M. le président. L’amendement n° 209 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 151 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article additionnel après l’article 9 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Détraigne, Mme Doineau, MM. Vanlerenberghe et Capo-Canellas, Mme Férat et MM. Longeot et D. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois, un rapport dont l’objet est d’évaluer les effets sur l’emploi d’un mécanisme de mobilisation de créances fiscales par les organismes bancaires correspondant aux crédits d’impôt afférents aux services à la personne, destiné à éviter l’avance de trésorerie consentie par les ménages lors du recours à ces prestations.
La parole est à M. Hervé Marseille – décidément, c’est le jour ! (Rires.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, j’aimerais tout d’abord m’associer à mon tour, avec mes collègues du groupe Union Centriste, à l’hommage qui a été rendu à votre action, et vous dire combien votre expérience et votre humour nous manqueront.
Puisque vous avez fait allusion à mon nom, j’aimerais vous faire part d’un souvenir. À une époque où j’ai eu l’honneur de travailler à vos côtés, je vous avais proposé de me porter candidat dans votre ville, et vous m’aviez dit : « Je te mettrai dernier sur la liste ; comme ça, tu pourras pousser ! » (Rires.) On reconnaît bien là votre talent, monsieur le président.
J’en viens à la présentation de mon amendement. Comme nous souhaitons que le particulier-employeur puisse bénéficier immédiatement du crédit d’impôt dont il ne dispose actuellement qu’en année n+1, nous demandons au Gouvernement de produire un rapport sur les conséquences d’une telle mesure si elle venait à être adoptée.
Le retour d’expérience d’autres pays que le nôtre semble démontrer la pertinence d’un tel mécanisme. En Suède, le crédit d’impôt immédiat a eu pour effet d’augmenter immédiatement la demande de près de 30 % sur un an. Cela s’est traduit par la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois en 2010, alors que le secteur n’avait créé que 18 000 emplois sur les trois années précédentes.
Une telle mesure semble donc aller dans le bon sens. J’espère que le Gouvernement inscrira le crédit d’impôt immédiat pour les particuliers-employeurs dans le prochain projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Le débat sur le préfinancement par les banques du crédit d’impôt en faveur des services à la personne est très intéressant, mais sa place est en loi de finances et non pas au détour d’un amendement portant article additionnel après un article relatif au report du prélèvement à la source – déjà que cet article n’a pas forcément grand rapport avec l’objet du projet de loi…
Par conséquent, la commission des finances sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. À l’instar de la commission des finances, le Gouvernement pense que ce débat est extrêmement intéressant, mais qu’il aurait sans doute plus sa place en loi de finances.
Je suis donc également favorable au retrait de cet amendement, même si mes services, interpellés par des parlementaires, ont déjà beaucoup travaillé sur le sujet. À mon avis, les travaux sur un dossier aussi complexe vont prendre beaucoup de temps. Au demeurant, les particuliers-employeurs ne seraient pas concernés par la mesure qu’il nous est demandé d’étudier.
Il y a d’autres mécanismes à imaginer. Je pense notamment à celui qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019. Je suppose que nous aurons l’occasion de revenir sur cette question complexe, mais importante, lors de l’examen de la loi de finances.
M. le président. Monsieur Marseille, l’amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Non, monsieur le président ; compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié est retiré.
Nous revenons à présent au cours normal de la discussion des articles.
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;
2° L’article L. 2252-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Le second alinéa de l’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :
« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;
4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Notre amendement vise à supprimer l’article 2 de la loi dite El Khomri qui, vous vous en souvenez, avait inversé la hiérarchie des normes et permis de fixer des règles moins favorables aux salariés dans les domaines de la durée du travail, des repos et des congés payés.
Depuis 2004, les réformes successives du code du travail ont étendu petit à petit les domaines dans lesquels les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche.
Avec cet amendement, nous souhaitons rétablir la hiérarchie des normes et le principe de faveur en droit du travail, afin de revenir sur les possibilités de déroger aux accords de branche par accord d’entreprise autrement que dans un sens plus favorable aux salariés.
L’article 2 de la loi El Khomri a porté, nous le savons, un coup sévère aux droits des salariés, mais également aux petites entreprises, de sorte que l’accord de branche, dont l’objet était jusqu’à présent de garantir une égalité de traitement à des salariés exerçant les mêmes métiers, ne permettra désormais plus d’éviter une concurrence déloyale entre entreprises par le biais d’un dumping social.
La loi El Khomri, qui a largement détricoté la durée légale du travail, ne suffit visiblement pas, car le Gouvernement souhaite encore aller plus loin avec ces ordonnances. Il serait donc désormais possible d’augmenter les durées maximales de travail de nuit et de supprimer les contreparties obligatoires en matière de repos et de rémunération, mais, surtout, le projet autorise, par accord d’entreprise, la création de nouveaux cas de recours au contrat à durée déterminée, la modification ou la suppression de la durée légale d’un contrat à durée déterminée et du nombre de renouvellements, ou encore la modification du montant de l’indemnité de précarité.
Le Gouvernement semble donc vouloir également mettre en concurrence les travailleurs entre eux en favorisant la baisse des salaires.
Bref, comme nous l’avions dénoncé à l’époque, le gouvernement Valls a ouvert la voie dans laquelle l’actuelle majorité présidentielle s’engouffre aujourd’hui pour créer un code du travail au niveau de chaque entreprise.
Notre amendement pose donc la question du choix de la société que nous voulons : une société du « chacun pour soi », où les droits des salariés dépendront du rapport de force dans l’entreprise, ou une société qui garantit des droits collectifs à tous les salariés, quelle que soit leur entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Pourquoi ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 22 |
Contre | 314 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° De reconnaître et d’attribuer une place centrale à la négociation collective, notamment la négociation d’entreprise, dans le champ des dispositions, applicables aux salariés de droit privé, relatives aux relations individuelles et collectives de travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, en :
a) Définissant, dans le respect des dispositions d’ordre public, les domaines limitativement énumérés dans lesquels la convention ou l’accord d’entreprise, ou le cas échéant d’établissement, ne peut comporter des stipulations différentes de celles des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels, ainsi que les domaines limitativement énumérés et conditions dans lesquels les conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute adaptation par convention ou accord d’entreprise, ou le cas échéant d’établissement, et en reconnaissant dans les autres domaines la primauté de la négociation d’entreprise, ou le cas échéant d’établissement ;
b) Définissant les critères, les conditions et, le cas échéant, les contreparties aux salariés selon lesquels l’accord de branche peut prévoir que certaines de ses stipulations, dans des domaines limitativement énumérés, sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par l’accord de branche, notamment celles dépourvues de représentants du personnel, pour tenir compte de leurs contraintes particulières ;
c) Harmonisant et simplifiant les conditions de recours et le contenu des accords mentionnés aux articles L. 1222-8, L. 2242-19, L. 2254-2 et L. 3121-43 du code du travail, le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat résultant d’un accord collectif, en prévoyant notamment que le licenciement du salarié repose sur un motif spécifique auquel ne s’appliquent pas les dispositions de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du même code, ainsi que les modalités d’accompagnement du salarié ;
d) Précisant les conditions dans lesquelles il appartient à celui qui conteste la validité d’un accord de démontrer qu’il n’est pas conforme aux conditions légales qui le régissent ;
e) Aménageant les délais de contestation d’un accord collectif ;
f) Permettant au juge de moduler, dans le cadre d’un litige relatif à un accord collectif, les effets dans le temps de ses décisions ;
g) Permettant à l’accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, ainsi que d’adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales prévue à l’article L. 2323-8 du code du travail, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 2242-9 du même code ;
h) Définissant les conditions d’entrée en vigueur des dispositions prises sur le fondement des a à f du présent 1°, s’agissant en particulier de leur application aux accords collectifs en vigueur ;
2° De favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective en :
a) Facilitant, dans les cas prévus aux articles L. 2232-21 à L. 2232-29 du code du travail, les modalités de négociation, de révision et de conclusion d’un accord en permettant notamment aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel ou, en leur absence, avec le personnel ;
b) Facilitant le recours à la consultation des salariés, notamment à l’initiative de l’employeur, pour valider un accord ;
c) (Supprimé)
d) Facilitant la procédure de restructuration des branches professionnelles et en modifiant la section 8 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail et l’article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée ;
3° De supprimer la commission instituée par l’article 1er de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, un petit mot pour exprimer à mon tour le regret de vous voir quitter notre assemblée, dont vous êtes une figure marquante. Vous nous manquerez.
J’ai aussi quelques souvenirs du maire de Marseille, passionné, avec qui j’ai travaillé sur certains dossiers relatifs au logement. Nous ne partagions pas toujours les mêmes idées, mais nous avons réussi à avancer. J’aurai plaisir à vous retrouver dans la cité phocéenne à l’occasion du prochain congrès HLM que vous accueillerez en 2018.
À ce stade, nous entrons véritablement dans la discussion des articles du projet de loi.
Dans son programme, Emmanuel Macron préconisait, pour combattre le chômage, de libérer le travail en le flexibilisant, de combattre les freins à l’embauche en permettant de licencier plus facilement. C’est une grave erreur de diagnostic : le lien entre chômage et complexité du code du travail est un « fantasme total », comme l’a déclaré le responsable de la CFE-CGC.
D’ailleurs, depuis 1986, pas moins de dix-sept lois ont été votées pour assouplir le code du travail. Chaque fois, on nous annonçait que ces textes allaient permettre de faire reculer le chômage. Or c’est l’inverse qui s’est produit, mais le MEDEF répète toujours qu’il faut aller plus loin. C’est à se demander s’il faut encore un code du travail.
En réalité, les causes du chômage sont ailleurs. Il aurait fallu davantage s’attaquer à la modernisation de notre outil de production par des politiques industrielles volontaristes et à une meilleure répartition des richesses pour soutenir une relance économique, écologique et sociale.
Pourtant, le Gouvernement continue à se référer à des dogmes de l’ancien monde, c’est-à-dire le monde porté par la vague libérale, ce qui va, hélas, nous mener dans une double impasse : un effet économique nul en matière de chômage et de relance de la croissance et un effet social catastrophique.
M. Christian Favier. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le code du travail n’est pas un frein à l’emploi : ce sont les chefs d’entreprise qui le disent ! À cet égard, il faut bien avoir à l’esprit que M. Gattaz ne représente qu’une partie des chefs d’entreprise.
Selon la dernière enquête publiée par l’INSEE, le 20 juin 2017, la première raison pour laquelle les entreprises n’embauchent pas, c’est l’incertitude économique, pour 28 % d’entre elles ; ensuite, on trouve, pour 27 %, la difficulté à trouver une main-d’œuvre compétente, puis d’autres motifs ; enfin, bien après, arrive la réglementation trop chargée du code du travail, pour seulement 18 % des chefs d’entreprise.
Le code du travail n’est donc pas le cœur du problème si l’on veut lutter contre le chômage. En revanche, madame la ministre, votre projet risque de remettre en cause notre modèle social et républicain.
La remise en cause toujours plus poussée de la hiérarchie des normes par l’ouverture de la négociation à des sujets majeurs va réduire le champ de l’ordre public social. Or l’ordre public social n’est pas simplement protecteur de notre modèle social, il est aussi porteur de l’égalité républicaine.
À force de laisser s’installer un dumping entre entreprises, avec des normes qui ne sont pas garanties partout et pour tous, vous faites reculer l’idée d’égalité républicaine, mais, alors, il ne faudra pas venir verser des larmes de crocodile sur la fragilisation de notre République, qui sera de moins en moins défendue par nos concitoyens.
Je refuse ce texte qui n’apportera rien à l’économie et à la lutte contre le chômage, et qui représente une grave menace pour notre modèle social républicain. Avec mes collègues, nous avons été nombreux à déposer des amendements qui nous donneront l’occasion de mettre en évidence ce péril.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous le répète, non seulement ce projet de loi est mauvais, mais la méthode choisie est aussi catastrophique.
M. Jean Desessard. Vous avez raison !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En recourant aux ordonnances, vous entretenez un flou considérable sur vos intentions. Vous parlez du champ de la négociation sociale, mais il s’agit de consultation sociale et non pas de négociation sociale. En effet, il n’y aura pas d’accord interprofessionnel liant les syndicats, le patronat et le Gouvernement. C’est donc un contournement de nos règles démocratiques, qui ne vise qu’à porter de mauvais coups sociaux et à entériner le recul républicain en pleines vacances d’été, sans que les citoyens puissent se retourner.
Croyez-moi, le peuple de France ne se laissera pas faire et il vous attendra au tournant si vous laissez passer ce projet de loi !
Mme Nicole Bricq. Eh ben !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, sur l’article.
Mme Évelyne Yonnet. Cet article constitue la première pierre angulaire de ce projet de loi visant malheureusement à donner un blanc-seing au Gouvernement : pour la première fois dans une réforme en matière de droit du travail, il y aura plus de reculs que d’avancées. Il faut dire que les amendements du rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, y auront largement contribué.
Je citerai pour exemple l’amendement COM-16 sur l’alinéa 12 et les dérogations concernant les entreprises de 11 à 50 salariés, ou l’amendement COM-17 explicitant le référendum d’initiative patronale.
Si la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a introduit quelques flexibilités, elle a aussi mis en place de réelles contreparties progressistes face à la baisse des risques existant pour les patrons des TPE-PME.
Cette loi dite El Khomri a ainsi prévu le compte pénibilité, les congés spéciaux pour les événements familiaux, le droit des salariés dans le cadre des emplois saisonniers, le droit à la déconnexion, et je ne parle pas des autres lois de la précédente législature.
Cet article 1er prépare donc les salariés français au recul des accords de branche, à la réduction de leurs droits, avec, par exemple, la suppression du motif économique pour les salariés refusant la modification de leur contrat de travail à la suite d’accords collectifs, la suppression des accords de maintien, l’inversion de la charge de la preuve et la réduction des délais de contestation, la suppression du mandatement, le référendum d’initiative patronale, et j’en passe sans doute.
Cet article 1er, qui détaille les objectifs assignés aux ordonnances, n’est donc qu’une altération du droit social, qui n’avait pourtant connu que des progrès depuis la loi Waldeck-Rousseau de 1884.
Je vous épargne tout l’historique des luttes ouvrières, mais je vous garantis que nos amendements iront dans leur sens, c’est-à-dire celui d’une amélioration des conditions de travail des ouvriers.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Au début de ce débat, il faut revenir sur le diagnostic du Gouvernement, que nous ne partageons pas. Bien évidemment, madame la ministre, les solutions que vous apportez vont à contre-courant de ce que nous préconisons.
Pour vous, le manque de compétitivité a pour origine les freins de notre code du travail, les lourdeurs administratives, notre niveau de protection sociale. Finalement, vous vous dites qu’en libérant cela, l’enrichissement de certains et la performance économique des entreprises tireraient tout le monde vers le haut. Il y aurait plus d’emplois, avec de meilleures rémunérations. C’est en gros la doctrine traditionnelle et constante des libéraux. Elle est à l’offensive ces dernières années, sur le plan international, et elle marque des points, parce que, de l’autre côté, les réponses sont timides, partielles. En somme, vous ne faites que suivre le mouvement.
Pourtant, quand l’INSEE fait une enquête sur 80 000 PME, les chefs d’entreprise répondent d’abord « carnet de commandes ». Avant même de parler du code du travail, ils évoquent tout un tas d’autres facteurs, notamment la modernisation et l’accompagnement.
Vous répondez donc à côté de ce que les chefs d’entreprise eux-mêmes attendent en majorité, car vous n’écoutez que ceux du CAC 40, qui maltraitent de façon incroyable des milliers d’entreprises sous-traitantes, lesquelles créent pourtant au moins 80 % de l’emploi dans notre pays.
Votre diagnostic comprend un second élément : il faut moderniser les relations sociales et le code du travail. Bien entendu, mais quelle est la modernisation véritablement nécessaire ?
Tout le monde constate, et cela va s’accentuer dans les vingt ans qui viennent, que les révolutions technologiques, le travail lui-même, les relations sociales employeur-salariés, les outils de la protection sociale sont percutés, bouleversés, avec l’« ubérisation », etc. Tout le monde voit nos jeunes occuper des emplois qui n’ont plus la même nature que ceux que nous avons connus, et ce phénomène va s’amplifier.
Or le code du travail est en retard sur ce point.
M. François-Noël Buffet. Merci !
M. David Assouline. Si vous voulez faire un effort de modernisation, préoccupez-vous de nos jeunes qui n’arrivent pas à travailler ou qui travaillent dans des conditions inacceptables, parce qu’il n’existe pas d’outils de protection sociale adéquats.
Il faudrait mener une longue réflexion sur ce que sera la société de demain, avant d’entamer une longue négociation sur ce vrai débat de fond. Comment fait-on progresser, évoluer le code du travail pour le moderniser afin de répondre à ces nouveaux enjeux et combattre la précarisation ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. Vous ne serez pas surpris de savoir que je pense, comme beaucoup de gens dans notre pays, que le code du travail doit se limiter aux principes fondamentaux, ce qui réduirait sa taille.
L’inversion de la hiérarchie des normes au profit d’une plus grande latitude de négociation au niveau de l’entreprise est indispensable pour que notre économie reparte en créant des emplois. Nous devons faire confiance aux partenaires sociaux : ils partagent un destin commun.
Voilà deux ans, au moment de la discussion de la loi dite Macron, j’avais présenté un amendement appelant à modifier l’article 1er du code du travail pour permettre cette inversion de la hiérarchie des normes. L’an dernier, le rapport Combrexelle et la loi El Khomri ont permis d’entériner le principe de ce retournement, qui est nécessaire pour les entreprises.
L’article 1er de ce projet de loi, et les objectifs visés par le Gouvernement, permettent d’anticiper de nouvelles avancées, démarche que je soutiens pleinement. Je ne sais pas jusqu’où vous irez, madame la ministre, car j’attends de connaître le contenu des ordonnances, mais je dois dire que je fais pleinement confiance au Gouvernement, en espérant qu’il ira le plus loin possible.
Deux ans après avoir appelé cette inversion de mes vœux, je constate que l’idée a pris corps. Aujourd’hui, j’ai envie de vous décrire la prochaine étape, les TPE et les PME ayant encore un certain nombre d’attentes. À mon sens, un jour viendra – le plus rapidement possible, j’espère –, où les TPE et les PME de notre pays auront le droit, la liberté d’adhérer, ou non, à des conventions collectives, à l’instar de ce qui se passe dans de nombreux pays. Cela permettrait à ces entreprises d’exercer librement et de se développer le plus vite possible. Tel est le prochain objectif que j’espère voir atteint. Aussi, je souhaite que le Gouvernement emprunte cette direction. (M. Michel Canevet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article. (Les membres du groupe CRC brandissent des feuilles de papier rouge sur lesquelles figurent différents slogans : « #Loi travail XXL » ; « La lutte continue » ; « Jeunesse précarisée » ; « Coup de force social ». – Marques de désapprobation sur les travées du groupe La République en marche, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, je profite de cette intervention pour vous dire notre étonnement devant votre refus de répondre, hier, à la quasi-totalité de nos observations et interpellations, qui démontraient sans ambiguïté les reculs qu’induit pour les salariés votre projet de loi.
Derrière le vocabulaire que vous utilisez, une novlangue se cache, comme je vous l’ai dit hier, expression de la main de fer du libéralisme. C’est notamment le cas avec cet article 1er qui bouleverse, quoi que vous en disiez, l’architecture générale de notre droit du travail.
Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a publié un tableau détaillant les trois domaines d’application différenciée de la hiérarchie des normes. Des sujets qui relevaient de la loi, comme l’utilisation des contrats courts ou les CDI de chantier, pourront être mis en discussion au niveau de la branche. Surtout, la primauté donnée à l’accord d’entreprise va délocaliser la négociation collective là où le salarié est le plus en situation de faiblesse.
Le principe de « subsidiarité » dont vous parlez n’est là que pour brouiller les pistes. Il est en fait un principe de défaveur : c’est la possibilité donnée aux employeurs, éventuellement même en contournant les organisations syndicales, de remettre en cause des avantages garantis jusque-là par des conventions collectives. Nous en donnerons des exemples précis.
Vous proposez en fait l’adaptation des hommes aux besoins du marché de l’emploi. Quel progrès ! Au contraire, nous avons plutôt besoin de repenser le travail pour émanciper les hommes en créant des droits nouveaux pour protéger les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel.
Madame la ministre, pourquoi tant d’acharnement à vouloir réformer le code du travail pour aller vers plus de flexibilité et de précarité ? Même les plus grandes institutions internationales, dont l’OCDE, le disent clairement : il n’y a pas de lien avéré entre protection du travail et niveau de chômage.
Vous comprendrez alors que nous soyons particulièrement perplexes quand nous vous entendons dire que, pour créer de l’emploi, il faudrait faciliter les licenciements. Vous vous trompez de voie, madame la ministre. Au lieu de faire un code du travail pour sécuriser les patrons des grandes entreprises, vous feriez mieux de faire un code du travail pour protéger les salariés et répondre aux défis du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)