M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur Teulade, de votre question très importante, qui renvoie au projet social dont l’Europe a besoin.

Vous avez raison : il n’y a pas que le sérieux budgétaire ; il y a aussi le sérieux social, avec, par exemple, la nécessité d’effectuer un bond en termes de couverture des salariés de l’Union européenne par la mise en place de conventions collectives, qui n’existent pas dans tous les pays de l’Union européenne. Un certain nombre de ces derniers réclament d'ailleurs avec insistance que le sérieux budgétaire soit mis en œuvre partout au sein de l’Union européenne sans se demander quel en est le pendant social.

Ainsi, le salaire minimum garanti n’existe pas dans tous les pays de l’Union européenne. Son absence conduit un certain nombre de pays à salarier des ouvriers agricoles dans des conditions qui seraient absolument inconcevables dans un pays comme le nôtre, organisant ainsi la délocalisation d’une partie de l’activité d’abattage ou d’élevage porcin de pays de l’Union européenne vers d’autres.

Vous avez également soulevé dans votre intervention des questions très importantes pour la jeunesse ou pour les salariés, que nous avons bien à l’esprit, qu’il s’agisse de la reconnaissance des qualifications professionnelles, de la portabilité des droits sociaux, de l’évocation d’un salaire minimum garanti européen, ou encore du soutien aux jeunes chômeurs les plus en difficulté dans les régions où le taux de chômage est très important ; d’où la création d’un fonds doté de 6 milliards d'euros décidée à l’occasion du précédent budget.

Sur ce terrain-là comme dans les autres domaines, les choses avancent – certes moins vite que nous ne le souhaiterions, mais elles auraient progressé beaucoup moins rapidement encore si nous n’avions pas été là –, grâce à des décisions très concrètes, que je vais rappeler avant de conclure.

Premièrement, la question sociale figure désormais dans la feuille de route de M. Van Rompuy. Ce n’était pas le cas quand nous sommes arrivés aux responsabilités.

Deuxièmement, nous avons fait de la garantie des droits sociaux, et non pas simplement de la compétitivité, une préoccupation franco-allemande. L’une des soixante-dix décisions dont je parlais tout à l’heure consiste à réunir l’ensemble des partenaires sociaux sur la question de la compétitivité et du progrès et des garanties sociales.

Troisièmement, au-delà du fonds de soutien aux jeunes chômeurs, nous voulons profiter de l’acte II du marché unique pour faire progresser l’harmonisation sociale par le haut.

Cet agenda est celui du gouvernement français au sein de l’Union européenne ; nous avons la volonté qu’il devienne l’agenda de l’Union tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous le savez, nous ne cessons de pâtir des notes salées qui nous ont été laissées par le précédent gouvernement et par sa majorité.

Hier matin, à propos des contentieux que nous avons avec l’Europe, un grand journal du matin titrait, et c’était un plus par rapport à ce que nous savions déjà : « Impôts indus, subventions illégales… Une ardoise à 9 milliards d'euros ».

Bien entendu, dans cet ensemble, vous le savez, il y a des choses bien différentes. Toutefois, monsieur le ministre, nous aimerions que vous nous éclairiez sur ces diverses factures qui risquent de nous tomber dessus et qui suscitent notre inquiétude, comme celle de l’ensemble des Français. D’ailleurs, ce titre visait à inquiéter.

Parmi les dossiers en cours, il y en a un que je connais bien, celui de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, créée par une loi du 5 mars 2009, après la décision brutale du précédent Président de la République de supprimer la publicité sur France Télévisions. D’autres modes de financement, faits de bric et de broc, souvent contestables, ont dû être trouvés. La suite nous a en tout cas montré que cette décision était plus que contestable, puisque le service public est aujourd'hui tout à fait fragilisé.

La taxe sur les fournisseurs d’accès à internet destinée à financer France Télévisions, la seule qui rapportait beaucoup, à savoir près de 300 millions d'euros, nous a d'ailleurs valu d’être condamnés par l’Europe. Un appel a été déposé et la Cour de justice de l’Union européenne devrait, dans les mois qui viennent, rendre sa décision définitive.

Il y a donc beaucoup d’inquiétudes, et d’abord parce que nous tenons au financement du service public. Si cette taxe sur les fournisseurs d’accès est jugée illégale, l’État devra rembourser à ces derniers 1,3 milliard d'euros, ce qui est beaucoup. C’est la faute de la droite, que nous avions à l’époque prévenue, mais qui, malheureusement, a persisté dans sa décision. J’espère en tout cas que la France ne sera pas condamnée.

Peut-être pourrez-vous nous éclairer davantage sur cette question, nous dire où nous en sommes aujourd'hui et, surtout, s’il faudra trouver chaque année 300 millions d'euros pour préserver le service public de l’audiovisuel ?

Monsieur le ministre, ma question porte donc sur ce titre choc qui nous inquiète, sur ce remboursement éventuel, et dans quels délais, de 1,3 milliard d'euros. Quelles prévisions peut-on faire en ce qui concerne cette facture ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, effectivement, au cours des derniers jours, un certain nombre de communications par voie de presse ont rendu compte de l’impact financier des contentieux dont la France fait l’objet devant les instances de l’Union européenne.

Un certain nombre de ces contentieux étant en cours, vous comprendrez que je sois prudent dans ma manière d’aborder les questions que vous avez évoquées : je ne veux pas qu’une déclaration hasardeuse puisse être utilisée, dans le cadre de ces affaires, par telle ou telle partie, compliquant ainsi leur issue pour la France.

Je rappellerai cependant que ces contentieux, qui sont importants en termes de volume et d’impact financier potentiel, concernent essentiellement trois affaires.

La première est celle dite « des OPCVM », les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dans laquelle la Cour de justice européenne, en mai 2012, a considéré que la législation française, qui traitait différemment les dividendes suscités par les placements en France des OPCVM selon que leur siège était ou non sur notre territoire – les dividendes versés à des OPCVM ne résidant pas en France sont imposés à la source, au taux de 25 %, tandis qu’ils ne sont pas imposés lorsqu’ils sont versés à un OPCVM résident –, était contraire au droit de l’Union.

Nous avons un deuxième contentieux, qui porte sur la taxe dite « Copé-Fillon », dont vous avez plus particulièrement parlé dans votre question et qui frappe les fournisseurs d’accès à internet.

Dans le contexte particulier propre à la France, a été instituée une taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet. La Commission estime que la législation européenne en matière de télécommunications comporte des dispositions d’harmonisation fiscale qui encadrent ce type de taxe. Elle a par conséquent saisi la Cour de justice de cette question.

L’audience a eu lieu, les conclusions de l’avocat général n’ont pas encore été rendues. S’agissant d’un contentieux en cours, dont l’issue est incertaine, vous comprendrez que je ne veuille pas en dire davantage sur ce sujet, afin de ne pas compliquer le bon règlement de ce litige.

Enfin, le troisième sujet, c’est l’affaire du « précompte mobilier », qui a été tranchée par l’arrêt du 15 septembre 2011 et qui portait sur le régime français de l’avoir fiscal et du précompte. Vous connaissez les conditions dans lesquelles cette affaire a été traitée.

L’ensemble de ces contentieux, vous l’avez à juste raison souligné, monsieur Assouline, constitue pour nous un héritage lourd, dont nous nous serions bien passés. Leur impact en termes de finances publiques, si nous ne devions pas sortir de ces litiges par le haut, serait de nature à inquiéter davantage encore tous ceux qui s’inquiètent des niveaux des déficits aujourd'hui, sans toujours s’en être préoccupés hier, d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle nous faisons en sorte de pouvoir sortir de ces contentieux dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars prochain.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2012-827 du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (période 2013-2020)
Discussion générale (suite)

Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre

Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2012-827 du 28 juin 2012 relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2013-2020 (projet n° 770 [2011-2012], texte de la commission n° 408, rapport n° 407).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2012-827 du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (période 2013-2020)
Article 1er

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la détermination de la France à lutter contre le réchauffement climatique est sans faille. Ce phénomène est un fait scientifique irréfutable, comme l’a confirmé la Banque mondiale dans son rapport publié au mois de novembre 2012. Il y est précisé qu’une hausse de quatre degrés de la température du globe est à prévoir à l’horizon 2060, ce qui est bien supérieur aux estimations scientifiques réalisées jusqu’à présent.

C'est une réalité : le changement climatique s’accélère. La crise écologique s’ajoute aujourd'hui à la crise économique que nous traversons. Elle se traduit par des changements climatiques aux dommages considérables, comme des vagues de chaleur extrême ou des tempêtes avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer sur la vie humaine et, bien évidemment, sur l’économie.

Lors de la dernière conférence sur le climat, à Doha, à laquelle un certain nombre de sénateurs étaient présents, j’ai eu l’occasion de mesurer le décalage entre l’urgence de la situation, qui nécessiterait un engagement vigoureux et déterminé de la communauté internationale, et la complexité, voire la lenteur, des négociations en cours.

Depuis la conférence de Copenhague, aujourd'hui considérée comme un échec, on peut dire que, d’un certain point de vue, nous sommes entrés dans une phase de stagnation, voire de recul, des négociations internationales sur le climat. Cette conférence s’est achevée sur un résultat modeste, notamment l’engagement de l’Europe dans une deuxième période du protocole de Kyoto.

Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est aujourd'hui l’outil indispensable de la mise en œuvre de ce protocole. Il a jusqu’à présent constitué la pierre angulaire de la stratégie européenne pour réduire ces émissions.

Le marché européen du carbone a permis à l’Union européenne et, au sein de celle-ci, à la France d’atteindre à moindre coût l’objectif de réduction fixé au titre du protocole de Kyoto pour 2012. En donnant aux émissions de gaz à effet de serre une valeur économique, il a pour vocation d’inciter les pollueurs à intégrer celles-ci dans leurs décisions d’investissement et dans leur stratégie de développement. Par ailleurs, il stimule l’apparition de projets dans le domaine des technologies à faibles émissions de CO2. Enfin, il est devenu le moteur du développement d’un marché mondial du carbone et a ainsi aidé à canaliser vers les économies en transition des fonds contribuant à leur développement durable.

Le système couvre 12 000 installations industrielles responsables d’environ 40 % des rejets totaux de gaz à effet de serre dans l’Union européenne. Il a commencé à fonctionner le 1er janvier 2005. La première phase de trois ans, de 2005 à 2007, a été suivie par une deuxième phase de cinq ans, de 2008 à 2012.

Pour la troisième phase, qui couvre la période 2013-2020, un nouveau dispositif a été mis en place par la directive européenne du 23 avril 2009, modifiant la directive Quotas de 2003.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier ce soir permet d’intégrer cette modification dans notre droit national. Elle prévoit principalement l’extension du champ d’application du système d’échange de quotas et la modification du système d’allocation.

Tout d’abord, le périmètre du système d’échange est étendu à de nouveaux secteurs, notamment ceux de la chimie et de l’aluminium, et à de nouveaux gaz à effet de serre, comme le protoxyde d’azote. Par ailleurs, le dispositif dominant d’allocation gratuite des quotas est progressivement remplacé par un système de mise aux enchères. Une partie importante des acteurs concernés devront ainsi acheter les quotas nécessaires pour couvrir toutes leurs émissions de gaz à effet de serre.

Pour les secteurs non exposés à un risque important de concurrence internationale, les quotas alloués gratuitement seront progressivement réduits de 80 % en 2013 à 30 % en 2020. La production d’électricité n’en bénéficiera plus.

En revanche, le principe d’allocation gratuite de quotas est conservé pour certains secteurs industriels exposés à un risque important de concurrence internationale : 170 secteurs continueront donc à recevoir 100 % de quotas gratuits, à condition que leurs installations n’émettent pas plus de gaz à effet de serre que les 10 % d’installations les moins émettrices de l’Union européenne. Cela concerne notamment les activités de production manufacturière, la métallurgie, les matières premières, le textile, le papier, la construction, l’agroalimentaire et la chimie.

Ce nouveau système d’allocation par enchères permettra de recueillir à partir de 2013 des recettes qui serviront à financer le plan de rénovation thermique, au travers du budget de l’Agence nationale de l’habitat. Cette mesure fait partie des décisions prises dès l’été dernier dans le cadre des arbitrages budgétaires.

La ratification de l’ordonnance du 28 juin 2012 est, par conséquent, une étape nécessaire dans notre politique de lutte contre le réchauffement climatique.

Je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteur, Laurence Rossignol, qui a contribué à enrichir le texte d’un amendement important, visant à compléter l’article L. 229-8 du code de l’environnement par une disposition prévue dans la directive, selon laquelle l’allocation de quotas à titre gratuit diminue chaque année jusqu’à disparaître en 2027. Cet objectif, qui renforce l’efficacité environnementale du système, me paraît nécessaire ; c’est pourquoi le Gouvernement approuve cette initiative.

Le débat de ce soir nous offre également l’occasion d’aborder la situation du marché carbone et la lutte contre le réchauffement climatique à l’échelle européenne.

Il faut, je crois, regarder les choses en face.

Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est confronté depuis 2008 à une crise sans précédent, essentiellement due à deux facteurs.

En premier lieu, la crise économique a réduit l’activité des industries les plus émettrices, ce qui a mécaniquement entraîné une diminution des émissions de gaz à effet de serre, sans qu’un effort significatif supplémentaire s’impose. Presque tous les secteurs ont bénéficié d’un niveau de quotas supérieur à celui qui leur était nécessaire, ce qui explique qu’il y ait à ce jour environ un an d’émissions « en trop » dans le système. En l’absence d’un retour à une croissance économique forte, ce déséquilibre provoque automatiquement une baisse du prix du carbone.

En second lieu, une incertitude pèse sur l’avenir des négociations internationales relatives au climat, des efforts communs de la communauté internationale dans la lutte contre le réchauffement climatique et même du système européen après 2020.

En conséquence, le cours de la tonne de CO2 est passé d’environ 8 euros au mois d’octobre 2012 à 4 euros aujourd’hui. Le 24 janvier dernier, le prix du quota a atteint son niveau historiquement le plus bas : 2,81 euros.

Cette situation entraîne des conséquences très importantes, puisque le prix de la tonne de CO2 ne remplit plus le rôle de signal qu’il était censé jouer pour infléchir les décisions d’investissement des industries émettrices.

Autre conséquence majeure, le charbon fait son retour dans les principaux pays européens.

C'est le cas en Allemagne où, d’après l’Institut national de la statistique allemand, les émissions du secteur électrique fonctionnant au charbon ont augmenté de 5 % en 2012 par rapport à 2011.

Au Royaume-Uni, la part de l’électricité produite à partir du charbon est passée de 27 % en 2011 à 38 % en 2012.

En France même, les émissions de CO2 sont en hausse dans le secteur électrique. Ainsi, la part du charbon dans la production d’électricité a progressé de 35 % en 2012, même si elle reste modeste, passant de 2,5 % à 3,3 %. Entre 2009 et 2011, la consommation de charbon a augmenté de 7 % dans l’ensemble de l’Union européenne. Je prends cet exemple, parce qu’il montre de façon nette le lien entre prix à la tonne de CO2 et recours aux énergies fossiles.

Ces tendances contredisent la croyance – je ne sais pas si c’est le mot qui convient – selon laquelle nos économies évolueraient mécaniquement vers des modes de production moins émetteurs de gaz à effet de serre.

La hausse de la consommation du charbon en Europe est d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans un mouvement observé à l’échelle mondiale. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le charbon serait, d’ici à une décennie, la première énergie mondiale, devant le pétrole.

Dans ce contexte, la France soutient actuellement, avec douze autres États membres, les initiatives de la Commission européenne en vue d’améliorer la régulation immédiate du marché européen du carbone. Elle apporte notamment son appui à la proposition de la Commission européenne dite « back loading » qui consiste à procéder à un gel de 900 millions de quotas de CO2 dont la mise aux enchères serait reportée dans le temps.

Préoccupé par la volatilité des prix du carbone, le Gouvernement considère néanmoins qu’il ne peut s’agir que d’une réponse à court terme et qu’il faut désormais envisager des changements structurels. Nous souhaitons qu’un débat puisse s’engager rapidement au sein de l’Union européenne, notamment lors du Conseil européen du mois de mai prochain, sur les solutions structurelles de réforme du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

Pour promouvoir en particulier la décarbonisation de nos économies, il est impératif de s’inscrire dans une perspective de long terme et de fixer dès à présent des objectifs au-delà de 2020.

C’est ce que le Président de la République François Hollande a indiqué lors de la conférence environnementale. Il a précisé que notre ambition était de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030, de 60 % en 2040, ce qui nous conduira sur la route du facteur 4 en 2050.

Ce sont des objectifs absolument nécessaires pour donner aux acteurs économiques la visibilité de long terme qu’ils attendent aujourd’hui. Ils contribueront également à relever le prix du quota, ce qui permettra à l’Europe de conserver son rôle de pionnier dans le débat international sur le climat.

Il est aussi urgent de mettre en place un cadre de régulation garantissant le bon fonctionnement du marché carbone et favorisant la transparence et l’intégrité. Le rapport de Laurence Rossignol contient un certain nombre d’éléments sur les dysfonctionnements successifs qu’a connus le marché européen du carbone, dysfonctionnements dont il est temps de tenir compte.

Le marché européen du carbone ne couvre pas non plus tous les secteurs économiques et n’est pas le seul instrument pertinent. La Commission européenne a par exemple engagé une révision de la législation sur la taxation de l’énergie pour y introduire une composante carbone. Nous soutenons ses travaux. J’estime que l’extension du marché carbone à de nouveaux secteurs économiques doit être envisagée.

Enfin, à travers ces réformes, l’Union européenne devra savoir faire preuve d’un « patriotisme écologique » européen, pour reprendre une formule que j’ai utilisée dans les débats français sur les énergies renouvelables. Pour des raisons à la fois industrielles et sociales, il nous faut prendre en compte le fait qu’aujourd’hui, dans les produits de consommation courante, la part des émissions de gaz à effet de serre liée à notre production nationale a diminué, tandis que la part des émissions de gaz à effet de serre liée aux importations a augmenté. C’est la fameuse question du mécanisme d’inclusion carbone dont nous souhaitons qu’il soit mis en débat à l’échelle européenne.

Face au défi mondial du réchauffement climatique, les négociations internationales sur le climat restent un enjeu de taille. Je pense notamment à la conférence sur le climat qui se tiendra en 2015. La France s’est portée candidate pour accueillir ce rendez-vous majeur.

Le débat national sur la transition énergétique doit aussi nous permettre d’être exemplaires dans cette perspective.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que l’examen de ce texte nous donnera l’occasion d’une discussion fructueuse sur l’ensemble de ces questions. La ratification de cette ordonnance est indispensable à la poursuite de nos efforts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Laurence Rossignol, rapporteur de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la ratification de l’ordonnance de transposition de la directive de 2009 relative au marché d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre.

En tant que parlementaires, notre marge de manœuvre dans le cadre de ce texte de ratification d’une ordonnance, qui est, de plus, une transposition de directive, est relativement réduite. Ce projet de loi nous offre néanmoins l’opportunité de nous pencher, après Mme la ministre, sur le fonctionnement du marché des quotas de CO2 et sur ses nombreuses difficultés.

Lors de la signature du protocole de Kyoto en 1997, les États ont pris des engagements contraignants en termes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne s’est alors engagée à réduire, d’ici à 2012, ses émissions globales de 8 % par rapport au niveau de 1990. Afin de remplir cette obligation, la solution retenue a été de mettre en place un système communautaire d’échange de quotas de gaz à effet de serre à l’usage des sites industriels les plus émetteurs de CO2. C’est l’objet de la directive Énergie du 13 octobre 2003.

Dans le cadre de ce marché, chaque État détermine, en lien avec la Commission européenne, un niveau global d’émissions de CO2 compatible avec l’objectif de Kyoto. Il lui revient ensuite de répartir ce montant global en quotas de CO2, c’est-à-dire en autorisations d’émissions de CO2, entre les installations industrielles situées sur son territoire et entrant dans le champ du dispositif.

Jusqu’à présent, les quotas ont été attribués gratuitement aux exploitants, en fonction des émissions générées au cours des années précédentes, diminuées d’un taux d’effort. Le système est simple : l’exploitant qui a consommé tous ses quotas de CO2 doit racheter, sur le marché secondaire, des quantités supplémentaires auprès d’autres opérateurs disposant, quant à eux, d’un excédent. Dans l’hypothèse où il demeurerait en déficit de quotas, il doit s’acquitter de pénalités financières non libératoires.

Les deux premières phases du marché de quotas, de 2005 à 2007, puis de 2008 à 2012, ont permis la mise en place du dispositif et son lancement. Le système concerne aujourd’hui plus de 11 000 installations en Europe, dont 10 % en France. Les trois secteurs les plus importants en termes de quotas de CO2 sont ceux de l’acier, de l’électricité et du ciment.

La mise en place du marché des quotas s’est accompagnée du développement d’un marché secondaire, avec des places d’échanges comme BlueNext, à Paris, ou encore ECX, à Londres.

À partir de 2013, les choses vont devoir quelque peu changer. Le paquet énergie-climat de décembre 2008 a conduit à l’adoption de la directive 2009/29/UE du 23 avril 2009. Ce texte fixe un objectif ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 21 % en 2020 par rapport au niveau de 2005, soit une baisse annuelle moyenne de 1,74 %. Il remanie en conséquence le marché d’échange des quotas carbone en vue de la troisième phase 2013-2020. C’est cette directive dont il s’agit ici d’approuver la transposition.

La directive de 2009 fait évoluer le système actuel vers des mécanismes harmonisés et gérés à l’échelon européen. Désormais, un montant global de quotas sera disponible pour l’ensemble de l’Union européenne afin d’être réparti entre les différents secteurs d’activité. Ce mécanisme doit permettre de mettre fin aux disparités actuellement constatées entre les différents plans nationaux d’allocation des quotas.

La directive vise aussi à inclure de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz dans le dispositif afin d’améliorer son efficacité environnementale. Il s’agit principalement d’inclure les émissions de CO2 liées aux produits pétrochimiques, à l’ammoniac et à l’aluminium ainsi que les émissions de protoxyde d’azote.

Enfin et surtout, la directive de 2009 met un terme à l’allocation gratuite des quotas. À compter de 2013, le principe applicable est celui de la mise aux enchères des quotas par les États membres. Les entreprises d’électricité devront acquérir la totalité de leurs quotas dans le cadre d’enchères. Les autres secteurs verront progressivement la part d’allocation gratuite de quotas diminuer, passant de 80 % en 2013 à 30 % en 2020, en vue de parvenir à la suppression des quotas gratuits en 2027.

La possibilité d’attribuer des quotas gratuits existera toujours pour les secteurs d’activité exposés à un risque important de fuite de carbone, c’est-à-dire de délocalisations industrielles motivées par le coût du carbone au sein de l’Union européenne.

L’article 10 de la directive impose que la moitié au moins du produit des enchères soit affectée à des actions en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En France, le Gouvernement a indiqué que les crédits dégagés serviraient à financer le plan de rénovation thermique annoncé lors de la conférence environnementale du mois de septembre dernier, ce qui paraît tout à fait conforme à l’objectif européen.