M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et, depuis neuf mois, nous avons trouvé des compromis sur tous les sujets.
Par exemple, il n’y avait pas d'accord franco-allemand sur l’union bancaire et la supervision des banques ; il y avait même des divergences. Nous avons trouvé un compromis.
De même, il existait un désaccord profond sur les mécanismes d’intervention des dispositifs de solidarité sur le marché secondaire des dettes souveraines. Cette situation avait même conduit le président Nicolas Sarkozy à affirmer, lors de son débat avec François Hollande, que nous n’obtiendrions jamais la mobilisation de tels mécanismes pour faire baisser les taux. Or nous avons obtenu les mécanismes de solidarité et l’intervention de la BCE.
On nous expliquait aussi que le pacte de croissance et la taxe sur les transactions financières n’étaient pas possibles, parce que les Allemands n’en voulaient pas. Or c’est avec eux que nous avons conçu le pacte de croissance. Et ce sont Pierre Moscovici et son homologue d’outre-Rhin, Wolfgang Schäuble, qui ont signé la lettre adressée à tous les pays de l’Union européenne pour obtenir la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée.
Enfin, alors que nous sortons de la célébration du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, nous avons défini pour les trois années venir un programme franco-allemand autour de soixante-dix actions concrètes, dont les premières sont d'ailleurs entrées en vigueur voilà quelques semaines.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Heureusement que la relation franco-allemande est détériorée. Qu’aurions-nous fait ensemble si elle avait été idyllique ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le ministre, tout d'abord, je souscris pleinement à vos propos sur les relations entre la France et l’Allemagne. Qu’il puisse y avoir des approches différentes, c’est certain. Mais que la recherche du nécessaire compromis par concessions mutuelles soit permanente, je le confirme ici, en tant que maire de Strasbourg, ville symbole de la réconciliation entre nos deux pays.
Ma question porte sur le point essentiel qui sera abordé lors de ce prochain Conseil européen : le cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020.
Comme vous le savez, le projet est issu d’un accord politique conclu entre les chefs d’État et de gouvernement le 8 février dernier. Le budget doit à présent être approuvé par le Parlement européen.
Or, dans sa forme actuelle, l’accord du 8 février suscite de fortes réticences de la part du Parlement européen. D’ailleurs, l’ensemble des groupes parlementaires vont sans doute poser des conditions à son adoption, sous la houlette de M. Martin Schulz, le président de l’institution. On peut schématiquement, me semble-t-il, répertorier quatre conditions.
Premièrement, une clause de révision permettant la réouverture du dossier après les prochaines élections européennes, prévues en 2014.
Deuxièmement, une plus grande flexibilité entre les lignes budgétaires et entre les années financières.
Troisièmement, des ressources propres, avec une réforme du fameux chèque de compensation pour sortir de l’ère du « I want my money back ».
Quatrièmement, le règlement de la question du budget rectificatif pour 2013.
Monsieur le ministre, le gouvernement français est-il disposé à tenir compte de ces quatre conditions pour sortir de l’impasse politique dont l’Union européenne risque de faire les frais ? Et quelles sont les positions des différents chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne sur ces perspectives ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. le président m’a déjà laissé répondre très longuement à la question de M. Bizet, et je ne voudrais pas abuser du temps de parole qui m’est aimablement imparti par la Haute Assemblée. Je serai donc très bref.
Le Parlement européen a posé quatre conditions. D’ailleurs, c’est un enseignement très intéressant : les positions que nous avons engagées dans la négociation ne suscitent pas d’opposition de la part des eurodéputés, qui manifestent au contraire leur volonté d’avancer avec nous.
Premièrement, nous sommes favorables à la flexibilité maximale. D’ailleurs, ce principe figure désormais à l’article 109 des conclusions du Conseil européen, comme nous l’avions nous-mêmes demandé.
Deuxièmement, nous approuvons la clause de révision à mi-parcours, qui permet au Parlement européen d’examiner les conditions d’exécution du budget. Il ne serait tout de même pas fondamentalement anormal que les députés élus dans un an aient à connaître des conditions d’exécution du budget adopté pour cinq ans. On ne peut pas demander au Parlement européen d’être un partenaire dormant pendant ces cinq années.
Troisièmement, doter le budget de l’Union européenne de ressources propres est, pour ce gouvernement comme pour les membres du Parlement européen de sensibilité progressiste, un combat historique. D’ailleurs, c’est la condition pour que le budget devienne à terme un vrai budget européen, et non la simple juxtaposition des demandes des États.
Quatrièmement, et c’est le point le plus délicat, il est demandé de combler dès cette année le déficit résultant des politiques passées, que je décrivais tout à l’heure. C’est effectivement le plus difficile, car nous devons à la fois répondre aux exigences de réduction du déficit posées par le Parlement européen et faire en sorte que l’Europe ait un bon budget.
C'est la raison pour laquelle nous sommes engagés dans un processus de discussions, non seulement avec le Parlement européen et au sein du Conseil, mais également dans un cadre interministériel, pour examiner les conditions dans lesquelles nous pouvons répondre le plus favorablement possible aux demandes des eurodéputés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je souhaite insister sur ce que le processus d’élaboration du budget européen pour la période 2014-2020 a de novateur.
Auparavant, seul le Conseil décidait. Désormais, et le Président de la République, François Hollande, l’a rappelé, une fois que le Conseil est parvenu à un accord, une phase de discussions s’engage avec le Parlement européen. En effet, aux termes du traité de Lisbonne, le Parlement européen doit approuver le budget. C’est donc une avancée démocratique importante. D’ailleurs, je n’ai de cesse de souligner les apports de ce traité en matière d’approfondissement de la démocratie à l'échelle européenne.
Notre collègue Catherine Morin-Desailly nous a interpellés sur le débat européen. Nous y prenons part, y compris au niveau national. Ainsi, le 2 avril prochain, les commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat tiendront au palais du Luxembourg une réunion commune avec les eurodéputés français et M. Alain Lamassoure, le président de la commission des budgets du Parlement européen, pour répondre à de telles questions.
Je tenais à rappeler ces quelques éléments dans un souci pédagogique, afin de montrer que le processus n’est pas terminé.
Je pense que le gouvernement français et le Président de la République ont bien travaillé au sein du Conseil européen. C’est désormais aux parlementaires européens de jouer. Et les parlements nationaux ont évidemment aussi leur mot à dire.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les prévisions économiques de la Commission européenne confirment nos doutes : la France ne pourra respecter l’objectif d’un déficit en deçà de 3 % du produit intérieur brut pour 2013. C’est ce que nous craignions depuis l’année dernière. Nous avions d’ailleurs saisi le Conseil constitutionnel sur ce motif.
Les hypothèses de croissance du Gouvernement étaient optimistes, au-delà du raisonnable. Que va faire celui-ci à présent ? Pour atténuer les effets des chiffres, il va raisonner en termes de déficit structurel, c’est-à-dire sans tenir compte des aléas de la conjoncture. Il est tout à fait en droit de procéder ainsi : c’est la méthode de calcul établie dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, un texte qui a été négocié par la précédente majorité et dont nous avons soutenu la ratification.
Pour autant, il s’agit là d’une question formelle. Le problème fondamental de notre économie, c’est la faiblesse de la croissance potentielle.
Dès lors, quelles mesures cohérentes le Gouvernement va-t-il prendre pour améliorer notre croissance potentielle et notre compétitivité ? En particulier, que va-t-il répondre à la Commission européenne ? Dans ses prévisions publiées à la fin du mois de février dernier, celle-ci estime que la seule mesure du Gouvernement en faveur de la compétitivité de notre économie, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, risque d’aggraver le déficit, faute de financement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, selon vous, les hypothèses de croissance sur lesquelles a été fondée l’élaboration du budget pour 2013 étaient excessivement optimistes.
Je me permets de rappeler que la majorité à laquelle vous apparteniez avait conçu ce même budget sur une hypothèse de progression du PIB de 1,7 %. Nous avons ramené cette prévision à 0,8 %. Ainsi, le chiffre de 1,7 % ne vous semblait pas trop optimiste, mais celui de 0,8 % vous paraît déraisonnable… J’ai du mal à comprendre votre raisonnement.
M. David Assouline. C’est parce qu’ils sont de mauvaise foi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons fondé le budget sur l’hypothèse d’une progression du PIB de 0,8 %, dans un contexte qui ne correspondait pas à nos souhaits en termes de croissance.
Nous sommes amenés à procéder à des ajustements. Nous le faisons en relation avec la Commission européenne, dans le cadre du semestre européen, ainsi que je l’ai décrit.
J’ai indiqué à M. Jean Bizet les mesures que nous nous apprêtions à prendre. Je vous confirme qu’elles seront mises en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer une question dont le coût pour le budget européen est nul.
Après plusieurs années de lutte pour le rétablissement des droits de plantation de vigne, la bataille engagée par les professionnels et les élus au niveau européen trouvera-t-elle un épilogue heureux ?
Les propositions du groupe à haut niveau réuni par la Commission européenne vont incontestablement dans le bon sens, en ouvrant la voie à la prolongation d’un dispositif d’encadrement du potentiel viticole.
Toutefois, la semaine qui vient sera décisive, avec le vote du Parlement européen et la poursuite des discussions au Conseil. Les organisations professionnelles sont particulièrement critiques sur la durée proposée pour le nouveau régime.
Si l’encadrement de toutes les plantations est, certes, maintenu, il est prévu qu’il prenne fin en 2021, c'est-à-dire au bout de trois ans seulement, ce qui ne serait pas acceptable. C’est le spectre de la libéralisation qui revient !
Je voudrais rappeler qu’une proposition de résolution européenne a été soumise à la commission des affaires économiques sur l’initiative de nos collègues Simon Sutour et Gérard César. En tant que rapporteur, je précise que le texte a été adopté à l’unanimité.
Dans cette résolution, qui comprend dix points, nous réclamons surtout une instauration pérenne du nouveau dispositif d’encadrement des plantations ; le secteur viticole doit bénéficier d’un cadre réglementaire stable. Et nous plaidons par ailleurs pour une entrée en vigueur sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne au 31 décembre 2018.
Certes, le rôle du Parlement européen sera important. Toutefois, nous demandons que les principaux points de la proposition de résolution adoptée au Sénat à l’unanimité deviennent les priorités de la France dans les discussions européennes et que le Gouvernement pèse de tout son poids pour les faire aboutir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Il s’agit d’un sujet sur lequel le Gouvernement, en particulier le ministre de l’agriculture, M. Le Foll, s’est fortement mobilisé.
Le vent de libéralisme qui soufflait suscitait des inquiétudes chez les viticulteurs de notre pays quant aux conditions de plantation des vignes dans les années à venir.
Le Gouvernement, héritant d’une situation où la libération des droits de plantation semblait être acquise, a voulu corriger le tir et revenir sur le dispositif qui paraissait établi.
Vous avez fait référence, monsieur le sénateur, au groupe de travail de haut niveau qui a été mis en place. Celui-ci a, notamment, rendu successivement deux plates-formes de conclusions communes, qui définissent des orientations que le Gouvernement approuve et appuie.
Premièrement, nous souhaitons encadrer toutes les plantations de vignes après 2015, afin de corriger les effets du dispositif de libéralisation initialement prévu par la Commission.
Deuxièmement, nous voulons assurer la pérennité du dispositif de régulation prévu après 2015, ce qui répond, monsieur le sénateur, à l’une de vos préoccupations.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les négociations, auxquelles participe le ministre de l'agriculture, M. Le Foll, sont encore en cours. Même s’il est prématuré de se prononcer sur la forme définitive du futur compromis, je puis dès à présent vous assurer que la discussion se poursuit dans de bonnes conditions sur les deux points que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, le coût de la transition énergétique de l’Allemagne vers le non-nucléaire est évalué à près de 1 000 milliards d’euros. Avons-nous les moyens financiers de faire passer la part du nucléaire dans la production française d’électricité de 78 % à 50 %, comme s’y est engagé le Président de la République ?
Un calendrier fixe et ferme sur le long terme a-t-il été établi ou s’agit-il d’une simple promesse électorale, sachant que le coût d’une telle transition s’élèverait pour la France à 650 ou à 700 milliards d’euros et que l’énergie actuellement produite dans notre pays est meilleur marché que celle de nos principaux concurrents, ce qui constitue l’un des rares avantages-coûts dont nous disposions ?
Je vous poserai une autre question, monsieur le ministre. Les Américains impriment de nombreux dollars pour relancer leur économie intérieure et le yuan est une monnaie sans doute légèrement sous-évaluée. Cette situation conduit à un renchérissement de l’euro, ce qui a des conséquences très négatives sur notre commerce extérieur.
Ne pourrions-nous convaincre Mme Merkel que des investissements structurels, contrairement à ce qu’elle pense, seraient profitables à l’ensemble des économies de l’Union européenne, y compris à celle de l’Allemagne ? Ne serait-il pas temps de dépasser le blocage quasi religieux qui commande que l’euro soit une monnaie ferme, dans la continuité du deutsche mark ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, votre question aborde de nombreux sujets : la pertinence du scénario de transition énergétique dans lequel la France est engagée, la stabilité de la monnaie unique, le financement des infrastructures de connexion énergétique au sein de l’Union européenne, le tout dans la perspective d’une relation franco-allemande s’intéressant également aux questions de politique énergétique.
Malgré une telle diversité, je tenterai de vous apporter une réponse susceptible de vous satisfaire.
Vous m’avez interrogé sur la transition énergétique dans laquelle la France et l’Allemagne se sont engagées. Si nous voulons restaurer durablement notre compétitivité sur le plan mondial, il est nécessaire que l’Union européenne produise une énergie à un coût compatible avec la concurrence internationale.
Par conséquent, la question du coût de l’énergie pour l’industrie européenne et pour le développement de l’Europe est centrale, ce qui soulève plusieurs interrogations.
Tout d’abord, pouvons-nous mettre en place une politique énergétique commune au sein de l’Union européenne, malgré des scénarios de transition énergétique parfois divergents ? Dans l’affirmative, pouvons-nous plus particulièrement œuvrer avec l’Allemagne ? Enfin, quels fonds européens pouvons-nous mobiliser pour accompagner cette transition énergétique ?
En répondant à ces trois questions, j’espère pouvoir répondre en partie à vos interrogations, monsieur le sénateur.
Pouvons-nous mettre en place une politique énergétique européenne ? C’est un souhait du Président de la République, qui a évoqué cette nécessité à l’occasion de la tenue, il y a quelques mois à Paris, de la Conférence nationale sur l’environnement. Le ministre des affaires étrangères a souhaité que nous puissions, en liaison avec nos partenaires européens, définir certaines orientations.
Nous avons commencé à le faire avec l’Allemagne. Parmi les soixante-dix propositions qui ont été arrêtées à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, une concerne la transition énergétique. Il a été décidé de travailler sur trois sujets : l’amélioration du bilan thermique des bâtiments publics, ce qui sera fortement générateur de croissance et ira dans le sens du plan climat ; le développement commun des énergies renouvelables ; le financement conjoint des interconnexions.
En ce qui concerne le développement conjoint des énergies renouvelables, nous n’avons pas tardé à donner une transcription concrète à cette ambition, puisque, le 7 février dernier, les ministres Delphine Batho et Peter Altmaier ont annoncé la création de l’office franco-allemand des énergies renouvelables.
En ce qui concerne le financement des interconnexions, le programme Connecting Europe Facility passera de 8 milliards d’euros à 20 milliards d’euros dans le budget de l’Union européenne, ce qui permettra d’affecter une part significative de ce programme au développement des infrastructures de connexions énergétiques ; cela répond, je pense, à votre préoccupation. C’est dans cet esprit que nous essayons de cheminer vers les objectifs qui sous-tendent vos questions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Alors que, en 2013, le Gouvernement ne pourra pas respecter son engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, l’heure est non plus à la réflexion, mais à l’action.
La marge de manœuvre du Gouvernement pour accroître les recettes, c’est-à-dire la fiscalité, est désormais quasi inexistante après l’augmentation massive des impôts à laquelle vous vous êtes livrés depuis juillet 2012, au point que cela a fini par fragiliser nos entreprises.
Reste la baisse de la dépense publique. C’est sur ce point que je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, car il s’agit d’un sujet intéressant dans le contexte européen.
Alors que nous avons un taux de prélèvements obligatoires des plus élevés – 46 % du PIB –, notre taux de dépenses publiques est également l’un des plus forts de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, puisqu’il atteint 56 % du PIB,…
M. Roland Courteau. La faute à qui ?
M. Jean-Paul Emorine. … soit 10 points de plus qu’en Allemagne. Cela représente 200 milliards d’euros.
Or vivons-nous mieux que nos voisins allemands ? La réponse est non.
Monsieur le ministre, vous ne sauverez pas notre modèle social sans réformes structurelles, c’est-à-dire sans réduction des dépenses de fonctionnement et de prestations de l’État, de ses opérateurs et des organismes de sécurité sociale.
La crédibilité des politiques de baisse des dépenses publiques est fondamentale pour la sortie de crise, ne serait-ce que parce qu’elle est susceptible de rendre des marges de manœuvre à l’État.
Vous avez supprimé la révision générale des politiques publiques, la RGPP, pour la remplacer par la modernisation de l’action publique, la MAP. Vous avez ainsi perdu un an pour agir et vous en êtes toujours à fixer des objectifs.
Ma question est simple : quand et comment allez-vous mener une politique déterminée et lisible de réduction de la dépense publique (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), sans affecter pour autant nos capacités d’investissement, ni notre croissance potentielle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne suis pas un homme-orchestre qui aurait la parfaite maîtrise de tous les dossiers relevant de la compétence gouvernementale !
Vous m’interrogez sur la trajectoire des finances publiques. Avant vous, le sénateur Aymeri de Montesquiou m’a questionné sur la transition énergétique.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est un sujet européen !
M. Roland Courteau. Mais vous avez du talent, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne connais pas sur le bout des doigts les sujets qui relèvent de la compétence des autres ministères de la République, et qui n’ont parfois qu’un lointain rapport avec la question qui nous rassemble aujourd’hui.
Cela dit, monsieur le sénateur, je tenterai de vous répondre en vous communiquant des éléments qui sont publics sur la politique que le Gouvernement a l’intention de conduire.
Premièrement, vous affirmez que la pression fiscale a considérablement augmenté depuis notre arrivée au Gouvernement.
Or, dans le cadre du semestre européen, tous les pays doivent indiquer clairement à la Commission européenne les dispositions qu’ils entendent prendre en matière d’augmentation de la pression fiscale et d’économies budgétaires. Il est ainsi tout à fait possible d’établir la traçabilité des décisions prises par les gouvernements français successifs. Nous savons donc parfaitement ce que le précédent gouvernement avait l’intention de faire, puisqu’il en a laissé des traces à travers les communications qu’il a bien voulu adresser à la Commission européenne pour lui expliquer comment il envisageait de redresser les comptes publics.
Quand on regarde les engagements pris devant la Commission européenne par le précédent gouvernement – la commission spécialisée de votre assemblée pourrait, d’ailleurs, se pencher sur ces documents très intéressants –, on s’aperçoit que le niveau de pression fiscale que nos prédécesseurs s’apprêtaient à instaurer est tout à fait comparable à celui que nous avons décidé.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils comptaient augmenter la pression fiscale de 15 milliards d’euros quand nous l’accroissons de 20 milliards d’euros. Ces 5 milliards d’euros supplémentaires sont-ils suffisants pour faire la différence entre une bonne politique fiscale, dont vous auriez été les auteurs, et une mauvaise, dont nous serions les comptables ?
Par ailleurs, il convient de noter que le surplus de fiscalité pour lequel nous avons opté s’accomplit dans un contexte de relative justice fiscale.
M. Roland Courteau. Eh oui, voilà la différence !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À une époque particulièrement difficile pour l’ensemble des Français, nous mettons à contribution les plus riches d’entre eux, alors qu’ils avaient été singulièrement épargnés durant la période précédente, vous en conviendrez, monsieur le sénateur.
M. David Assouline. On leur avait même fait des cadeaux !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. C’est mieux que le bouclier fiscal !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Deuxièmement, vous évoquez les économies à réaliser.
Or dans les 30 milliards d’euros d’effort de redressement budgétaire, il y a 10 milliards d’euros d’économies, auxquelles s’ajoutent – il ne faut pas les oublier – les 10 milliards d’euros d’économies qui sont nécessaires pour financer le plan compétitivité. Celui-ci, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l’heure, madame Mélot, est donc bien financé, notamment par des augmentations de TVA que nous équilibrerons pour qu’elles ne touchent pas les Français les plus modestes.
Telles sont les mesures que nous avons prises au regard de celles que vous vous apprêtiez à prendre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. En juillet dernier, le président du Parlement européen, M. Martin Schulz, évoquait le risque d’explosion sociale qui menace l’Europe.
Parallèlement, tout récemment, lors de la transmission d’un document de travail au président du Conseil européen, le ministre français du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a effectué un constat difficilement contestable : « L’Europe sociale est en panne ».
Quel contraste saisissant entre les besoins avérés d’une Union européenne plus sociale et la timidité déraisonnable des institutions sur ce sujet !
Les origines et les données de la crise sociale sont connues : un chômage de masse qui ébranle presque l’intégralité des pays de l’Union européenne – 26 millions de chômeurs, soit 14,8 % de la population active, avec des taux culminant à 27 %, à 26,2 % et à 17,6 % pour la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Plus grave encore, l’horizon obscur qui se dresse devant la jeunesse européenne entraîne une perte de confiance dans l’avenir.
L’Organisation internationale du travail évoque une « génération traumatisée » par les difficultés rencontrées sur le marché de l’emploi et met en garde contre « un vrai risque de génération perdue ». Comment faire fi de ces avertissements dès lors que, en moyenne, un jeune sur quatre est au chômage en France – plus d’un sur deux en Espagne ou en Grèce ?
L’urgence ne commande pas de se focaliser uniquement sur la consolidation des politiques budgétaires. L’amoncellement des mesures d’austérité a abouti à une exaspération sociale qui, bien qu’encore celée, est perceptible.
Il faut donc agir très rapidement, notamment en direction des jeunes, comme l’a fait le Gouvernement, à l’échelle nationale, par le truchement des contrats d’avenir, des contrats de génération, de la « garantie jeunes », de la future réforme sur la formation professionnelle ou de la refondation de l’école.
À cet égard, dans une communication du 20 février dernier portant sur l’investissement social en faveur de la croissance et de la cohésion sociale, la Commission européenne a rappelé l’importance fondamentale d’investir dans le capital humain – conformément aux théories économiques développées, en particulier, par Lucas ou Rebelo –, et ce dès le plus jeune âge, afin d’éviter l’exclusion sociale des enfants.
Par conséquent, en vue de donner corps à une véritable union sociale, nous souhaiterions savoir, monsieur le ministre, si, dans le cadre de la feuille de route ayant trait au renforcement de l’union économique et monétaire, qui devrait être présentée au Conseil européen de juin prochain par M. Van Rompuy, le volet social est intégré.
Ainsi, qu’en est-il de l’instauration d’un salaire minimum dans tous les États européens, une mesure préconisée par les ministres du travail français et allemand, et d’un pacte de progrès social qui complèterait le pacte de stabilité et de croissance ?
Enfin, l’idée de créer un Eurogroupe bis, à vocation sociale et en amont du conseil ECOFIN, avance-t-elle parmi nos partenaires européens ?
L’union économique et monétaire n’a qu’un sens restreint si elle n’est pas pleinement rattachée à un objectif plus concret : l’union sociale. Or c’est précisément ce visage humain, marqué d’espoir et d’optimisme, le seul de nature à pouvoir rapprocher de nouveau les citoyens du projet européen, qui manque à l’Europe aujourd’hui.
Je vous remercie, par avance, monsieur le ministre, de vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)