M. Roland Courteau. Voilà !
M. Alain Richard. Il faut bien en sortir. Je n’insisterai pas davantage sur ce point. Je dirai simplement que chacun doit balayer devant sa porte.
Mme Catherine Morin-Desailly. Vous n’avez pas commencé !
M. Alain Richard. Je pense également que le dialogue entre le Parlement européen et les parlements nationaux doit, lui aussi, être encore approfondi, car, dans une union monétaire, il faut que la solidarité financière, mise en œuvre progressivement, se fasse dans la clarté vis-à-vis des citoyens.
Nous allons donc continuer tout prochainement, entre parlementaires français, de discuter de la bonne application de la résolution dite « ancrage démocratique », afin de déterminer la façon de progresser ensemble et, surtout, d’expliquer à nos mandants, à notre opinion démocratique, les choix budgétaires que nous opérons en concertation entre Européens, ce qui me semble constituer un progrès, tout simplement.
Les avancées réalisées sur ce point permettent de constater que la consolidation collective des finances publiques des Vingt-Sept est en bonne voie. Comme l’a déclaré M. Sutour, et il a tout à fait raison, nous avançons vers la mutualisation de la dette.
Si les conditions de la confiance sont réunies, si les comptes sont clairs et transparents pour nos partenaires, les objections, qui étaient quelque peu fondées, seront levées et nous pourrons aller vers une véritable solidarité budgétaire. Je rappelle que, étymologiquement, le mot « crédit » vient de « croire » : il vaut mieux que chacun puisse être cru de ses partenaires.
L’autre aspect de la sortie de crise financière, c’est la mise en place de la régulation bancaire partagée. À cet égard, l’année 2013 sera véritablement décisive. Le manque de régulation était, force est de le reconnaître, une lacune considérable de l’euro tel qu’il avait été mis en place voilà une douzaine d’années. Or une régulation partagée est indispensable pour prévenir de nouveaux dérapages bancaires ou financiers, tels que nous en avons connu au cours des trois ou quatre dernières années.
Les engagements en matière de supervision sont en principe tenus. Toutefois, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si vous êtes optimiste sur la mise en place du dispositif d’ici à la fin de l’année ? Il s'agit là d’un objectif politique auquel, je pense, nous souscrivons tous, car il répond à un besoin de sécurité des marchés et des acteurs financiers.
La sécurisation du système financier conjoint des Vingt-Sept constituera une grande étape de notre stabilisation financière. Cette sécurisation faisait défaut à l’Union européenne, il faut le dire avec lucidité. Les gouvernements et les majorités successives ont négligé cette question pendant toute la période calme. Nous avons donc été obligés de la traiter en pleine crise, et nous sommes en train d’y parvenir. Il faut saluer ce résultat.
Il faut d’ailleurs noter, et en tirer quelques réflexions, que, au cours de la négociation, un accord préliminaire s’est dégagé, largement majoritaire, en faveur de l’instauration d’un plafonnement des rémunérations dans le système bancaire européen.
À cet égard, il me semble que nos amis du Royaume-Uni devraient s’interroger – je le dis amicalement, car j’aime beaucoup ce pays – sur les conséquences de l’hypertrophie de leur système financier, totalement dérégulé, sur leur propre économie – celle-ci connaît une récession prolongée depuis deux ans et demi –, ainsi que sur leur capacité d’entraînement, de conviction, de partage d’opinions au sein du Conseil de l’Union européenne depuis que le Premier ministre David Cameron a déclaré douter de la poursuite de la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne.
Si nous avons su organiser dans la douleur une sortie de crise financière, nous n’avons pas encore su sortir collectivement de la crise économique, laquelle se traduit par un déficit de croissance. Certes, il y a des contrastes entre pays. Si l’on examinait plus finement la situation, on constaterait même des différences entre régions, à l’intérieur de l’Union européenne. Certains secteurs et certaines régions géographiques s’en sortent mieux que d’autres, mais la tendance globale est tout de même à une stagnation prononcée. Simon Sutour a rappelé les chiffres pertinents tout à l’heure : le taux de croissance anticipé pour 2013 est de 0,1 %. Quant au taux de chômage, il s’établira à plus de 11 % en fin d’année.
De ce fait, le débat doit être poursuivi et approfondi sur les modalités et le rythme du rééquilibrage des finances publiques et sur le maintien d’une demande suffisante. Vous nous en avez déjà beaucoup dit, monsieur le ministre, mais nous pouvons poursuivre l’échange.
En tant que grand ensemble économique, comme les États-Unis, l’Union européenne est une économie collectivement assez peu ouverte. Les échanges extérieurs de l’Union comptent pour moins de 15 % de son PIB conjoint. La demande interne est donc le premier moteur de la croissance dans un tel ensemble. Aussi, le retour vers les équilibres financiers n’est-il pas trop brutal et trop indifférencié ? C’est une question sur laquelle, à mon avis, il faut poursuivre le débat.
Nous partirons de trois points solides pour continuer cette discussion. Premièrement, plusieurs orateurs l’ont dit, nous avons effectué une grande partie de notre travail d’assainissement budgétaire. Deuxièmement, la commission, dans son rôle d’expertise, l’a reconnu de façon inconditionnelle. Troisièmement, de nombreuses voix en Europe, et de toutes tendances politiques, s’élèvent pour souligner le risque de stagnation. Le débat va donc se poursuivre. L’argumentaire du Gouvernement est selon nous convaincant, et nous y souscrivons. Il faut aller plus vite dans le sens de la croissance.
Je ne reviendrai pas sur l’application du paquet croissance, que vous avez mentionné, monsieur le ministre, sinon pour vous poser une question. Vous souhaitez que ces ressources, ces capacités d’investissement soient mobilisées pour des projets en France et vous œuvrez en ce sens, je le sais. Pourriez-vous donc nous dire si vous progressez sur ce sujet ?
En conclusion, l’enjeu est ici profondément politique. L’orateur de l’UMP l’a d’ailleurs relevé à sa façon, certes avec des approximations. S’il était encore parmi nous, je lui dirais que ce qui est d’abord politique, c’est la Commission européenne et le Conseil européen, qui ont tous deux une majorité conservatrice.
Ceux qui, aujourd'hui, expriment des reproches sur l’état de la construction européenne et la « perception de l’Union européenne par les peuples », pour reprendre l’expression qui a été employée, devraient se demander si leur propre famille politique, laquelle est largement dominante dans les institutions européennes, n’y est pas pour quelque chose ! Pour ma part, je pense qu’il y a un lien.
Nous allons donc faire vivre le pluralisme et la diversité de pensée politique à l’intérieur de l’Union européenne. Je pense que le Gouvernement et le Président de la République ont bien fait de chercher à nouer des alliances, mais que le débat politique européen entre les conservateurs et les progressistes est légitime. Nous aurons l’occasion de le poursuivre, y compris devant le peuple français, dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier très sincèrement de la qualité de ce débat, de votre implication dans nos échanges et du temps que vous avez pris pour développer vos questionnements. J’ai apprécié la pertinence des interrogations qui ont été formulées sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
Nombre d’entre elles portent sur un sujet sur lequel je souhaite revenir rapidement, à savoir la croissance.
Vous vous êtes interrogés à plusieurs reprises – ce fut le cas de M. Billout, de M. Dantec, de M. Sutour et de Mme André – sur la pertinence des actions que nous conduisons en faveur de la croissance et sur le risque récessif des politiques mises en œuvre au sein de l’Union européenne. À cet égard, je tiens à apporter des précisions très concrètes à certaines des interrogations qui ont été formulées.
Tout d’abord, il faut d’abord tenir compte de la nouvelle donne institutionnelle dans laquelle s’inscrit la discussion budgétaire concernant le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Je le dis notamment à M. Billout.
Il faut également tenir compte de l’endroit d’où nous sommes partis pour apprécier le point auquel nous sommes arrivés. La discussion budgétaire, qui avait été engagée bien avant notre arrivée au Gouvernement, opposait deux groupes de pays, qui constituent d’ailleurs deux clubs au sein de l’Union européenne : le club dit « des contributeurs nets », également appelé « club des like-minded » ou « club des radins », d’une part, et le club « des amis de la cohésion », d’autre part.
Or, au sein du club des radins, nous figurions parmi les plus pingres. Permettez-moi ici de rappeler quelle était la position de la France concernant le budget de l’Union européenne avant notre arrivée aux responsabilités. Elle figure d'ailleurs dans une lettre que j’ai ici et que je tiens à la disposition de la Haute Assemblée pour le cas où elle n’en aurait pas eu communication. Cette lettre est datée de novembre 2010 et signée du Président de la République française, de la chancelière allemande, du Premier ministre britannique et des Premiers ministres des Pays-Bas et de la Finlande. Elle préconisait que l’on coupât le budget de l’Union européenne de 200 milliards d’euros.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ceux qui, parfois, trouvent que le budget que nous avons adopté n’est pas tout à fait conforme à leurs souhaits sont les mêmes qui préconisaient une coupe de 200 milliards d’euros du budget de l’Union européenne par rapport à la proposition de la Commission !
D’ailleurs, si M. Cameron avait gagné la négociation qui vient de s’achever à Bruxelles sur le budget de l’Union européenne, comme je l’ai souvent entendu dire, nous en serions non pas à 960 milliards d’euros de crédits d’engagement, mais à 840 milliards d’euros. Ce que lui et les pays du club des contributeurs nets souhaitaient – en tout cas certains d’entre eux, parmi les plus conservateurs –, c’était 200 milliards d’euros de coupes par rapport à la proposition de la Commission.
La même lettre a été appliquée à l’exécution du précédent budget. Or, sans autres considérations, nous avons suffisamment de difficultés budgétaires chez nous pour ne pas alimenter le budget de l’Union européenne de nos propres fonds et financer avec des crédits de paiement les politiques de l’Union.
Sans cette lettre, je le dis à M. Billout et aux orateurs qui se sont exprimés sur la croissance, les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union européenne pour la période 2017-2013 n’auraient pas été rabotés.
Que s’est-il passé ? Le budget sur lequel le Conseil européen et les institutions de l’Union européenne sont tombés d’accord en 2007 s’élevait, je le rappelle, à 986 milliards d’euros de crédits d’engagement et à 942 milliards d’euros de crédits de paiement. Monsieur Billout, savez-vous que seuls 860 milliards d’euros ont été dépensés, soit 80 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu ?
À la lecture de cette lettre, on voit que les crédits de paiement nécessaires au financement du budget de l’Union européenne ont délibérément été rabotés de 80 milliards d’euros par les gouvernements conservateurs. Voilà la situation que nous avons trouvée !
Nous avons également trouvé un déficit organisé du budget de l’Union européenne de 16 milliards d’euros. Le décalage entre ce que l’Union avait prévu de dépenser et les crédits qui lui avaient été alloués était tel que le président du Parlement européen, Martin Schulz, a constaté une situation de déficit chronique de son budget. Voilà, je le répète, la situation que nous avons trouvée !
Nous avons fait tout ce que nous avons pu lors de la négociation. J’ai donc un peu de peine à entendre ce que nous dit M. Billout. En fait, il nous reproche de ne pas faire ce que, en réalité, nous faisons bel et bien.
Autour de la table du Conseil européen, nous avons demandé à tourner le dos à cette stratégie funeste. Nous avons souhaité – c’est l’article 109 des conclusions du Conseil – que l’on introduise en matière de gestion du budget de l’Union européenne pour la période qui s’ouvre ce que nous avons appelé la « flexibilité maximale », c'est-à-dire la flexibilité entre les exercices et entre les rubriques budgétaires.
Ainsi, lorsque des crédits de paiement seront disponibles à la fin d’une année budgétaire, ils seront affectés au budget de l’Union européenne, les États ne les récupérant pas pour leurs propres budgets. De même, en cas de surconsommation dans une rubrique et de sous-consommation dans une autre, il sera possible de transférer les crédits de paiement concernés pour assurer leur complète mobilisation.
Cela signifie, monsieur Billout, monsieur Sutour, madame André, que si nous mobilisons, avec une flexibilité maximale, tous les crédits de paiement du budget récemment adopté, nous dépenserons 50 milliards d’euros de plus qu’avec le budget précédent.
J’ajoute que l’examen des rubriques consacrées à la croissance au sein du précédent budget fait apparaître une somme globale de 90 milliards d’euros. Or les rubriques consacrées à la croissance, à la stratégie Europe 2020, à la recherche et à l’innovation technologique, autant de politiques dont vous avez souligné l’importance, monsieur Billout, connaissent une augmentation de 40 %, puisqu’elles représentent désormais une somme de 140 milliards d’euros !
Vous disiez, monsieur Requier, qu’il faut faire rêver les Européens, et vous aviez raison. Pour ce faire, il faut de grandes politiques pour l’Union, articulées autour du programme Erasmus, qui permettent aux jeunes étudiants de passer d’une université à une autre et de traverser les frontières, d’apprendre les langues de l’Union européenne, d’avoir accès à la connaissance dans d’autres pays que le nôtre et de pouvoir, ainsi, suivre dans toute l’Europe des parcours professionnels, gages de leur capacité à réussir une carrière, à mener des recherches et à faire preuve d’innovation.
Cela suppose également que l’on organise le transfert de technologies et que nous engagions la transition énergétique à l’échelle de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons – la France est, d’ailleurs, l’un des rares pays à plaider en ce sens – que l’Union européenne soit dotée de ressources propres, afin que son budget ne dépende pas de la seule contribution RNB, allouée par les États membres.
En effet, s’il continue à ne dépendre que de cette ressource, le budget de l’Union européenne ne sera rien d’autre que la juxtaposition des demandes particulières des États, qui veulent s’assurer du retour de l’argent qu’ils lui versent. Un véritable budget européen requerrait des ressources propres, qui lui permettent de mener des politiques ambitieuses, que nous appelons de nos vœux.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’état des lieux de notre action en ce domaine.
J’y insiste, monsieur Billout, encouragé en cela par l’intervention d’Alain Richard : je suis en mesure de vous donner, programme par programme et région par région, les conditions dans lesquelles le plan de croissance, d’un montant de 120 milliards d’euros, soutiendra les projets engagés sur notre territoire. Je le ferai, si vous en êtes d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’occasion de la réunion de la commission des affaires européennes qui se tiendra après la tenue du Conseil européen.
Ce plan a des implications concrètes, dont je vais vous donner quelques exemples. Ainsi, avec les fonds structurels et les prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, nous finançons des investissements massifs dans les bâtiments d’habitat collectif en région Champagne-Ardenne, afin de maîtriser leur bilan thermique, ce qui est source de croissance. Grâce à la remobilisation des fonds structurels, nous investissons massivement dans la transition énergétique sur le port de Cherbourg, qui va accueillir une usine de fabrication d’éoliennes – c’est un hasard, monsieur Bizet ! (Sourires.)
De même, dans la région Aquitaine, nous investissons massivement dans le développement de l’énergie solaire, autour du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA. Nous sommes en train d’accompagner le département de la Haute-Savoie dans l’aménagement numérique de son territoire, en essayant de combiner des prêts de la BEI avec la mobilisation de fonds structurels.
Ceux qui prétendent que le plan de 120 milliards d’euros n’existe pas le font soit parce qu’ils ont l’intention de nuire à ceux qui ont demandé sa mise en place et concourent à sa réussite, soit parce qu’ils n’en savent rien. Quelle que soit l’explication retenue, elle est très ennuyeuse : dans le premier cas, il n’est jamais bon de vouloir entraver la croissance ; dans le second, il est toujours préférable d’émettre des critiques en connaissance de cause.
Voilà ce que je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la croissance en Europe.
J’en viens maintenant à un deuxième sujet, évoqué par l’excellent président de la commission des finances du Sénat, qui m’a très aimablement indiqué qu’il devait nous quitter prématurément. J’apporterai, malgré son absence, une réponse à ses propos, car je tiens à ce qu’elle figure dans le compte rendu de la séance.
M. David Assouline. « Excellent président de la commission des finances », c’est excessif !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est du troisième degré, monsieur le sénateur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Je veux confirmer au sénateur Marini ce que je lui ai déjà dit à l’occasion de la précédente séance de débat sur le budget européen : la question de l’impôt sur les sociétés à Chypre figure bien dans le dialogue en cours entre Chypre et la troïka.
En effet, nous avons souhaité mettre ce dossier à l’ordre du jour de nos échanges. Le sénateur Marini avait raison de le souligner, nous ne pouvons pas, d’un côté, regretter que ce sujet n’ait pas été évoqué pour l’Irlande quand il aurait dû l’être – cela a été ma position, d’ailleurs –, et, de l’autre, refuser de nous poser la question pour Chypre, alors que nous sommes en situation de le faire ! Nous avons donc souhaité que ce sujet figure à l’ordre du jour des discussions. Les propos tenus tout à l’heure par M. Marini n’étaient donc pas justes, et je veux que le compte rendu de la séance apporte cette correction.
Autre affirmation incorrecte, il a prétendu que nous avions élaboré un système fixant les modalités d’intervention des mécanismes de solidarité sur le marché secondaire des dettes souveraines et que nous avions engagé l’union bancaire sans établir aucun calendrier précis pour leur mise en œuvre.
Il a formulé la même critique pour la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Or c’est tout à fait faux ! Le Conseil européen du mois de décembre dernier a décidé d’un calendrier extrêmement précis de mise en œuvre de l’union bancaire. La Commission devra avoir rédigé la totalité des textes relatifs à la mise en place de la supervision bancaire avant la fin du premier semestre de l’année 2013. Nous devons cela au travail des commissaires européens, au premier rang desquels Michel Barnier. Si M. Marini le désire, je peux lui donner les coordonnées du commissaire Barnier, qui lui confirmera ce calendrier. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Avant la fin de l’année 2013, c’est-à-dire une fois que la supervision bancaire sera opératoire, la recapitalisation directe des banques par le MES sera possible. Les textes relatifs à cette recapitalisation sont en cours d’élaboration. Ce que le président de la commission des finances a indiqué devant votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, n’est donc pas juste.
Enfin, il a souligné que la France allait devoir rendre compte des réformes structurelles qu’elle met en œuvre devant la Commission, dans le cadre du semestre européen. Il a sur ce point parfaitement raison. Toutefois, en tant que président de la commission des finances du Sénat, il n’est pas sans savoir que, dans le cadre du même semestre européen, le Gouvernement devra également exposer au Sénat et à l’Assemblée nationale son programme national de réforme et son programme de stabilité, qui définiront, l’un et l’autre, les conditions dans lesquelles la France entreprendra les réformes nécessaires au respect des objectifs qu’elle s’est engagée à atteindre.
Il sait parfaitement que le dispositif même du semestre européen oblige le Gouvernement à faire état des réformes auxquelles il s’attelle et à veiller à ce qu’elles soient bien appliquées, la Commission pouvant lui demander des comptes, voire, éventuellement, lui infliger des pénalités.
De la même manière, il n’est pas juste d’occulter le compromis historique sur la réforme du marché du travail, conclu entre les organisations syndicales. S’il fait l’objet de discussions, il existe bel et bien.
Enfin, il n’est pas juste de passer sous silence l’adoption du plan de compétitivité, inspiré des préconisations du rapport Gallois. Alors que certains annonçaient que ces dernières ne seraient jamais mises en œuvre, le plan en reprend la quasi-totalité.
Un débat portant sur les questions européennes est toujours technique et compliqué. Cependant, et je rejoins en ce sens les propos tenus par Mme Morin-Desailly, ainsi que par MM. Dantec et Requier, il ne doit pas nous faire oublier l’objectif, l’ambition, la part de rêve du projet politique européen. Dès lors, si nous ne voulons pas que les populismes triomphent, débattre de ces sujets implique d’avancer des arguments précis, rigoureux et empreints d’un minimum de vérité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de février dernier, la Commission européenne a rendu publiques ses prévisions de croissance, qui sont très pessimistes, malheureusement, pour la zone euro en général, et pour la France en particulier. Nous sommes à la veille d’un Conseil européen dont l’ordre du jour se compose du suivi des mécanismes de coordination des politiques économiques nationales.
À ce stade, nous ne pouvons que constater ce qui paraissait déjà très probable depuis l’automne dernier : la France ne respectera pas en 2013, hélas, son engagement d’avoir un déficit inférieur à 3 % du PIB, et son endettement public continuera d’augmenter.
Nous nous posons la question, et nous nous inquiétons, de ce que le Gouvernement va décider dans les prochains mois. Quelle est sa stratégie économique ? Après une très forte hausse de la fiscalité – de plus de 30 milliards d’euros, je le rappelle –, en 2012 et 2013, va-t-il continuer sur cette voie, ou bien va-t-il s’engager résolument sur celle des réformes structurelles et de la baisse de la dépense publique ? Pouvons-nous espérer une ligne claire et un plan crédible, qui puissent rassurer nos partenaires et les marchés ? Cette question était également, si j’en crois la lecture d’un grand quotidien du soir, celle de M. Collomb.
Alors que l’Italie et l’Espagne sont particulièrement fragilisées, que le sauvetage par la BCE est susceptible de trouver ses limites et que la France sera le premier emprunteur de la zone euro en 2013, la situation de notre pays devient un enjeu européen, et non plus seulement national.
Monsieur le ministre, quelle est donc la stratégie politique du Gouvernement pour l’Union européenne ? Quand admettrez-vous que la divergence de plus en plus grande entre les économies allemande et française non seulement déstabilise le couple franco-allemand, mais également fait courir un grand risque à l’ensemble de la zone euro ? Je ne puis imaginer que votre projet européen est d’isoler l’Allemagne ! Que signifie la solidarité lorsque l’on n’est pas capable d’y participer soi-même ? C’est la question qui risque de se poser si notre économie ne redémarre pas.
Voilà, monsieur le ministre, les questions que je tenais à vous poser.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Bizet, je tiens à vous remercier de votre question qui, en réalité est double.
Premièrement, vous me demandez ce que nous allons faire pour rétablir la situation de nos comptes et, ainsi, retrouver de la crédibilité à l’échelle européenne.
Deuxièmement, vous vous demandez comment articuler la relation de la France avec l’Allemagne, de façon à ce que ces deux pays puissent continuer à jouer le rôle de moteur de la construction européenne.
Tout d’abord, je comprends parfaitement votre inquiétude quant au déficit public, même si je regrette de ne pas l’avoir vue s’exprimer avec autant d’acuité et de précision au cours des dix dernières années.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De deux choses l’une : soit on est inquiet du niveau des déficits, et alors on l’est systématiquement dès qu’ils se creusent, nonobstant la situation politique du moment ; soit on est inquiet dans un contexte politique particulier, en feignant d’oublier le précédent. Dans ce dernier cas, le ministre que je suis, dans les responsabilités qui sont les siennes depuis peu de temps, ne peut manquer de s’interroger sur les arrière-pensées qui président à ce tourment.
Mme Bernadette Bourzai. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tâchons donc, monsieur le sénateur, d’étudier le problème hors de tout contexte politique. Nous le ferons en nous posant une première question : quelle a été l’évolution de la dette ?
La semaine dernière, le ministre de l’économie et des finances et moi-même nous sommes rendus à Bruxelles, dans le cadre du semestre européen. J’ai pu y rencontrer nos partenaires européens. Ces derniers constatent que la situation de la France s’est profondément dégradée au cours des dix dernières années. Ils nous le disent, ils ont vu la dette de notre pays doubler entre 2002 et 2013. Ils nous disent également avoir vu les déficits français s’approfondir au cours des dix dernières années, ce qui les inquiète.
Ils ont vu la France demander à la Commission, il y a quelques années de cela, que l’objectif de 3 %, au respect duquel elle s’était pourtant engagée dans le cadre du traité de Maastricht, ne soit pas respecté. Ils se souviennent que le gouvernement qui a accompli cette démarche n’était pas celui d’aujourd'hui, qu’il avait une autre sensibilité politique.
Ils constatent également le décrochage économique de la France par rapport à l’Allemagne. Alors que le déficit du commerce extérieur français se monte à 75 milliards d’euros, l’Allemagne affiche, quant à elle, un excédent de 150 milliards d’euros. Nos partenaires savent bien que cette situation n’est pas le résultat des politiques menées depuis neuf mois.
Les interrogations de la Commission sur la situation française sont donc beaucoup plus objectives et impartiales que les vôtres, monsieur le sénateur, et elles portent sur des aspects structurels.
Toutefois, cela ne nous dispense pas d’y répondre. Nous le faisons en affichant ce que nous avons fait depuis notre arrivée au pouvoir. Trois points sont susceptibles d’affecter le regard que la Commission porte sur notre pays. Tout d’abord, nous avons adopté un plan de redressement des finances publiques, à hauteur de 30 milliards d’euros. Ensuite, nous avons développé un plan destiné à renforcer la compétitivité des entreprises, qui se monte à 20 milliards d’euros. Enfin, un accord social historique autour de la sécurisation des parcours professionnels a été trouvé.
Nous en voyons déjà les premiers résultats. Les partenaires européens le constatent désormais, l’engagement, pris devant la Commission, de diminuer de plus de 1 % par an le déficit structurel sur la période 2010-2013 a été tenu. Or, nos partenaires européens en conviennent eux-mêmes, l’effort d’amélioration du déficit structurel français entre 2010 et 2013 a été fourni, pour les deux tiers, depuis le mois de juin dernier. Cela figure dans le rapport de la Cour des comptes, que nos partenaires ont lu, et dans les conclusions de l’évaluation de la Commission européenne sur notre trajectoire budgétaire, auxquelles le commissaire Olli Rehn a fait référence.
Nous indiquons à la Commission que nous allons poursuivre le travail de rétablissement de nos comptes, ainsi que les réformes. D’ailleurs, le programme national de réformes présentera clairement le cap qui est le nôtre en la matière. En outre, le semestre européen permettra d’approfondir intelligemment le dialogue engagé avec la Commission.
Enfin, monsieur Bizet, la relation franco-allemande ne s’est pas détériorée... (M. Jean Bizet manifeste son scepticisme.) Je vais d’ailleurs vous en apporter la démonstration.
Pour vous, et pour un certain nombre de vos amis, cette relation est d’autant plus forte que les Français oublient d’exprimer leur point de vue lorsque les deux pays ont à statuer sur une question donnée. Telle n’est pas notre approche. Selon nous, la relation franco-allemande est d’autant plus forte, et les chances de compromis d’autant plus réelles que nous sommes capables de nous parler franchement en assumant nos positions respectives.