Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 et suivants.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappels au règlement
M. Daniel Breuiller. Je souhaite formuler un rappel au règlement au titre de l’article 19 bis B de notre règlement.
Depuis hier, j’ai demandé à sept ou huit reprises la communication de l’avis du Conseil d’État. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Chers collègues, c’est un sujet important !
Sur toutes les travées de la gauche, nos collègues l’ont demandé également. Marie-Pierre de La Gontrie et Daniel Laurent y ont insisté. On m’a répondu, avec un peu de condescendance que je n’ai pas voulu prendre pour du mépris, qu’il n’y avait pas d’avis du Conseil d’État.
Je m’interroge sur la sincérité de M. le ministre…
M. Daniel Breuiller. En effet, le décret du 23 janvier 2023, signé par la Première ministre et par vous-même, monsieur Dussopt, mentionne un « projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023, délibéré en conseil des ministres, après avis du Conseil d’État ».
Je sais bien que je ne suis qu’un jeune sénateur,…
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Un récent sénateur !
M. Daniel Breuiller. … coupable de légèreté sans doute, mais je pense qu’il y a surtout de la légèreté dans la façon dont on mène ce débat. Et un réel problème de sincérité se pose.
Nous devrions exiger, sur toutes les travées de cette assemblée, que cet avis nous soit transmis, puisqu’il existe. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 33 de notre règlement.
Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de dix minutes, et cela pour deux raisons.
Tout d’abord, nous avons découvert un entretien de M. le ministre qui porte exactement sur les sujets que nous évoquons depuis jeudi. Nous voudrions prendre le temps de le lire, car, le plus souvent, les réponses que nous n’obtenons pas ici, nous finissons par les trouver dans le journal… Cela pourrait donc nous aider à accélérer les débats.
Ensuite, nous devons clarifier cette histoire d’avis du Conseil d’État. Existe-t-il, ou non ? Nous sera-t-il communiqué ?
Croyez-moi, madame la présidente, cette suspension de séance profitera à tous nos collègues, qui pourront prendre le temps de lire l’entretien accordé par M. le ministre. Celui-ci y déclare que cette réforme est de gauche, ce qui nous interpelle évidemment. Ne serait-ce pas un mensonge ?…
Mme le président. Madame Rossignol, nous allons terminer les explications de vote et voter les amendements qui restent en discussion. Vous pourrez prendre connaissance de cet entretien dans la nuit ou demain matin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Vincent Éblé. Prenez le temps de nous écouter, madame la présidente !
M. Vincent Éblé. Si vous voulez nous fâcher, continuez ainsi !
Mme Laurence Rossignol. Très bien ! S’il en est ainsi, nous allons demander un scrutin public pour chaque amendement.
M. Vincent Éblé. Jusqu’au bout de la nuit s’il le faut !
Mme le président. Madame Rossignol, vous êtes vice-présidente du Sénat. Vous devriez comprendre ma position.
Mme Laurence Rossignol. C’est la vie : nous occupons tour à tour des postes différents…
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4104 rectifié. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Vincent Éblé. Nous demandions un scrutin public !
Mme le président. Je n’ai pas reçu cette demande, monsieur Éblé !
Je mets aux voix l’amendement n° 4106 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Hussein Bourgi. C’est un coup de force !
Mme le président. Mes chers collègues, depuis hier, vous sollicitez un document. M. le ministre vous a fourni plus d’une fois des explications, tout comme M. le rapporteur et président de la Mecss. Or, à présent, vous demandez des suspensions pour consulter les journaux…
M. Vincent Éblé. C’est notre appréciation !
Mme le président. Sincèrement, il faut faire preuve d’un peu de sérieux, eu égard au sujet qui nous occupe. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Par ailleurs, les suspensions de séance sont du seul ressort du président de séance.
Mme Laurence Rossignol. Nous le savons !
M. Vincent Éblé. Il existe plusieurs façons de présider : des bonnes et des mauvaises…
Rappels au règlement
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues, je me fonde sur le chapitre XIV de notre règlement.
Nous avons écouté avec attention les réponses de M. le ministre, qui nous a expliqué que, dans le cas d’un PLFSS, le Conseil d’État rend non pas un avis, mais une note de synthèse. Par ailleurs, il nous a indiqué que, s’agissant d’une consultation du gouvernement, une déclaration orale de M. Hollande aurait décidé de sa non-publication.
Or dans les décrets qui ont présenté à l’Assemblée nationale et au Sénat les PLFSS, ainsi que, en l’occurrence, le présent PLFSS rectificatif, il est écrit : « Après avis du Conseil d’État ». Ce terme juridique n’est donc pas tombé du ciel !
Par conséquent, il est légitime de s’interroger et de demander à M. le ministre si un avis du Conseil d’État a été rendu, ou non, et pourquoi, dans ce dernier cas, le document qui nous est transmis fait référence à un avis.
Madame la présidente, nous n’avons toujours pas eu de réponse sur ce point.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, il est parfois délicat de mettre de l’ordre dans les interventions, et je comprends la difficulté de votre tâche. Néanmoins, nous demandons des scrutins publics, et il serait souhaitable qu’ils puissent avoir lieu pour préserver la paix de cette discussion.
J’en viens à mon rappel au règlement.
M. Max Brisson. Sur quel article du règlement vous fondez-vous ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Laissez-moi quelques instants pour le préciser… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chers collègues, vous ne faites rien depuis deux jours. Nous, nous travaillons ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Fabien Genet. Nous vous écoutons, c’est déjà beaucoup !
Mme le président. Madame de La Gontrie, je n’ai aucune difficulté avec les scrutins publics. En revanche, les demandes des groupes doivent porter sur les amendements mis aux voix, avec les bons numéros, ce qui n’était pas le cas, vous en conviendrez. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie acquiesce.)
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la présidente, ce rappel au règlement est fondé sur les articles 42 et suivants de notre règlement.
Le sujet de l’avis ou de la note du Conseil d’État a été évoqué à plusieurs reprises. Au Sénat, les uns et les autres – majorité sénatoriale, opposition, groupes minoritaires… –, nous avons exercé alternativement des responsabilités exécutives au cours des années passées.
Or il est dans l’intérêt de tous de conserver les équilibres définis par notre Constitution. Il est important de s’en tenir aux textes fondamentaux régissant les pouvoirs publics en France et auxquels nous sommes, sur toutes ces travées, attachés.
Ainsi, l’article 39 de la Constitution dispose qu’une loi organique définit les documents accompagnant un projet de loi.
Cette loi organique, qui a été débattue dans cet hémicycle et adoptée par le Parlement, en l’occurrence, ne prévoit pas la divulgation des notes relatives aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.), puisque le Conseil d’État est dans sa fonction de conseiller juridique du gouvernement.
Le Conseil d’État rend un avis dès lors qu’il s’agit d’un projet de loi ordinaire. Il produit une note dans le cas d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.
Il est très important que le Parlement respecte cette prérogative du Conseil d’État de conseil juridique du Gouvernement, faute de quoi, à l’avenir, ce dernier lui demandera un avis en off, et non plus formellement. Il est essentiel de garder cet élément à l’esprit, car, encore une fois, la majorité d’un jour peut devenir la minorité de demain, et vice versa.
Par ailleurs, le président de la Mecss a dévoilé un certain nombre d’éléments nous permettant de poursuivre le débat et l’examen des articles, ce à quoi je vous appelle, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 24, alinéa 2, du règlement du Sénat.
La tentative de Jean-Baptiste Lemoyne est compréhensible, mais elle n’est pas adaptée. En effet, il est question de savoir non pas si la publicité est obligatoire, mais si M. le ministre a dit la vérité.
M. Olivier Dussopt, ministre. Ce n’est pas possible ! Je croyais ne pas être à l’Assemblée nationale !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis le début, lorsque nous avons demandé cet avis au Gouvernement, il nous a été répondu non pas que nous ne l’obtiendrions pas en raison d’une absence d’obligation de publicité – nous aurions alors pu apprécier, polémiquer, contester –, mais que seule une note existait.
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel qu’il a été déposé – son fac-similé est accessible sur le site internet de l’Assemblée nationale – et tel que Marie-Noëlle Lienemann l’a lu, précise expressément qu’il a été adopté en conseil des ministres « après avis du Conseil d’État ».
Par conséquent, madame la présidente, il s’agit de savoir pourquoi M. le ministre nous a dit autre chose que la vérité… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Madame de La Gontrie, vos propos ne sont pas très respectueux vis-à-vis de M. le ministre.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, ce rappel au règlement est fondé sur l’article 19 bis de notre règlement.
La question de la sincérité des propos tenus se pose véritablement. Nous avons demandé, clairement et à plusieurs reprises, l’avis du Conseil d’État. M. le ministre nous a expliqué, clairement et à plusieurs reprises également, qu’il s’agissait non pas d’un avis, mais d’une note, et que nous ne pouvions pas l’obtenir. Or nous apprenons qu’il s’agit bien, en réalité, d’un avis…
Les contrevérités et les approximations, cela commence à bien faire ! Il s’agit d’un texte sérieux, qui concerne la vie des gens. Nous sommes donc en droit de connaître la vérité et d’avoir une réponse claire. Ce n’est pas attaquer quelqu’un que de le faire ; nous sommes ici pour débattre !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Jusqu’à présent, nos débats s’étaient relativement bien passés.
M. Laurent Duplomb. Relativement !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Or certains ont parlé de « mensonge », un terme qui est limite dans son expression et qui n’apporte rien au débat. Ceux qui nous regardent, à mon sens, ont un avis plutôt négatif sur la qualité de nos débats.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ce n’est pas acceptable quand une réforme touche un si grand nombre de personnes.
Par ailleurs, madame de La Gontrie, vous avez déclaré que nous ne faisions rien. Je n’accepte pas cela !
Nous travaillons toujours les textes financiers. En l’occurrence, nous travaillons sur cette réforme depuis quatre ou cinq ans. Mais cela vous a sans doute échappé, ce qui montre que vous préférez les effets de tribune à l’efficacité du travail ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)
En ce qui concerne l’exigence de transparence et cette note…
Mme Éliane Assassi. Cet avis !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … tout est dans le journal Le Monde, dont vous êtes des lecteurs ! Si vous ne l’avez déjà fait, lisez-le, tout y est explicité, il n’y a rien de plus.
Par ailleurs, les membres de la Mecss peuvent venir me voir. Ils auront des explications sur cette note dans la plus grande confidentialité, de la même façon que pour les matières régies par le secret fiscal, par exemple, que connaissent bien les présidents Raynal ou Éblé.
Aussi, que l’on cesse de nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je confirme simplement que le document que le Conseil d’État a transmis au Gouvernement et dans lequel il donne son appréciation sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est une note, qui a été approuvée par cette instance lors de sa séance du 19 janvier dernier.
En ce qui concerne les remises en cause de ma sincérité et de mon honnêteté, j’avais cru comprendre que je n’étais pas à l’Assemblée nationale. M. le rapporteur l’a justement rappelé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures vingt.)
Mme le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je souhaite que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée et qui contribuent à la bonne image de nos travaux.
Aussi, je n’hésiterai pas, afin de maintenir la sérénité de nos débats, à faire usage des prérogatives que le règlement confère à la présidence de séance.
Ce rappel fait, nous reprenons le cours normal de la discussion du texte.
Rappel au règlement
Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. Il ne s’agit pas de porter atteinte à la sérénité de nos débats – j’espère que vous le croirez, madame la présidente. Cependant, en cas d’incompréhension, il est nécessaire d’aller au bout des explications.
Chacun est de bonne foi ici, me semble-t-il. J’ai consulté la loi organique du 15 avril 2009, citée par notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, qui est relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, donc à la présentation des textes.
Tout d’abord, pour les projets de loi, il n’y est pas question de notes, mais d’études d’impact.
L’article 11 de cette loi organique précise d’ailleurs que cette disposition ne s’applique pas aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, aux projets de révisions constitutionnelles et aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution concernant les traités internationaux. Les études d’impact ne s’appliquent donc pas dans ces cas, mais l’avis doit être communiqué.
Ensuite, la notion de « note » a été inventée. Malgré mes recherches, je n’ai pu trouver son origine. Est-ce troubler la sérénité de nos débats que de demander une clarification ? En quoi consiste cette note de synthèse ? Dans quel texte figure-t-elle ? Elle n’est pas dans cette loi organique, par ailleurs très largement censurée par le Conseil constitutionnel.
Par conséquent, j’aimerais obtenir cet avis du Conseil d’État.
Article 1er (suite)
Mme le président. L’amendement n° 2107, présenté par Mme Doineau et M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article L. 712-13, les mots : « assurés mentionnés à l’article L. 712-1 » sont remplacés par les mots : « fonctionnaires de l’État, à l’exception de ceux relevant de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, » ;
La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de correction, madame la présidente.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Nous en avons terminé avec les amendements déposés à l’article 1er.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout d’abord, nous avons eu une discussion approfondie sur la remise en cause des régimes spéciaux, au cours de laquelle il est apparu que les salariés de la RATP et des industries électriques et gazières étaient au cœur de ces remises en cause.
Or ce n’est pas une mince affaire que de remettre en question le « pacte », pour reprendre le terme employé par notre collègue Pierre Laurent, qui a été passé avec les salariés de ces secteurs, piliers du service public, alors que notre pays connaît actuellement l’impérative nécessité de consolider ces services publics et de relever les défis en matière de transports et de transition énergétique.
Un parallèle peut être établi entre la remise en cause par la marchandisation et la financiarisation de ces services publics et le détricotage du modèle social que connaissent les salariés de ce secteur.
Vous suivez une logique selon laquelle les fondamentaux, qui ont fait la force de notre République, sont aujourd’hui considérablement affaiblis par les politiques néolibérales et subiront encore un mauvais coup au moment de relever les défis suscités.
Ensuite, je veux évoquer la pénibilité. En effet, vous vous attaquez à des métiers et des emplois où les salariés subissent des conditions de travail difficiles, des contraintes et de la pénibilité.
Or tous les mécanismes généraux de pénibilité que vous mettez en place ne sont jamais, au bout du compte, qu’une ultime réparation potentielle de la dégradation liée à leur travail, alors que ce statut leur garantissait, au contraire, une vision plus préventive et protectrice.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Au terme de l’examen de cet article 1er, je préciserai quelques points.
Tout d’abord, on compte 500 000 cotisants tous régimes spéciaux confondus, contre 28 millions de cotisants pour les autres régimes de retraite. La suppression des régimes spéciaux de retraite – cela a été rappelé – est un serpent de mer, qui se nourrit des rancœurs et des ressentiments. Ce n’est pas un hasard si la suppression de certains d’entre eux est discutée dès l’article 1er de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Toutefois, si nous pensons que le Gouvernement joue un jeu dangereux en opposant les Français entre eux, la mobilisation de ces derniers montre que, aujourd’hui, cette stratégie ne fonctionne pas, comme nous en aurons de nouveau, sans aucun doute, la démonstration mardi prochain.
Ensuite, même si nous n’avons eu de cesse de vous demander pourquoi vous souhaitiez supprimer ces régimes spéciaux, un certain nombre d’interrogations restent sans réponse.
Est-ce une suppression à la carte au nom de l’équité ? Mais alors, pourquoi ne pas réformer tous les régimes spéciaux ? Pourquoi en préserver certains et pas d’autres ? Où est la justice lorsque vous supprimez de manière arbitraire cinq régimes spéciaux sur dix-sept, tout en en maintenant douze, comme l’indiquait Charles de Courson à l’Assemblée nationale ?
Toujours au nom de l’équité entre tous les Français, le Gouvernement veut mettre fin aux régimes spéciaux. Supprimer les acquis des uns ferait donc le bonheur des autres. Dans ce cas, qu’en est-il des retraites chapeaux et autres parachutes dorés ?
Serait-ce parce que les régimes spéciaux sont déficitaires ? Cela n’est pas vrai : plusieurs d’entre eux, nous l’avons démontré, sont excédentaires.
Pourquoi vouloir à tout prix appliquer à tout le monde les mêmes conditions minimales prévues par le droit du travail, en rejetant les conventions collectives qui améliorent l’ordinaire ?
En toute sincérité, nous n’avons pas obtenu de réponses à l’ensemble de ces questions. C’est pour nous une raison supplémentaire de voter contre cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Le fin mot de la suppression de ces régimes spéciaux, c’est qu’il faut tirer tout le monde vers le bas en faisant travailler les uns et les autres plus longtemps : tel est l’horizon proposé par ce gouvernement avec le soutien de la droite.
Monsieur le rapporteur, vous nous l’avez dit vous-même : voilà cinq ans que vous travaillez sur ce projet de loi. On comprend, dès lors, la connivence entre le Gouvernement et les travées de la droite…
Reste la question suivante : peut-on réellement repousser l’âge légal à 64, voire à 67 ans, quand on sait que le taux d’emploi des seniors n’était, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), que de 56 % en 2021 ?
Faut-il vous rappeler que, en 2011, au lendemain de la précédente réforme, qui avait porté l’âge légal de la retraite à 62 ans, le temps de chômage des plus de 55 ans a bondi de 23 % ? Un nouveau recul de l’âge légal pourrait avoir pour conséquence d’accroître encore le chômage des seniors.
Comme le souligne l’économiste Michaël Zemmour, en se fondant sur les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et sur ceux de la Dares, le coût social du décalage de l’âge minimum de la retraite à 64 ans, ce serait, peu ou prou, 100 000 allocataires de minima sociaux supplémentaires et 120 000 nouvelles pensions d’invalidité, auxquels il faudrait ajouter la hausse du nombre de chômeurs indemnisés et de personnes sans emploi, mais n’ayant droit à aucune prestation spécifique.
Le tout représenterait environ 300 000 personnes de plus maintenues dans la précarité, entre emploi et retraite.
Enfin, vous répétez à l’envi que les régimes spéciaux coûtent 1,8 milliard d’euros au contribuable. Mais que dire de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui, lui, a coûté près de 4 milliards d’euros ? Du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a englouti près de 20 milliards d’euros de cotisations sociales ? Ou encore des aides publiques aux entreprises, versées sans aucune contrepartie sociale ou environnementale, qui pèsent quant à elles 256 milliards d’euros ?
Cela fait beaucoup d’argent manquant. Voilà une note que je vous offre sur un plateau…
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Monique Lubin. Chers collègues de la majorité sénatoriale, l’examen de cet article de suppression des régimes spéciaux arrive à son terme.
Bien sûr, je ne souhaite pas que ce texte soit voté…
Mme Catherine Procaccia. Nous avons compris !
Mme Monique Lubin. Toutefois, il y a des chances ou des risques qu’il le soit – le terme varie, dans cet hémicycle, selon le côté où l’on se trouve. Et si tel est le cas, vous serez arrivés à vos fins.
La suppression des régimes spéciaux est un véritable serpent de mer. C’est votre rêve depuis très longtemps.
Si cette réforme aboutit, il aura suffi d’un petit projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale destiné à reculer de deux ans l’âge légal de la retraite pour mettre fin à des régimes de retraite historiques, à des régimes protégeant des pans extrêmement importants de notre économie et constituant une part de notre patrimoine social, à savoir celui de la RATP et celui des électriciens-gaziers.
En pareil cas, je serai presque tentée de dire : « Chapeau les artistes ! » En peu de temps, vous aurez réussi là où tous vos prédécesseurs ont échoué.
J’espère que les personnes concernées feront entendre leur voix dans les jours qui viennent, plus encore qu’elles ne l’ont fait précédemment. Nous, nous faisons dès à présent entendre la nôtre dans cette assemblée : mesurez-vous ce dont, in fine, vous risquez d’être comptables ?
Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote sur l’article.
M. Yan Chantrel. … au sujet d’un entretien, à paraître demain, que vous avez accordé à un organe de presse. Vous y affirmez que cette réforme ne fait aucun perdant…
Je vous ai interrogé sur plusieurs points précis : vous n’avez répondu à aucun. À l’évidence, vous êtes très mal à l’aise. C’est normal, du reste, car cette réforme ne fait que des perdants, notamment les titulaires des régimes spéciaux visés par l’article 1er.
La vérité, que vous refusez de reconnaître dès lors qu’elle vous dérange, nous l’avons répétée depuis le début de cette discussion : vous vous servez des retraites pour compenser les baisses d’impôt décidées en faveur des plus riches.
C’est cela, le but de votre réforme. Cette dernière est injuste. Elle est inéquitable. Elle aggravera la situation des femmes, des Français qui accomplissent des carrières hachées ou des carrières longues et de ceux qui exercent les métiers les plus difficiles ; eux aussi, d’ailleurs, sont concernés par l’article 1er.
Vous maquillez la vérité à longueur de journée pour faire passer la pilule, mais celle-ci devient de plus en plus indigeste. C’est pourquoi nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à descendre dans la rue pour manifester contre cette réforme. Mardi prochain, nous serons évidemment à leurs côtés, pendant les suspensions de séance.