quels chiffres ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. … indiquent que la durée annuelle de travail effectif est de 1 664 heures en France, soit 122 heures de moins qu'en Allemagne.
M. Michel Savin. Voilà !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Comme l'a dit le sénateur Canévet, les jours de congé font toute la différence, puisqu'on en compte, en moyenne, 34 en France, contre 27 au Royaume-Uni et 26 au sein de l'Union européenne.
Comparons avec des pays où le niveau de vie et le niveau de protection sociale sont proches des nôtres. La durée annuelle de travail effectif est de 1 696 heures en Belgique, de 1 729 heures en Espagne et de 1 786 heures en Allemagne. Quant à la moyenne européenne, elle est de 1 792 heures.
Chacun peut tirer les conclusions qu'il veut de cette comparaison et considérer que la réponse au problème de la cinquième branche n'est pas dans l'augmentation du temps de travail. Reste qu'il faudra bien, à un moment ou à un autre, trouver les moyens de financer notre système de protection sociale – ni plus ni moins. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Si nous voulons continuer de financer notre système de protection sociale grâce aux cotisations sur le travail des salariés et des employeurs, alors la question du temps de travail n'est pas un tabou et doit être posée.
Mme Audrey Linkenheld. Est-ce une annonce ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cela doit-il se faire via un amendement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Le Gouvernement ne le souhaite pas, car nous considérons que travailler le sujet avec les partenaires sociaux serait une bonne idée. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est même un préalable !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Quoi qu'il en soit, il serait hypocrite d'écarter ce débat d'un revers de main, en laissant croire que le temps de travail n'est pas un problème dans notre pays, alors que les besoins de notre régime de protection sociale sont supérieurs à ceux des pays voisins.
Certains voudraient ainsi se payer un système de protection sociale déconnecté de la réalité démographique et de la notion de temps de travail. La contradiction est aussi simple que cela.
Quel modèle voulons-nous préserver dans notre pays ? Je suis certain que, sur l'ensemble des travées, vous tenez tous au renforcement de notre système de protection sociale à la française.
M. Patrick Kanner. Oui !
M. Guillaume Gontard. Ce que vous proposez n'est pas le modèle à la française.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il faudra avoir le courage d'envisager la question de son financement. Et si nous voulons continuer de le financer par le travail, alors il faudra travailler plus, d'une manière ou d'une autre.
M. Thomas Dossus. Ce n'est pas sûr !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de tous les amendements et sous-amendements en discussion commune ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Figurant dans le rapport d'information de la commission des affaires sociales sur la situation des Ehpad, qui n'a pas été adopté à l'unanimité, voilà que la proposition d'une journée de solidarité fait son retour, après que celle-ci ait été rebaptisée « contribution de solidarité par le travail ». Même sous ce nom, elle pèse bien une journée. Malgré votre tentative de la calculer sur la semaine – pourquoi pas sur un an ? –, cette euphémisation ne change rien à l'affaire : il s'agira bien d'une journée de repos en moins.
Cette fausse bonne idée, madame la rapporteure générale, a été écartée par le rapport de Dominique Libault, qui soulignait que la mise en place d'une nouvelle journée de solidarité n'était apparue opportune à aucun participant de la concertation sur le grand âge et l'autonomie.
De même, le rapport Vachey a jugé que les effets d'une telle mesure seraient incertains sur l'économie et l'emploi. En lieu et place, il recommandait de revenir sur les exonérations de cotisations sociales, en montrant qu'un abaissement de 3,5 Smic à 2,5 Smic du « bandeau » famille, qui n'a aucun effet sur notre compétitivité, rapporterait 1,1 milliard d'euros, et ce sans mauvais effet notable sur l'emploi.
Nous vous proposons une autre option que cette contribution de solidarité par le travail, qui permettrait de dégager autant d'argent : il s'agit de revenir sur un dispositif rétabli en 2019, bien que des études aient démontré son inefficacité, à savoir les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, non compensées par le budget de l'État.
La perte de recettes qui découle de ces exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires correspond exactement au rendement attendu d'une augmentation de sept heures du temps de travail, soit environ 2,4 milliards d'euros. Au total, ce sont 10 milliards d'euros qui ont été donnés aux entreprises, sous la forme d'heures non compensées, qui créent pourtant des droits pour les salariés concernés.
Notons au passage que ces sept heures de travail gratuites viendront en déduction du paiement des heures supplémentaires réalisées : la mesure proposée par la commission constitue donc bien une baisse immédiate de pouvoir d'achat pour les salariés.
L'actuelle journée de solidarité, elle, est financée par le versement de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), laquelle, je tiens à le redire, est déjà une contribution sur les salaires et non une contribution employeur. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cette contribution de solidarité par le travail devrait donc s'appeler « contribution de solidarité par les travailleurs » !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Il ne faut pas confondre temps de travail, c'est-à-dire temps passé dans l'entreprise, et productivité. C'est très différent.
En France, les salariés sont très productifs. Si les 35 heures ont eu un effet pervers, c'est d'avoir poussé les salariés à travailler autant qu'ils le faisaient en 39 heures, ce qui pose d'ailleurs un certain nombre de problèmes.
Au moment de discuter de la mesure proposée par la commission, permettez-moi d'avoir une pensée pour les nombreux Finistériens, qui travaillent dans l'agroalimentaire et qui, après dix ou quinze ans passés à exercer dans ce secteur, sont tous obligés de se faire opérer pour des troubles musculo-squelettiques (TMS).
J'ai également une pensée pour l'ensemble des personnels des hôpitaux, particulièrement les aides-soignantes, à qui l'on ne cesse de dire qu'ils travaillent très bien, qu'ils sont productifs, que l'on a applaudis pendant la crise de la covid-19 et à qui l'on va dorénavant demander de travailler sept heures, voire – si l'on suivait mon collègue breton, Michel Canévet – dix-huit heures de plus gratuitement, pour abonder la branche autonomie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour moi, c'est proprement scandaleux, d'autant plus que l'on sait parfaitement ce que cela peut induire en termes de santé. Un tel dispositif est totalement inadmissible et incompréhensible.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Selon la rapporteure générale, nous n'aurions pas anticipé le vieillissement actuel de la population.
Cela fait pourtant extrêmement longtemps que ce vieillissement est connu et que nous savons que la courbe démographique de notre pays est défavorable. J'aurais préféré que la commission reconnaisse que nos dirigeants se sont refusés à prendre en compte les effets de ce vieillissement.
Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que nous attendons la fameuse loi Grand Âge depuis longtemps. Admettons alors aussi que ce n'est pas parce que nous n'avons pas anticipé, mais parce que nous nous sommes refusés à agir que nous n'avons rien fait.
Madame la rapporteure générale, en présentant votre mesure, vous avez évoqué l'actuelle journée de solidarité pour indiquer que vous ne souhaitiez pas en reprendre l'appellation. Soit, mais rien ne change sur le fond.
Vous avez également souligné que, si vous proposiez ce dispositif, ce n'était pas de gaieté de cœur. De toute façon, il n'est pas question de cœur, ni d'un côté ni de l'autre, c'est un choix politique. Il ne s'agit pas de savoir si l'on a du cœur ou non ; nous en avons tous un qui bat.
Nous débattons d'un choix politique : assumez-le !
Mme Jocelyne Guidez. On l'assume !
Mme Silvana Silvani. Assumez de faire payer les travailleurs, comme vous venez de le décider pour les apprentis.
Vous êtes prêts : assumez votre projet politique, qui consiste à proposer aux salariés de travailler gratuitement, à augmenter leur temps de travail et à supprimer des jours de congés payés. Allez-y !
À l'inverse, je constate que, quand il est question de faire contribuer les entreprises et les plus riches, pour vous, c'est non. Ne vous voilez pas la face, ne vous cachez pas derrière des chiffres ou des données sur la productivité ou le volume d'heures travaillées par les uns et les autres. Reconnaissez, mes chers collègues, que vous voulez que les travailleurs – et pas les employeurs – paient !
Permettez-moi, pour finir, un bref rappel historique : il y a vingt ans exactement a été créée une première journée de solidarité. Peut-être, d'ailleurs, que certains d'entre vous s'en souviennent ici, pour siéger déjà sur ces travées : cette disposition avait été proposée par le ministre délégué aux relations du travail de l'époque,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Silvana Silvani. … un certain Gérard Larcher !
M. Daniel Laurent. Et alors ?
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Comme ma collègue Silvana Silvani, je considère que chacun savait parfaitement que nous ferions face à ce « mur du vieillissement ». Il est faux de dire que nous n'avons pas anticipé les conséquences de la forte natalité enregistrée dans les années 1945-1955. En réalité, on n'a pas voulu le faire. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Désormais, nous y voilà : de notre côté, nous avons formulé des propositions fortes. Du vôtre, vous avez créé une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l'autonomie, sans pour autant prévoir de véritable financement en regard. Aujourd'hui, votre seule solution consiste donc à taxer les travailleurs.
Monsieur le ministre, vous nous qualifiez, nous parlementaires de gauche, d'obsédés de la taxation. L'impôt n'est pas un vilain mot !
M. Olivier Rietmann. Le travail non plus !
Mme Émilienne Poumirol. Certes, mon cher collègue, quand celui-ci est rémunéré, cela ne pose aucun souci.
Monsieur le ministre, vous l'avez constaté, mes collègues et moi-même avons formulé toutes sortes de propositions, qui permettraient d'abonder cette cinquième branche.
Pour conclure, permettez-moi de revenir un instant sur le sujet des crèches et des micro-crèches, qui me tient particulièrement à cœur. On entend dire aujourd'hui que certaines micro-crèches privées auraient un niveau de rentabilité pouvant atteindre 16 % à 18 % : quel autre secteur en France est aussi rentable ? Même Airbus, notre fleuron industriel, est loin d'avoir une telle rentabilité. Et tout cela, aux dépens de nos enfants, ce qui est intolérable.
Vous avez balayé d'un revers de la main tous les dispositifs de taxation que nous vous avons soumis, en nous répondant qu'il s'agissait de mesures dogmatiques dont il ne fallait pas parler. Résultat : la commission et Michel Canévet se livrent, sous nos yeux, à une véritable course à l'échalote !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Dans une précédente intervention, j'ai entendu l'une de nos collègues dire que, pour distribuer la richesse, il fallait d'abord la créer.
Mme Monique Lubin. Oui, c'était moi !
M. Olivier Henno. Vous voyez, madame Lubin, il m'arrive aussi de citer des sénateurs situés de votre côté de l'hémicycle. En l'occurrence, c'est bien de richesses qu'il est question avec l'amendement de la commission. Cette mesure, censée rapporter 2,4 milliards d'euros, participe à l'équilibre de nos comptes sociaux, et même y contribue beaucoup.
J'en viens à la question du temps de travail. D'abord, notre propos n'est pas du tout de dire que les Français sont paresseux...
Mme Monique Lubin. Ben si !
M. Olivier Henno. … et qu'ils ne sont pas productifs, bien au contraire.
D'ailleurs, on mène aussi des combats d'arrière-garde dans le privé. Sachez, mes chers collègues, qu'une loi n'aura pas été nécessaire pour supprimer les 35 heures : elles n'existent plus ! Connaissez-vous le temps de travail hebdomadaire moyen des salariés du secteur privé ? Il est de 38,5 heures ! Les 35 heures correspondent non donc plus à la durée légale de travail, mais au seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Il faut envisager la question de la durée hebdomadaire du temps de travail tout autrement. Ma conviction, c'est que la contribution de sept heures, que nous propose la commission, sera gérée au niveau des entreprises et des branches, et que le dispositif s'équilibrera naturellement. J'en veux pour preuve que, dans les nombreuses études sur les conditions de travail, parmi les préoccupations des salariés, la question du temps de travail ne figure qu'en quatrième position derrière celles des rémunérations, de l'organisation et de la considération.
De ce point de vue, sans doute faudra-t-il d'ailleurs lancer d'autres débats sur ce thème : le temps de travail doit-il être envisagé de manière hebdomadaire ou mensuelle ? Ne doit-on pas privilégier une prise en compte du temps de travail tout au long de la vie ? On voit bien que la génération Z, pour ne citer que cet exemple, pose un autre regard que nous sur le travail. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRCE-K.)
Cette contribution de solidarité par le travail est, selon moi, une proposition sérieuse ; son adoption contribuera à l'équilibre de nos finances sociales.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. J'ignorais que nos débats nous donneraient l'occasion d'assister à une telle fête. Puisqu'il en va ainsi, je vais moi aussi y participer : tant qu'on y est, supprimons les 35 heures, retirons une semaine de congés payés et revenons aux 48 heures pour l'ensemble des salariés, afin de résorber les déséquilibres de nos comptes sociaux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Très bien !
Mme Monique Lubin. Vous avez raison de m'applaudir, mes chers collègues.
C'est bien connu : depuis que nous avons mis en place toutes ces avancées sociales, toutes les entreprises de ce pays ont fait faillite, le pays a cessé d'être attractif, les entreprises ont vu leur compétitivité reculer. C'est vrai : nous avons coulé, nous avons plongé dans le marasme.
Mme Monique Lubin. Où sommes-nous donc ?
Monsieur Canévet, vous nous avez expliqué tout à l'heure que c'était le sens de l'histoire, mais c'est une histoire qui marche à reculons ! (M. Michel Canévet proteste.)
J'entends les uns et les autres parler des partenaires sociaux : ces derniers seront ravis d'apprendre ce soir que tous les salariés devront travailler sept heures de plus au titre de la solidarité…
Mme Jocelyne Guidez. Sept heures par an !
Mme Monique Lubin. Oui, soyons précis : un jour de plus par an, c'est-à-dire un jour férié de moins. Continuez à ce rythme, il n'y en aura plus beaucoup ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat s'impatiente.)
Les salariés devront travailler davantage, sans contrepartie, alors même que les gouvernements successifs ont accordé pour 500 milliards d'euros de cadeaux fiscaux ces sept dernières années !
Les partenaires sociaux, que tout le monde dit adorer ici, seront également ravis d'apprendre que l'on rediscutera peut-être prochainement de la durée du temps de travail dans ce pays. Cela nous promet quelques journées de débats tout à fait intéressantes.
Ce que vous proposez ce soir relève de la provocation, mes chers amis !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour rappel, nous attendons une loi Grand Âge depuis 2020. Nous attendions déjà des dispositions en faveur de nos aînés, en 2015, dans le cadre de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, ainsi que, plus récemment, dans celui de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, qui n'a créé finalement aucun emploi. Force est donc de constater que nous attendons toujours.
En France, les salariés travaillent 6 630 heures par an, soit 120 heures de moins qu'en Allemagne et, je suis désolé de le dire, mes chers collègues, mais notre productivité n'augmente pas, d'après les documents que j'ai pu consulter. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) Aussi, nous finançons en partie notre modèle social par la dette.
La commission des affaires sociales propose que chaque actif travaille sept heures de plus par an, ce qui représente quarante minutes par mois ou dix minutes par semaine. Comme l'indique le rapport Vachey, un tel dispositif rapporterait 2,4 milliards d'euros.
Travailler sept heures pour nos aînés reviendrait, selon moi, à servir une cause noble : nous ferions preuve de la même cohésion sociale que celle que nous avons montrée lors des jeux Olympiques, pour ne citer que cet exemple.
Pour ce qui est du pouvoir d'achat des salariés, j'ai rappelé tout à l'heure qu'il avait été quelque peu amélioré grâce à la suppression de la taxe d'habitation, une imposition représentant 22 milliards d'euros, qui ont été intégralement compensés aux communes par l'État.
Enfin, madame Poncet Monge, je suis en profond désaccord avec vous quand vous affirmez que les salariés font en 35 heures ce qu'ils faisaient en 39 heures. Ce n'est pas vrai : dans les hôpitaux et les Ehpad, il faut avant tout des bras ! La mise en place des 35 heures à l'hôpital a empêché la création de près de 80 000 emplois, voire de 10 % du million de professionnels employés dans le secteur hospitalier et les Ehpad, simplement parce que nous n'avions pas les moyens de créer 100 000 emplois de plus ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi ne pas les avoir abrogées alors ?
M. Daniel Chasseing. Mon amendement ayant un objet similaire à celui de la commission, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 1043 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Au fond, monsieur le ministre, vous venez de nous expliquer que notre système de protection sociale était en danger et qu'il fallait travailler davantage pour le financer.
Depuis leur création, les lois de financement de la sécurité sociale comportent tout un système de tuyauterie entre les branches de la sécurité sociale et l'État. Depuis que l'État a mis fin au paritarisme et a pris la main sur les finances sociales – c'était bien avant votre nomination, monsieur le ministre –, cette tuyauterie ne fonctionne que dans un seul sens : des finances sociales vers le budget de l'État.
Un État qui est en faillite chronique ou, plutôt, en déficit chronique – pardonnez-moi, je ne cherche pas à créer la polémique à ce sujet – ponctionne les finances sociales. La dernière grosse ponction en date, ce sont les 136 milliards d'euros qu'a repris la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n'est pas une ponction de l'État, il s'agit d'apurer la dette sociale !
M. Bernard Jomier. Cela fait deux ans que mes amis et moi-même expliquons, dans cet hémicycle, que la sécurité sociale est volontairement maintenue en déficit, parce qu'une telle situation nourrit en permanence le débat sur l'insoutenabilité de notre modèle de protection sociale.
Voilà, nous y sommes. En réalité, ce système est parfaitement viable financièrement lorsque l'on en respecte le périmètre – ce que vous ne faites pas.
C'est la raison pour laquelle vous en êtes venus, assez logiquement, à vous interroger sur la meilleure manière de récupérer de l'argent et à rejeter toutes les pistes permettant de faire concourir nos compatriotes les plus favorisés, qui, eux, sous-contribuent au système de protection sociale.
Vous vous êtes donc tournés vers les seuls salariés pour que ces derniers travaillent sept heures de plus gratuitement. On se demande d'ailleurs bien pourquoi les fonctionnaires, les salariés du privé et les indépendants ne seraient pas mis à contribution de la même façon, puisqu'ils n'ont pas le même statut. Ainsi, une infirmière salariée sera amenée à travailler à sept heures de plus, alors qu'une infirmière libérale en serait dispensée. Pour ma part, je n'y comprends rien.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mais si, ce sera le cas !
M. Bernard Jomier. En tout état de cause, vous créez une journée de solidarité avec les plus riches, financée par les salariés. Voilà qui n'est pas acceptable !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. La commission propose que les salariés français travaillent sept heures supplémentaires par an, non payées, afin de dégager 2,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour la branche autonomie.
Je rappelle à nos collègues, rejoignant en cela les observations de M. le ministre, que, si notre pays ne veut pas se paupériser par rapport aux autres pays développés, il nous faudra collectivement travailler plus. Que l'on prenne le nombre d'heures travaillées par salarié ou le nombre d'heures travaillées par habitant, nous sommes à la traîne par rapport aux autres pays développés, en particulier en Europe.
On s'est longtemps contenté de dire que la diminution du volume d'heures travaillées dans notre pays expliquait une productivité supérieure de celui-ci par rapport aux autres pays. Ce n'est plus vrai, madame Poncet Monge : en dix ans, notre productivité a augmenté de 0,4 %, alors que, dans le même temps, elle a augmenté de 0,7 % en Allemagne et aux États-Unis. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n'est pas comparable !
Mme Cécile Cukierman. Résultat, les Américains ont Donald Trump pour président !
M. Alain Milon. Il va donc nous falloir trouver une solution.
Cela étant, madame la rapporteure générale, si je trouve l'idée d'une contribution de solidarité par le travail économiquement salutaire, l'objectif qui est visé me semble un peu plus contestable. En effet, il est proposé de travailler plus, non pas pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs, mais pour renflouer les caisses de la sécurité sociale.
Mme Cécile Cukierman. Vous êtes un vrai sarkozyste, monsieur Milon ! Il en reste donc dans ce pays !
M. Alain Milon. On ne propose pas non plus aux Français de faire des efforts pour avoir une vie meilleure ni pour lancer la refonte du système de la sécurité sociale, mais pour alimenter ce que l'on appelle entre nous le « tonneau des Danaïdes ».
Aussi, je suis inquiet : je souhaite que votre mesure, madame la rapporteure générale, soit transitoire en attendant, monsieur le ministre, que de profondes réformes de notre système de financement de la sécurité sociale nous soient proposées.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, à vous écouter sur ces sujets, je m'inquiète. Nous avons une cinquième branche de la sécurité sociale à financer, la branche autonomie, qui nous concerne tous, parce que nous vieillirons tous et que nous avons tous autour de nous des parents ou des grands-parents qui vieillissent.
Je comprends que l'effort de solidarité demandé par la commission suscite une certaine émotion dans cet hémicycle. De quoi s'agit-il exactement ? Nous débattons d'une mesure transitoire qui pourrait rapporter 2,4 milliards d'euros et qui conduirait chacun d'entre nous…
M. Guillaume Gontard. Pas chacun !
Mme Anne-Sophie Romagny. … ou, plutôt, chaque travailleur à contribuer par solidarité.
Autre remarque, j'ai entendu dire que les indépendants ne seraient pas mis à contribution comme les autres. Que je rassure tout le monde, un indépendant travaille non pas 35 heures par semaine, mais plutôt 60 heures, voire 70 heures ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Je ne suis pas sûre qu'il soit judicieux d'ouvrir ce débat.
Aujourd'hui, il est question de demander aux salariés français de travailler dix minutes de plus par semaine gratuitement, soit l'équivalent de deux minutes par jour. Ne sommes-nous pas capables, par solidarité, de fournir cet effort, sans que l'on nous accuse de dogmatisme ? (M. Mickaël Vallet s'exclame.)
Nous parlons de deux minutes par jour pour trouver, en urgence, des solutions, en l'occurrence des moyens supplémentaires – 2,4 milliards d'euros – pour sauver la branche autonomie, au moins de manière transitoire.
Deux minutes par jour, mes chers collègues ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il n'y a qu'à taxer les actionnaires !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. D'abord, permettez-moi de saluer l'ensemble des commissaires des affaires sociales, auxquels tout le mérite revient d'avoir préparé et travaillé, depuis de nombreux jours, de nombreuses semaines, sur ce texte.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne faut pas exagérer !
M. Pierre Jean Rochette. En tout cas plus de deux minutes par jour ! (Sourires.)
M. Marc Laménie. Je tiens également à vous saluer, madame la rapporteure générale, ainsi que tous les rapporteurs de branche et M. le président de la commission.
En intitulant votre mesure « contribution de solidarité par le travail » en faveur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, vous faites référence à la loi du 30 juin 2004, qui a institué la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) versée par les employeurs dans le cadre d'une première journée de solidarité.
La mise en place d'une nouvelle contribution s'explique évidemment par la démographie, comme beaucoup l'ont souligné avant moi et comme le montre le rapport de la commission. Aujourd'hui, le nombre des personnes âgées en perte d'autonomie s'élève à 1,3 million et devrait atteindre 2 millions à l'horizon 2050.
Cette contribution de solidarité par le travail contribuera au fonctionnement et à la modernisation des établissements et services médico-sociaux accueillant ces personnes, à la couverture des dépenses en matière d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH), prises en charge par les conseils départementaux, au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), notamment l'accompagnement des aidants.
En 2024, vingt ans après sa création, la journée de solidarité aura rapporté 40 milliards d'euros au total ; ces recettes devraient s'accroître et s'établir à 42 milliards d'euros l'an prochain, tandis que les prévisions de recettes devraient s'élever, toutes branches confondues, à 643 milliards d'euros cette année.
À titre personnel, je soutiens l'idée de la commission de porter le nombre d'heures de travail effectuées chaque année au titre de la solidarité pour l'autonomie à quatorze contre sept actuellement.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Laménie. C'est pourquoi je voterai son amendement.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Madame la rapporteure générale, nous avons un point d'accord avec vous.
Mme Céline Brulin. Nous partons, tout comme vous, du rapport Libault, qui évalue à 10 milliards d'euros les besoins annuels de la branche autonomie.
En revanche, là où nous divergeons radicalement, c'est que vous considérez que seuls les salariés doivent être mis à contribution. (M. le président de la commission des affaires sociales hoche la tête en signe de dénégation.)
Autant le dire tout net, si telle est réellement la logique que vous suivez, c'est non pas une seconde journée de solidarité qu'il va falloir mettre en place, ni même les vingt-cinq heures que notre collègue Michel Canévet entend imposer aux salariés, mais une semaine de travail gratuite !
Mme Raymonde Poncet Monge. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. D'ailleurs, monsieur le ministre, je ne suis pas totalement rassurée à ce sujet. Si je n'étais pas normande, je dirais que j'attends de vous une autre réponse que « peut-être bien que oui, peut-être bien que non… » En gros, ce soir, à 23 heures 23, vous nous répondez qu'une telle perspective n'est pas pour maintenant, mais qu'elle serait envisageable demain ! Ce n'est pas très rassurant…
Mme Céline Brulin. Il est question, avec cette nouvelle journée de travail gratuite, de 2,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires, qu'il faut mettre en regard des 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales. Ce montant est désormais tellement énorme et s'accroît tellement vite que vous-mêmes, mes chers collègues, cherchez à en modérer l'évolution, même si l'effort que vous consentez cette année dans ce domaine reste évidemment modeste, puisqu'il ne s'élèvera qu'à 3 milliards d'euros.
M. Olivier Rietmann. Cela générera tout de même des richesses !
Mme Céline Brulin. L'essentiel est que vous convenez vous-mêmes que tout cela commence à faire beaucoup. D'ailleurs, pourquoi ne pas continuer à regarder de ce côté pour financer la branche autonomie ?
Enfin, j'ai bien saisi que, derrière ce débat, certains d'entre vous cherchaient à tuer les 35 heures – au moins ont-ils l'honnêteté de le dire –, en falsifiant les chiffres de la compétitivité française.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Céline Brulin. Oui, notre compétitivité a un peu reculé, mais nous restons tout de même classés au sixième rang européen, d'après l'OCDE – ce qui n'est pas si mal. En outre, il faut savoir que la hausse du coût de l'énergie explique, pour une large part, la dégradation de la compétitivité de notre pays.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Mettre à contribution les seuls salariés pour financer l'autonomie risque de les mettre très en colère et de mettre un peu plus de monde dans la rue ce mois-ci et le mois prochain.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, tout cela n'est pas très sérieux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous vous proposons depuis trois jours des mesures qui permettraient de financer notre protection sociale et vous les rejetez toutes les unes après les autres !
Taxer les Ehpad privés à but lucratif – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu –, c'est non !
Faire cotiser les actionnaires, c'est non !
Revenir sur les retraites chapeaux, c'est non ! À vous croire, il n'y aurait pas grand-chose à en tirer…
Revenir sur les exonérations de cotisations, c'est encore non !
Au bout du compte, il faut bien que quelqu'un paie la note. Vous avez décidé que ce seraient les ouvriers, les plus fragiles, parce que vous ne voulez pas prendre l'argent dans les poches de vos amis ! Vous préférez faire travailler les salariés sept heures de plus.
À votre bon cœur, mesdames, messieurs ! Deux minutes de plus par jour !
M. Daniel Laurent. Et alors ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. En plus, vous osez dire que vous faites preuve de bienveillance ! Mes chers collègues, deux minutes par jour, quand on est aide à domicile, égoutier ou éboueur, ce n'est pas rien !
Disons-le, c'est tout de même une belle arnaque ! C'est une sacrée attaque contre le monde ouvrier ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
D'ailleurs, M. Canévet qui, comme vous le savez, n'en a jamais assez, anticipe déjà le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, en proposant d'ajouter une autre journée de solidarité, et pourquoi pas une autre encore !
Comme vient de le dire ma collègue, quand il faut absolument trouver de l'argent, vous vous montrez très inventifs, surtout quand il s'agit des bras des autres, ceux des salariés et des ouvriers, et pas des vôtres ! Voilà la réalité ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Finalement, vous êtes dans la surenchère. Pourquoi ne pas proposer de supprimer une semaine de congés payés, tant que vous y êtes ? (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Au détour d'un amendement qui vise à apporter les financements dont la branche autonomie a besoin, nous sommes entrés dans un débat qui remet totalement en cause le code du travail et la manière de concevoir le travail dans notre pays. Cela peut sembler anecdotique, mais je pense, pour ma part, que la valeur accordée au travail est un vrai sujet, dont nous pourrions discuter très sérieusement et sur lequel nous pourrions même trouver des points d'accord, même si les désaccords sont plus nombreux.
Cela étant, pardonnez-moi de le dire ainsi, mais je ne suis pas sûre que ce soit en abordant la question du financement de la branche autonomie que nous réglerons un tel débat.
Reconnaissez, mes chers collègues, que cette nouvelle contribution de solidarité, qui consisterait à faire travailler les Français sept heures de plus pour financer la branche autonomie, est un bel exemple d'hypocrisie ! Nous connaissons tous ici des personnes qui, aujourd'hui, sont obligées de poser des RTT, des jours de congés, pour aider un parent vieillissant, une personne de leur famille en situation de handicap.
Cet effort individuel que vous leur demandez sur le temps de repos que la loi actuelle leur accorde existe donc d'ores et déjà. Si, demain, les millions de Françaises et de Français qui posent des RTT, prennent des jours de congés ou se mettent à temps partiel pour s'occuper de leurs parents âgés ou de parents handicapés cessent de le faire, notre pays serait plongé dans un marasme total !
En réalité, l'effort qu'il faudrait fournir est bien plus important que ce que vous demandez via vos amendements – sans compter que, d'une certaine manière, cet effort est déjà fait aujourd'hui.
Vous n'apportez en réalité aucune solution aux femmes et aux hommes que j'évoque. Vous ne faites que leur dire que, deux minutes par jour, après tout, ce n'est pas si grave. Bientôt, vous en viendrez peut-être à calculer l'effort en secondes pour n'effrayer personne.
En définitive, nous allons suivre votre avis, monsieur le ministre, même si, je le précise, nous ne partageons pas du tout vos arguments. À l'origine, le régime voulu par Ambroise Croizat reposait sur un véritable paritarisme, qui a, aujourd'hui, disparu. Faites en sorte de rétablir ce paritarisme dans les modalités de financement de la sécurité sociale et nous vous rejoindrons sur la philosophie générale de vos textes sociaux, et pas simplement sur le point qui nous occupe en cet instant.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le « sens de l'histoire » a été invoqué à plusieurs reprises ; je souhaite y revenir. Il nous a été expliqué que l'augmentation du temps de travail allait dans le sens de l'histoire. Or cela a toujours été l'inverse : le sens de l'histoire, c'est la réduction du temps de travail, toujours et partout dans le monde.
Je vous rappelle que la semaine de 40 heures instituée par le Front populaire, supprimée par Vichy, figurait dans le programme du Conseil national de la Résistance et fut rétablie après la Libération.
Le sens de l'histoire, cela a donc toujours été la réduction du temps de travail, comme l'a montré ensuite l'instauration des 35 heures ; le sens de l'histoire, cela a toujours été la protection sociale, et heureusement. Heureusement ! On ne peut que s'en satisfaire.
Par ailleurs, on parle d'intelligence artificielle, de mécanisation. À quoi cela sert-il de faire de la recherche, d'avancer en matière de technologie, si ce n'est justement pour travailler moins, pour travailler mieux, pour être plus productif ? C'est cela le sens de l'histoire !
Ensuite, je tiens à revenir sur les chiffres qu'a avancés M. le ministre concernant le temps de travail effectif. On peut tourner les chiffres dans le sens que l'on veut, mais la réalité est que la France se situe dans la moyenne européenne : la durée hebdomadaire de travail est en Allemagne de 34,8 heures, contre 36,4 heures en France. On ne peut donc absolument pas dire que la France décroche en la matière, bien au contraire.
Je le répète, le sens de l'histoire, c'est la réduction du temps de travail, heureusement.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Je rappelle à mes collègues que la vignette automobile, qui servait autrefois à financer un fonds de solidarité destiné aux personnes âgées, a été supprimée, comme, plus tard, la taxe d'habitation. Or on voit bien aujourd'hui dans quel état sont les budgets de nos communes et de nos intercommunalités. N'avons-nous pas eu tort ?
Peut-être faudrait-il arrêter dans notre pays de supprimer toutes sortes de dispositifs qui rapportent de l'argent ?
Mme Cécile Cukierman. Et la flat tax, elle rapporte de l'argent ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Mes chers collègues, j'ai les chiffres, les fameux chiffres que tout le monde cherche ! (Sourires.) Ce sont ceux de l'OCDE.
Mme Cécile Cukierman. Ouh là là !
M. Pierre Jean Rochette. En écoutant notre débat de ce soir, je me dis que c'est formidable : nous honorons la mémoire d'Henri Krasucki.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
M. Pierre Jean Rochette. On ne sait plus si l'on parle de secondes, de minutes, d'heures, de jours…
Au fond, le faux débat consiste à raisonner sur la base des 35 heures. Or elles ne sont pas appliquées partout.
Je pense aux métiers du transport : aucun routier ne fait 35 heures. Les chauffeurs de poids lourd ont tous un contrat de 200 heures par mois au minimum, sinon les entreprises qui les emploient ne peuvent pas fonctionner.
Je pense, à l'inverse, aux collectivités locales : dans la fonction publique territoriale, tout le monde travaille-t-il bien 35 heures ?
MM. Laurent Burgoa et Daniel Laurent. Pas à Paris !
M. Pierre Jean Rochette. Trois quarts des agents de la Ville de Paris ne les font toujours pas, les 35 heures ! Là on perd de l'argent, là il y a de la déperdition, des heures à récupérer. Et on ne parle pas d'exonérations sociales…
En résumé, mes chers collègues, je pense que nous ne nous mettrons pas d'accord si nous raisonnons en termes d'heures ou de minutes de travail mensuel.
Je soutiendrai l'amendement de l'excellent sénateur Capus ici présent, qui propose un jour de congés payés en moins : cette solution de compromis me paraît la meilleure.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Nous n'allons pas refaire l'histoire ce soir, mais nous allons essayer de nous projeter dans l'avenir.
On a entendu dire que c'était la fête, que cet amendement était une arnaque, une attaque contre le monde ouvrier, or tel n'est pas du tout le cas !
Que voulons-nous ? Nous voulons assurer l'avenir de la protection sociale, à laquelle nous sommes tant attachés dans notre pays.
Mme Silvana Silvani. Respectez les travailleurs !
M. Michel Canévet. Arrêtons la taxation tous azimuts de ceux qui entreprennent.
Nous débattons aussi des exonérations de cotisations sociales : voulons-nous que les apprentis, par exemple, en paient davantage et soient par conséquent moins bien rémunérés ? Est-ce cela que nous voulons ? Voulons-nous que les entreprises soient obligées de licencier ceux de leurs salariés qui ont de bas salaires parce qu'elles ne peuvent plus les payer ? Est-ce cela que nous voulons ? Non, pas du tout ! Ce que nous voulons, c'est au contraire que notre modèle social soit préservé. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Émilienne Poumirol s'exclament.)
M. Emmanuel Capus. C'est ça qu'on veut ! (Sourires.)
M. Michel Canévet. Et, pour cela, il faudra réellement travailler plus !
Quant à l'amendement n° 903 rectifié ter, il vise à prévoir que le travail supplémentaire soit rémunéré tout à fait normalement, bien entendu, cher Jean-Luc Fichet. Et, justement, les cotisations sociales assises sur ces heures de travail supplémentaires permettront, au-delà même de ce que rapporte la contribution de solidarité pour l'autonomie, d'abonder le budget de la sécurité sociale et de répondre ainsi aux besoins actuels et à court terme de ses caisses. Il s'agit de ne plus se contenter d'une vision au jour le jour.
Je vous invite donc, chers collègues, à vous projeter vers l'avenir et à prendre sans délai les bonnes décisions, car, sans cela, nous resterons dans la difficulté.
M. Pierre Jean Rochette. Sagesse ! (Sourires.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je n'entrerai pas dans le débat sur le temps de travail ni ne répondrai à la question de savoir s'il y a trop ou pas assez de taxes ; je tiens simplement à vous expliquer, mes chers collègues, selon quelle logique nous avons voulu bâtir ce PLFSS, en réponse à la proposition du Gouvernement.
Lorsqu'on a créé la cinquième branche, on lui a transféré des recettes existantes, auxquelles on a ajouté un peu de CSG supplémentaire, mais son financement n'était pas à la hauteur de la situation, ni encore moins dimensionné pour l'avenir, faute d'anticipation. Tout le monde parle d'une loi sur le grand âge, mais, si aucune réforme n'a été engagée, c'est parce que nous n'en avons pas les moyens financiers. Nous n'avons pas tranché ce débat.
Comment ce budget a-t-il donc été bâti ? Nous avons essayé d'avoir une vision globale et considéré que tout le monde devait contribuer à l'effort.
Nous discuterons, plus tard, de la contribution des retraités.
Nous avons d'ores et déjà débattu des réductions d'allégements de charges des entreprises, même si certains les jugent insuffisantes, car il est essentiel que les employeurs participent.
Nous avons même adopté un amendement visant à rétablir à son niveau d'origine le taux de la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites, car il est normal que les actionnaires eux aussi participent.
Nous avons également demandé aux complémentaires santé de participer – derechef, cela nous semble normal.
Nous demandons aux établissements de santé, malgré une situation compliquée, d'améliorer l'efficience de leur organisation.
Nous allons évoquer également la contribution de l'industrie du médicament.
Nous avons sollicité un certain nombre de professionnels de santé.
Enfin, nous demandons aux salariés de participer à l'effort, non pas sous forme d'impôt ou de taxe, mais en augmentant leur temps de travail.
Telle a été notre logique.
Par ailleurs, point fondamental, nous avons considéré que, pour donner du sens aux sept heures de travail supplémentaires sollicitées, il fallait flécher cette contribution de solidarité par le travail vers le financement de la branche autonomie, car cette nouvelle contribution n'est pas destinée à combler le trou de la sécu.
Selon le groupe politique auquel vous appartenez, vous trouverez que tout cela est beaucoup ou pas assez. Pour notre part, compte tenu de la situation extrêmement difficile dans laquelle nous nous trouvons, nous avons considéré, je le répète, que chaque acteur, chaque bénéficiaire, chaque usager – n'oublions pas les usagers ! – devait participer à cette démarche globale de solidarité et de sérieux afin de préserver l'avenir de notre système de protection sociale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je souhaite réagir à certaines interventions.
J'évoquerai tout d'abord les 35 heures. Dans les faits, aujourd'hui, elles ne sont pas appliquées. Un grand nombre de nos concitoyens travaillent en effet plus de 35 heures.
M. Laurent Burgoa. Pas à la Ville de Paris !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Seul un quart des Français en activité sont strictement aux 35 heures, et certains sont à moins, comme cela a été dit.
La question des chiffres du temps de travail n'est pas secondaire, monsieur Gontard. Il n'est pas vrai de dire que l'on peut toujours leur faire dire ce qui nous arrange. Selon qu'il est calculé à la semaine, au mois ou à l'année, ou plus encore sur la durée de vie active, le temps de travail n'est pas le même et force est de constater qu'il pose problème en France.
Ainsi, si le temps de travail annuel effectif dans notre pays est inférieur à celui de nos voisins, c'est parce que nous avons en France un nombre de jours de congé significativement supérieur à la moyenne européenne. Il est important de le prendre en compte.
Nous ne saurions donc considérer que le nombre d'heures effectivement travaillées est une donnée secondaire dans notre débat, car c'est, par définition, la base de la cotisation.
Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur Jomier, vous avez évoqué la question de la place du travail dans la contribution. Il y a là une véritable question de fond : veut-on toujours que ce soit le travail qui finance prioritairement la protection sociale dans notre pays ? On n'est pas obligé de répondre oui.
On peut considérer que, compte tenu des évolutions démographiques, il faut fiscaliser davantage le financement de la protection sociale. Mais tel n'est pas, me semble-t-il, votre objectif politique. Pour votre part, vous défendez le paritarisme et la séparation entre la sphère sociale et l'État. Je partage à 100 % votre point de vue. Mais la cohérence commande d'admettre que cela suppose d'en passer par une contribution de solidarité par le travail.
On ne peut donc pas considérer, comme l'a très bien dit le président de la commission, que le financement de notre protection sociale n'est pas aussi l'affaire de ceux qui travaillent. Les évolutions démographiques survenues entre les années 1990 et aujourd'hui, en particulier celles qui ont trait au ratio entre nombre d'actifs et nombre de retraités, pour prendre le seul exemple de la branche vieillesse, nous conduisent évidemment à jouer également sur le temps de travail. Et le problème est le même pour la cinquième branche, la branche autonomie : nous devons considérer la contribution par le travail comme un levier de ressources. À défaut, il faudra trouver d'autres solutions de financement, qui ne reposeront pas sur le travail. Si l'on choisit cette voie, il faut le dire, mais cela revient indéniablement à fragiliser le paritarisme.
Mme Cécile Cukierman. Mais le travail, ce n'est pas que le salaire ! Il y a la richesse aussi.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C'est vrai, mais ça l'est aussi.
Comme l'a indiqué le président de la commission, nous proposons dans ce PLFSS d'autres solutions de financement que celles qui reposent exclusivement sur les salariés. En revanche, évacuer la possibilité d'une contribution par le travail, jusqu'à en faire un sujet tabou, serait une erreur de fond : cela fragiliserait paradoxalement notre système de protection sociale, sa gouvernance et son financement.
Si encore notre temps de travail était égal ou supérieur à celui de nos voisins européens, passe encore ; mais force est de constater que tel n'est vraiment pas le cas !
Mme Céline Brulin. On est plus productifs qu'eux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous pouvez me parler de productivité autant que vous voulez ; je vous parle, moi, de financement de la sécu, de financement de notre modèle de protection sociale ! Nous devons traiter cette question.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est un retour en arrière que vous proposez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cela étant, j'émets un avis défavorable sur ces amendements, parce que je pense que les choses ne doivent pas être décidées de cette façon ce soir. Pour autant, je le répète, on ne saurait considérer qu'il ne faut pas envisager de financer notre modèle de protection sociale via une contribution par le travail.
M. Bernard Jomier. Nous sommes d'accord sur la chute !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n'était pas ma chute, monsieur le sénateur Jomier : ma chute, je la gardais pour vous.
Vous ne pouvez pas dire que l'État ponctionne la sécu.
M. Bernard Jomier. Si !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous ne pouvez pas dire que, en prolongeant la durée de vie de la Cades en 2020, l'État a porté un coup de canif à la sécurité sociale.
Mme Émilienne Poumirol. C'est pourtant la réalité.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Pourquoi les dépenses sociales liées à la crise du covid ne seraient-elles pas l'affaire de la sécurité sociale et donc de la Caisse d'amortissement de la dette sociale ? Il ne peut pas y avoir une mutualisation des profits et une étatisation des pertes. Il n'est pas possible de fonctionner ainsi, si l'on est respectueux de notre modèle de protection sociale. La prorogation de la durée de vie de la Cades se justifie évidemment par la crise du covid ; vous ne pouvez pas dire l'inverse.
Il nous faut rembourser la dette sociale, nous sommes d'accord ? (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) Vous n'êtes pas contre le principe de la Cades, me semble-t-il. Vous êtes d'accord pour dire que la crise du covid a provoqué une augmentation substantielle de la dette sociale dans notre pays. Ne sommes-nous pas fiers d'avoir su protéger nos concitoyens, et ce au prix d'une hausse considérable de la dépense ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Il fallait trouver des recettes ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Mais nous avons bel et bien mis des recettes en face de l'amortissement de la dette sociale !
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce ne sont pas des recettes courantes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Enfin, vous le savez très bien, ce n'est pas l'État qui ponctionne la sécurité sociale quand 289 milliards d'euros de fiscalité sont transférés vers l'ensemble des branches de notre système de protection sociale. À titre personnel, je ne suis d'ailleurs pas sûr que cela soit une très bonne nouvelle que la sécurité sociale soit de plus en plus financée par des recettes fiscales.
Ne dites donc pas que l'État ponctionne notre sphère sociale. Aujourd'hui, c'est l'inverse : c'est l'État qui finance trop la sécurité sociale.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1360.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Jacquemet, le sous-amendement n° 1365 est-il maintenu ?
Mme Annick Jacquemet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky et, l'autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 119 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7, et les amendements nos 903 rectifié ter, 820, 904 rectifié ter, 947, 574 rectifié et 1169 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 1172 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier, L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Brault, Wattebled, Grand, Dhersin et Sautarel, Mme Dumont et M. Longeot, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq années civiles d'assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Nous changeons de sujet !
J'ai beaucoup entendu dire qu'on attaquait les salariés, les ouvriers. Cet amendement tend donc à rétablir une injustice qui les vise.
Vous le savez, la retraite des salariés est calculée sur les vingt-cinq meilleures années de leur carrière, quand celle des fonctionnaires l'est sur leurs six derniers mois.
Notre proposition a pour objet d'arrêter de taper sur les ouvriers et les salariés et de corriger une injustice : je propose que la pension de retraite des ouvriers et des salariés et celle des fonctionnaires soient calculées de la même façon, c'est-à-dire sur les vingt-cinq années les plus avantageuses de la carrière. Il s'agit, vous le voyez, de rétablir une forme d'égalité. (M. Mickaël Vallet s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous proposez d'aligner le mode de calcul de la retraite des fonctionnaires sur celui qui s'applique aux salariés du secteur privé.
Or il est tenu compte des primes dans le calcul de la retraite des salariés du privé, ce qui n'est pas le cas pour les fonctionnaires.
Par ailleurs, il faut tenir compte de l'existence de catégories dans la fonction publique : les rémunérations des agents de la catégorie C sont assez basses.
Votre proposition exige une véritable concertation ; peut-être faut-il ouvrir ce débat, mais il me semble compliqué d'en décider ici aujourd'hui. En outre, l'adoption d'un tel amendement risquerait de nous opposer les uns aux autres.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. J'ai bien conscience d'ouvrir un débat complexe à une heure aussi tardive – il est vingt-trois heures cinquante. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement d'appel.
Je comprends tout à fait le point de vue de la rapporteure générale. Je suis tout à fait favorable à la prise en compte des primes dans le calcul de la pension de retraite des fonctionnaires, mais il me semble que, aujourd'hui, il n'y a plus réellement de raison de laisser coexister deux systèmes de calcul différents.
Il n'y a pas de grande différence entre le salaire des ouvriers qui restent au Smic toute leur vie et celui des fonctionnaires de catégorie C en fin de carrière. Il me semble donc qu'il serait plus logique d'harmoniser les modes de calcul.
Je propose que nous ayons sur ce sujet un débat serein, à tête reposée, peut-être plus tôt dans la journée.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1172 rectifié est retiré.
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est trop facile : vous provoquez et on ne peut pas répondre !
M. le président. L'amendement n° 949, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-…. – Les entreprises d'au moins vingt salariés, dont le nombre de salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures, est égal ou supérieur à 20 % du nombre total de salariés de l'entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Depuis le 8 novembre 2024 à seize heures quarante-huit, et ce jusqu'à la fin de l'année, les femmes en France travaillent gratuitement, du fait des inégalités salariales.
En moyenne, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes, à compétences égales, et ce malgré les obligations instaurées par les lois Auroux de 1982. Les entreprises sont dans l'illégalité depuis quarante ans sans que cela choque personne, ou presque.
Les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et 80 % des salariés à temps partiel. Elles subissent de plein fouet les baisses de pouvoir d'achat. Elles représentent 99 % des assistants maternels et 97 % des aides à domicile.
Elles aiment leur métier, mais elles ne parviennent pas à en vivre. Essayons, même si c'est difficile, d'imaginer ce que c'est que de vivre avec un salaire de 700 euros par mois. Déduction faite du coût du carburant, vous ne pouvez pas vivre dignement : vous n'êtes que dans la survie.
Le travail à temps partiel est donc profondément sexiste ; nous devons infléchir les pratiques des entreprises qui abusent des contrats précaires.
Nous proposons d'œuvrer en faveur de l'égalité salariale et de réduire le temps partiel subi en majorant de 10 % les cotisations employeur des entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement, s'il vise les salariées, aurait pour effet, s'il était adopté, de punir des secteurs d'activité qui ont structurellement besoin du travail à temps partiel.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Si l'on vote des lois, il faut les faire respecter ! En l'occurrence, la loi dispose qu'une entreprise ne peut pas compter plus de 20 % de salariés à temps partiel. Il s'agit simplement de pénaliser les entreprises qui ne respectent pas la loi, non le recours au temps partiel en lui-même.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le jeudi 21 novembre 2024, à zéro heure dix.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. La séance sera levée à 1 h 30. Au rythme actuel, nous achèverions l'examen de ce texte samedi à 20 heures. Beaucoup d'entre vous souhaitent sans doute que nous accélérions. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. Nous ne sommes pas à une journée près…
M. Philippe Mouiller, président de la commission. J'espère que vous serez présents samedi, dans ce cas ! (Oui ! sur des travées du groupe SER.) Nous devons avoir tous les débats nécessaires, mais j'invite chacun d'entre nous à faire preuve de concision dans ses interventions. (Mmes Jocelyne Guidez et Frédérique Puissat applaudissent.)
8
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 56 portant sur l'amendement n° 125, Mme Nadège Havet souhaitait s'abstenir.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
9
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 7 bis.
Article 7 bis (nouveau)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 1° de l'article L. 136-1, les mots : « à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et » sont supprimés ;
2° L'article L. 161-24 est complété par les mots : « en fournissant un certificat de vie délivré par le consulat français de son pays de résidence ».
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l'article.
Mme Hélène Conway-Mouret. L'Assemblée nationale a introduit dans le PLFSS pour 2025, avec l'article 7 bis, deux mesures particulièrement problématiques pour les Français de l'étranger. Cela est peut-être dû au fait qu'il est issu d'un amendement émanant de députés de droite dont aucun ne représente nos compatriotes établis hors de France. Il est un peu facile de s'attaquer à ceux que l'on ne connaît pas !
D'une part, l'article revient sur l'exonération de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dont bénéficient les Français établis dans l'espace économique européen et en Suisse.
Sur le plan juridique, cette disposition est purement et simplement inapplicable. En effet, cette exonération a été instaurée en 2015 à la suite de la condamnation de la France par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a jugé le prélèvement de ces deux contributions incompatible tant avec l'interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale qu'avec la libre circulation des travailleurs. Mes chers collègues, vous conviendrez que la législation française est tenue d'être en conformité avec le droit européen. Dès lors, comment voter cet article ?
Sur le plan politique, je m'y oppose fermement : j'ai même défendu, hier, un amendement qui en était l'exact contraire. Il n'aurait été que pure justice que l'ensemble des Français de l'étranger soient exemptés de ces prélèvements.
D'autre part, cet article prévoit que les certificats de vie nécessaires à la perception des pensions de retraite soient délivrés uniquement par les consulats.
C'est méconnaître la réalité que nous vivons à l'étranger. Nos consulats, qui sont en sous-effectif chronique, ne sauraient absorber une telle surcharge. C'est la raison pour laquelle les démarches liées aux certificats de vie ont été partiellement transférées aux autorités locales compétentes. Elles ont également été modernisées, puisque l'on peut désormais prouver son existence par le biais d'une application numérique.
Selon moi, l'adoption de cet amendement serait un grand bond en arrière. Un tel vote reviendrait à obliger des retraités, dont la mobilité est souvent réduite, à faire des dizaines – parfois des centaines – de kilomètres pour se rendre au consulat le plus proche. Dans certains pays, ces déplacements sont coûteux, parfois dangereux, voire impossibles.
Pour toutes ces raisons de bon sens, mon groupe propose la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par Mme O. Richard et M. Cadic.
L'amendement n° 716 rectifié est présenté par MM. Jomier et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen, Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 843 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1175 rectifié est présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. Ruelle et Mme Briante Guillemont.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Olivia Richard, pour présenter l'amendement n° 10.
Mme Olivia Richard. Je vais résumer, en quelque sorte, ce qui a été dit par ma collègue Hélène Conway-Mouret.
L'idée est que les Français de l'étranger ont énormément d'argent. D'ailleurs, c'est parce qu'ils fraudent. On peut donc leur faire payer 1 milliard d'euros sur les revenus du capital quand ils résident en Europe, et la CSG-CRDS lorsqu'ils perçoivent une retraite à l'étranger. Peu importe que de telles dispositions soient contraires au droit européen ou que ceux qui ont accès à des droits à la sécurité sociale en France paient déjà une contribution, à savoir la cotisation d'assurance maladie (Cotam). Et tant pis si nous avons déjà des conventions bilatérales avec moult pays !
C'est donc bien « retour vers le futur »… Ce combat, nous l'avons déjà mené il y a douze ans et, depuis, nous devons batailler chaque année dans cet hémicycle pour supprimer l'assujettissement à la CSG-CRDS des revenus de certains Français de l'étranger.
L'article 7 bis impose par ailleurs la comparution devant l'autorité consulaire pour obtenir un certificat de vie, et ce afin de lutter contre la fraude aux pensions de retraite versées à l'étranger – je le précise, il n'y a pas que des Français qui perçoivent de telles pensions, lesquelles concernent 1,37 million de retraités.
C'est mal connaître la réalité que de proposer cette mesure à effectifs constants. Le nombre d'agents restant inchangé, sa mise en œuvre entraînerait évidemment une forte baisse de la qualité du service public dans nos consulats pour l'ensemble de nos compatriotes à l'étranger, étant entendu qu'elle n'est pas ciblée sur certains pays.
Bref, un article comme celui-là alimente une caricature contre laquelle nous essayons tous de nous battre ; c'est pourquoi nous, sénateurs représentant les Français établis hors de France, sommes si nombreux ce soir dans l'hémicycle.
Je profite de cette intervention pour saluer l'action du groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite pour la mise en place d'une application permettant d'attester via la biométrie que nos compatriotes retraités sont en vie. L'application qu'il a développée est très simple, très efficace et très sécurisée. Les solutions de lutte contre la fraude que le GIP promeut dans le cadre de partenariats locaux, notamment au Maroc, donnent aussi de très bons résultats.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l'amendement n° 716 rectifié.
M. Yan Chantrel. Comme cela vient d'être dit, notre amendement vise à supprimer cet article, qui a été introduit dans le PLFSS via l'adoption à l'Assemblée nationale, par scrutin public, d'un amendement du groupe Les Républicains, soutenu par les macronistes et par le groupe Rassemblement National. Cet article stigmatise une partie de nos compatriotes établis hors de France. La plupart du temps, il s'agit de retraités assez vulnérables, qui ne touchent pas énormément d'argent.
Lors du débat précédent, vous nous accusiez de vouloir taxer. Vous taxez volontiers vous aussi, mais vous le faites dans l'injustice : nous préférons la justice. Qui plus est, en l'espèce, vous taxez en utilisant le levier de la CSG-CRDS, alors que la France a déjà été condamnée en 2019 par la CJUE pour des dispositions similaires.
Nous proposons de supprimer purement et simplement cet article. Le Gouvernement l'a retenu dans le texte transmis au Sénat quand rien ne l'y obligeait, l'Assemblée nationale n'ayant pas achevé l'examen du PLFSS. Autrement dit, le Gouvernement s'obstine, ce qui montre qu'il souhaite lui-même créer une taxation sur nos compatriotes établis hors de France.
Cet article contient une autre mesure particulièrement problématique, à savoir l'obligation de fournir un certificat de vie. Pourquoi ces certificats n'étaient-ils plus exigés ? Si les autorités locales peuvent désormais émettre des attestations, c'est tout simplement que nos consulats sont à l'os : ils n'ont plus les moyens financiers de s'acquitter de cette tâche. Si vous souhaitez la leur confier, redéployez des moyens financiers à cet effet !
De surcroît, l'obligation de se rendre au consulat vaudrait annuellement ; or les personnes concernées résident parfois à des milliers de kilomètres du poste dont elles dépendent : c'est totalement aberrant, inégalitaire, inéquitable.
Aussi notre groupe propose-t-il de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 843.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ajouté dans le texte par l'Assemblée nationale, le présent article prévoit de soumettre les retraités percevant à l'étranger une pension française à l'obligation de répondre à une convocation annuelle par les consulats pour la vérification et la délivrance du certificat de vie.
L'adoption d'un tel dispositif favoriserait une politique du soupçon envers les étrangers, dont la contribution sur le sol français est oubliée au profit d'une focalisation sur la figure du fraudeur.
Pourtant, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a réalisé une enquête sur plus de 3 000 dossiers à l'étranger. Seuls seize cas de fraude ont été mis au jour, soit 70 millions d'euros de manque à gagner : c'est trois fois moins que le chiffre de 200 millions d'euros avancé pour justifier le dépôt de cet amendement. Surtout, c'est une goutte d'eau au regard des 340 milliards d'euros de pensions de retraite versés chaque année aux Français.
De fait, s'il est toujours nécessaire de lutter contre la fraude, ce focus sur les étrangers n'a pas de justification rationnelle. Selon la Cnav, les retraités résidant à l'étranger reçoivent en moyenne du régime général une pension mensuelle de 300 euros. C'est vraiment peu… Au total, les prestations de retraite qui leur sont versées s'élèvent à 3,9 milliards d'euros par an, ce qui représente 2,7 % du montant total des allocations.
Outre des gains espérés faibles, la disposition proposée aura surtout une contrepartie financière qui risque d'en annuler tous les bénéfices, puisqu'elle suppose de multiplier les moyens humains dans les consulats.
Par ailleurs, une expérimentation de la Cnav est déjà en cours dans certains pays, comme l'Algérie et le Maroc. Ainsi le dispositif proposé doublonnerait-il une initiative existante en alourdissant inutilement le travail consulaire.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 7 bis.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour présenter l'amendement n° 1175 rectifié.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le ministre, il est vraiment regrettable, comme l'ont dit mes collègues, que l'Assemblée nationale ait adopté des dispositions présentant les retraités français comme étant des nantis et des fraudeurs.
Notre amendement vise purement et simplement à supprimer l'article 7 bis, qui assujettit les retraités à la CSG et impose l'authentification des certificats de vie par les consulats.
Pour ce qui concerne la CSG, le Gouvernement est revenu à la raison en déposant un amendement de suppression de l'alinéa 2. Je trouve donc étonnant qu'il tienne aujourd'hui deux langages. Hier, monsieur le ministre, vous considériez la CSG et la CRDS prélevées sur les revenus fonciers encaissés en France comme des impôts. Aujourd'hui, l'exposé des motifs de votre amendement laisse penser qu'il s'agit de cotisations sociales.
Pour ce qui concerne les certificats de vie, le Gouvernement est également revenu à la raison, puisqu'il a déposé un sous-amendement n° 1383 à l'amendement n° 126 de la commission et propose, ce faisant, d'inscrire dans la loi l'ensemble des méthodes valides de contrôle de l'existence. Son texte me semble préférable à la réglementation actuelle.
Je considère donc que mon amendement sera satisfait par l'adoption de ce sous-amendement et de l'amendement n° 126 ainsi sous-amendé : je le retire.
M. le président. L'amendement n° 1175 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. L'article 7 bis a été adopté par l'Assemblée nationale afin de procéder à deux modifications distinctes.
La première a pour effet d'assujettir à la CSG et à la CRDS les pensions françaises perçues par les retraités vivant à l'étranger.
La seconde limite la possibilité, pour ces retraités, de s'acquitter de l'obligation qui leur incombe de justifier annuellement de leur existence auprès du GIP Union Retraite afin de pouvoir continuer à percevoir leur pension.
Cette justification peut à l'heure actuelle prendre la forme d'un certificat de vie, qui peut être délivré par les autorités consulaires françaises, mais aussi par les autorités locales du pays de résidence ainsi que par des professions réglementées, comme les notaires. Elle peut aussi passer, depuis juin 2024, par l'utilisation de données biométriques : les retraités reçoivent, de la part du GIP Union Retraite, un QR code qui leur permet de télécharger une application sur leur smartphone et d'y verser des vidéos et des photos d'eux, ainsi que des données de leurs pièces d'identité biométriques.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser dans la loi que les certificats de vie doivent nécessairement être délivrés par le consulat français. Cette précision doit permettre de lutter contre la délivrance de faux documents par des notaires ou des officiers corrompus. Je suis néanmoins bien consciente des difficultés que rencontrent nos concitoyens vivants à l'étranger. Il est très difficile d'obtenir des rendez-vous au consulat ; les listes d'attente sont longues. Je remercie d'ailleurs ma collègue Olivia Richard pour notre échange sur ce sujet : elle m'a confortée dans ce que je savais de ces réalités.
L'autre disposition de cet article 7 bis adopté par l'Assemblée nationale pose elle aussi des difficultés : il s'agit de prévoir que les personnes domiciliées hors de France soient désormais assujetties à la CSG et à la CRDS. Cela est contraire au droit européen, qui interdit que des personnes résidant dans un État membre et affiliées à un système de protection sociale ne cotisent à perte auprès d'un autre système de protection sociale d'un autre État membre.
Cet article est donc perfectible. Je suis défavorable à sa suppression, car j'ai déposé un amendement, qui fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement, visant à l'améliorer en en assouplissant le dispositif.
Loin de moi, mes chers collègues, l'idée que tous les Français établis hors de France sont des fraudeurs ! Nous connaissons tous des Français de l'étranger. Mon département a une frontière avec la Belgique, et ma fille vit au Luxembourg… J'ai même aidé quelqu'un à faire une demande de remboursement de CSG et de CRDS prélevées à tort ! J'ai donc une certaine connaissance du dossier…
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression ; nous discuterons de mon amendement dans un second temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet article 7 bis a en effet été introduit à l'Assemblée nationale via l'adoption d'un amendement déposé par des députés. La première préoccupation des promoteurs de cette disposition était la lutte contre la fraude ; nous sommes très nombreux à la partager. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec les parlementaires représentant les Français de l'étranger, ici au Sénat comme à l'Assemblée nationale, dont il résulte qu'il convient d'apporter à cette mesure un certain nombre de précisions, que vous avez du reste bien cernées dans vos différents propos, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne la fiscalité, il existe déjà un prélèvement effectué sur les pensions versées à des retraités résidant fiscalement hors de France. Le taux de cette cotisation est de 3,20 % sur les avantages de retraite de base et de 4,20 % sur les avantages de retraite complémentaire. Dès lors, le Gouvernement considère qu'il n'y a pas lieu d'assujettir ces revenus à la CSG-CRDS – d'où notre amendement n° 1263.
Tel n'est pas néanmoins le seul sujet problématique. Pour ce qui est des certificats de vie, vous avez été unanimes à souligner les difficultés opérationnelles que pose le dispositif proposé. Dans la vraie vie, comme on dit, il créerait probablement plus de contraintes et de problèmes dans vos circonscriptions qu'il n'apporterait de véritables leviers de lutte contre la fraude.
Nous proposons donc de poursuivre le travail, en capitalisant notamment sur ce qu'a déjà accompli le GIP Union Retraite en matière de reconnaissance biométrique.
Vu vos remarques et vos propositions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements de suppression. S'ils n'étaient pas adoptés, nous proposerions d'améliorer cet article par l'adoption de l'amendement et du sous-amendement que nous avons déposés.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Cet article relève au mieux d'une méconnaissance du système de validation des certificats de vie, au pire d'une volonté de stigmatiser les personnes qui touchent des pensions françaises à l'étranger, sachant que – plusieurs de nos collègues l'ont rappelé – le niveau des pensions de retraite perçues à l'étranger est assez bas.
Je précise qu'il s'agit là d'un droit acquis par cotisation. Pour les pensionnés qui habitent à l'étranger, le versement de leur retraite est donc un droit, non une faveur administrative.
Enfin, le nombre de postes supplémentaires qu'il faudrait pour valider les certificats de vie de 1,38 million de personnes me laisse rêveuse ; et ce sentiment est partagé par nous tous, sénatrices et sénateurs des Français établis hors de France, qui demandons chaque année des créations de postes dans les consulats et les ambassades…
Du reste, on a demandé aux consulats de ne plus émettre de certificats de vie : leur délivrance est pour partie déléguée aux autorités locales, en vertu d'accords que nous avons signés avec un certain nombre de pays – et une expérimentation est en cours.
Bref, cet article du PLFSS ne correspond pas du tout à la réalité. Et je ne parle même pas de la CSG-CRDS : mes collègues se sont exprimés.
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.
Mme Olivia Richard. Je remercie Mme le rapporteur Gruny de ses propos.
Je tiens à rassurer tout le monde : des actions de lutte contre la fraude sont menées à l'étranger, notamment par le GIP Union Retraite.
Par exemple, au Maroc, un partenariat a été établi avec la caisse locale de retraite. Plusieurs campagnes sont réalisées annuellement. La première, au mois de février de cette année, a consisté à convoquer dans une des antennes marocaines des retraités qui avaient été ciblés, en l'occurrence les personnes les plus âgées, percevant de hautes pensions. Cela a permis de suspendre les pensions de ceux qui ne s'étaient pas présentés au bout de trois mois. Au sixième mois, nous en étions ainsi à 600 suspensions, pour 8 000 personnes convoquées. D'autres campagnes ont été menées ; les résultats en sont encore provisoires. Et un partenariat avec l'Algérie va être lancé prochainement.
Je le rappelle, il y a 100 000 personnes retraitées touchant une pension française au Maroc et 300 000 en Algérie.
Vous le voyez, des actions sont d'ores et déjà entreprises contre la fraude. Ce que le Gouvernement propose dans le sous-amendement qu'il nous présentera dans quelques instants revient donc, à mes yeux, à inscrire dans la loi ce qui existe déjà dans les faits. Autant supprimer tout simplement l'article introduit par l'Assemblée nationale !
C'est pourquoi je maintiens mon amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 716 rectifié et 843.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L'article L. 161-24-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « pouvant être » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« .... – Lorsque les conditions d'application du I du présent article ne sont pas réunies dans le pays de résidence du bénéficiaire mentionné à l'article L. 161-24, la preuve d'existence peut être rapportée en fournissant un certificat de vie délivré par le consulat français de son pays de résidence, ainsi que selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2028.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l'article 7 bis relatives à la CSG-CRDS, qui sont contraires au droit européen.
Je propose en outre que les retraités puissent justifier de leur existence par le biais de la biométrie ou, à défaut, en fournissant un certificat de vie délivré par le consulat.
Certes, il est possible – je l'entends très bien – que certains consulats refusent d'assurer un tel service faute d'effectifs suffisants ; le problème peut d'ailleurs également se poser pour d'autres documents administratifs.
Mais le dispositif proposé par le Gouvernement dans son sous-amendement devrait permettre d'élargir les modalités de contrôle, comme le souhaite Mme Richard.
M. le président. Le sous-amendement n° 1383, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 126,
I. – Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au début, il est inséré la mention : « I. – » ;
II. – Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
2° Est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au I du présent article, la preuve d'existence peut être apportée :
« 1° Par un échange automatique de données entre l'organisme ou le service mentionné à l'article L. 161-24 et un organisme ou service chargé de l'état civil du pays de résidence du bénéficiaire ;
« 2° Par un contrôle sur place par un organisme tiers de confiance conventionné ;
« 3° En fournissant un certificat d'existence visé par le service consulaire du pays de résidence du bénéficiaire. »
La parole est à M. le ministre, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 126.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce sous-amendement a pour objet de garantir la possibilité de recourir à des modalités de contrôle de l'existence autres que le procédé biométrique.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 126, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 1383 ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ce sous-amendement tend à élargir les modalités de preuve de leur existence offertes aux retraités vivant à l'étranger en y incluant l'échange de données entre les caisses de retraite et les autorités chargées de l'état civil, le contrôle par un organisme conventionné et la délivrance d'un certificat de vie par les services consulaires des pays de résidence.
La commission émet donc un avis favorable sur ce sous-amendement.
Cela étant, monsieur le ministre, il faudra également voir avec le Quai d'Orsay comment améliorer l'accueil dans les consulats et le traitement des dossiers.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. En réalité, Mme la rapporteure Gruny, par son amendement, et le Gouvernement, par son sous-amendement, proposent d'inscrire dans la loi des dispositifs qui existent déjà. Cela me semble un peu inutile…
Les mécanismes de contrôle existants fonctionnent bien – nous sommes plusieurs à les avoir mentionnés.
En d'autres termes, ayant réalisé que l'amendement de la commission ne correspondait pas à la réalité, vous souhaitez à présent le sous-amender. Il aurait été plus simple d'adopter nos amendements de suppression ; le problème serait réglé.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je suis désolée, ma chère collègue, mais les mécanismes de contrôle que vous venez d'évoquer ne sont pas du tout identiques aux modalités listées dans le sous-amendement.
Le dispositif proposé par le Gouvernement est en effet beaucoup plus précis. La preuve d'existence du retraité pourra par exemple être apportée par l'intermédiaire d'une banque, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Je maintiens donc que les dispositions proposées par le Gouvernement sont préférables à l'existant.
M. le président. En conséquence, l'article 7 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 504, 1263 et 633 n'ont plus d'objet.
Après l'article 7 bis
M. le président. L'amendement n° 416 rectifié bis, présenté par M. Menonville, Mme Antoine, MM. S. Demilly et Henno, Mme Saint-Pé, MM. Levi, Kern, Cambier, Pillefer, Courtial et Delcros, Mme Jacquemet, MM. Folliot, Bleunven et Capo-Canellas, Mme Billon et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l'article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 161-24-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le bénéficiaire mentionné à l'article L. 161-24 réside à l'étranger, cette preuve de vie est réputée valable, dès lors qu'elle est physiquement constatée par un agent diplomatique ou consulaire de la République française. »
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Dans la logique des discussions que nous venons d'avoir, cet amendement de notre collègue Franck Menonville vise à renforcer la lutte contre la fraude aux pensions de retraite versées à l'étranger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à modifier, dans un sens plus restrictif, ce que nous venons d'adopter à l'article 7 bis. J'en sollicite donc le retrait ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Olivier Henno. Je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1145 rectifié bis, présenté par Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes Bélim, Narassiguin et Canalès, MM. Fagnen, Michau et Pla, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Monier et MM. Bourgi et Ziane, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article ainsi rédigé :
I. – Le 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du a, le taux : « 6,67 % » est remplacé par le taux : « 6,66 % » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …) À la Caisse des Français de l'étranger, mentionnée à l'article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l'article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 % ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Depuis des années, les sénateurs socialistes alertent sur la dégradation des finances de la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Force est de le constater, nos appels n'ont été ni entendus ni compris.
Je voudrais donc vous rappeler pourquoi il est aujourd'hui crucial d'apporter un soutien pérenne à la CFE et de sortir de l'immobilisme.
Cette caisse assure une véritable mission de service public en offrant une couverture sociale à tous les Français vivant à l'étranger, sans discrimination liée à l'âge ou à l'état de santé. Elle incarne une solidarité universelle envers les plus fragiles grâce à la « catégorie aidée ».
Pour accomplir une telle mission sociale, la CFE compte essentiellement sur les recettes provenant de ses contrats d'adhésion, conformément à l'obligation d'autonomie financière dont elle fait l'objet. De fait, contrairement aux caisses primaires d'assurance maladie, elle ne bénéficie d'un soutien de l'État que pour la « catégorie aidée », mais non de taxes affectées ni de fractions de CSG.
À défaut de pouvoir étendre l'exonération de la CSG-CRDS à tous les Français de l'étranger – cet amendement de mon groupe a été rejeté hier soir par le Sénat –, nous souhaitons au moins que la contribution de nos compatriotes leur soit un tant soit peu utile.
Nous proposons donc de transférer à la CFE une part très modeste, 0,01 point, de la fraction affectée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de la CSG sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement.
Cette mesure peut paraître minimaliste, mais elle est loin d'être symbolique. Elle permettrait d'accorder à la CFE le soutien dont elle a besoin pour continuer à remplir sa mission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement proposent de prélever 0,01 point de CSG sur les 6,67 points attribués au FSV pour l'affecter à la CFE. Je le rappelle, un amendement identique a été rejeté par le Sénat l'année dernière.
La commission ne connaît pas suffisamment la situation de la CFE, qui n'est pas un organisme obligatoire de sécurité sociale, pour savoir s'il est pertinent de majorer ainsi ses recettes.
En revanche, il ne convient certainement pas de réduire les ressources du FSV dans le contexte actuel, alors que le PLFSS prévoit pour la branche vieillesse un déficit croissant jusqu'en 2028.
Par ailleurs, l'amendement n° 1218 du Gouvernement, que nous examinerons un peu plus tard, a pour objet de supprimer le FSV.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1145 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié bis, présenté par M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret, Narassiguin, Canalès et Bélim, MM. Fagnen, Michau et Pla, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Monier et MM. Bourgi et Ziane, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3° bis de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au b, le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 0,44 % » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …) À la Caisse des Français de l'étranger, mentionnée à l'article L. 766-4-1, pour la contribution mentionnée à l'article L. 136-1, pour la part correspondant à un taux de 0,01 % » ;
II. – La perte de recettes pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale est compensée à due concurrence par la majoration des contributions mentionnées à l'article 19 de l'ordonnance n° 90-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Je reviens à la charge pour défendre la Caisse des Français de l'étranger.
En effet, madame la rapporteure, il s'agit bien d'un organisme de sécurité sociale de droit privé ; mais elle est chargée d'une mission de service public.
À ce titre, elle ne refuse, et c'est tout à son honneur, aucun de nos compatriotes – tel n'est pas le cas des assurances privées –, sans discrimination liée à l'âge ou à la pathologie. La caisse a elle-même évalué le coût de sa mission de service public à 25 millions d'euros.
Nous avons demandé hier que nos compatriotes résidant hors de l'Union européenne soient exonérés de la CSG-CRDS, comme c'est le cas de ceux qui vivent au sein de l'Union européenne. Le Sénat n'a pas souhaité soutenir cette mesure, qui coûte 300 millions d'euros.
À défaut de les exonérer, et puisque les concernés contribuent à la sécurité sociale française via la CSG et la CRDS, nous proposons de leur dédier, et de dédier à leur santé, une partie infime du produit de la fraction de ces contributions affectée à la Cades, 25 millions d'euros sur 300 millions, étant entendu qu'ils paient également pour la CFE. Il y aurait là, me semble-t-il, une mesure de justice à leur endroit.
Nous proposons donc de prélever une petite fraction de la CSG-CRDS pour abonder la CFE et financer l'exercice de sa mission de service public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 442 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mmes Bourcier et Lermytte, M. Brault, Mme L. Darcos, MM. Grand, Laménie, A. Marc, Rochette, J.P. Vogel, Wattebled et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Omar Oili et Masset, Mme Perrot et M. Haye.
L'amendement n° 785 rectifié ter est présenté par Mme Havet, M. Iacovelli et Mmes Schillinger et Cazebonne.
L'amendement n° 907 rectifié est présenté par M. Canévet.
L'amendement n° 1040 rectifié bis est présenté par Mme Romagny, MM. Bleunven, Menonville et Cambier, Mme Vermeillet, M. Houpert, Mme O. Richard, MM. Henno et Levi, Mme Jacquemet, MM. Fargeot, Courtial, Delcros et Duffourg, Mme P. Martin et M. Gremillet.
L'amendement n° 1202 rectifié bis est présenté par Mmes Gruny et Muller-Bronn, MM. Genet et Belin, Mme Dumont, MM. Sautarel et Somon, Mme Di Folco, M. Karoutchi, Mme Ventalon, M. Mandelli, Mmes Aeschlimann, Dumas et Berthet, M. Khalifé, Mme Petrus, MM. Panunzi, Bouchet et Chatillon, Mme Lassarade, M. Daubresse, Mmes Jacques, Demas, Puissat et Micouleau et MM. Burgoa, Lefèvre, Sido, Milon, Bruyen et Sol.
L'amendement n° 1270 rectifié bis est présenté par Mme Nadille, MM. Lemoyne, Buis et Buval et Mme Duranton.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 21 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du I est supprimé ;
2° À la fin du II, l'année : « 2026 » est remplacée par l'année : « 2025 ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l'amendement n° 442 rectifié bis.
M. Marc Laménie. Cet amendement de notre collègue Vanina Paoli-Gagin concerne les groupements d'employeurs, qui permettent aux petites entreprises de mutualiser leurs besoins en main-d'œuvre, ce qui leur offre une certaine flexibilité.
Il est proposé d'avancer la date d'application du dispositif prévu à l'article 21 de la LFSS pour 2024 au 1er janvier 2025, afin d'éviter des pertes d'emplois à temps complet et de maintenir un cadre simplifié pour les groupements d'employeurs.
Ces structures sont particulièrement utiles dans le secteur agricole, car elles permettent la mutualisation. Nous souhaitons donc simplifier leur gestion, afin d'éviter des coûts inutiles pour l'administration, et garantir la pérennité des avantages sociaux pour les petites entreprises, en particulier, j'y insiste, dans le secteur agricole.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l'amendement n° 785 rectifié ter.
Mme Nadège Havet. Comme l'a souligné mon collègue, les groupements d'employeurs bénéficient de cotisations sociales allégées, calculées selon les seuils applicables aux entreprises de moins de onze salariés.
Cependant, la disposition visée prévoit également un transfert des effectifs vers les entreprises utilisatrices à partir de 2026, ce qui alourdit la gestion administrative.
Nous proposons donc de supprimer ce transfert d'effectifs, qui crée une complexité inutile pour l'administration comme pour les groupements d'employeurs et les entreprises utilisatrices. Je le rappelle, nous avons tous pour objectif la simplification des process.
Nous souhaitons également avancer la date d'application du dispositif visé au 1er janvier 2025, afin d'éviter des pertes d'emplois à temps complet et de maintenir un cadre simplifié pour les groupements d'employeurs.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 907 rectifié.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l'amendement n° 1040 rectifié bis.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes collègues ont parfaitement présenté la mesure envisagée.
Pour ma part, j'aimerais insister, dans un souci pédagogique, sur l'intérêt des groupements d'employeurs, qui ont vocation à se substituer aux petites entreprises en matière de gestion des ressources humaines.
Ces structures agissent en tant que coopératives ou comme associations. Il ne s'agit pas d'entreprises à part entière ; leur statut juridique diffère de celui de leurs membres. Elles paient les cotisations sociales de tous les salariés qu'elles mettent à disposition : contrairement à ce que j'ai pu entendre, il n'y a pas de trous dans la raquette.
Mais, comme les groupements d'employeurs se substituent à de petites entreprises, ce qui est le fondement même de leur existence, ils ne sauraient être comptabilisés comme de grandes entreprises.
C'est pourquoi nous proposons de leur appliquer le taux de cotisation patronale des TPE-PME.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 1202 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour présenter l'amendement n° 1270 rectifié bis.
Mme Solanges Nadille. Mes collègues ont bien exposé les données du problème.
Je rappelle que groupements d'employeurs sont très présents dans le secteur agricole.
Mon amendement vise à simplifier leur gestion, afin d'éviter des coûts inutiles pour l'administration, et à garantir la pérennité des avantages sociaux pour les petites entreprises concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je le rappelle, nous avions déjà débattu des groupements d'employeurs l'année dernière. Je pense que nous sommes tous d'accord sur leur utilité et leur intérêt dans le monde économique.
L'an dernier, donc, la commission avait, dans un premier temps, émis un avis défavorable sur un amendement déposé dans le sens aujourd'hui indiqué par nos collègues, avant de changer cet avis en un avis favorable à la suite de l'adoption d'un sous-amendement. Il est vrai que le dispositif voté par le Sénat n'avait pas été maintenu dans le texte final…
Les mesures proposées par les auteurs de ces amendements identiques soulèvent un certain nombre de questions.
D'abord, en cas de suppression du transfert d'effectifs vers les entreprises utilisatrices, ne risque-t-on pas que les salariés ne soient comptabilisés dans aucun effectif, ce qui entraînerait une perte de recettes pour les finances sociales ?
Ensuite, que se passerait-il en cas d'entrée en vigueur du dispositif relatif aux groupements d'employeurs au 1er janvier 2025, comme cela est proposé ? Je pense notamment aux organismes de recouvrement…
Au regard de l'intérêt que les groupements d'employeurs suscitent dans nos territoires, j'aimerais que M. le ministre nous apporte son éclairage sur ces différents éléments.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l'avis serait défavorable. En effet, le dispositif envisagé pose problème.
Les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par un groupement d'employeurs ne seraient comptabilisés ni dans les effectifs du groupement d'employeurs ni dans ceux de l'entreprise utilisatrice. Une telle mesure serait non seulement injustifiée, mais, de plus, elle entraînerait un manque à gagner pour les finances sociales. Je pense en particulier au système de formation professionnelle et d'apprentissage, ainsi qu'au Fonds national d'aide au logement (Fnal), le montant des contributions dues variant selon l'effectif des entreprises.
L'adoption de ces amendements reviendrait à créer un précédent inacceptable en établissant une différence de traitement qui serait inexplicable entre les groupements d'employeurs et d'autres acteurs confrontés aux mêmes problématiques, comme les agences d'intérim.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le ministre, j'entends vos arguments.
Reste que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure – je me doutais un peu de votre réponse –, il n'y a pas aujourd'hui de trous dans la raquette. En effet, les groupements d'employeurs paient les cotisations dues pour tous leurs salariés : rien ne disparaît sous les radars.
Les agences d'intérim, auxquelles vous faites référence, n'ont pas le même statut juridique que les groupements d'employeurs. Les premières ont été créées pour répondre à un accroissement temporaire d'activité, quand les seconds répondent à un besoin pérenne d'emplois à temps partiel.
À l'heure où les tracteurs sont devant les préfectures, je veux rappeler que 60 % des bénéficiaires des groupements d'employeurs sont des TPE du secteur agricole et que 10 % de la masse salariale de la filière agricole dépend de ce système.
Aller dans le sens du Gouvernement aurait pour effet soit de tuer les groupements d'employeurs – après tout, c'est une option que certains assument peut-être – soit de mettre des secteurs sous tension, le temps pour les groupements d'employeurs de se réorganiser afin de rester sous le seuil des onze salariés. Cela pourrait donc aboutir, paradoxalement, à une multiplication des groupements d'employeurs, puisque chacun aura intérêt à rester sous ce seuil. Nous aurons simplement réussi à perdre du temps et à mettre des gens sous tension, alors que, je le rappelle, les cotisations sociales sont aujourd'hui payées pour tous les salariés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, pour une fois, je n'irai pas dans votre sens.
L'année dernière, nous avions adopté un amendement sous-amendé pour essayer de contourner une partie des difficultés.
Certes, le problème que vous évoquez est réel. Mais celui auquel les auteurs de ces amendements souhaitent répondre l'est aussi.
Je suggère donc de reprendre la méthode que nous avions retenue hier : adoptons d'abord ces amendements, et nous essaierons ensuite de répondre aux interrogations du Gouvernement dans le cadre de la commission mixte paritaire. (Mme Anne-Sophie Romagny acquiesce.) Nous nous donnerons ainsi la possibilité d'agir en soutenant l'initiative de nos collègues.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 442 rectifié bis, 785 rectifié ter, 907 rectifié, 1040 rectifié bis, 1202 rectifié bis et 1270 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Article 8 bis (nouveau)
La sous-section 2 de la section 5 du chapitre III du titre II du livre Ier du code de commerce est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« De la validation et des contrôles opérés par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales
« Art. L. 123-49-1. – Les inscriptions d'informations et les dépôts de pièces au registre national des entreprises sollicités à l'occasion de demandes d'immatriculation, d'inscriptions modificatives et de radiations sont validés, pour les entreprises mentionnées au 6° de l'article L. 123-36, par une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales désignée par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. – (Adopté.)
Article 8 ter (nouveau)
I. – Le dernier alinéa de l'article L. 761-5 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations prévues aux 1° et 3° sont recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole selon les règles et avec les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d'assurances sociales agricoles.
« Les cotisations prévues au 2° sont recouvrées par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général. »
II. – L'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent I est également applicable aux employeurs qui versent des revenus de remplacement à leurs salariés ou à leurs anciens salariés. » ;
2° Le II bis est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « qu'employeur, des sommes » sont remplacés par les mots : « que celui d'employeur, des sommes dues à un attributaire en application d'une obligation légale ou conventionnelle, qu'elles soient ou non » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
3° Après le II ter, il est inséré un II quater ainsi rédigé :
« II quater. – Les données issues des déclarations sociales nominatives et servant aux finalités prévues au deuxième alinéa des I et II bis du présent article peuvent être utilisées pour la conception, la conduite ou l'évaluation des politiques publiques. » ;
4° Le second alinéa du III est supprimé.
III. – Le II est applicable aux cotisations et contributions dues pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2026.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l'article.
Mme Émilienne Poumirol. L'article 8 ter concerne la fraude sociale.
J'aimerais simplement rappeler que la fraude fiscale, elle, fait perdre entre 80 milliards et 100 milliards d'euros chaque année à l'État, selon les estimations. (Marques d'agacement sur des travées du groupe Les Républicains.) Et, voilà quelques années, Antoine Peillon publiait un livre intitulé Ces 600 milliards qui manquent à la France.
Dans son dernier rapport annuel, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) estime la fraude sociale à 13 milliards d'euros, dont sont exclus les 2 milliards d'euros de fraudes détectées et les 0,6 milliard d'euros effectivement recouvrés.
Parmi les grands acteurs de cette fraude sociale, on trouve certains employeurs indélicats et certains travailleurs indépendants qui, par exemple, ne déclarent pas les heures de travail effectuées.
La fraude aux Urssaf, évaluée à 6,91 milliards d'euros, et la fraude à la Mutualité sociale agricole (MSA), 340 millions d'euros, représentent à elles seules près de 56 % de la fraude.
Quant au manque à gagner total lié au travail dissimulé, il serait compris entre 8 milliards et 10 milliards d'euros, sachant que 10 % seulement des sommes redressées au titre de la lutte contre le travail dissimulé sont recouvrées, de nombreuses entreprises disparaissant voire organisant leur insolvabilité avant que les agents de l'Urssaf ne puissent récupérer les sommes dues.
Les assurés, s'ils sont pointés du doigt par certains, ne représentent qu'un tiers, 34 %, de la fraude sociale, pour un montant d'environ 4 milliards d'euros.
D'ailleurs, la fraude au RSA, la fraude à la prime d'activité et les fausses déclarations auprès de France Travail ne comptent que pour 0,11 milliard d'euros, soit moins de 1 % du total.
Je profite donc de l'examen de cet article visant à faciliter le recouvrement des cotisations sociales pour rappeler que les auteurs de fraude les plus fréquents sont bien les entreprises et les travailleurs indépendants.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 ter.
(L'article 8 ter est adopté.)
Article 8 quater (nouveau)
L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Aux directeurs et aux directeurs comptables et financiers des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code et aux agents placés sous leur autorité pour accomplir les actions de contrôle et de lutte contre la fraude mentionnées à l'article L. 114-9. » ;
2° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. L'article 8 ter, que nous venons d'adopter, ne concerne pas la fraude ; selon le rapport de la commission, il concerne les « données recueillies dans le cadre de la déclaration sociale nominative et du prélèvement à la source pour les revenus autres ».
L'article consacré à la lutte contre la fraude, c'est bien plutôt cet article 8 quater, qui, toujours selon le rapport de la commission, a trait à l'« élargissement du droit de communication aux organismes du recouvrement pour lutter contre la fraude ».
La création de ce droit de communication au profit des agents des organismes de sécurité sociale remonte à l'examen du PLFSS pour 2008 – c'était mon premier PLFSS. Comme notre collègue Alain Milon, j'en garde un excellent souvenir ! (M. Alain Milon sourit.)
Les Urssaf et les caisses de la MSA ont, faut-il le rappeler, des missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé. La lutte contre la fraude sociale est l'objectif prioritaire de l'ensemble des pouvoirs publics. Difficile à évaluer, elle serait estimée à 13 milliards d'euros par an, quand la fraude effectivement constatée s'élève « seulement » à 2,1 milliards d'euros.
Notre but doit être d'étendre le droit de communication, afin de renforcer les actions de contrôle et de lutte contre la fraude et d'améliorer la qualité des informations dont disposent les différents corps de contrôle.
Notre groupe votera donc cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 quater.
(L'article 8 quater est adopté.)
Après l'article 8 quater
M. le président. L'amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mme Jacquemet, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 114-14 du code de la sécurité sociale, après les mots : « protection sociale », sont insérés les mots : « ainsi que les agents consulaires ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Nous entrons, à une heure tardive – je le déplore ! – dans le tunnel des amendements antifraude. (Sourires.)
Cet amendement vise à compléter l'article L. 114-14 du code de la sécurité sociale en incluant les agents consulaires parmi les bénéficiaires possibles du droit de communication qui vient d'être évoqué.
Vous le savez, j'exerce au sein de la commission des finances les fonctions de rapporteur spécial sur les crédits de la mission budgétaire « Action extérieure de l'État ». Les agents du service du ministère des affaires étrangères chargé de la fraude seraient absolument ravis d'être associés au dispositif et de pouvoir avoir communication d'un certain nombre d'éléments.
Prenons un exemple concret. Les personnes qui demandent un visa pour la France doivent apporter des preuves de leur solvabilité et de leur hébergement dans notre pays. Or il arrive qu'une fois arrivées en France ces personnes fassent des demandes de prestation, voire de logement, ce qui ne devrait pas être le cas au regard des facultés contributives dont elles ont justifié pour obtenir un visa… Aussi nos services consulaires se demandent-ils pourquoi ils ne sont pas plus souvent consultés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous connaissons l'engagement de Nathalie Goulet dans la traque de la fraude.
Comme cela a été rappelé, l'article 8 quater étend le droit de communication des directeurs comptables et financiers des Urssaf et des agents placés sous leur autorité à l'ensemble des actions de contrôle et de lutte contre la fraude, ce qui est déjà une avancée importante.
Notre collègue propose d'inclure les agents consulaires dans le dispositif. En réalité, cette demande est satisfaite. En effet, l'article L. 114-11 du code de la sécurité sociale dispose que, dans leurs missions respectives, les organismes de sécurité sociale et les services de l'État chargés des affaires consulaires se communiquent toutes les informations utiles à l'appréciation et au contrôle des prestations et des aides versées.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je salue à mon tour l'action de Mme la sénatrice Goulet dans la lutte contre la fraude.
En l'espèce, son amendement est satisfait : j'émettrai donc le même avis que Mme la rapporteure générale.
Le droit en vigueur prévoit bien un cadre juridique d'échange de données entre les organismes de sécurité sociale et les autorités consulaires, ce qui permet notamment de communiquer des informations liées à l'appréciation et au contrôle des conditions d'ouverture ou de service des prestations et des aides versées, ainsi qu'au recouvrement des créances détenues.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 104 rectifié est retiré.
Article 8 quinquies (nouveau)
I. – Le I de l'article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du second alinéa, les mots : « et à l'article 1447 du même code » sont remplacés par les mots : « , aux articles 150 VI et 1447 du même code et au chapitre Ier du titre VII du livre IV du code des impositions sur les biens et services » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le présent article n'est applicable aux vendeurs, aux prestataires et aux opérateurs de plateforme mentionnés au premier alinéa qu'à l'expiration d'un délai à compter du début ou de la reprise d'activité sur une plateforme qui est défini par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
« Lorsque le vendeur ou le prestataire est redevable des taxes mentionnées au chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts au titre du chiffre d'affaires ou des recettes réalisés par l'intermédiaire d'une plateforme mentionnée au premier alinéa du présent article, l'organisme mentionné à l'article L. 213-1 du présent code régularise auprès du vendeur ou du prestataire le montant prélevé au premier alinéa du présent article. Un décret prévoit les conditions et modalités de cette régularisation. »
II. – Le B du II de l'article 6 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est ainsi modifié :
1° Après le mot : « plateforme », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « volontaires selon des modalités prévues par décret. » ;
2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « Les conditions dans lesquelles les plateformes se portent volontaires et la liste des plateformes concernées sont fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. »
M. le président. L'amendement n° 361 rectifié, présenté par Mmes Puissat et Lassarade, MM. Michallet et Savin, Mme Lavarde, MM. Daubresse et Somon, Mme de La Provôté, M. Panunzi, Mme Berthet, M. Sol, Mmes Micouleau, M. Mercier, Gosselin et Schalck, M. Henno, Mme Muller-Bronn, M. Duffourg, Mme Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Evren, MM. C. Vial et Belin, Mme Dumont, M. Bruyen, Mme Bourcier, M. J.B. Blanc, Mmes Valente Le Hir et Petrus, MM. Mandelli, Hingray, Genet et Lefèvre, Mme Gruny, MM. Brisson, Cambon et Piednoir et Mmes Billon, Belrhiti et P. Martin, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1er
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l'article L. 613-6 du code de la sécurité sociale, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 7342-1 du code du travail ».
La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. S'ils sont votés, cet article et cet amendement devraient simplifier la vie de nombreuses entreprises dans notre pays.
L'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a prévu l'obligation pour les plateformes numériques de collecter et de verser les cotisations sociales des micro-entrepreneurs utilisateurs des plateformes par un calcul et un prélèvement directs des cotisations dues.
L'objectif était louable et la mesure demandée en particulier par les plateformes intervenant dans les secteurs des véhicules de transport avec chauffeur (VTC), de la livraison et de l'emploi, pour lesquelles l'enjeu est en effet bien réel.
Malheureusement, la disposition a été appliquée à toutes les plateformes, y compris à celles qui, en règle générale, traitent très peu avec les auto-entrepreneurs.
Prenons par exemple, sans faire de publicité, la plateforme Le Bon Coin, dont 99 % des utilisateurs sont des particuliers.
À l'heure actuelle, les auto-entrepreneurs qui utilisent cette plateforme tiennent une comptabilité et paient chaque trimestre leurs cotisations à l'Urssaf.
Si l'amendement que je propose n'est pas voté, non seulement ces professionnels devront tenir une double comptabilité, ce qui en soi est déjà compliqué, mais encore la vente d'un article au prix de 100 euros ne donnera-t-elle pas lieu à un paiement direct de 100 euros : en raison du précompte qui sera établi par l'Urssaf, l'auto-entrepreneur sera rémunéré 87 euros. Or le risque existe que le produit ne fonctionne pas, qu'il faille le renvoyer, que la transaction fasse l'objet de multiples contentieux.
Au bout du compte, on complique la vie de l'Urrsaf et des plateformes.
Monsieur le ministre, c'est sur l'initiative du Gouvernement que l'article 8 quinquies a été introduit à l'Assemblée nationale puis maintenu dans le PLFSS pour 2025.
Vous n'ignorez donc rien du problème, qui inquiète grandement les administrations. Nous pouvons le résoudre très simplement : conservons le schéma actuel, qui permet de payer les cotisations de façon très simple.
M. Laurent Duplomb. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie Frédérique Puissat d'appeler notre attention sur le désordre que cette disposition votée l'année dernière a pu créer.
Selon l'étude d'impact du PLFSS pour 2024, 69 % des micro-entrepreneurs utilisateurs de plateformes déclareraient à l'Urssaf des chiffres d'affaires inférieurs à ceux qui sont réellement enregistrés, et 55 % d'entre eux ne déclaraient rien du tout. (M. Michel Savin s'exclame.)
M. André Reichardt. Ce n'est pas bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les cotisations ainsi éludées s'élèveraient à 144 millions d'euros en 2021 et à 175 millions d'euros en 2022. Ces montants sont considérables !
L'article 8 quinquies du présent projet de loi a justement pour objet de préciser le dispositif mis en place par le précédent PLFSS.
Le dispositif ainsi modifié doit entrer en vigueur à titre expérimental le 1er janvier 2026. Il s'agit de vérifier son caractère opérationnel avant une éventuelle généralisation qui interviendra à compter du 1er janvier 2027, assortie des corrections qui s'imposeront.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Si j'en comprends l'objectif, cet amendement me paraît un peu disproportionné : vous proposez en définitive, madame la sénatrice, de priver les utilisateurs qui n'interviennent pas sur une plateforme d'emploi de cette mesure de simplification.
Je suis par ailleurs sensible à l'argument de Mme la rapporteure générale.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Si toutefois cet amendement devait être adopté, nous pourrions le retravailler d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire (CMP).
M. Laurent Duplomb. Pourquoi alors ne pas émettre un avis de sagesse ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Nous avons tous entendu M. le ministre : le travail reste à faire.
M. le président. Madame Puissat, l'amendement n° 361 rectifié est-il maintenu ?
Mme Frédérique Puissat. Oui, monsieur le président. Maintenons-le et discutons-le en commission mixte paritaire ; ainsi aurons-nous l'occasion de le retravailler.
M. Laurent Duplomb. Nous allons le voter, pas d'inquiétude !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je ne suis pas une spécialiste du sujet, mais j'ignorais que quand on vend un produit à 100 euros sur Le Bon Coin on paie des cotisations à l'Urssaf ;…
Mme Frédérique Puissat. Quand on n'est pas un particulier !
Mme Monique Lubin. … à moins que l'on ne parle ici d'auto-entrepreneurs qui passent par des plateformes ? (Mme Frédérique Puissat le confirme.)
Quoi qu'il en soit, j'ai tendance à considérer que nous devons habituer les auto-entrepreneurs à verser des cotisations.
Mme Frédérique Puissat. Ils le font déjà !
Mme Monique Lubin. Certes ! Néanmoins, il ne me semble pas opportun, d'une manière générale, d'adopter des dispositions visant à simplifier un système qui a été mis en place récemment et dont l'objectif est plutôt vertueux. Je pencherais pour que nous n'adoptions pas cet amendement.
Mme Frédérique Puissat. Mais, en l'espèce, on a complexifié !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 361 rectifié.
(L'amendement est adopté.) – (Mme Florence Lassarade applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 844, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'ignorais que la CMP avait pour vocation de raccourcir les débats en séance… (Sourires.)
Issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, le présent article modifie les dispositions de l'article 6 du PLFSS pour 2024 visant à réformer la collecte des cotisations sociales des micro-entrepreneurs des plateformes numériques.
L'enjeu est en effet important : la sous-déclaration des revenus générés par ces activités a été soulignée, dans une note de décembre 2022, par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui relevait un manque à gagner de près de 200 millions d'euros pour le financement de la sécurité sociale.
Au-delà de l'aspect financier, la réduction ou la dissimulation des revenus déclarés réduit les cotisations sociales versées et par conséquent – c'est pour moi le plus important – les droits sociaux des travailleurs.
En effet, dans cette configuration, ces derniers ne peuvent prétendre en totalité ni aux indemnités journalières auxquels ils auraient droit, ni à leur pension de retraite, ni encore à une protection efficace contre les accidents du travail, un risque auquel les livreurs sont particulièrement exposés.
Si nous partageons l'ambition du présent article, limiter le dispositif aux seules plateformes volontaires nous paraît néanmoins contradictoire avec l'objectif affiché d'amélioration du recouvrement des cotisations auprès des travailleurs indépendants et des travailleurs des plateformes – au reste, l'apparition du terme « volontaire » dans un texte de loi n'est jamais bon signe…
En effet, cette restriction ne fera que minorer les possibilités de recouvrement des manques à gagner dus aux fraudes et limitera le nombre de travailleurs pouvant prétendre à des droits contributifs complets.
L'intérêt des plateformes ne doit pas primer sur la solidarité nationale ni sur l'intérêt des travailleurs desdites plateformes.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement tend à supprimer la restriction du dispositif aux seules « plateformes volontaires ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Lorsque l'on conduit une expérimentation, il est toujours utile de prévoir une possibilité de correction du dispositif avant d'en généraliser l'application.
Telle est la méthode que nous avions employée pour un dispositif de plus grande ampleur, celui du RSA : les départements participant à l'expérimentation avaient pu y apporter des correctifs.
Je me souviens des travaux que nous avions menés à ce sujet avec Martin Hirsch : une évaluation très précise du dispositif avait permis à tous les départements, au moment de la généralisation, de profiter de l'expérience de ceux qui avaient « essuyé les plâtres ».
En l'espèce, si nous voulons apporter une réponse ciblée et prévenir les dysfonctionnements, il me semble intéressant de faire appel à quelques plateformes volontaires, qui auront le dynamisme et l'envie nécessaires. En outre, les plateformes volontaires ne se trouveront pas parmi celles qui rechignent à déclarer leur chiffre d'affaires.
Par principe, je suis donc plutôt défavorable à cet amendement : l'expérimentation, selon moi, c'est la correction utile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 quinquies, modifié.
(L'article 8 quinquies est adopté.)
Après l'article 8 quinquies
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 111-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 111-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-…- Au sens du présent code, la résidence principale d'une personne doit être justifiée dans des conditions fixées par décret.
« L'élection de domicile ne vaut pas résidence. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 15 rectifié et 105 rectifié.
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 105 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, et ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrôles réalisés par une caisse de même que leurs résultats sont opposables sur l'ensemble des risques. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Le problème visé par l'amendement n° 15 rectifié a été soulevé par nos administrations consulaires, qui ne comprennent pas comment une simple élection de domicile peut constituer une résidence.
Si un sans domicile fixe peut tout à fait être domicilié dans un centre communal d'action sociale (CCAS), une famille avec enfants ne peut pas l'être.
Certains voient dans cette pratique une source de fraude à la résidence ; d'où la nécessité de bien définir la notion de résidence.
Par l'amendement n° 105 rectifié, il s'agit de considérer que les contrôles réalisés par une caisse, de même que leurs résultats, sont opposables sur l'ensemble des risques. Cette mesure correspond aux recommandations nos 55 et 56 du rapport intitulé Lutte contre la fraude sociale : état des lieux et enjeux remis au mois de juillet 2024 par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le versement de certaines prestations sociales est en effet soumis à la condition de résidence sur le territoire français.
L'amendement n° 15 rectifié est toutefois satisfait par le droit en vigueur, dans la mesure où l'article R. 111-2 du code de la sécurité sociale, de niveau réglementaire, définit la notion de résidence stable et régulière.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 105 rectifié, je comprends tout à fait la volonté de permettre à un organisme de sécurité sociale ayant réalisé un contrôle de transmettre ses conclusions à un organisme couvrant un autre risque.
Le dispositif proposé me semble toutefois inopérant : avis défavorable.
Il conviendra néanmoins de reprendre et d'approfondir la réflexion sur ce sujet. Monsieur le ministre, si vous y êtes disposé, je ne saurais trop vous conseiller de travailler avec Nathalie Goulet, qui est une véritable chercheuse de fraude !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
Je travaillerai volontiers avec Mme Goulet sur ces sujets.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je retire l'amendement n° 15 rectifié, mais je maintiens l'amendement n° 105 rectifié, qui reprend exactement la rédaction retenue par le HCFiPS.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 105 rectifié.
(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 quinquies.
L'amendement n° 1236 rectifié bis, présenté par Mme Nadille, MM. Théophile, Iacovelli, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de fraude avérée commise par le bénéficiaire liée à la délivrance d'un arrêt de travail par une personne autre qu'un médecin ou une sage-femme mentionnés à l'article L. 321-1 ou au non-respect, par l'assuré, de l'interdiction d'exercer une activité non autorisée prévue au 4° du présent article, la caisse informe son employeur de la fraude constatée. Les données et pièces justificatives pouvant être transmises dans le cadre de cette information ainsi que les modalités et délais de transmission sont déterminés par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Dans une perspective de lutte contre la fraude, cet amendement du groupe RDPI tend à prévoir, en cas de fraude avérée d'un salarié, la communication par l'assurance maladie des informations relatives à cette fraude à l'employeur de l'assuré concerné.
Ainsi, sur le fondement de cette disposition légale, en cas de délivrance frauduleuse d'un arrêt de travail ou d'exercice d'une activité non autorisée pendant l'arrêt maladie, la caisse primaire d'assurance maladie constatant la fraude serait habilitée à porter cette information à la connaissance de l'employeur.
In fine, la communication d'une telle information pourrait justifier, selon la nature de la fraude, une éventuelle sanction disciplinaire de l'assuré par l'employeur.
L'objectif est de désinciter les salariés à recourir à de faux arrêts de travail pour justifier leur absence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je partage l'objectif de lutte contre la fraude, notamment contre la fraude aux arrêts de travail – on sait que lesdits arrêts se multiplient ces derniers temps.
Notre collègue Anne-Sophie Romagny nous a ainsi alertés – nous y étions déjà très sensibles – sur la facilité avec laquelle il est possible d'obtenir sur internet un arrêt de travail pour 9 euros, sans même que le médecin concerné sache qu'il en est signataire. Nous devrons étudier ce dossier avec précision.
Toutefois, le dispositif proposé au travers de cet amendement me semble restrictif, en ce qu'il vise uniquement les arrêts de travail qui ne seraient pas délivrés par un médecin ou une sage-femme.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement va dans le bon sens, celui de la délivrance d'une information nécessaire à l'employeur : avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. L'employeur qui prendrait une sanction disciplinaire sur la base d'une information extérieure transmise par une caisse d'assurance maladie enfreindrait selon moi le droit du travail.
Par cette disposition, vous conduiriez les employeurs qui seraient tentés par vos recommandations devant les prud'hommes, où ils perdraient. (M. Olivier Rietmann s'exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1236 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 374 rectifié bis est présenté par MM. Henno et Vanlerenberghe et Mmes Guidez, Sollogoub, Devésa et Romagny.
L'amendement n° 449 rectifié est présenté par Mme N. Goulet, M. Canévet, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Perrot, Jacquemet et O. Richard, MM. Cambier, Pillefer et Folliot, Mme Patru, MM. Delcros, Courtial et Capo-Canellas et Mmes Billon, Romagny et Antoine.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les investigations prévues au présent article concluent à la fraude d'un assuré au titre d'allocations journalières versées en cas d'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail, les organismes visés au premier alinéa transmettent à l'employeur de l'assuré concerné tous renseignements et tous documents utiles pour caractériser ladite fraude. Cette information est réalisée par tout moyen permettant de garantir sa bonne réception par l'employeur. »
La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 374 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Par cet amendement, il s'agit non pas de voler la vedette à Nathalie Goulet sur le thème de la fraude (Sourires.), mais de faire évoluer l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, afin de faciliter la circulation de l'information et la caractérisation de ladite fraude, pour ce qui concerne notamment les indemnités journalières.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 449 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Il est défendu !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La fraude aux arrêts de travail est un phénomène qui prend de l'ampleur.
En 2023, les faux arrêts de travail ont ainsi représenté un préjudice de 7,7 millions d'euros pour l'assurance maladie, contre 5 millions d'euros en 2022.
Si nos discussions portaient jusqu'à présent sur les recettes, il s'agit ici de mieux dépenser, car un euro dépensé dans la lutte contre la fraude est un euro utile.
La fraude aux arrêts de travail peut être sanctionnée par des pénalités financières décidées par la caisse primaire d'assurance maladie. Elle constitue également, au sens de l'article 441-2 du code pénal, un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Le fait de produire de faux arrêts de travail peut en outre être constitutif d'un manquement professionnel.
Aussi l'idée d'obliger les caisses de sécurité sociale à informer les employeurs de telles pratiques frauduleuses est-elle intéressante ; elle pourrait être suivie d'effets.
Toutefois, le dispositif juridique ici proposé me semble perfectible, en ce qui concerne notamment la définition matérielle de la fraude.
Il est important que ces sujets soient traités selon une cohérence d'ensemble, afin de ne pas fragiliser les procédures pénale et civile et de sécuriser les dispositifs de sanction et de recouvrement.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En cohérence avec l'avis précédent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques, qui vont dans le bon sens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 374 rectifié bis et 449 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 quinquies.
Mme Raymonde Poncet Monge. Où sont les amendements sur les fraudes aux cotisations patronales, qui représentent 90 % de la fraude ?
M. le président. L'amendement n° 204 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, M. Canévet, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Perrot et O. Richard, M. Cambier, Mme Jacquemet, M. Folliot, Mme Patru, M. Delcros, Mme Billon, MM. Pillefer et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission de contrôle des conditions de résidence, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret une consultation du fichier Passenger Name Record (PNR) »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s'agit d'autoriser les directeurs des organismes de sécurité sociale, lorsque cela est nécessaire à la mission de contrôle des conditions de résidence, à habiliter les agents chargés du contrôle à consulter, dans des conditions précisées par décret, le fichier Passenger Name Record (PNR).
Une telle possibilité existe déjà en matière de lutte contre la fraude fiscale. Il s'agit en outre d'une recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le fichier PNR, qui a pour objet de contrôler les déplacements aériens, est autorisé par la loi à titre expérimental.
Il est accessible aux agents des ministères de l'intérieur, de la défense et des transports ainsi qu'à ceux des douanes, pour les besoins liés à la prévention de certaines infractions qui concernent les actes de terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Il ne me semble pas possible d'adopter cet amendement sans modifier en conséquence les dispositions du code de la sécurité intérieure ; à défaut d'une telle modification, on risque de créer une incompatibilité entre les différents codes.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, bien que la question soulevée soit très importante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 quinquies.
Mme Jocelyne Guidez. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mme Jacquemet, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 114-10-1-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits d'une personne faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sont immédiatement suspendus, sauf cas d'urgence médicale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il a déjà été débattu à plusieurs reprises de cet amendement de bon sens.
Il s'agit de prévoir la suspension immédiate, sauf cas d'urgence médicale, des droits d'une personne faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le droit est clair : les personnes en situation irrégulière ne peuvent bénéficier d'aucune prestation sociale, à l'exception de l'aide médicale de l'État (AME) et de l'accès à un hébergement d'urgence.
Il est nécessaire que nous ayons ce débat, mais nous devrons l'avoir dans un autre cadre, celui d'un texte de loi dédié.
Dans le cadre de l'examen du présent PLFSS, nous ne pouvons écarter, sur cette disposition, le risque de censure du Conseil constitutionnel : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Quand bien même il aurait lieu dans un autre cadre, je ne suis pas certain, pour ma part, qu'un débat soit nécessaire sur cette question.
Le droit en vigueur est suffisant et très clair : les personnes en situation irrégulière n'ont pas accès aux prestations, à l'exception des cas – AME et hébergement d'urgence – mentionnés par Mme la rapporteure générale.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est trop facile ! Vous monopolisez la parole et empêchez les explications de vote ! (Exclamations.)
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : « aux fichiers des services de l'État », sont insérés les mots : « , notamment au fichier des personnes recherchées dans des conditions fixées par décret, »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à ouvrir aux agents de l'administration et des organismes de sécurité sociale la possibilité de consulter, dans des conditions définies par décret, les fichiers des services de l'État, notamment le fichier des personnes recherchées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Sont inscrites au fichier des personnes recherchées les personnes qui font l'objet de décisions judiciaires devant être exécutées, celles qui sont recherchées dans le cadre d'une enquête pénale ou encore celles qui faisaient l'objet d'un internement en hôpital psychiatrique et se sont enfuies.
La consultation de ce fichier est donc très encadrée, compte tenu des informations sensibles qu'il contient.
Pour cette raison, toute modification de son contenu ou de ses modalités d'accès doit être soumise à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 114-10-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 114-10-…. – I. – Dans le cadre des contrôles mentionnés à l'article L. 114-10, en cas de circonstances susceptibles de mettre en péril le recouvrement de l'indu ou de la fraude constatée, les agents mentionnés à l'article L. 114-16-3 peuvent dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l'évaluation du montant de l'indu ou de la fraude.
« Ce procès-verbal est signé par l'agent de contrôle et par la personne en cause. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« L'original du procès-verbal est conservé par la structure à l'origine du contrôle et copie est notifiée à la personne en cause.
« II. – La notification du procès-verbal de flagrance sociale permet de procéder à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d'exécution à hauteur d'un montant qui ne peut excéder le montant de l'indu ou de la fraude constatée. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à étendre la procédure de flagrance sociale sur le modèle du dispositif applicable en matière de flagrance fiscale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Prévue à l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale, la procédure de flagrance sociale permet aux organismes de recouvrement, lorsque la situation et le comportement de l'entreprise ou de ses dirigeants met en péril le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues, de dresser un procès-verbal sur la base duquel le directeur de l'organisme peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de saisir les biens de l'entreprise.
Les fraudes aux prestations sont toutefois généralement commises non par des entreprises, mais par des particuliers.
Un procès-verbal n'est pas nécessaire pour constater une telle fraude, tandis que le problème principal en la matière réside non pas dans la capacité des Urssaf à saisir les biens du fraudeur, mais dans la fréquente insolvabilité de celui-ci.
Il ne paraît donc pas judicieux d'étendre la flagrance sociale au-delà des cas de travail dissimulé.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le Sénat ayant déjà adopté cette disposition en 2021, je maintiens mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Kern, Henno, Laugier, Longeot et S. Demilly, Mme Saint-Pé, M. Bitz, Mme Sollogoub, MM. Bonneau et Lafon, Mme Perrot, MM. Levi et Delahaye, Mmes Jacquemet et O. Richard, MM. Pillefer, Menonville, Maurey et Courtial et Mmes Romagny et Antoine, est ainsi libellé :
Après l'article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 114-12-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute attribution d'un numéro des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques, y compris d'un numéro d'inscription au répertoire de l'Institut national de la statistique et des études économiques d'attente, ne peut se faire qu'après vérification par tous moyens de la régularité du séjour du demandeur. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à exiger, avant toute attribution d'un numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR), que soit d'abord vérifiée la régularité du séjour du demandeur.
Cette disposition peut certes faire doublon avec l'existant, mais elle est de la plus haute importance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je rappelle qu'un certain nombre de pièces justificatives, notamment le titre de séjour, sont requises à l'appui de la demande d'attribution d'un NIR formulée par un étranger.
Il ne paraît donc pas nécessaire de rendre obligatoire la consultation de l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) avant l'attribution d'un NIR, c'est-à-dire d'un numéro de sécurité sociale.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 52 amendements au cours de la soirée ; il en reste 563 à étudier sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 21 novembre 2024 :
À dix heures trente, l'après-midi, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 129, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 21 novembre 2024, à une heure vingt-cinq.)
nomination de membres d'une commission d'enquête
Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés (vingt-trois membres)
Mmes Jocelyne Antoine, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Laurent Burgoa, Frédéric Buval, Jean-Pierre Corbisez, Marc-Philippe Daubresse, Mmes Élisabeth Doineau, Françoise Dumont, MM. Hervé Gillé, Jean-Pierre Grand, Daniel Gremillet, Mme Antoinette Guhl, M. Loïc Hervé, Mme Marie-Lise Housseau, M. Olivier Jacquin, Mmes Else Joseph, Mireille Jouve, Florence Lassarade, Audrey Linkenheld, Vivette Lopez, MM. Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille et Mme Anne Ventalon.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER