M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 2 vise à transférer 0,15 point de CSG, jusqu’ici affecté au remboursement de la dette sociale, à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour financer la perte d’autonomie. Cela pose plusieurs problèmes à nos yeux.
La contribution sociale généralisée remet en cause les fondements du financement de notre système de protection sociale par la cotisation sociale. La philosophie originelle de la sécurité sociale telle qu’elle a été créée en 1945 voulait qu’une part socialisée du salaire soit mutualisée entre les salariés pour répondre aux besoins sociaux : prise en charge des dépenses nécessaires pour se soigner ou demeurer en bonne santé, versement des allocations familiales ou des pensions de retraite. Voilà pourquoi nous sommes opposés, depuis sa création, à la CSG, qui a connu un développement exponentiel.
Selon l’annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le rendement de la CSG sera de 102 milliards d’euros en 2020, dont près de 68 milliards d’euros prélevés sur les salaires et 22 milliards d’euros sur les pensions de retraite, les 10 milliards d’euros restants provenant essentiellement des placements financiers et des prélèvements sur le patrimoine. On voit donc bien l’injustice du recours à la CSG, qui revient à faire financer la future branche perte d’autonomie uniquement par les salariés et les retraités. Il s’agit d’une véritable question de justice sociale.
Pour notre groupe, améliorer la prise en charge de la perte d’autonomie suppose de mobiliser les moyens nécessaires en trouvant de nouvelles recettes pour la sécurité sociale. Or la majorité sénatoriale et le Gouvernement rejettent nos propositions.
En l’état, ce projet de loi va aggraver la déstabilisation de la sécurité sociale, dégrader les prestations sociales et augmenter le reste à charge pour les familles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Avis défavorable. Comme vous, nous attendons plus de moyens pour la prise en charge de la dépendance. Ici, il s’agit d’y affecter 0,15 point de CSG à partir de 2024, tout en assurant l’amortissement de la dette de la Cades. Il y a un équilibre à trouver, mais je suis totalement d’accord avec vous, madame Cohen, sur le fait qu’il nous faudra trouver d’autres moyens pour assurer le financement de la nouvelle branche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis défavorable. En supprimant cet article, on supprimerait le financement de la branche autonomie à partir de 2024.
Je m’étonne de vos propos, madame Cohen, car la CSG porte également sur le capital, et pas uniquement sur le travail.
L’article 2 vise à affecter 0,15 point de CSG à la CNSA à compter de 2024 de façon pérenne, soit plus de 2 milliards d’euros. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, une conférence de financement a été mise en place afin d’identifier les sources de financement devant être mobilisées pour couvrir les besoins liés à l’accompagnement de la perte d’autonomie à compter de 2021 et jusqu’à 2024. À ce stade, toutes les options sont sur la table. Olivier Véran s’est d’ores et déjà engagé à consacrer dès 2021 une ressource supplémentaire de 1 milliard d’euros au financement de la prise en charge de l’autonomie, mais je ne veux pas anticiper sur l’issue de la conférence de financement ni sur les débats que vous aurez lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous abordons la question majeure de la prise en charge de la perte d’autonomie au détour d’un amendement qui a été présenté à l’Assemblée nationale. Tout cela se fait de manière extrêmement précipitée, avec un refus de discuter au fond.
Notre amendement est cohérent avec la position que j’ai rappelée lors de la discussion générale : nous ne sommes pas pour la création d’une cinquième branche, nous sommes contre un financement par la CSG ou quelque impôt que ce soit, nous sommes pour un pôle public de la prise en charge de la dépendance financé par les cotisations sociales.
Il existe entre nous un désaccord de fond, mais il n’en demeure pas moins que nos amendements sont cohérents : c’est projet contre projet. La prise en charge de la perte d’autonomie relève d’un projet de société.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je voterai contre cet amendement, mais je regrette que ce 0,15 point de CSG ne soit pas affecté dès 2021 à la prise en charge de la perte d’autonomie. Il est question d’y consacrer 1 milliard d’euros supplémentaires à partir de 2021 : c’est notoirement insuffisant. Pourquoi attendre 2024 ? Interrogé à ce propos, le président de la Cades nous a répondu que cela repousserait d’une année supplémentaire l’apurement de la dette. Mais, eu égard au montant de celle-ci, à ce que l’on y ajoute aujourd’hui et à ce que l’on y ajoutera demain, on se demande jusqu’à quelle échéance s’étendra son remboursement ! Il risque fort de peser sur plusieurs générations…
Il aurait peut-être été souhaitable de prolonger le remboursement d’une année supplémentaire, jusqu’à 2034, et d’affecter immédiatement 0,15 point de CSG, voire un peu plus, à la prise en charge de la perte d’autonomie.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le 1° bis est abrogé ;
2° Le 4° est rétabli dans la rédaction suivante :
« 4° Une contribution de solidarité des actionnaires d’un taux de 2 % sur l’ensemble des dividendes des entreprises ; ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les aînés sont de plus en plus nombreux et les besoins en matière de prise en charge de la perte d’autonomie croissent mécaniquement.
Toutefois, le Gouvernement ne cherche pas à élargir l’assiette des contributions pour financer cette prise en charge, si ce n’est en ponctionnant les premiers intéressés, comme avec la CSG, qui grève les revenus des retraités eux-mêmes, au rebours de toute solidarité intergénérationnelle. Or aujourd’hui, plus que jamais, le système, qu’il s’agisse des aides à domicile, des Ehpad ou des familles des personnes âgées, est à bout de souffle.
Si, sur le principe, le groupe CRCE a toujours été opposé à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), c’est parce que nous estimons que ce n’est pas aux seuls retraités de payer. De l’argent, il y en a : il suffit de se donner les moyens d’aller le chercher !
Par cet amendement, nous réclamons donc la création, en lieu et place de la CASA, d’une contribution de solidarité des actionnaires, représentant 2 % des dividendes perçus. Cette contribution viendrait abonder la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie à hauteur de près de 1 milliard d’euros. Cette somme permettrait d’assurer une revalorisation des tarifs de l’aide à domicile, pour tendre vers 25 euros de l’heure. Les structures de soins et d’aide à domicile connaissent une véritable situation de crise et nous appellent au secours. Il y a urgence, sachant que la proportion des plus de quatre-vingts ans dans la population quadruplera d’ici à 2030. La solidarité n’existe que si elle est intergénérationnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Il faut un plan d’ensemble, beaucoup plus global que la simple instauration d’une contribution des actionnaires, pour le financement de la dépendance. Ce sera l’enjeu du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et, auparavant, du rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – L’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de 2025, le fonds verse chaque année à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, dans la limite des réserves du fonds et de la durée nécessaire à l’apurement de la dette afférente aux déficits des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I, 1,45 milliard d’euros au titre du financement de l’amortissement de cette dette résultant des exercices postérieurs à 2018. Ce versement est réalisé dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent I. » ;
1° bis (nouveau) Au II, les mots : « au dernier alinéa » sont remplacés par les mots « aux deux derniers alinéas » ;
2° Le III est abrogé.
II. – Un montant égal à la partie de la contribution mentionnée au III de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la présente loi est versé, au plus tard le 31 juillet 2020, à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Le montant versé est communiqué sans délai aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires sociales et des finances.
Le montant versé en application du présent II constitue, pour son montant total, un produit de l’exercice 2020 de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
III. – Au 4° de l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « au dernier alinéa » sont remplacées par les mots : « aux deux derniers alinéas ».
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’article.
M. René-Paul Savary. Je voterai l’article 3, mais je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, objet d’un véritable détournement de fonds…
À l’origine, ne l’oublions pas, le FRR a été créé pour assurer la couverture des déficits anticipés des régimes de retraite à l’horizon de 2020-2030 en raison de la bosse démographique – le fameux papy-boom. Il a déjà été largement ponctionné, puisqu’il alimente tous les ans la Cades à hauteur de 2 milliards d’euros, afin de compenser le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ce qui peut se comprendre. Et là, on continue ! Certes, le prélèvement sera ramené à 1,45 milliard d’euros à partir de 2025, mais il n’empêche que, en 2033, à l’extinction de la Cades, il ne restera qu’entre 6,4 milliards et 10 milliards d’euros des 34 milliards d’euros actuels, qui génèrent des rendements et ne sont alimentés par aucune recette !
Il faudra donc équilibrer les régimes de retraite. Le déficit prévisionnel pour 2025 s’élevait, avant la crise, à 12 milliards d’euros. Il est passé aujourd’hui à 25 milliards d’euros, mais on utilise les réserves destinées à faire face aux évolutions démographiques ou aux aléas économiques à d’autres fins. Cela montre bien que l’on met décidément ce que l’on veut dans la Cades !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° A L’article L. 111-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et d’autonomie » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « santé, », sont insérés les mots : « du soutien à l’autonomie, » ;
1° B L’article L. 111-2-1 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – La Nation affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l’autonomie, assurée par la sécurité sociale.
« La prise en charge contre le risque de perte d’autonomie et la nécessité d’un soutien à l’autonomie sont assurées à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé. » ;
1° Après le 4° de l’article L. 200-1, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au titre du soutien à l’autonomie, les personnes mentionnées au 4° du présent article. » ;
2° L’article L. 200-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° Autonomie. »
I bis. – Au premier alinéa du I de l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « autonomie », sont insérés les mots : « gère la branche mentionnée au 5° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale et ».
II. – Au plus tard le 15 septembre 2020, le Gouvernement remet au Parlement, après consultation des différents financeurs, des collectivités territoriales ainsi que des associations de retraités et de personnes en situation de handicap et de représentants d’usagers et d’aidants, un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Ce rapport présente les conséquences de la création de cette branche en termes d’architecture juridique et financière et en termes de pilotage, gouvernance et gestion de ce nouveau risque.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous avons déjà expliqué pourquoi nous sommes opposés à la création d’une cinquième branche et nous avons avancé des propositions alternatives : c’est une question de projet de société.
Il peut exister une confusion dans l’esprit de nos concitoyens quand on parle d’un cinquième risque : la perte d’autonomie n’est pas un risque supplémentaire ; il s’agit ici de la prise en charge des soins à la personne et, le cas échéant, de l’hébergement. Il importe d’avoir une vision globale de cette prise en charge, que ce soit en établissement ou à domicile, et de développer un certain nombre de services aujourd’hui quasiment inexistants. Les professionnels demandent des moyens et des formations.
Il n’y a pas de risque supplémentaire. Par conséquent, il s’agit non pas de créer une branche supplémentaire, mais d’assurer la prise en charge de l’individu, de la naissance à la mort, par la branche maladie de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission est évidemment contre la suppression de cet article, et favorable à la création d’un cinquième risque. Elle souhaite surtout pouvoir étudier le plus vite possible le rapport qui précisera les contours de la cinquième branche. Une très importante annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale détaille l’ensemble des risques pris en charge non seulement par l’assurance maladie, mais également par l’ensemble des services de l’État et par les collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le cadre d’un système public, collectif et solidaire
II. – Après l’alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 est complétée par un article L. 242-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-…. – Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, dont l’activité relève de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux des cotisations sociales patronales assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons d’inscrire dans la loi la couverture du risque de perte d’autonomie par un système public, collectif et solidaire.
Nous avons déjà rappelé les enjeux de la perte d’autonomie pour aujourd’hui et pour les années à venir. Pour y faire face, nous pensons qu’il est indispensable de disposer d’un service public et d’un financement public pour assurer une couverture intégrale de la perte d’autonomie. À défaut, les familles continueront à acquitter de lourds restes à charge et les assureurs privés pourront s’enrichir au détriment des assurés sociaux.
Nous proposons donc que le risque de perte d’autonomie soit obligatoirement couvert au travers d’un système public, assurant des prestations sociales au moyen d’un financement exclusivement public, collectif – à l’exclusion d’une couverture individuelle et privée de ce risque – et solidaire, le coût de la couverture étant déconnecté du montant de la contribution financière de chacun.
À ces fins, nous avons gagé notre amendement par un prélèvement sur les revenus financiers des Ehpad privés à but lucratif. Il semble juste de mettre à contribution des groupes tels que Korian, lequel a réalisé plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 et dont la gestion de l’épidémie de covid-19 a été dramatique dans certains établissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. On peut effectivement s’interroger sur les Ehpad privés à but lucratif. Les groupes Korian et Orpea réalisent chacun à peu près 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et de l’ordre de 200 millions à 300 millions d’euros de résultat net. Cela étant, Korian a renoncé à verser 54 millions d’euros de dividendes cette année. Je rappelle en outre que les dividendes sont taxés.
Néanmoins, je sais d’expérience que l’hébergement est beaucoup plus cher dans ces établissements que dans les Ehpad gérés par la sécurité sociale. Le reste à charge y est dès lors bien plus important.
Est-il normal que des établissements de cette nature, financés pour partie par l’assurance maladie, fassent des bénéfices ? La question est légitime, mais la commission a, quoi qu’il en soit, émis un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis défavorable.
La volonté du Gouvernement est bien évidemment de mieux prendre en compte la couverture de la perte d’autonomie. Cela implique de reconnaître que la solidarité nationale, qui constitue le fondement de la sécurité sociale, s’étend à ce champ. Le présent projet de loi inscrit la couverture du risque de perte d’autonomie parmi les principes de la sécurité sociale et son financement solidaire est garanti. L’amendement est donc satisfait à cet égard.
J’ajoute que le dispositif proposé ne permettrait pas de mettre en place le système de prise en charge entièrement public que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice. La modification envisagée des principes de la sécurité sociale est inutile, car la prise en charge est d’ores et déjà publique et solidaire. En outre, la participation des acteurs privés contribue à la diversité de notre système de prise en charge. Il ne faut donc sûrement pas l’exclure, mais l’organiser, c’est vrai, tout en veillant à une prise en charge globale et équitable. Pour que votre amendement ait une réelle portée, il vous faudrait prévoir également la suppression des complémentaires santé, qui couvrent pourtant les dépenses de santé de nombre de nos concitoyens.
Par ailleurs, vous proposez de créer une contribution sur les revenus financiers des Ehpad privés à but lucratif. Or, comme le rappelait le rapporteur à l’instant, ces revenus sont déjà taxés au titre de l’impôt sur les bénéfices, tout d’abord, puis au titre de l’imposition des dividendes.
Enfin, le projet de loi prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport qui permettra d’identifier les sources de financement. Je ne saurais préempter les conclusions de ce rapport.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. À titre personnel, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Lors de la crise du covid-19, la presse a relayé des témoignages de directeurs d’Ehpad privés affirmant subir des pressions de leur employeur pour réaliser des bénéfices au détriment de la sécurité des résidants. Il nous faudra, à l’avenir, examiner de très près comment sont gérés les Ehpad privés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Cardoux, Bonne, Bascher, Cuypers, Sol et Vial, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Grand, Calvet et Kennel, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Savary, D. Laurent et Bouchet, Mme Bruguière, M. Pellevat, Mmes Micouleau et de Cidrac, M. Mouiller, Mme Imbert, M. Rapin, Mmes Richer et Lopez, M. Schmitz, Mme Puissat, MM. Pierre et Saury, Mme Berthet, M. Chatillon, Mmes Deroche et Lassarade, M. Mayet, Mme Lamure, M. Danesi, Mme Procaccia, MM. Gremillet, Brisson et Morisset, Mme Ramond, MM. Vaspart, Sido, Retailleau, Allizard et Babary, Mmes Deseyne et Sittler, M. Milon, Mme Chain-Larché, MM. Piednoir et de Legge, Mme Malet, MM. Bonhomme et Duplomb, Mmes Garriaud-Maylam, Lanfranchi Dorgal, Primas et Chauvin et MM. Laménie, Mandelli, Pointereau et B. Fournier, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10 à 14
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 15
1° Première phrase
Remplacer les mots :
et d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs
par le mot :
relatif
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ce rapport analyse, le cas échéant, la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale si l’articulation des financements des branches existantes ne permet pas de répondre aux objectifs affichés.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Contrairement à ce que l’on a voulu nous faire dire, le groupe Les Républicains n’est pas opposé à la création d’un cinquième risque. Nous disons simplement que l’on ne traite pas d’un sujet aussi important au détour d’un texte qui ne devrait concerner que le transfert des déficits à la Cades. C’est une question d’orthodoxie financière. Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que ce sont les députés qui ont proposé d’aborder ce sujet, mais, si vous y aviez été opposé, nous ne doutons pas que vous auriez su les convaincre.
Nous souhaitons que l’on travaille à des propositions d’ici à la fin de l’année et à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il sera alors temps de déterminer ce que nous devons faire, en fonction des réflexions menées, des conclusions du rapport et des contributions des uns et des autres – on le voit, les approches sont extrêmement diverses. Nous n’aurons pas perdu de temps au regard de l’échéance du 1er janvier 2021.
Ce matin, en commission, des collègues ont dit qu’il ne fallait surtout pas retirer le pied que nous avions mis dans la porte. Mais cette porte, soit on l’ouvre totalement, comme nous le souhaitons, soit elle nous claque au nez ! Afficher dès maintenant la volonté de créer une cinquième branche peut nous conduire à des surprises quelque peu désagréables…
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, votre propos selon lequel il n’y aura pas de financement si nous ne votons pas dès aujourd’hui les dispositions relatives à la création de la cinquième branche me paraît un peu surprenant ! On nous a annoncé, en pointillé, un financement de 1 milliard d’euros. À ma connaissance, la création et le financement d’une cinquième branche ne relèvent pas d’une loi organique. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale peut donc très bien à la fois créer la cinquième branche et assurer son financement.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Si le rapport Libault de mars 2019 prône la création d’un cinquième risque, il s’oppose à la création d’une cinquième branche, considérant que confier la gestion de ce nouveau risque à une branche de la sécurité sociale « impliquerait l’effacement du département et le transfert de la gestion des prestations à un des réseaux existants de caisses locales ».
De même, dans le projet de loi initial relatif à la dette sociale et l’autonomie, il n’était question que d’un rapport sur la pertinence de la création d’une cinquième branche associée au cinquième risque.
Or nous voici en présence de quatre alinéas qui créent directement cette cinquième branche ! Une telle démarche est contraire aux principes mêmes de la sécurité sociale.
Je passe sur le fait que la perte d’autonomie serait plutôt le neuvième risque… En effet, elle relève, selon nous, de la branche maladie. Les séparer, c’est créer une nouvelle strate fragilisant l’ensemble, avec des transferts de crédits, et tourner le dos à l’expertise des départements.
Notre opposition à la création d’un cinquième risque tient également au fait qu’il existe un risque très réel que les assureurs et les marchés financiers investissent un secteur stratégique pour les années à venir.
Enfin, sortir la perte d’autonomie et la dépendance de la branche maladie conduit à substituer de nouveaux prélèvements fiscaux aux cotisations sociales assises sur la richesse créée par le travail. Comme pour la CSG, la fiscalisation casse la dynamique de solidarité intergénérationnelle, ce qui isole les différents bénéficiaires des aides de la société.
Au-delà des slogans, il y a des réalités. La prise en charge de la perte d’autonomie mérite un véritable contenu, et non un simple affichage. Créer une branche ad hoc, c’est casser les moyens nécessaires.