M. Christophe-André Frassa. Ah, super…
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Au risque de répéter des arguments qui ont été précédemment exposés… (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Et de nouveau, il dit qu’il se répète…
M. Franck Montaugé. J’en ai le droit ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Mon cher collègue, vous seul avez la parole.
M. Franck Montaugé. C’est quinze secondes de perdues…
Nous assistons à la confrontation de deux modèles de société. Ce qui oppose les travées de droite et de gauche de notre hémicycle, c’est la place que doivent occuper les services publics dans notre vie sociale et nationale.
Malheureusement, ce gouvernement et tous ceux qui se sont succédé ces dernières années ont saisi toutes les occasions pour affaiblir les services publics et préparer l’avènement définitif des entreprises privées dans les champs qui ressortaient historiquement au service public en France.
Les services publics ont fonctionné grâce à des agents très investis dans leur mission. Aujourd’hui, la meilleure façon de casser ce pacte social, pour ainsi dire, c’est bel et bien de remettre en cause les statuts et de préparer l’arrivée des entreprises privées au capital des services publics encore existants dans notre pays.
On l’a vu pour Gaz de France, et il n’existe plus ! Tout est passé, ou presque, au privé. Les résultats sont-ils meilleurs ? Je n’en suis pas du tout convaincu, on le voit bien en ce moment… Et c’est également ce qui se passe pour EDF. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. C’est terminé !
M. Franck Montaugé. L’enjeu, c’est de choisir la façon dont on organise notre société.
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La suppression des régimes spéciaux de retraite est un serpent de mer qui se nourrit évidemment des rancœurs et des ressentiments. Ce n’est pas un hasard si la suppression de certains de ces régimes est discutée dès l’article 1er.
Même si le Gouvernement joue un jeu dangereux – car c’est le cas – en opposant les Français entre eux, la mobilisation montre que, aujourd’hui, cette stratégie ne fonctionne pas.
Monsieur le ministre, neuf salariés sur dix sont opposés à votre projet de reporter l’âge de départ à 64 ans. Vous n’arrivez pas à diviser les salariés, ils sont côte à côte, qu’ils soient du privé ou du public, qu’ils aient un régime spécial ou non. Non, vous n’arrivez absolument pas à les diviser. Au fond, ces salariés ont tous en commun la volonté de ne pas travailler davantage, et encore moins jusqu’à 64 ans !
Dès cet article 1er, vous remettez en cause les régimes spéciaux, que vous qualifiez d’archaïques et nous, de pionniers.
Nous assistons à une perte d’attractivité dans ces métiers, cela a été dit. Il y a un nombre insuffisant de conducteurs à la RATP ; dans les Hauts-de-France, 100 TER ont été supprimés sur 1 200 lignes, et ce faute d’attractivité.
Chez les énergéticiens, vous le savez, l’équilibre est atteint, mais vous voulez tout de même leur faire la peau. Ce sont pourtant eux que vous applaudissez lorsque surviennent des catastrophes naturelles.
Eh bien, aujourd’hui, vous ne pensez plus qu’à une chose : faire en sorte que, demain, ces salariés, qui sont chaque jour à nos côtés, n’aient plus leur régime. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il faut s’arrêter !
Mme le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour explication de vote. (Mêmes mouvements.)
M. Vincent Éblé. Monsieur le ministre, vous permettrez à un membre de la commission des finances de revenir sur l’une des dispositions de l’article 1er, à savoir la fermeture du régime autonome de la Banque de France.
J’invoquerai cette fois-ci non pas notre illustre prédécesseur Victor Hugo,…
M. Xavier Iacovelli. Vous aurait-il vraiment soutenu ? Pas sûr !
M. Vincent Éblé. … mais une personnalité bien vivante, parfaitement implantée dans notre paysage économique, financier et bancaire, le gouverneur de la Banque de France, M. Villeroy de Galhau.
J’ai précédemment soulevé une question, pour laquelle je ne crois pas avoir obtenu la moindre réponse de la part ni du Gouvernement ni des promoteurs de la suppression du régime.
M. Villeroy de Galhau s’est exprimé à plusieurs reprises à ce sujet. Il vous a même adressé un courrier, monsieur le ministre, qui a circulé dans les services de la Banque de France avant d’arriver jusqu’entre mes mains.
Dans cette lettre, le gouverneur exprime sa forte réticence à l’idée de supprimer le régime autonome de la Banque de France. Selon lui, ce dernier a été totalement aligné sur celui de la fonction publique en 2007, ce qui signifie qu’il ne comporte plus aucun avantage ou privilège.
Ce régime spécial, pour ainsi dire, aurait donc l’unique spécificité d’être totalement financé, ce qui est vertueux – c’est sa seule particularité !
Cet alignement est cohérent, puisque les agents titulaires de la Banque de France sont recrutés par concours et qu’ils exercent des missions de service public non concurrentielles. De plus, depuis 2015, la Banque de France a mené une politique de maîtrise de ses coûts sans équivalent en zone euro, avec une baisse de 25 % de ses effectifs et une réduction de ses dépenses de 4 % par an en volume. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. C’est terminé, monsieur Éblé !
M. Vincent Éblé. Le maintien de ce régime autonome ne représente aucun coût pour les finances publiques !
Mme le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Précédemment, j’ai interrogé le ministre sur le choix de ces cinq régimes spéciaux, mais je n’ai pas reçu de réponse.
Je souhaite tout de même revenir sur la question du régime spécial des agents de la RATP, en rappelant un récent fait d’actualité de notre pays.
Lors de la dernière rentrée scolaire, il y a quelques mois maintenant, certaines autorités organisatrices de la mobilité ont rencontré des difficultés pour trouver des conducteurs pour le transport scolaire. Dans nombre de villes, d’agglomérations ou de métropoles, le nombre et la fréquence des passages des bus pour le grand public ont dû être réduits, afin de réaffecter les agents au transport scolaire, parce que, tout simplement, ces métiers étaient sous tension, à l’instar des métiers de l’éducation nationale.
Aujourd’hui, la suppression de ce régime spécial, je le crains fort, fragilisera encore davantage cette filière, ainsi que les autorités organisatrices de la mobilité, qui ont déjà du mal à recruter, partout en France.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je préciserai quelques points. Nous n’avons jamais parlé d’inégalités, de privilèges, de nantis ou même d’archaïsmes.
Nous avons simplement rappelé, à la suite d’une réflexion approfondie, qu’il y avait des différences historiques. Voilà pourquoi, en contrepartie d’un salaire moins élevé dans nombre de régimes spéciaux, il était possible de partir à la retraite de façon anticipée, compte tenu, justement, des pénibilités des métiers. Partir plus tôt, pour ainsi dire, c’était tout à fait légitime : cette vision de la pénibilité répondait à une logique de réparation. Aujourd’hui, nous essayons de faire de la prévention.
D’ailleurs, mes chers collègues, vous êtes impatients, je le vois bien, de débattre de l’usure professionnelle et des mesures de prévention, qui seront déclinées à l’article 9. (Murmures sur des travées du groupe SER.)
Soyez rassurés, car si nous avançons un peu plus rapidement dans les débats, peut-être arriverons-nous à faire en sorte que vous écoutiez les propositions faites par les commissions et leurs rapporteurs à propos de la prise en compte de la pénibilité.
Des pas ont été faits. Cela fait quatre ans que nous appelons de nos vœux la convergence des régimes spéciaux et nous sommes satisfaits d’avoir été rejoints par le Gouvernement et le ministre, puisque arrive enfin la fermeture du régime spécial pour les entrants, au travers de la clause du grand-père.
Madame Lubin, vous proposez, par vos amendements, cela ne nous a pas échappé, la fermeture des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants. (Mme Monique Lubin hoche la tête en signe de désapprobation.) Cela mérite d’être dit. Il faut assumer cette mesure ; nous, nous l’assumons depuis quatre ans.
Vous avez proposé une série de dates de fermeture du régime spécial de la RATP pour les nouveaux entrants – votre date la plus proche, c’est 2027 ; nous, c’est 2025.
Vous voyez bien j’anticipe sur l’article 7… Il faut assumer cette proposition – elle est nouvelle – de fermeture des régimes spéciaux.
Mme Monique Lubin. C’est tordu, tout de même !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Pas d’histoires de calendrier entre nous, nous réglerons l’affaire à l’article 7. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Voter cet article 1er, je le redis, est une grave erreur. Cela intervient au plus au mauvais moment.
Si vous le votez, vous allez prendre de front les salariés de deux secteurs stratégiques, les transports publics urbains et l’énergie, au moment où nous avons le plus besoin d’eux.
Vous allez créer du chaos dans le pays, au lieu de servir la Nation et l’intérêt général.
Vous allez voter l’article 1er, je l’ai bien compris, mais avant cela je voudrais refroidir l’enthousiasme du questeur Bas, qui pense qu’un chemin est en train de s’ouvrir…
Eh bien, j’invite le questeur Bas à se promener un peu dans les rues de France et de Paris le 7 mars prochain. Loin de s’ouvrir, vous le verrez, le chemin sera très, très, très bouché et embouteillé.
Vous allez voter, ici, l’article 1er, mais cela ne veut pas dire que le projet de loi va entrer dans nos vies, parce que le pays se lève pour empêcher son adoption.
Pour le moment, vous ne pouvez rien faire contre cela. Le pays ne veut pas de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Enfin, la dernière chose que je dirai au ministre, c’est qu’il a pris un risque en accordant une interview au quotidien Le Parisien, et en osant la titrer « C’est une réforme de gauche ». Est-ce de l’humour, est-ce pour combler une place vacante dans le monde des comiques ? (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, vous avez pris un grand risque avec un tel titre, non pas celui de convaincre le pays, mais plutôt de devenir mardi prochain la vedette de la risée populaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 158 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 99 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 300 amendements au cours de la journée ;…
Mme Laurence Rossignol. Pas mal !
Mme le président. … il en reste 3 284 à étudier sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, dimanche 5 mars 2023 :
À neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 368, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 5 mars 2023, à zéro heure vingt.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER