projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
M. le président. L’article 9 ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 9 sont examinés par priorité.
Article 9 (priorité)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant, d’une part, de décaler au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et de modifier en conséquence les années de référence des mesures transitoires prévues à l’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et, d’autre part, de décaler d’un an l’entrée en vigueur du B du I de l’article 82 de la même loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
II. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2017, un rapport exhaustif présentant les résultats des expérimentations menées de juillet à septembre 2017 et de l’audit réalisé par l’inspection générale des finances et par un cabinet indépendant sur le prélèvement à la source, prévu par la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, afin d’éprouver, par des tests, les effets positifs ou indésirables du dispositif prévu et de présenter des propositions visant à améliorer la prise en compte des réductions et crédits d’impôt dans le calcul du prélèvement et à réduire la charge induite par la retenue à la source pour les tiers collecteurs, en particulier les entreprises.
Ce rapport présente également les résultats de simulations et de tests complémentaires concernant, d’une part, la collecte de la retenue à la source, prévue par la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, par l’administration fiscale et, d’autre part, la mise en œuvre d’un prélèvement mensualisé et contemporain faisant coïncider l’année de perception des revenus avec l’année de prélèvement et permettant aux contribuables de moduler le montant de leurs mensualités en temps réel, en cas de variation de leurs revenus ou de changement de leur situation personnelle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a déjà été pratiqué en France pendant la Seconde Guerre mondiale, on l’a quelque peu oublié.
Un tel mode de perception de l’impôt, appelé alors « stoppage à la source », fut pratiqué pour imposer traitements, salaires, pensions et rentes viagères.
Le décret-loi de novembre 1939, destiné à permettre la perception de cette « contribution », était clairement justifié par les circonstances de guerre. L’impôt fut d’ailleurs assorti d’une contribution exceptionnelle – sans doute pour tenir compte des circonstances – que le gouvernement de l’État français s’empressera de supprimer à l’été 1940, une fois consommées la défaite et la honte d’un armistice réduisant les effectifs de l’armée française à 100 000 soldats, au maximum.
Les esprits chagrins auront d’ailleurs remarqué que le « stoppage » ne concernait que les revenus aisément repérables et contrôlables et nullement ceux du capital ou du patrimoine.
Le dispositif disparut en 1948 pour faire place au célèbre « impôt sur le revenu des personnes physiques » unifiant impôt cédulaire d’antan et progressivité pour les revenus plus importants.
Chacun sait toutefois que les trente dernières années de notre histoire fiscale ont été marquées par des coups de rabot successifs sur la progressivité de l’impôt, avec notamment la suppression de l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires, et par la montée en puissance d’un autre impôt sur le revenu, à caractère proportionnel, à savoir la contribution sociale généralisée.
La CSG, aujourd’hui, rapporte davantage que l’impôt progressif, et rapportera plus encore avec la ponction supplémentaire liée au basculement des cotisations chômage et de la cotisation maladie résiduelle.
La retenue à la source de l’impôt sur le revenu doit donc clairement être regardée comme la première étape vers la fusion-confusion entre impôt sur le revenu et contribution sociale généralisée et, par voie de conséquence, vers l’étatisation renforcée de la sécurité sociale. C’est précisément ce dont nous ne voulons à aucun prix.
Rappelons enfin que la retenue à la source n’est pas la panacée contre la fraude fiscale : des pays comme l’Italie ou la Grèce la pratiquent de longue date. Tout commentaire me semble superflu sur la situation des comptes publics de ces deux nations européennes amies de la France qui appliquent la retenue à la source.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Cet article 9 est important aux yeux de la délégation aux entreprises, laquelle, depuis sa création, recense les obstacles au développement de nos entreprises, et donc à l’emploi. Alors que les entreprises croulent déjà sous les obligations administratives, on envisage de les charger d’une nouvelle tâche, celle de prélever l’impôt sur les salaires. Certains font valoir que ce serait plus simple pour le contribuable ; rien n’est moins sûr.
Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’une complexité supplémentaire serait introduite pour les entreprises ; nous les rencontrons régulièrement et elles nous ont fait part de leur grande inquiétude.
C’est pourquoi nous avons confié une étude à un cabinet indépendant afin d’évaluer l’impact, pour les entreprises, du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Les résultats de cette étude accessible en ligne sont frappants ; ils ont été rappelés, d’ailleurs, par le rapporteur général de notre commission des finances. La mesure aurait un coût initial d’environ 1,2 milliard d’euros la première année, et un coût récurrent de l’ordre de 100 millions d’euros. Plus grave encore, 75 % du coût total de la mesure serait assumé par les TPE de moins de 10 employés.
Au-delà de la question du coût, l’étude montre que les chefs d’entreprise craignent une dégradation des relations sociales, en raison de l’immixtion des entreprises dans la vie privée des salariés. Ils redoutent également l’apparition de revendications salariales liées à la diminution de la rémunération nette figurant sur le bulletin de paie. Ces éléments sont à prendre en compte au moment où l’on souhaite favoriser le dialogue social au sein des entreprises !
C’est le rôle de la délégation aux entreprises de vous alerter sur ces risques, monsieur le ministre, et nous nous réjouissons de l’évolution du texte résultant des travaux de nos collègues de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
Dans l’exposé des motifs de son amendement n° 152, le Gouvernement explique qu’il n’aura pas le temps de tester le prélèvement mensualisé et contemporain ; un tel dispositif permettrait pourtant de corréler instantanément revenu et impôt sans que les entreprises portent le poids du dispositif.
La France souffre de trop nombreuses réformes menées sans étude d’impact préalable sérieuse ; nous ne cessons, après coup, de légiférer pour réparer des erreurs qu’une évaluation aurait permis d’éviter. Ne commettons pas, une nouvelle fois, une telle erreur collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Carcenac, Mme M. André, MM. Botrel, Chiron, Éblé, Guillaume, Lalande, F. Marc, Raoul, Raynal, Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. La mise en place du prélèvement à la source a donné lieu à un débat très approfondi au sein de notre commission des finances.
Je rappellerai simplement que ce prélèvement est une mesure de justice pour les contribuables qui voient leur situation fiscale évoluer d’une année sur l’autre. Ce n’est pas marginal : 30 % des contribuables français sont concernés chaque année. En rendant le paiement de l’impôt contemporain de la perception des revenus et en évitant le décalage d’un an, cette mesure protège ceux qui subissent une perte de revenus de manière parfois choisie, mais parfois subie. Le paiement est également mieux réparti, puisque l’impôt sera prélevé sur douze mois au lieu de dix.
Le Gouvernement nous propose aujourd’hui de reporter d’un an la mise en place de cette mesure, ce que nous regrettons. La réforme a été minutieusement préparée par une administration excellente, qui a organisé la formation de ses agents, informé les contribuables, et dont les fournisseurs ont déjà mis en place les logiciels nécessaires. Elle est prête, et un test était initialement prévu pour cet été.
Ce report ne nous semble donc pas utile, sauf à fournir un rapport de plus. Nous n’osons croire que ce report vise en réalité, comme la presse s’en est fait l’écho, à ce que l’entrée en vigueur du prélèvement à la source coïncide avec la suppression de certaines cotisations salariales et avec la hausse de la CSG.
Par ailleurs, la commission des finances, sur l’initiative de son rapporteur général, dont la démarche est logique, a complété l’article 9 par certaines dispositions auxquelles nous ne sommes pas favorables, s’agissant notamment de la réduction de la charge induite pour le tiers collecteur. Des tiers collecteurs, il y en a déjà pour la TVA !
Je rappelle que le prélèvement à la source représente une ligne de plus à remplir sur la déclaration sociale nominative, la DSN, vaste chantier mis en œuvre dès 2013 selon une méthode collaborative. La DSN comprend actuellement 24 lignes ; rares sont aujourd’hui les PME et TPE qui ne sont pas encore passées à la DSN et qui ne respectent pas la loi.
Surtout, monsieur le rapporteur général, nous ne pouvons vous soutenir concernant la mise en place d’un prélèvement mensualisé et contemporain.
Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur pour avis. Grande surprise, monsieur le président : avis défavorable ! (Sourires.)
Un point d’accord avec le groupe socialiste, tout de même : cet article 9 n’a strictement rien à voir avec le texte sur le dialogue social. Peut-être sommes-nous, éventuellement, dans le dialogue fiscal…
Néanmoins, je suis d’accord avec le Gouvernement : il y a urgence à annoncer suffisamment tôt aux contribuables et aux entreprises que le prélèvement à la source est reporté d’un an. Il vaut mieux que ce report figure dans un texte discuté aujourd’hui plutôt que dans le projet de loi de finances – ce serait un peu tard. Il fallait trouver un vecteur législatif ! Si nous pouvons admettre que le lien avec le texte sur le dialogue social est ténu, il est néanmoins utile d’informer les contribuables à temps.
Thierry Carcenac l’a rappelé : la position de la commission des finances, qui est la position du Sénat, est celle qui avait été adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017.
Je veux interroger M. le ministre, avec une série de questions auxquelles, pour faire simple, je donnerai également les réponses : le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu, en France, est-il mauvais ? Non, c’est l’un des plus élevés au monde. Le mode d’imposition est-il complexe ? Non, grâce à la déclaration préremplie. Les outils que nous offre la DGFiP, la direction générale des finances publiques, sont-ils simples ? Oui, ils fonctionnent plutôt bien. A-t-on le choix du mode de paiement ? Oui : prélèvement automatique, mensualisation, tiers provisionnel… Tout cela fonctionne ! Pourquoi donc complexifier ce dispositif ?
Je reconnais – je suis d’accord sur ce point avec Thierry Carcenac – qu’il y a un seul sujet véritable : on paie ses impôts sur la base de l’année n-1. C’est, en définitive, tout le débat !
Or, nous a-t-on rappelé à l’instant, 30 % des contribuables voient leurs revenus changer chaque année. Sans doute est-il possible de résoudre ce problème du décalage entre l’année de paiement des impôts et l’année de versement des revenus imposés.
Or nous considérons qu’une autre solution, en la matière, était possible – il est même probable que ce ne soit pas la seule. La commission des finances et le Sénat ont proposé d’utiliser le « tuyau » de la DSN, qui permet d’alimenter en temps réel l’administration fiscale avec les informations relatives aux revenus des contribuables. La DGFiP pourrait ainsi calculer l’impôt ; les contribuables seraient tous mensualisés non pas sur la base de leur historique de l’année n-1, mais sur celle des revenus perçus l’année n. Il y aurait certes un décalage d’un, deux ou trois mois ; mais un tel dispositif représenterait une avancée considérable par rapport au système actuel.
Surtout serait conservée cette relation duale entre le contribuable et l’administration fiscale, sans qu’il soit besoin d’embêter les entreprises – Élisabeth Lamure a rappelé à l’instant les conclusions de l’étude réalisée : le coût serait considérable, notamment pour les TPE.
La solution que nous préconisons est beaucoup plus simple et efficace que celle qui émane du gouvernement précédent ; son adoption permettrait de mettre en place un impôt moderne, au prélèvement contemporain, sans choc de complexité.
Taux par défaut, taux normal, taux choisi, deux taux dans l’année : on a inventé une usine à gaz, assortie de x taux, pour résoudre un seul problème, celui du paiement de l’impôt sur la base des revenus de l’année n-1 !
D’autres solutions existent ; c’est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. D’abord, monsieur le président, je vous prie d’accepter les hommages respectueux du Gouvernement et de ma personne pour votre travail, ici, au Sénat. Chacun sait que nous perdrons beaucoup à ne plus vous compter au nombre des parlementaires, monsieur le président Gaudin !
M. Jean-Claude Lenoir. Dura lex, sed lex !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je commencerai par quelques mots de réponse aux orateurs qui ont pris la parole sur l’article.
S’il a été question à plusieurs reprises, au long de notre histoire politique, de mettre en place la retenue à la source, et si tous les pays européens et tous les pays occidentaux, aujourd’hui, mettent en œuvre soit un impôt à la source soit un impôt qui s’en rapproche, nous sommes les seuls à fonctionner autrement. La spécificité française a parfois du bon ; mais il arrive que ce ne soit pas le cas. Je voudrais dire à Mme la sénatrice Beaufils que, depuis 1940, un certain nombre de changements ont eu lieu, notamment techniques et technologiques, qui rendent possible, désormais, la contemporanéité de l’impôt.
En définitive, à entendre les différents orateurs, notamment M. le rapporteur pour avis, auteur d’un excellent rapport, mais aussi l’orateur du groupe socialiste, personne ne remet en cause l’intérêt d’un impôt contemporain.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Certes !
M. Gérald Darmanin, ministre. La possibilité de payer l’impôt sur le revenu au moment où sont perçus les revenus correspondants : voilà un avantage qui doit être offert à nos concitoyens. Il a d’ailleurs été souligné que 30 % d’entre eux voient leurs revenus changer de manière très importante, pour beaucoup à la baisse, d’une année sur l’autre. La retenue à la source, c’est une modalité de cet impôt contemporain.
Existe-t-il d’autres modalités possibles ? M. le rapporteur pour avis a évoqué cette question, ainsi que Mme la sénatrice Lamure. Réponse : peut-être ! Nous pensons, nous – c’est l’objet de la proposition que fait le Gouvernement aujourd’hui – que la contemporanéité de l’impôt doit être garantie. Essayons de trouver d’autres modalités ; mais, comme je l’ai expliqué devant la commission des finances, il nous faut « scientifiser » de telles alternatives.
En effet, comme l’a reconnu lui-même le rapporteur général, le recours à la DSN occasionnerait un décalage de trois mois. Ce décalage serait tout à fait préjudiciable aux particuliers : il ajouterait les mauvais côtés de la retenue à la source aux mauvais côtés de l’impôt sur le revenu tel que nous le connaissons.
Tout le monde n’a pas la chance d’avoir des revenus qui, pendant deux, trois, quatre, cinq, dix ans, demeurent stables ! Beaucoup de gens voient leurs revenus changer de mois en mois. Prenons un exemple que nous connaissons tous : un ouvrier qui perçoit un treizième mois le touche au mois de décembre. Avec le système proposé par M. le rapporteur pour avis, dont je veux souligner l’ingéniosité, il paiera l’impôt correspondant plus tard, à savoir au mois de février ou de mars, c’est-à-dire, peut-être, au moment où il aura le moins les moyens de le payer.
Je demande donc que nous examinions scientifiquement la proposition évoquée à la fois par M. le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et par M. le rapporteur général de la commission des finances du Sénat.
C’est pourquoi, monsieur Carcenac, nous proposons de décaler d’un an la mise en œuvre de la réforme.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, nous avons nous-mêmes interrogé l’excellente administration fiscale, mais aussi les syndicats de Bercy. Ils nous ont parlé d’une difficulté possible ; c’est ce que nous devons vérifier. C’est pourquoi une expérimentation est en cours.
Toutefois, l’ancien gouvernement n’avait pas tout prévu, si vous me permettez cette observation, monsieur le sénateur Carcenac : l’expérimentation était prévue en juillet, août et septembre, et les feuilles d’imposition auraient donc dû être envoyées avant qu’elle ne s’achève. À quoi donc l’expérimentation pouvait-elle bien servir, aurait-on demandé, puisqu’il n’était pas prévu, à son terme, d’en tirer les conclusions – est-ce que ça marche, ou pas ?
Excusez-moi donc de vous dire, monsieur Carcenac, que le précédent gouvernement avait peut-être mis la charrue avant les bœufs. Si vous croyiez tant en cette réforme, il fallait la faire au début du quinquennat, et pas à la fin !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite évoquer une deuxième question avec vous, en vous priant de m’excuser, monsieur le président, de m’étendre un peu sur cette discussion – mais ce qui sera dit le sera une fois pour toutes.
Madame la sénatrice Lamure, vous avez parlé d’un coût supérieur à 1 milliard d’euros. Nous ne sommes pas convaincus par cette estimation, bien que la réforme soit en effet, peut-être, l’occasion d’une charge administrative supplémentaire pour les TPE et les PME. Le cabinet Mazars et l’inspection générale des finances devraient pouvoir donner une réponse scientifique à cette question, comme nous le leur avons demandé.
J’ai d’ailleurs émis un avis favorable, à l’Assemblée nationale, sur un amendement tendant à demander la remise d’un rapport sur ce sujet, de même que je m’apprête à émettre un avis favorable sur le texte adopté par la commission des finances, sous réserve de l’adoption de mon amendement n° 152, afin de montrer la bonne foi du Gouvernement, qui se garde de toute idéologie. Nous remettrons ce rapport sur le caractère réel ou fantasmé de la surcharge administrative présumée pour les entreprises le 30 septembre au Parlement ; il émanera de l’IGF et du cabinet privé dont je viens de parler.
Je vous rappelle d’ailleurs, madame la sénatrice, que toutes les entreprises ne sont pas contre la retenue à la source. Les entreprises frontalières la pratiquent déjà pour beaucoup de leurs salariés, qu’ils soient belges, espagnols ou italiens – je peux vous le dire, moi qui suis originaire d’une ville frontalière. J’ajoute que le monde agricole, dont les activités sont marquées par la saisonnalité, attend beaucoup du prélèvement à la source. Toutes les entreprises, en la matière, ne sont donc pas rétives !
Par ailleurs, la simplification inhérente à la DSN a été adoptée par 97 % des entreprises ; restent 3 %, parfois des TPE et des PME. Le report de la retenue à la source permet donc également d’attendre que 100 % des entreprises soient passées à la DSN.
Enfin, monsieur le rapporteur général, nous sommes tout à fait d’accord pour travailler ensemble sur le report de l’impôt à la source. Je retiens en particulier un avantage de ce type de prélèvement : il se fait sur douze mois, pas sur dix, ce qui représente un gain d’intelligibilité certain pour nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour explication de vote sur l’amendement n° 50 rectifié. (Exclamations amusées sur toutes les travées.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Marseille !
M. Jean-Noël Guérini. Ils sont jaloux, monsieur le président Gaudin ! Vous avez reçu, me dit-on, une standing ovation. Avec l’autorisation de M. le ministre et de M. le président, permettez-moi, mes chers collègues, en tant que Marseillais, de m’adresser à celui que j’appellerai « monsieur le maire ». (Sourires.)
Monsieur le maire, donc, mon cher Jean-Claude, vous présidez aujourd’hui votre dernière séance, et je tiens à saluer l’homme, autant que l’homme politique, avec un respect teinté, à titre personnel, d’une immense émotion.
Bien sûr, dans la ville que vous aimez et défendez avec talent, nous eûmes des orages ! (Sourires.) On ne traverse pas quarante ans de combats et de batailles politiques sans nuages ni tensions. Mais ces affrontements étaient destinés à faire plus et mieux pour Marseille, ce qui nous a permis, monsieur le président, de surmonter toutes les tempêtes, même les plus terribles !
Vous manquerez à la Haute Assemblée, mais, pour ma part, j’ai l’assurance - et j’aurai la chance - de vous retrouver dans quelques jours, ou quelques heures, sous la protection de la Vierge de la Garde,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Priez pour nous ! (Rires.)
M. Jean-Noël Guérini. … qui vous accompagnera encore longtemps. D’autres piaffent pour vous succéder ; je sais qu’avec votre intelligence et votre sens des responsabilités, vous saurez vous garder de vos amis comme de vos ennemis.
Merci pour tout, cher Jean-Claude Gaudin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe La République en marche, du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. Merci, monsieur Guérini !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, permettez-moi, avant de revenir au texte, de vous adresser, au nom de mon groupe, mon très amical salut.
Notre position sur la retenue à la source a été rappelée. Permettez-moi toutefois de préciser ici quelques motifs qui nous conduiront à ne pas voter en faveur de la suppression de l’article 9. On peut effectivement, comme nos collègues socialistes, se demander ce que vient faire cet article dans un texte sur le droit du travail, lequel se retrouve ici dans l’orbite du droit fiscal.
L’article 9 aurait donc les apparences d’un « cavalier » législatif, les dispositions modifiées ne pouvant l’être que par une loi de finances, puisqu’il s’agit ici d’articles issus de la seconde partie de la loi de finances pour 2017, dont l’examen n’a pas eu lieu au Sénat.
Pour autant, l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, dont l’article 9 faisait partie, ne retient absolument pas cette hypothèse et ne discute donc pas plus avant du bien-fondé de la présence de cette disposition dans ce texte, bien que le lien qu’elle entretient avec le « dialogue social » ne soit qu’assez ténu.
En outre, comme il est rappelé dans le rapport de la commission des finances, tout ceci n’est pas en infraction avec les principes organiques de discussion de la loi de finances.
En réalité, mes chers collègues, le véritable débat soulevé par l’examen de cet article n’est pas un débat de pure technique fiscale, mais un débat politique de fond sur le sens que l’on souhaite donner à notre système de prélèvements dits « obligatoires ». En effet, il est notamment question, depuis le début de la législature en cours, de procéder à quelques mutations de notre droit.
La moindre n’est pas de réduire de manière assez sensible la taxation du capital et des patrimoines, via, dans un premier temps, la réduction de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et la sortie des revenus financiers de l’assiette de l’impôt sur le revenu par application d’un prélèvement libératoire de 30 %, qui solderait l’affaire, autant pour les finances sociales que pour les finances de l’État.
Comme les différentes contributions sociales actuelles atteignent 15,5 %, on imagine donc que la part restant au budget de l’État sera de 14,5 %, taux assez éloigné, chacun en conviendra, des 45 % du taux d’imposition maximal du barème !
La réforme fiscale qui se dessine, en filigrane, derrière la mise en œuvre de la retenue à la source, revient à solliciter de manière plus importante les couches modestes et populaires au travers des impôts de consommation : TVA, TICPE, ou taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, droits sur les tabacs et sur les alcools, contribution climat-énergie.
Elle revient également à accroître la pression fiscale sur les « classes moyennes » par un impôt direct de plus en plus proportionnel, via notamment le rapprochement de la CSG et de l’impôt sur le revenu et un allégement de fiscalité pour les revenus les plus aisés.
Mes chers collègues, la disparition du quotient familial inquiète assez peu les ménages fortunés, qui ont bien d’autres moyens de réduire la facture !
Voici pourquoi, en quelques mots, nous ne voterons pas cet amendement de suppression de l’article 9.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Deux mots pour justifier un vote favorable à l’amendement présenté par Thierry Carcenac : il s’agit, par cette réforme portant sur le prélèvement à la source, d’une modernisation nécessaire.
La France est aujourd’hui l’un des seuls pays au monde à ne pas appliquer le prélèvement de l’impôt l’année même du versement des revenus. En Europe, il en reste deux – je ne cite pas l’autre, cela ne nous placerait pas en très bonne compagnie. Il s’agit d’une mesure de modernisation, qui va en outre dans le sens des avancées sociales, puisque le décalage qui est en cause pénalise 30 % des familles modestes. Il s’agit donc de trouver un dispositif adapté. Les travaux qui ont été menés en ce sens méritent attention.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous étiez convaincu de la pertinence de ces arguments. Tant mieux ! La question posée consiste à savoir si nous sommes prêts ou non à mettre en œuvre cette réforme immédiatement. Nous avons entendu à maintes reprises l’ancien secrétaire d’État Christian Eckert et nous avons très souvent travaillé, en commission des finances, sur ce sujet. Il me semble – les collègues de notre groupe en sont convaincus – que nous sommes prêts ! Nous avons eu des discussions avec l’administration fiscale, le secrétaire d’État nous a convaincus, et je pense que nous sommes en mesure de procéder à une mise en œuvre immédiate de la retenue à la source.
C’est la raison pour laquelle il ne me paraît pas souhaitable de reporter d’un an l’entrée en vigueur de la réforme. Nous savons très bien à quoi mènent les reports : ils sont parfois l’antichambre des remises en question et des refus – dès lors que l’on touche à la fiscalité, en effet, l’impopularité guette.
Nous recommandons par conséquent que la retenue à la source soit mise en œuvre le plus vite possible, conformément à ce qui était prévu. Nous sommes prêts à y aller ; l’administration fiscale a été briefée en ce sens de toutes les manières possibles et envisageables ! L’adoption de cet amendement serait donc totalement fondée : il convient de supprimer le report d’un an qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)