M. Xavier Iacovelli. Il n’y en aura pas !
M. Yan Chantrel. J’y insiste, cette réforme est injuste. Elle est aussi brutale qu’impopulaire. Nul ne peut accepter de perdre deux ans d’une retraite bien méritée quand les dividendes des entreprises du CAC 40 explosent sans subir la moindre surtaxation.
Écoutez les Françaises et les Français, qui sont massivement contre cette réforme…
M. Xavier Iacovelli. Ils sont majoritairement pour la fin des régimes spéciaux !
M. Yan Chantrel. … et retirez-la !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur l’article.
M. Philippe Bas. Alors que nous arrivons à un moment important de notre discussion, à savoir la mise aux voix de l’article 1er, je vais tenter un exercice qui ne me paraît pas impossible : faire ressortir ce qu’il y a eu de positif dans ce débat.
Tout d’abord, au sujet des régimes spéciaux, dont je rappelle que ce projet de loi assure non pas la suppression, mais simplement la fermeture à compter du 31 août prochain, j’observe, non pas une approbation générale, certes, mais au moins une forme d’acceptation.
J’en veux pour preuve d’admirables amendements, notamment l’amendement n° 3045 rectifié, signé par M. Kanner, et l’amendement n° 3913 rectifié de Mme Assassi, qui tendent tous deux à reporter la fermeture des régimes spéciaux,…
Mme Éliane Assassi. Ce sont des amendements de repli !
M. Philippe Bas. … c’est-à-dire la date à partir de laquelle ces régimes ne peuvent plus admettre de nouveaux entrants, du 31 août 2023 au 31 décembre 2027.
Mes chers collègues, comme l’a dit Mme de La Gontrie tout à l’heure, un chemin s’est manifestement ouvert aujourd’hui ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Chiche !
M. Philippe Bas. M. Didier Marie, quant à lui, a déclaré avec raison que l’on s’acheminait vers un compromis.
Malheureusement, une journée n’aura pas suffi pour que l’on s’entende sur une date. Mais, à tout le moins, soyons fiers d’avoir fait émerger une forme de consensus sur le principe de la fermeture des régimes spéciaux. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quant à leur disparition, elle a été votée en 2010. Je n’ai pas le souvenir que la gauche, quand elle était au pouvoir, en ait remis en cause le principe. Quoi qu’il en soit, nous en discuterons après l’article 7, sur le fondement de l’excellent amendement de M. Retailleau. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Je l’ai souvent dit, ce projet de loi est à la fois injuste et injustifié.
Il est particulièrement injuste envers les femmes et envers les jeunes de certains territoires, qui subissent de forts taux de chômage. Quand on voit ce qui est proposé, on ne peut que dresser ce triste constat : ni le Gouvernement, ni Mme la rapporteure générale, ni les autres membres de la majorité sénatoriale n’ont pris la mesure de ce qui est en train de se passer.
Dans le secteur du gaz et, plus encore, dans celui de l’électricité, la tendance est encore et toujours à l’externalisation.
Il y a quelques mois, la Première ministre, Mme Borne, a lancé un appel à la sobriété énergétique. En la matière, notre souveraineté dépend de notre capacité d’anticipation.
Dès lors, c’est une très grave erreur que de s’attaquer au régime de retraite de ces filières, très utiles pour notre développement économique et géostratégique.
Vous allez tuer l’attractivité de métiers très importants pour notre développement. À terme, vous allez mettre à mal l’aménagement du territoire, pour lequel l’électricité joue un rôle essentiel.
Cette réforme menace également les effectifs, les emplois et les compétences des entreprises concernées : bientôt, plus personne ne voudra y entrer.
Je lance donc un appel à la raison : nous devons protéger ces régimes de retraite. Il y va de notre propre devenir. Dans ce domaine, l’externalisation est une erreur très grave et même irréversible.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 1er, qui vise un certain nombre de régimes spéciaux, est loin d’être anodin.
Tout d’abord, nous assistons à un jeu dangereux : on tente de dresser les Français les uns contre les autres, à l’heure où nous avons besoin de tout, sauf de nouveaux clivages.
Ensuite, les dispositions mises en cause ne viennent pas de nulle part. Ce sont des avantages acquis par certains métiers bien particuliers.
Surtout, ces régimes spéciaux sont une véritable garantie d’attractivité pour des métiers essentiels, ce soit dans le secteur énergétique ou à la RATP.
Le vote d’un tel article serait donc une grave erreur.
En outre, nous sommes face à un problème de cohérence : comment peut-on englober dans un même article des régimes si différents que ceux de la RATP, des électriciens-gaziers, du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et des clercs de notaires ? Dans ces conditions, il me semble difficile de délibérer sur de telles dispositions, d’autant plus que nous ne disposons d’aucune analyse financière.
Ainsi, la réforme du Cese adoptée en 2015, qui a entraîné de nombreux changements, n’a fait l’objet d’aucune évaluation. Je pense en particulier à la trajectoire du régime de retraite de cette institution : comment prétendre le fermer sans avoir exactement où il en est ?
Enfin, qu’il s’agisse de la RATP ou des électriciens-gaziers, le Gouvernement entend, plus largement, revenir sur un statut public qui garantit une véritable indépendance.
Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment contre l’article 1er.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Avant tout, nous pouvons tous observer les vertus apaisantes d’une suspension de séance de cinq minutes : c’est mieux qu’une tasse de passiflore ! (Sourires.) Nous nous retrouvons pour un débat courtois, comme nous les aimons.
Néanmoins, si courtois soit-il, ce débat ne saurait dissimuler nos divergences profondes.
J’admire l’effort déployé par le questeur Bas, qui, décidément, s’impose fréquemment dans cet hémicycle comme un homme capable de bâtir des compromis. (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mes chers collègues, M. Bas a cité deux de nos amendements. Je ne lui ferai pas l’injure de lui rappeler ce qu’est un amendement de repli. Cela étant – vous l’avez probablement remarqué vous aussi en consultant votre téléphone portable –, nombre de gens nous regardent. Nous recevons tous de nombreux SMS commentant à la fois les interventions des uns et des autres et la qualité de nos débats.
C’est pour ceux qui suivent nos discussions que je tiens à apporter la précision suivante : ces deux amendements, tendant à repousser la date de mise en extinction des régimes spéciaux, sont ce que l’on appelle dans notre jargon des amendements de repli. En procédant ainsi, nous tentons d’atténuer un tant soit peu des dispositions que nous critiquons…
Ce rappel étant formulé, je confirme que nous allons voter contre l’article 1er. Pourquoi ? Parce qu’il est emblématique de ce projet de loi et de l’idéologie qui le sous-tend.
Ce gouvernement ignore les corps intermédiaires ; il change le régime de retraite du Cese sans demander son avis ; il s’attaque en priorité au régime des électriciens-gaziers, ces héritiers d’une longue histoire sociale, qui sont souvent montrés du doigt au motif qu’ils résistent le mieux aux offensives libérales de l’exécutif.
Bref, avec cet article, le Gouvernement attaque les corps intermédiaires et les pôles de résistance les plus avancés du salariat, avant de mener sa grande offensive à l’article 7, à savoir le report de l’âge de la retraite.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Nous l’avons déjà dit hier : cette réforme a d’abord pour but de masquer une mauvaise gestion.
Le Gouvernement tente en effet de récupérer quelques milliards d’euros perdus ailleurs, parce qu’il a refusé de les prélever sur les profits, parce que les cotisations ont été baissées et parce que les salaires, faute d’avoir été augmentés comme il se devait – on a préféré multiplier les primes –, n’abondent pas suffisamment les caisses de la sécurité sociale. Il manque de l’argent ? Ce sont les plus faibles qui paieront.
La première étape consiste à choisir comme victimes quelques régimes spéciaux de la sécurité sociale.
Or certains d’entre eux fonctionnent bien. D’autres ont le mérite de prendre en compte la pénibilité et la dangerosité de différents métiers. Je pense par exemple au régime des industries électriques et gazières (IEG), qui, sur un certain nombre de points, diffère nettement du régime général, en particulier depuis qu’une ordonnance de 2017 a supprimé plusieurs critères de pénibilité.
L’article 1er met ces régimes en extinction, alors qu’un certain nombre de secteurs concernés, comme celui de l’énergie, connaissent des difficultés de recrutement. Nous avons besoin de renforcer notre service public de l’énergie et, en ce sens, la suppression de ce régime est tout sauf une bonne idée.
Avec un tel article, on oppose les uns aux autres. On signifie à un certain nombre de personnes qu’elles ne pourront bénéficier du régime spécial auquel elles auraient pu prétendre, en suggérant que leurs aînés étaient des privilégiés : ce faisant, on monte les uns contre les autres.
Ce n’est pas de cette manière que l’on construit la cohésion du pays…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Votre temps de parole est terminé !
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas de cette manière que l’on construit la confiance. Pour notre part, nous souhaitons une véritable cohésion sociale dans le pays… (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Fini !
Mme le président. Merci, monsieur Leconte !
La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote sur l’article.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je tiens à le rappeler même s’il s’agit d’une évidence : en supprimant les régimes spéciaux, l’article 1er s’attaque à un symbole très fort.
Institués en 1945, en même temps que le régime général de la sécurité sociale, ces régimes spéciaux assurent la reconnaissance de diverses contraintes professionnelles, qu’il s’agisse d’horaires décalés, du travail de nuit ou encore de conditions de travail spécifiques à certaines professions.
Vous les remettez en cause sous prétexte d’équité ou d’universalité : c’est une véritable diversion de votre part.
Vous tentez de faire oublier que cette réforme – votre réforme ! –, c’est tout simplement deux ans de plus au travail pour tous. Nous n’en voulons pas.
Vous cherchez une fois de plus à diviser les Français, en opposant les prétendus privilégiés et les autres. Mais est-on un privilégié quand on exerce, au quotidien, un métier dont la pénibilité est clairement constatée ?
Il est vrai que cette notion de pénibilité vous est étrangère – à preuve, on parle désormais d’« usure professionnelle ». En 2017, vous n’avez pas hésité à supprimer quatre critères de pénibilité sur dix, niant ainsi le caractère pénible de nombreux métiers.
Vous mettez véritablement en cause le contrat social conclu entre ces salariés et leur entreprise. Vous décidez unilatéralement, sans concertation avec les organisations syndicales, la fin de ces régimes spéciaux.
Les précédents orateurs l’ont rappelé, vous pénalisez des secteurs d’activité stratégiques pour notre pays, qu’il faudrait au contraire rendre plus attractifs, car ils ont déjà du mal à recruter.
Enfin, les uns et les autres nous ayant conseillé de lire la presse, je vous signale que, d’après un sondage publié ce soir même par le Journal du dimanche, seuls 32 % des Français sont favorables à votre réforme. Il est encore temps : réagissez…
Mme le président. Merci, madame Féret !
Mme Corinne Féret. Retirez cet article, retirez votre réforme !
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote sur l’article.
Mme Annie Le Houerou. L’article 1er supprime plusieurs régimes spéciaux de retraite pour les personnes recrutées à compter du 1er septembre 2023. Il va de pair avec l’article 7, que nous examinerons dans quelques jours, puisque le Gouvernement souhaite appliquer aux régimes spéciaux les dispositions prévues à ce titre en vue de leur fusion dans le régime général.
Selon le Gouvernement, l’existence de ces régimes spéciaux n’est plus justifiée. Elle serait même inéquitable pour notre modèle social.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, une différence d’appréciation nous oppose à vous, et c’est normal : sur les travées de cet hémicycle, vous êtes unis à droite et nous sommes unis à gauche.
Loin d’être des privilèges, comme vous le prétendez,…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. On n’a jamais parlé de privilèges !
Mme Annie Le Houerou. … ces régimes spéciaux ont été créés pour mieux compenser la pénibilité de certains métiers. Dans les faits, ils concernent non pas l’ensemble des salariés du secteur considéré, mais ceux qui sont soumis aux conditions de travail les plus dures et à des sujétions spéciales.
À son arrivée au pouvoir, en 2017, cette majorité a supprimé quatre critères de pénibilité. Désormais, elle abolit toutes les compensations de pénibilité prévues par le biais de ces régimes spéciaux.
Vous choisissez de supprimer cinq régimes spéciaux : celui de la RATP, celui des industries électriques et gazières, celui des clercs de notaires, celui du Cese et celui de la Banque de France. Vos arguments ne nous ont pas convaincus. À nos yeux, cet article représente bel et bien une régression.
Vous faites fi du dialogue social ; vous vous dispensez de toute évaluation financière pour mener une réforme qui fera des perdants et encore des perdants : ces cinq régimes spéciaux représentent à eux seuls cinq catégories de perdants.
Nous voterons contre l’article 1er.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote sur l’article.
Mme Angèle Préville. Les transports et l’énergie, qui sont au cœur de l’actualité, sont essentiels à notre société. Or, de manière tout à fait singulière, les régimes spéciaux de ces deux grands secteurs sont sur le point d’être supprimés.
Procéder ainsi, c’est oublier des services dont nous avons largement profité.
Aujourd’hui, nous avons cruellement besoin de transports. Par exemple, il est indispensable de garantir un service public solide et efficace pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
En outre, chers collègues de la majorité sénatoriale, avez-vous mesuré les conséquences de la fermeture du régime spécial des électriciens et des gaziers ? C’est la filière de l’énergie tout entière qui va s’en trouver fragilisée. Quel peut bien être l’avenir énergétique de la France dans ces conditions ?
Dans ce domaine, nous allons bientôt nous retrouver face à un mur d’investissements. Pensez-vous réellement pouvoir mener ces chantiers au rabais, à moindre coût, comme si la construction de centrales nucléaires ou de stations de transfert d’énergie par pompage n’était pas un véritable enjeu industriel ?
Si, par le passé, nous avons connu de belles réussites en matière d’énergie, c’est parce que nous avions des salariés protégés, des salariés reconnus, bien dans leur travail et fiers de leur travail. Leur statut fut certainement le gage de nos succès : en le mettant à mal, nous prenons de nombreux risques.
Dans un tel contexte, la suppression de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) me paraît on ne peut plus inquiétante. En quoi cet organe indépendant de recherche et d’expertise a-t-il failli ? Apparemment, il n’y avait aucune raison de le supprimer. Le recours toujours plus large à la sous-traitance est, lui aussi, très préoccupant.
Enfin, j’évoquerai la fin du régime spécial du Cese, parce que…
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé !
La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote sur l’article.
M. Henri Cabanel. Mes chers collègues, au sujet de l’article 1er, qui vise à supprimer un certain nombre de régimes spéciaux, j’ai bien écouté vos différentes interventions.
Certains arguments, parfois très proches, ont été présentés très longuement. Vous avez souligné l’importance de la pénibilité, qui, je vous rejoins sur ce point, est bel et bien un sujet majeur. En l’occurrence, nous sommes face à un enjeu de justice ; nous en reparlerons à l’article 9.
Certains d’entre vous ont fait valoir que, dans les secteurs considérés, il était déjà difficile de recruter ; à les entendre, c’est une raison de conserver ces régimes spéciaux. Mais les problèmes de recrutement ne touchent pas les seules professions relevant d’un régime spécial : dans l’agriculture, dans l’éducation ou encore dans la santé, on peine également à recruter – je pourrais poursuivre la liste.
Pour ma part, je privilégie une logique de simplification, d’harmonisation et de solidarité.
Pour qui un régime spécial, autonome ou non, est-il injuste ? Pour ceux qui ne pourront pas y entrer ou pour ceux qui ne disposent pas d’un régime comparable ?
Quand je croise un salarié agricole ou un maçon, ils me disent : « Pourquoi n’ai-je pas de régime spécial ? J’exerce pourtant un métier pénible. »
Je le répète, nous parlerons de la pénibilité à l’article 9. Pour l’heure, en mon âme et conscience, je vais voter l’article 1er. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
M. Max Brisson. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote sur l’article.
M. Christian Redon-Sarrazy. Après une journée, non pas de débats – il n’y en a pas ! –, mais d’explication des amendements déposés par la gauche de cet hémicycle, nous sommes appelés à nous prononcer sur l’article 1er.
Monsieur le ministre, si votre gouvernement a placé l’article relatif aux régimes spéciaux en tête de ce projet de loi, ce n’est certainement pas un hasard. Vous supposez que l’opinion adhère à cette mesure, mais vous allez sans doute un peu vite en besogne…
Depuis le début de nos débats, les Françaises et les Français nous regardent. Ils sont particulièrement inquiets de leurs dépenses énergétiques. Il y a quelques semaines encore, ils subissaient les alertes de l’exécutif quant aux risques de coupures d’électricité.
Croyez-vous qu’ils soient prêts à tenir les personnels des industries électriques et gazières pour responsables de cette situation, du fait de leur système de retraite ? Je vous le certifie, la réponse est non.
Croyez-vous qu’ils considèrent les agents de la RATP, avec le régime de retraite, comme responsables de leurs problèmes de transport ? Pas plus.
Pour notre part, nous avons la faiblesse d’écouter ceux qui descendent dans la rue. Nous écouterons ceux qui manifesteront mardi prochain et nous écoutons ceux qui ont d’ores et déjà ouvert la contestation : nous ne voterons pas cet article. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. En s’attaquant à plusieurs régimes spéciaux, l’article 1er remet en cause, non seulement un pacte social, mais aussi et surtout nos services publics, en particulier, mes collègues l’ont rappelé, les IEG.
Monsieur le ministre, ce soir, on a beaucoup parlé de pénibilité, mais vous n’en tenez pas compte. Dès 2017, votre majorité a d’ailleurs supprimé quatre critères de pénibilité, ceux-là mêmes qui provoquent le plus grand nombre de maladies professionnelles et qui, de ce fait, coûtent le plus cher à notre sécurité sociale.
Notre collègue Monique Lubin l’a dit : si cet article venait à être voté – je crains fort qu’il ne le soit –, vous aurez certes gagné, mais vous aurez tué des régimes historiques.
Votre seul but, en procédant ainsi, est de réduire les déficits publics, car, par votre politique de cadeaux fiscaux et d’exonérations de cotisations sociales, vous avez mis à mal toutes nos finances publiques.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Luc Fichet. Les Français suivent nos travaux avec attention. Ils sont intelligents et informés ; ils se posent la question du pourquoi.
Quelle est donc la philosophie du Gouvernement ? Pourquoi réformer, maintenant et dans l’urgence, les retraites en général et les régimes spéciaux en particulier ?
La justice va mal. Les prisons sont encombrées. Les gardiens y font défaut. Nos hôpitaux sont en crise. Il ne se passe pas une journée sans que l’on cite la situation dramatique dans laquelle se trouve notre système public de santé. La sécurité ne va pas bien. Les recrutements sont difficiles. Les salaires sont bas. (Marques d’agacement au banc des commissions.)
Or, plutôt que de chercher ensemble à traiter ces différents problèmes, on en rajoute une couche, en disant aux Français : « On vous supprime les régimes spéciaux tout en vous imposant deux années de travail supplémentaires. »
Nos concitoyens devraient accepter sans piper mot : eh bien, non ! Malgré toutes les explications qui leur sont données, ils n’acceptent pas. En effet, ils le savent : la philosophie qui sous-tend cette réforme, c’est l’insidieuse mise à bas du service public au profit du privé, qui, aux yeux de la majorité sénatoriale, serait plus efficace et plus productif. Il est aussi, sans doute, plus rentable pour les actionnaires…
Certains ici ne cessent d’invoquer la valeur travail ; mais, ce qui occupe leur esprit, c’est surtout la valeur des dividendes et la rentabilité financière.
Monsieur le ministre, vous insistiez hier sur la somme qui est en jeu. Bien sûr, 17 milliards d’euros, ce n’est pas rien ; mais qu’est-ce donc comparé à 500 milliards d’euros ? Les Français ne s’y trompent pas…
Mme le président. Il faut conclure !
M. Jean-Luc Fichet. Il y a bel et bien deux poids, deux mesures.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Je voterai contre cet article 1er, car il s’agit, bien entendu, d’une régression sociale, mais surtout d’une offensive idéologique du gouvernement contre ces régimes spéciaux. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
En témoignent les déclarations du ministre du travail à propos des régimes spéciaux, qui seraient devenus « archaïques, à mesure que la réalité des métiers a évolué », et selon qui « faire cela, c’est avoir le courage que personne n’avait eu jusqu’alors ».
En témoignent également celles du ministre de l’économie, lequel pense que « c’est moins un problème financier que d’équité ».
Enfin, M. Dussopt nous a indiqué précédemment que les régimes spéciaux représenteraient une forme de rente.
Pourtant, ces régimes ont déjà connu de nombreuses réformes relatives à l’allongement des durées de cotisation ou à la baisse des taux de pension, et ils tous ont fait des efforts !
Ces régimes spéciaux, nous l’avons déjà dit, sont le fruit de nombreuses conquêtes sociales. Nous sommes aujourd’hui revenus au temps des régressions sociales. Ainsi, sous prétexte que d’autres métiers seraient également pénibles, on ne devrait plus reconnaître la pénibilité de ces régimes spéciaux !
Non, plutôt que de tirer vers le bas l’ensemble des régimes, il faut aligner par le haut les pensions et les durées de cotisation sur les régimes spéciaux : nombre de secteurs rencontrent des problèmes de recrutement ; or les conditions de travail y sont pour quelque chose !
Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Les débats en cette fin de soirée nous ont fait basculer dans une autre dimension.
Nous avons un ministre qui, demain, fera la une d’un quotidien en présentant cette réforme comme « une réforme de gauche », tandis qu’aux dires de notre collègue questeur M. Bas il y aurait un « consensus » entre les groupes de cette assemblée.
Je me demande donc si je ne suis pas dans un univers parallèle. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Éblé. Il faudrait plutôt dire virtuel !
M. Thomas Dossus. En réalité, le ministre continue de jongler avec ses approximations, ici comme à l’Assemblée nationale, et essaye de nous enfumer sur des détails.
Le questeur Bas, quant à lui, parle d’un consensus sur des amendements que ni lui ni son groupe n’ont votés, conformément à leur stratégie de majorité silencieuse. (Murmures sur les mêmes travées.)
Nous voilà parvenus au vote final des dispositions de cet article 1er. Pourquoi celles-ci ont-elles d’ailleurs été placées ainsi au début du texte ? Derrière ce choix, il y a une intention : opposer les Français les uns aux autres, diviser, et ce dès le début de l’examen du texte. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Notre collègue nous l’a dit, la discussion sur la pénibilité, ce sera lors de l’article 9, mais, avant cela, il nous faut taper sur les régimes spéciaux ! Et pas n’importe lesquels, ceux de la RATP, c’est-à-dire les transports en commun, et les IEG, c’est-à-dire l’énergie et l’électrification de notre pays.
On le voit bien, nous sommes face à un gouvernement qui persiste dans le déni des enjeux climatiques et de la situation sociale. Sous couvert d’un texte financier, il prend une mesure brutale et injuste à cet article, comme il le fait à tous les autres !
Ce gouvernement ne fait que des perdants, à commencer par les générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien sûr, l’article 1er a toute sa place, puisqu’il est là pour annoncer les mesures de l’article 7…
Tout ce projet de loi, je l’ai dit, vise à déréguler le marché du travail, afin de déformer encore davantage le partage des richesses et du PIB, au profit des actionnaires – ils en prélèvent déjà 10 % grâce aux lois précédentes. C’est une entreprise de division !
Il s’agit de casser ces régimes – ils ont été qualifiés de pionniers –, qui pourraient servir de modèle de prévention des risques professionnels à d’autres branches. J’ai bien dit « prévention » et non « réparation », contrairement à ce que vous nous proposerez plus tard.
Les Français, comme le montre le mouvement social, sont attachés à leur modèle social. Ils ont une autre vision de la société, qui repose notamment sur la réduction du temps de travail. Et ils prennent confiance, conscients de leur force. Ils éviteront ainsi toutes les tentatives de division qui les ont affaiblis lors des réformes précédentes.
Vous l’avez remarqué, il n’y a pas de division actuellement. Au contraire, il y a une unité syndicale et politique de tous les groupes de gauche et écologistes.
Les mobilisations d’hier ont parfois été affaiblies par des divisions, mais la semaine prochaine, vous le verrez, personne ne se laissera diviser : voilà ce que vous montreront tous les Français le 7 mars prochain, les femmes le 8, les jeunes le 9 et le mouvement climatique le 10 ! (Marques d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains.)