SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 2).
3. Désignation d'un sénateur en mission (p. 3).
4. Organisme extraparlementaire (p. 4).
5. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 5).
6. Modification de l'ordre du jour (p. 6).
7. Questions orales (p. 7).
AVENIR DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE
DE CHLORE (p. 8)
Question de M. Claude Domeizel. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Claude Domeizel.
ACCIDENTS MARITIMES
ET INSUFFISANCE DES MOYENS DE REPÉRAGE
DES NAVIRES (p. 9)
Question de M. François Marc. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; François Marc.
SITUATION DES GUIDES SALARIÉS (p. 10)
Question de M. Yann Gaillard. - MM. DominiqueBussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Yann Gaillard.
CRÉATION D'UN SERVICE DE PETITES URGENCES
SUR LA RIVE DROITE À BORDEAUX (p. 11)
Question de M. Philippe Madrelle. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Philippe Madrelle.
AIDE AU TRANSPORT DES ADULTES HANDICAPÉS (p. 12)
Question de M. Louis Souvet. - MM. DominiqueBussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Louis Souvet.
MARIAGE D'ÉTRANGERS
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE (p. 13)
Question de Mme Marie-France Beaufils. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice ; Marie-France Beaufils.
CONCILIATION ENTRE VIE PROFESSIONNELLE
ET FAMILIALE (p. 14)
Question de M. Claude Biwer. - Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice ; M. Claude Biwer.
PROJET HÉRAKLÈS (p. 15)
Question de M. Xavier Pintat. - Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. Xavier Pintat.
RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE PÊCHE (p. 16)
Question de M. Jacques Oudin. - Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable ; M. Jacques Oudin.
TAXE À L'ÉQUARRISSAGE (p. 17)
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable ; M. Jean-Pierre Demerliat.
INTERDICTION DE CERTAINS INSECTICIDES (p. 18)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable ; Marie-Claude Beaudeau.
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 19)
Question de M. Marcel Deneux. - Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable ; M. Marcel Deneux.
8. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 20).
Suspension et reprise de la séance (p. 21)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
9. Décès d'anciens sénateurs (p. 22).
10. Droits des personnes handicapées. - Discussion d'un projet de loi (p. 23).
M. le président.
Discussion générale : M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales.
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Godefroy, Michel Mercier, Georges Mouly, Mme Michelle Demessine, M. Jacques Blanc.
MM. le président, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance (p. 24)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
M. Gilbert Barbier, Mmes Michèle San Vicente, Sylvie Desmarescaux, MM. Jacques Pelletier, André Vantomme, Alain Vasselle, Yves Dauge, Bernard Murat.
Mme la secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission (p. 25)
Motion n° 169 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 1er (p. 26)
Amendement n° 251 de M. Michel Mercier. - Mme Gisèle Gautier, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Communication de l'adoption définitive ou de la caducité de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 27).
12. Renvoi pour avis (p. 28).
13. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 12 février 2004 (p. 29).
14. Ordre du jour (p. 30).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 12 février 2004 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 12 février 2004, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et sur la loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président. M. le président a reçu de M. lePremier ministre une lettre en date du 13 février 2004, par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre des affaires étrangères, du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. André Ferrand, sénateur représentant les Français établis hors de France.
Acte est donné de cette communication.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration d'Ubifrance, agence française pour le développement international des entreprises.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. lePremier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil consultatif de l'internet.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Pierre Hérisson pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 418 de M. Bernard Cazeau est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
Elle pourrait être inscrite à la séance du mardi 2 mars.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
J'informe le Sénat que les questions :
- n° 436 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
- n° 437 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
- n° 438 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
- n° 439 de M. Paul Blanc à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la séance du mardi 2 mars 2004.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
AVENIR DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE DE CHLORE
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 413, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, j'ai souhaité attirer votre attention sur l'avenir de la production industrielle de chlore.
La France est l'un des premiers producteurs mondiaux, dans un marché largement dominé par les Etats-Unis. Cette filière de l'industrie et de ses dérivés représente dans notre pays un total de 300 000 emplois.
Produit indispensable au traitement et à la protection de l'eau potable, le chlore, pour l'essentiel de sa production, alimente la chimie française. Il est en effet utilisé comme produit dérivé ou intermédiaire pour la fabrication de plus de 50 % des médicaments mais également de certaines de nos matières plastiques : PVC, polycarbonate...
Le procédé majoritairement utilisé, l'électrolyse à mercure, est remis en cause depuis 1990 afin de réduire l'émission de mercure dans l'atmosphère et les milieux marins.
J'ai donc voulu vous interroger, madame la ministre, sur le programme de reconversion des installations à électrolyse à mercure et sur l'engagement des opérateurs français de la chimie et de la pétrochimie dans la production du chlore. Quelles mesures comptez-vous prendre pour impulser d'autres procédés, comme l'électrolyse à membrane choisie par d'autres pays, du fait des économies d'énergie et de maintenance qu'ils génèrent ?
Par ailleurs, pouvez-vous me donner l'assurance que l'avenir de l'usine Atofina de Saint-Auban, dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui emploie plus de 1 000 personnes, n'est pas hypothéqué, au même titre que celui des producteurs des Salins de Giraud, fournisseurs de leur matière première ?
En fait, madame la ministre, cette question orale est devenue une question d'actualité. En effet, je ne peux passer sous silence ce que nous venons d'apprendre à la fin de la semaine dernière, à savoir la réorganisation de la branche chimie de Total, qui se traduirait par la création d'une nouvelle entité.
Permettez-moi de lire un extrait du document qui m'a été transmis par Total : « Ainsi renforcée, cette nouvelle entité poursuivra ses développements, notamment en Asie. » Deux lignes plus loin, on trouve : « La pétrochimie poursuit la mobilisation des synergies avec le raffinage et devrait accélérer son expansion en Asie. » De quoi alimenter les interrogations du personnel de Saint-Auban et de toute la population ainsi que celles des élus qui les représentent.
Je vous remercie, madame la ministre, de me répondre à la fois sur le problème du chlore et, si possible, sur cette nouvelle qui date de trois ou quatre jours.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la production française de chlore emploie directement 6 000 personnes. Elle occupe actuellement le sixième rang mondial, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la Russie et la Chine.
En 1990, l'Union européenne s'est engagée à abandonner progressivement d'ici à 2010 la technologie de production impliquant l'usage du mercure, dans un but de protection de l'environnement et de la santé.
Les industriels qui produisent du chlore ont dans l'ensemble réagi avec efficacité et rapidité. D'ores et déjà, 50 % des capacités de production n'utilisent plus de cathode de mercure, mais sont basées sur d'autres technologies, notamment celles avec diaphragme et membrane.
Les professionnels de cette filière, s'appuyant sur une étude de faisabilité, se sont accordés sur le principe d'un engagement volontaire de substitution ou d'abandon du mercure à l'horizon 2020.
Les résultats d'une étude d'impact, dont les conclusions ont été présentées le 2 décembre 2003 par le ministère de l'écologie et du développement durable, confortent cette démarche volontaire mise en place par les industriels concernés.
Monsieur le sénateur, l'avenir de la filière chlore, plus largement celui de la chimie en Europe, et particulièrement celui de l'important tissu de PME qui innerve encore notre territoire, y compris en aval de cette chimie, repose essentiellement sur les modalités de la future réglementation européenne connue sous le nom de REACH.
Que celle-ci soit trop bureaucratique, qu'elle aille trop loin ou trop vite, elle serait alors la cause d'une véritable désindustrialisation et, par voie de conséquence, d'un véritable désastre pour l'Europe et pour nos emplois.
Comme vous le savez, dans une lettre commune, le Président Jacques Chirac, le Chancelier Gerhard Schröder et le Premier ministre Tony Blair ont demandé et obtenu de la Commission qu'à l'avenir cette réglementation soit traitée au sein du conseil des ministres européens de la compétitivité. C'est donc désormais à ce niveau que va se poursuivre le débat. Nous pouvons dès lors raisonnablement espérer aboutir à un texte de nature à maintenir un juste équilibre entre les trois dimensions du développement durable, à garantir la capacité de l'industrie européenne et donc à conserver un niveau de compétitivité suffisant pour affronter la concurrence internationale, notamment celle de la Chine.
J'ai à coeur de gagner ce combat qui est éminemment important pour l'avenir de nos usines telles que celle d'Atofina de Saint-Auban.
Par ailleurs, comme vous le savez, monsieur le sénateur, la direction nationale a annoncé qu'il n'y aurait aucun licenciement à l'usine de Saint-Auban ; elle a en outre confirmé que des investissements importants seraient engagés pour permettre la mise en conformité de l'entreprise en matière de respect de l'environnement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je vous remercie, madame la ministre, de la réponse complète que vous venez de m'apporter.
En effet, vous avez affirmé - et cela ne peut que nous réjouir - qu'il n'y aura aucun licenciement à Saint-Auban et que des investissements importants vont être engagés pour maintenir l'activité de l'usine, en particulier pour transformer le mode de production du chlore, production qui constitue la base même de cet établissement situé dans les Alpes-de-Haute-Provence.
J'espère, madame la ministre, que vos propos seront suivis d'effet.
ACCIDENTS MARITIMES ET INSUFFISANCE DES MOYENS
M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 411, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. François Marc. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, la disparition en mer du Bugaled Breizh a créé en Bretagne, et bien au-delà, une immense émotion, car ce naufrage, qui est en lui-même une catastrophe, s'ajoute à beaucoup d'autres. Vous étiez d'ailleurs présent, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque le maire de Loctudy, Joël Piété, a énuméré le nom des cinquante-huit marins, bigoudens en particulier, qui ont péri en mer ces dernières années.
Au-delà de l'émotion, ce naufrage a également créé une profonde indignation après l'annonce des conditions dans lesquelles il a eu lieu : c'est un grand navire qui a provoqué cette catastrophe, sans laisser aucune trace, bien entendu. Il faut dire que, depuis 1997, le nombre de collisions entre bateaux de pêche et bateaux de commerce s'est accru très sensiblement puisqu'on dénombre une centaine de collisions de ce type.
Tout cela doit nous faire prendre conscience de la difficulté du métier de marin pêcheur, métier très dur et très risqué : tous les ans, un marin sur huit est victime d'un accident grave. Dès lors, l'amélioration de la sécurité en mer et des conditions de travail doit constituer une véritable exigence pour les pouvoirs publics.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est double.
La première partie porte sur l'amélioration des conditions de navigation et de surveillance en mer. A ce propos, je souhaite connaître les engagements du Gouvernement s'agissant du renforcement des moyens : je pense en particulier aux radars des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer, les CROSS, et au système d'information automatique, le SIA, puisqu'une directive européenne du 22 juin 2002 incite à l'installation progressive de ce système.
Dans quelles conditions le Gouvernement français envisage-t-il la mise en application de cette directive ? Plus généralement, quelle est sa position en ce qui concerne l'organisation maritime internationale ? Chacun est bien conscient du fait que, sans harmonisation des pratiques au niveau international, aucune solution ne pourra être dégagée.
La seconde partie de ma question porte plus particulièrement sur le Bugaled Breizh. Compte tenu de l'émotion considérable que cette affaire a suscitée en Bretagne, voire bien au-delà, la recherche des causes précises de ce naufrage et l'identification du coupable constituent des impératifs.
Je voulais donc vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les engagements qu'a pris le Gouvernement. Il a promis que des moyens financiers seraient mis en place afin que le renflouement intervienne rapidement. Quelles décisions le Gouvernement va-t-il prendre dans les prochains jours pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui donne lieu à de nombreuses rumeurs sur les quais ? Il est important de connaître très vite la vérité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, le sujet que vous soulevez est d'une tragique actualité. Permettez-moi de répondre d'abord à la seconde partie de votre question.
L'enquête qui est ouverte sous l'autorité du parquet et des juges d'instruction de votre département se poursuit. S'agissant du renflouement, je répète devant vous, monsieur le sénateur, et devant le Sénat, ce que j'ai indiqué à Loctudy lors de la cérémonie que vous avez évoquée tout à l'heure : si les magistrats décident le renflouement, ce qui est de leur responsabilité, les sommes en cause n'étant pas forcément disponibles localement, le ministère de la justice fournira les crédits nécessaires, comme le garde des sceaux, M. Dominique Perben, en a pris l'engagement. Ainsi, si la décision est prise, les moyens correspondants seront immédiatement mis à disposition.
Pour le reste, vous savez que, depuis cet accident, nous avons suivi de nombreuses pistes. L'une d'entre elles a particulièrement retenu l'attention des autorités françaises la semaine dernière parce qu'elle paraissait plus sérieuse que les autres.
La traque que j'ai annoncée à Loctudy, au nom du Gouvernement, se poursuit. Je regrette qu'elle n'ait pas encore donné de résultats concrets. Je souhaite que les familles soient complètement informées. J'ai demandé à mon cabinet d'être en contact avec le président du comité local des pêches et le patron du navire. En outre, j'ai indiqué à M. le garde des sceaux qu'il serait légitime que les autorités judiciaires maintiennent également un contact permanent avec les familles pour les tenir au courant du développement de l'enquête.
J'en viens à la partie plus générale de votre question, monsieur le sénateur. Ces accidents sont inadmissibles. Avant celui du Bugaled Breizh, nous avons connu ceux du Pepe Roro et du Cistude, dans des circonstances également affreuses, où des navires abordeurs sont passés, indifférents à la détresse. Ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, les marins pêcheurs sont très exposés aux dangers et ils doivent à l'évidence faire preuve de vigilance, mais il faut se doter de moyens pour mieux contrôler la navigation.
La sécurité maritime doit être une priorité collective du Gouvernement, comme du Parlement et de l'ensemble des pouvoirs publics. Vous savez que nous avons accéléré dans ce domaine la transposition des directives européennes et que nous allons faire un certain nombre d'efforts qui ont été actés par le comité interministériel de la mer, réuni à l'hôtel Matignon la semaine dernière, sous l'autorité du Premier ministre.
Vous souhaitez l'extension aux navires de commerce de système de surveillance par satellite embarqué sur les unités de pêche. J'y suis également favorable.
Mais la situation des navires de commerce diffère de celle des bateaux de pêche. Pour être efficace, il faut englober tous les navires, au moins les 20 000 bateaux touchant les ports de l'Union européenne, et pas seulement les 205 navires français. Cela nous impose d'agir dans le cadre de l'Organisation maritime internationale, l'OMI, dont les dispositions peuvent être reprises, complétées, voire durcies par l'Union européenne.
C'est d'ailleurs la méthode qui a été suivie pour imposer l'emport d'un système d'identification automatique, l'AIS ; elle a été d'abord fixée par l'OMI et l'Union européenne a ensuite introduit des exigences complémentaires par une directive du 27 juin 2002 : tous les navires faisant escale dans un port d'un Etat membre de l'Union européenne devront disposer du système d'identification automatique, l'AIS. Les premiers navires sont équipés depuis le 1er juillet 2003, les derniers le seront avant 2007.
A terre, pour recevoir les appels et les messages, le réseau de réception AIS sera installé en 2006. Couvrant tout le littoral français, ces stations sont d'une importance capitale, car il nous faut un système global de repérage des navires. Tels sont, dans leurs grandes lignes, les schémas d'implantation de ce système.
Par ailleurs, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, il est urgent de moderniser les CROSS. Un plan triennal de modernisation a été officialisé par le comité interministériel de la mer la semaine dernière. Les six radars vieillis des CROSS de la Manche et de la mer du Nord seront remplacés. Nous allons également installer un radar franco-britannique sur les îles anglo-normandes, à Guernesey, pour avoir une vision complète du dispositif de séparation de trafic. Enfin, le système informatique Trafic 2000 permettra de relier les CROSS, les sémaphores, les ports, les préfectures maritimes et les stations AIS à terre.
En outre, toujours dans le cadre réglementaire européen, les navires de commerce auxquels vous faisiez allusion tout à l'heure devront être équipés avant le 1er janvier 2008 d'une « boîte noire », comme celle qui existe dans le domaine aérien, afin d'enregistrer les données. Certains navires en sont d'ailleurs déjà équipés.
En résumé, monsieur le sénateur, grâce au système AIS qui est déployé ou en cours de déploiement, et à la boîte noire, ou système VDR, nous pourrons avoir dans les années à venir un système d'identification totale des navires qui transitent dans les zones dangereuses.
Je voudrais aborder un dernier point : l'OMI examine l'obligation pour les armateurs d'équiper leurs navires d'un système de localisation à grande distance sur l'ensemble du globe, qui compléterait ainsi, pour le bénéfice de la sécurité maritime, les dispositifs que je viens de rappeler.
J'ajoute, en débordant un peu du sujet, que nous travaillons actuellement avec la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, Mme Claudie Haigneré, à un système de repérage par satellite qui permettra également de visualiser, y compris la nuit, les dégazages et d'avoir à l'échelle mondiale la capacité de suivre ces derniers.
Tels sont les efforts qui sont en cours et je vous remercie, monsieur le sénateur, de m'avoir permis les rappeler. Je redis de manière très ferme que, dans l'affaire du Bugaled Breizh, les moyens sont à la disposition en particulier du parquet et des juges d'instruction et que je souhaite qu'une information complète soit donnée aux familles et aux responsables de votre département.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous nous apportez en ce qui concerne le déploiement des moyens de repérage. Une action est effectivement engagée aux échelons français, européen et international. Elle me paraît aller dans le bon sens et elle ne peut que réjouir tous ceux qui ont nourri des inquiétudes au cours de ces derniers mois et des années passées au regard de toutes les catastrophes que nous avons subies.
S'agissant plus précisément du Bugaled Breizh, il est extrêmement urgent qu'une décision soit prise concernant son renflouement. En effet, la catastrophe a eu lieu voilà déjà plus d'un mois et il faut être conscient que chaque jour qui passe conduit à l'effacement d'une partie des indices et des traces. Tout retard pris dans le renflouement rendra de plus en plus difficiles l'identification des conditions de la catastrophe et la recherche des preuves.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, il est extrêmement urgent que le Gouvernement, en particulier M. le ministre de la justice, donne une réponse sur la mise en place des moyens financiers qui permettront de répondre à ces interrogations qui sont légitimes. L'émotion est, je peux vous le dire, très forte aujourd'hui dans l'ensemble des ports de la côte atlantique et de la Manche.
Je vous remercie de prendre en considération cette attente et d'y répondre de toute urgence.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je vous remercie infiniment de me redonner la parole. Je souhaite apporter une précision à M. Marc, qui pose une excellente question.
Monsieur le sénateur, la décision appartient au magistrat en charge de l'enquête. Elle ne relève pas, compte tenu de la séparation des pouvoirs, de la responsabilité du Gouvernement, le pouvoir exécutif ne pouvant s'immiscer dans le pouvoir judiciaire. Cependant, je le répète, comme le ministre de la justice l'a dit et comme je l'ai redit moi-même publiquement dans votre département, dès que la décision sera prise, les moyens correspondants seront immédiatement mis à disposition.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, auteur de la question n° 414, adressée à M. le secrétaire d'Etat au tourisme.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adressait à M. le secrétaire d'Etat au tourisme, mais je pense que M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, en charge d'un secteur qui n'est pas sans lien avec celui du tourisme, pourra y répondre savamment.
Elle concerne la situation des guides salariés, qu'il s'agisse de conférenciers, d'interprètes régionaux et, de façon plus générale, de toutes les personnes qui accompagnent les visiteurs, notamment dans des châteaux, ou à l'occasion de telle ou telle manifestation.
L'usage s'est répandu, pour ce type d'activité, de recourir à des prestations à la journée, à la demi-journée ou pour deux heures. Par conséquent, le contrat à durée déterminée, CDD, renouvelable pour raison d'usage est certainement le contrat le mieux adapté à ce genre de missions qui sont assumées de manière répétitive ou saisonnière, et quelquefois imprévue.
Toutefois, cette activité n'est pas mentionnée dans la liste des secteurs habilités par l'article L. 122-1-1 (3°) du code du travail, et ce malgré plusieurs demandes de la fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d'initiative. Or, la liste des activités figurant à l'article D. 121-2 du code du travail et relevant de ce type de contrat comprend deux secteurs, ceux de l'audiovisuel et des spectacles, qui ne diffèrent pas tellement des activités touristiques. Je ne parle pas ici des autres secteurs, ceux du sport professionnel, de l'entreposage et du stockage de la viande, du bâtiment et des travaux publics, de l'information ou du déménagement.
La crainte est grande actuellement dans les offices de tourisme, surtout dans les petites structures, de voir les contrats requalifiés en contrat à durée indéterminée. Cela leur poserait des problèmes financiers dramatiques et un grand nombre se verrait sans doute dans l'obligation de renoncer à ce type d'activité.
Je rappelle que la Fédération nationale des offices de tourisme regroupe 3 600 organismes, 3 200 guides interprètes régionaux ou guides conférenciers dans les villes d'art et d'histoire.
Dans mon département par exemple, l'office de tourisme de Troyes compte actuellement quinze guides salariés, dont douze sous contrat à durée déterminée renouvelable pour raison d'usage et trois seulement sous contrat à durée indéterminée. Cet office ne pourrait pas résister financièrement à une telle modification.
C'est pourquoi je souhaite très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que satisfaction soit donnée aux demandes de la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d'initiative.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, qui m'a demandé de répondre à votre question. Etant élu d'une ville touristique, je suis conscient de l'importance du problème que vous soulevez concernant la situation des guides salariés par des offices de tourisme pour des prestations de courte durée.
M. Bertrand n'ignore pas les difficultés rencontrées par les offices de tourisme et les organismes de voyages pour utiliser ces guides qui sont une composante essentielle de la prestation de qualité de l'activité touristique, car ils permettent de mieux découvrir les sites naturels et culturels de notre pays.
Afin de stabiliser ces emplois, vous souhaitez, monsieur le sénateur, que le CDD renouvelable pour raison d'usage soit étendu à cette activité, par voie réglementaire.
M. Léon Bertrand m'a demandé de vous rappeler que, en matière de travail et d'emploi, le Gouvernement s'est engagé dans deux voies importantes, dont la première est de faciliter le dialogue social. En effet, le souhait de mon collègue en charge du tourisme est que la négociation de branches dans les offices de tourisme permette de trouver un accord qui pourrait ensuite être étendu. C'est là une piste qu'il propose à votre réflexion.
La seconde voie dans laquelle le Gouvernement s'est engagé concerne la simplification du droit du travail. Comme vous le savez, Michel de Virville a remis récemment à François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, un rapport sur la simplification du droit du travail dans lequel la question du droit d'usage est abordée. Ce rapport, dont on a beaucoup parlé, donnera lieu le moment venu à des prolongements. Monsieur le sénateur, Léon Bertrand se propose de saisir de cette question M. François Fillon, afin qu'un travail commun entre ses services et le ministère des affaires sociales permette de trouver une réponse pratique, opérationnelle et rapide à votre question pour vous proposer le plus vite possible une solution qui permette non seulement de préserver, mais aussi de développer, comme vous l'avez indiqué, l'emploi des guides, dont je rappelle le caractère indispensable à notre économie touristique.
M. Louis Sauvet. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Souvet, le règlement m'interdit de vous donner la parole, mais vous aurez l'occasion de vous exprimer lorsque vous poserez votre question à M. Dominique Bussereau.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'ouverture d'esprit que vous manifestez et de l'intérêt que vous portez à la question que j'ai posée. Nous attendons donc avec confiance les mesures qui, à la suite des rapports que vous avez cités, devraient être proposées à M. le ministre des affaires sociales.
Il y a d'ailleurs, en la matière, une bonne occasion à saisir puisque le Gouvernement, à la demande du Président de la République, a décidé de faire de 2004 l'année de l'emploi. A cet égard, un grand projet de loi de mobilisation pour l'emploi est, semble-t-il, en cours de préparation ; celui-ci devrait évidemment faire coïncider la flexibilité économique et la sécurité des salariés.
Je crois donc que la discussion de ce projet de loi, s'agissant notamment du contrat de mission, est une excellente occasion de régler le problème.
CRÉATION D'UN SERVICE DE PETITES URGENCES
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 421, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine a reconnu l'utilité d'un site d'accueil des urgences sur la rive droite de la Garonne inscrit dans le schéma régional d'organisation sanitaire prévu pour la période 1999-2004.
Les habitants de la rive droite de l'agglomération bordelaise sont en effet contraints, lorsque, après dix-neuf heures ou le week-end, ils sont victimes d'accidents, notamment domestiques, d'aller se faire soigner au centre hospitalier de Bordeaux. Cela équivaut à un véritable parcours du combattant en raison des aléas en matière de transport, eu égard à l'intensité du trafic, en d'autres termes de l'« enfer » qui règne souvent sur la rocade bordelaise et le pont d'Aquitaine.
Vous le savez, il faut booster la réalisation de ce grand contournement. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous en êtes convaincu et je vous remercie d'ailleurs pour les déclarations très nettes que vous avez prononcées à ce sujet.
En 2000, a été délivrée à la clinique des Quatre Pavillons à Lormont une autorisation de faire fonctionner une unité de proximité d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences. Selon le quotidien Sud-Ouest en date du 13 février dernier, on apprend que, dans dix-huit mois, les habitants de Lormont, Cenon, Saint-Loubès, Créon ou Ambès n'auront plus besoin de traverser la Garonne pour se rendre aux urgences. La polyclinique Bordeaux-rive droite accueillera, en effet, les patients dans un futur bâtiment qui se situera sur le terrain de l'actuelle polyclinique des Quatre Pavillons à Lormont.
On apprend également que ce projet de regroupement des deux cliniques de Cenon et de Lormont a reçu un apport financier de l'Etat de près de 6 millions d'euros, dans le cadre du plan Hôpital 2007.
Il s'agit donc d'une réponse privée apportée au problème posé. C'est déjà une bonne chose, mais on peut regretter que la réponse ne soit pas une solution publique, puisque l'on répond, ici encore, par une privatisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets de vous rappeler que, voilà une vingtaine d'années, j'avais obtenu, avec le maire de l'époque, l'implantation à Lormont d'une unité gériatrique du centre hospitalier universitaire de Bordeaux qui devait marquer le commencement de la réalisation d'un hôpital public de secteur sur cette rive droite de la Garonne, regroupant et concentrant plus de 150 000 habitants sur quelques kilomètres carrés.
Vingt ans plus tard, qu'en est-il de la continuation de la construction de cet hôpital public de secteur à Lormont ? Alors que ce projet est nécessaire, seul le premier maillon existe.
En tout état de cause, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de m'apporter aujourd'hui des précisions sur les délais et la faisabilité du projet privé retenu. Compte tenu de la forte progression démographique des communes de la rive droite de la Garonne de l'agglomération bordelaise, vous comprendrez que la réalisation de ce site d'accueil des urgences est très attendu et que l'on souhaite savoir quand il sera opérationnel.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur Madrelle, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de Jean-François Mattei qui m'a demandé de le suppléer.
Je comprends parfaitement l'importance de votre question, car le nord de la Gironde et le sud de la Charente-Maritime représentent en fait un même territoire. Nous partageons donc les difficultés que vous rencontrez en tant que président du conseil général de la Gironde.
Vous souhaitez, monsieur le sénateur, la création d'un service public d'accueil des petites urgences sur la rive droite de Bordeaux. La nécessité d'instaurer un tel site a été reconnue depuis longtemps, notamment par les responsables de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine.
Ce projet a donc été inscrit dans le schéma régional d'organisation sanitaire pour la période 1999-2004, et une autorisation de création d'une unité de proximité d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences, que les technocrates ont baptisée du joli nom d'UPATOU, a été délivrée en 2000 à la clinique des Quatre Pavillons à Lormont.
Cet établissement ayant récemment changé de gestionnaire, la création de l'UPATOU a été retardée. Cependant, les informations qui sont en possession de M. le ministre de la santé indiquent que les actuels propriétaires sont déterminés à mettre en oeuvre cette autorisation une fois que certains travaux indispensables auront été réalisés.
Ces travaux font partie de l'opération de regroupement des cliniques de Cenon et de Lormont que l'agence régionale de l'hospitalisation a décidé de soutenir en lui réservant une aide financière de 5,7 millions d'euros dans le cadre du plan Hôpital 2007.
Monsieur le sénateur, je prends devant vous l'engagement de reparler dès aujourd'hui avec mon collègue Jean-François Mattei de cette question, d'en assurer auprès de lui le suivi, et de vous en tenir personnellement informé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse. Je reconnais qu'un pas a été fait, mais il ne faut pas occulter pour autant la nécessité d'établir un hôpital public sur la rive droite de la Garonne. Je le répète, sur quelques kilomètres carrés, on compte plus de 150 000 habitants, et seul le premier maillon du projet a été réalisé.
AIDE AU TRANSPORT DES ADULTES HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 373, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, si j'ai souhaité intervenir il y a un instant, c'était simplement pour souligner que j'avais déposé voilà quelques jours, au service de la séance, la même question que celle que mon collègue Yann Gaillard vient de poser. C'est la raison pour laquelle j'aurais voulu appuyer sa déposition, si je puis m'exprimer ainsi, et éviter d'y revenir.
Ma présente question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir la suppléer. Mon propos s'inscrit dans la logique du projet de loi qui va être débattu à partir de cet après-midi, à savoir le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont notre excellent collègue Paul Blanc est le rapporteur.
Certes, le problème que je pose est peut-être limité, mais tant reste à faire dans le domaine du handicap qu'aucune amélioration, si modeste soit-elle, ne doit être négligée. C'est le type même du problème relevant de la simple équité et du bon sens : en deux mots, pourquoi, alors que c'est le cas pour les enfants et les adolescents, les adultes handicapés ne bénéficient-ils pas de la prise en charge, du moins partielle, des frais de transport quotidien entre leur domicile et les maisons d'accueil spécialisées dans le cadre d'un régime de semi-internat ?
Il n'est pas question de déresponsabiliser totalement les familles, mais, comme vous le savez, elles doivent déjà faire face, du fait du handicap, à des charges financières très importantes. Il ne devrait pas se produire un arrêt de la prise en charge compte tenu du passage de l'adolescence à l'âge adulte, et ce d'autant que, d'une part, dans ce cas de figure précis, les parents - ce qui est bien sûr tout à leur honneur - entendent conserver une place au sein de la famille à leur enfant et que, d'autre part - cela n'est pas négligeable pour la collectivité, s'agissant du semi-internat - le prix de journée remboursé par l'assurance maladie est réduit par rapport à un placement complet.
Le transport matin et soir par les parents peut se révéler une gageure, compte tenu des distances parfois relativement élevées en zones rurales, distances se combinant avec les aléas climatiques en zones de montagne et les obligations professionnelles. Une facturation complète des prestations pourrait être évidemment dissuasive pour les familles.
Il conviendrait donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de remédier à cet état de fait pour que le vingtième anniversaire ne soit pas synonyme, pour les intéressés, d'un accroissement des charges financières, à situation constante. J'insiste particulièrement sur ce point.
Deux pistes sont, à mon avis, envisageables, et je me permets de vous les soumettre : soit élargir le champ d'application de la loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 relative à l'aide médicale urgente et aux transports sanitaires, c'est-à-dire intégrer, comme pour les enfants et les adolescents, les frais de transport dans le prix de journée de l'établissement qui aurait ainsi la possibilité d'en assumer la charge ; soit permettre un remboursement par l'assurance maladie des frais de transport vers un établissement médico-social, ce que ne prévoit pas à l'heure actuelle l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale.
Je tiens à ajouter que, le nombre de familles concernées étant relativement limité, le coût financier pour la collectivité ne serait pas exorbitant si les pouvoirs publics décidaient de mettre un terme à cette inégalité de traitement. Les familles apprécieraient donc une telle modification, familles qui consentent déjà d'importants sacrifices du fait du handicap d'un des leurs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, j'aurai tout d'abord une pensée particulière pour votre département, puisqu'il a été l'objet d'un séisme hier soir, dont l'épicentre se situait, me semble-t-il, à Baume-les-Dames, où nous étions ensemble voilà quelques jours.
Votre question à laquelle Mme Boisseau m'a demandé de répondre à sa place concerne l'accueil des personnes handicapées dans les maisons d'accueil spécialisées dont la plupart sont gérées par le secteur associatif
Les résidents de ces maisons d'accueil spécialisées sont réputés y avoir leur domicile puisqu'il s'agit, en ce qui les concerne, d'une prise en charge médico-sociale permanente rendue nécessaire par la gravité de leur handicap et la continuité d'une assistance pour les actes de la vie quotidienne.
Cependant, et tant mieux, les personnes handicapées ainsi accueillies en maisons d'accueil spécialisées continuent à entretenir des liens avec leur entourage familial et amical.
Vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, préparé par Mme Boisseau et dont M. Paul Blanc sera le rapporteur au Sénat, ce projet ayant déjà été étudié par le Conseil économique et social. L'objectif du Gouvernement est bien d'encourager l'intégration dans la société tant pour les personnes handicapées qui vivent à domicile que pour celles qui résident en établissement.
Dans ces conditions, la prise en charge des frais de transport liés à un retour en famille ou à un séjour temporaire en dehors de la maison d'accueil spécialisée doit à l'évidence être améliorée. Vous l'avez rappelé, ces frais sont aujourd'hui supportés par les résidents dans la mesure où ils ne sont pas intégrés, pour des raisons financières qui peuvent se comprendre, dans le budget de fonctionnement des établissements. De surcroît, ils ne sont pas non plus considérés comme des frais de transports sanitaires, alors que c'est le cas en ce qui concerne le ou les soins ou les consultations.
Monsieur le sénateur, quelles sont les pistes de réponse à votre attente, au-delà du débat qui commencera cet après-midi ?
Il s'agit notamment de la création de la prestation de compensation qui pourra bénéficier, dans certaines conditions, aux personnes accueillies en maison d'accueil spécialisée et, dans le cadre du plan que M. le Président de la République a demandé au Gouvernement de mettre en oeuvre, de l'effort budgétaire en faveur de l'ensemble des équipements et des établissements médico-sociaux. Il existe donc bien, monsieur le sénateur, des perspectives d'amélioration, et le débat qui va s'instaurer pourrait apporter des pistes complémentaires. En tout cas, le Gouvernement se tient à votre disposition afin d'étudier les mesures très concrètes qui pourraient découler de ce débat et répondre ainsi à votre préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir fait allusion au tremblement de terre qui s'est produit hier ; celui-ci a atteint 5,1 sur l'échelle de Richter, ce qui est loin d'être négligeable. Un transformateur électrique s'est écroulé à Baume-les-Dames, même si cela n'a rien à voir avec la privation d'électricité qu'à connue une grande partie de Besançon et de sa banlieue puisque 20 000 foyers ont été concernés.
Dans ma question, vous avez bien compris, je visais, parmi les personnes qui séjournent dans une maison d'accueil spécialisée, celles qui rentrent à leur domicile.
Dans votre réponse, vous avez souligné l'évidente nécessité d'améliorer la prise en charge de ces frais de transport. J'estime donc que le Gouvernement est prêt à y faire face, peut-être par le biais de la création d'une allocation de compensation. Au nom des familles intéressées, je vous en remercie et je veux vous dire l'espoir qu'elles fondent sur la réponse que vous avez apportée.
MARIAGE D'ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 425, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, mais je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir le suppléer.
La régularité du séjour d'un étranger n'est pas une condition au mariage qui, je le rappelle, est une liberté fondamentale.
L'irrégularité du séjour constitue, elle, une infraction pénale. Ainsi, si l'officier de l'état civil a connaissance d'une situation irrégulière, il est tenu, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, d'en aviser le procureur de la République.
La démarche est tout autre si l'officier de l'état civil doute de la sincérité du mariage. Dans ce cas, le signalement au procureur s'effectue sur la base de l'article 175-2 du code civil.
Or, depuis le 1er janvier 2004, le procureur de la République de Tours, sur la base des signalements au titre de l'article 40, fait convoquer les futurs époux par les services de police, dans le cadre de ce qu'il intitule « l'enquête mariage ». De nombreux étrangers en situation irrégulière sont placés en garde à vue, puis en rétention administrative en Ile-de-France, en vue d'une reconduite à la frontière. Or certains d'entre eux étaient préalablement connus des services de police, qui auraient pu les interpeller auparavant.
Pourquoi donc prendre prétexte d'un projet de mariage ? Plus grave encore, ces mariages ne peuvent pas avoir lieu dans ces conditions. Toutes les demandes visant à les célébrer ont été repoussées par le procureur, pour divers motifs : avancée de la date, retour sous escorte du futur conjoint, demande de requête de l'officier de l'état civil au centre de rétention administrative...
Les associations de défense des sans-papiers, entretenues dans la confusion par les services de l'Etat entre cette utilisation de l'article 175-2 du code civil et de l'article 40 du code de procédure pénale, prennent à partie les maires de l'agglomération tourangelle. Il est reproché à ces derniers d'être à l'origine des rétentions administratives, alors que les élus ne sont même pas officiellement informés de ces décisions.
L'attitude du procureur de la République, la convocation et l'éloignement dans le cadre de cette « enquête mariage » ne conduisent-elle pas, de facto, à faire de l'irrégularité du séjour un obstacle à la célébration du mariage ? Cela n'enfreint-il pas la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2003 qui, comme en 1993, a rappelé que la situation irrégulière d'un étranger non seulement ne pouvait pas constituer un obstacle au mariage, mais ne constituait pas en elle-même une présomption de fraude ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Madame le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser M. le ministre de la justice qui ne pouvait être présent ce matin et qui m'a effectivement demandé de le suppléer.
Il vous remercie de cette question sur le problème des mariages d'étrangers en situation irrégulière, car elle va permettre au Gouvernement de vous préciser la politique pénale suivie en matière de lutte contre l'immigration clandestine et contre les mariages frauduleux.
Comme vous le savez, les dispositions de l'article 175-2 du code civil autorisent l'officier de l'état civil à saisir le procureur de la République dès lors qu'il existe un indice sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est en réalité un mariage frauduleux.
Le simple séjour irrégulier ne saurait en effet constituer en lui-même la preuve du caractère frauduleux de ce mariage, mais il peut faire partie d'un faisceau d'indices qui conduisent les officiers de l'état civil à saisir le procureur de la République.
D'ailleurs, le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003 : « Le caractère irrégulier du séjour d'un étranger peut constituer, dans certaines circonstances, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale. »
Le ministre de la justice avait eu l'occasion de donner des instructions de politique pénale par une circulaire en date du 13 mai 2003, afin que les parquets luttent avec efficacité contre les mariages simulés qui s'inscrivent souvent dans le cadre de réseaux organisés ayant des ramifications internationales.
A ce titre, afin d'améliorer la réponse pénale en la matière, le législateur, dans le cadre de la loi du 26 novembre 2003, a créé une nouvelle infraction, prévue à l'article 21 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui réprime spécifiquement d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 5 000 euros d'amende le mariage blanc.
Dans le cadre des instructions qu'a données le garde des sceaux, il a rappelé aux procureurs de la République la nécessité de faire procéder à la fois à des enquêtes civiles pour s'assurer de la réalité de la volonté matrimoniale et à des enquêtes pénales dès lors qu'une infraction était constatée par les autorités.
En la matière, il apparaît que les officiers de l'état civil ont un véritable rôle à jouer dans la mesure où, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, ils ont l'obligation de porter à la connaissance du parquet toute infraction dont ils auraient appris l'existence dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions.
Toutefois, lorsque seul le séjour irrégulier est reproché à un étranger, la voie administrative est privilégiée à la voie judiciaire. Il appartient ensuite à l'autorité administrative de décider si une mesure d'éloignement s'impose au regard de la législation en vigueur et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit à mener une vie familiale normale.
C'est pourquoi, dans l'hypothèse d'une délivrance par l'autorité administrative d'un arrêté de reconduite à la frontière, les officiers de l'état civil n'ont pas compétence pour faire obstacle à la célébration du mariage si celui-ci est sincère, mais ils ont le devoir de différer le projet de mariage.
Contrairement à votre affirmation, madame le sénateur, qui tend à soutenir que la pratique du procureur de la République de Tours paraît contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il me semble que les mesures prises répondent à la fois à la lettre de la loi, aux considérants du Conseil constitutionnel et aux directives de politique pénale qu'a récemment données le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse concerne essentiellement le moment où le maire, puisque c'est lui, en particulier, qui est officier de l'état civil, a alerté le procureur de la République sur la base de l'article 175-2 du code civil. Or je faisais état d'informations qui sont apportées au procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas suspicion de mariage blanc.
Si le mariage blanc est avéré, il est évident que l'article 175-2 du code civil s'applique et, dans ces conditions, je ne mets absolument pas en cause la démarche du procureur de la République. Dès lors qu'un maire a connaissance de la situation irrégulière d'une personne, il doit le signaler. Cela ne signifie pas qu'il a estimé qu'il y avait un risque de mariage blanc. Et, en cas de mariage blanc, le procureur de la République doit informer le maire de la procédure qu'il engage en même temps qu'il prend les dispositions dans ce sens.
J'ai été amenée à vous poser cette question, madame la secrétaire d'Etat, parce que, en tant que maires, nous avons reçu une plaquette de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales intitulée Les Nouveaux Pouvoirs des maires. Je vous donne lecture de certains extraits : « La loi donne aux maires, officiers de l'état civil, des pouvoirs de lutter contre les mariages de complaisance et les mariages forcés. (...) Le Conseil constitutionnel a reconnu que le fait d'être en situation irrégulière pouvait constituer un indice de mariage blanc. »
Or, selon le Conseil constitutionnel, « si le caractère irrégulier du séjour d'un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d'autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale, le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l'absence de consentement, a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ». C'est d'ailleurs ce qui a conduit à modifier l'article 175-2 du code civil.
Je pense donc que l'interprétation qui est faite aujourd'hui de l'article 40 du code de procédure pénale est abusive.
CONCILIATION ENTRE VIE PROFESSIONNELLE
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 426, adressée à M. le ministre délégué à la famille.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « la France n'aide pas suffisamment ses jeunes mères de famille », tel est, en substance, le message délivré par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, dans une étude qu'elle vient de réaliser dans dix-neuf des plus grands pays industrialisés.
En réalité, cet organisme mettait en cause non pas le soutien financier accordé aux parents qui, il faut le reconnaître, est particulièrement important dans notre pays puisqu'il avoisine les 12,5 milliards d'euros, toutes collectivités confondues, mais bien plus les politiques mises en oeuvre pour permettre aux jeunes mères de famille actives de concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.
Les pays scandinaves sont, dans ce domaine, considérés comme étant les plus en avance, mais, contrairement à bien des idées reçues, ils sont rejoints dans le haut du classement par le Royaume-Uni, l'Australie et les Etats-Unis.
Horaires de travail flexibles et grandes possibilités de travail à temps partiel, excellentes infrastructures d'accueil pour les jeunes enfants compensent souvent, dans ces pays, la faiblesse des indemnités accordées aux jeunes mamans pendant le congé de maternité.
Dans ce classement, la France n'arrive qu'en dixième position avec des performances à peine moyennes en ce qui concerne le nombre de crèches, mais très inférieures en matière de flexibilité des horaires et de temps de travail partiel choisi ; seuls les pays méditerranéens font moins bien que nous en ces domaines.
Ces critiques, pour désagréables qu'elles soient, pourraient être salutaires si elles devaient entraîner une modification des comportements individuels et collectifs.
Force est de reconnaître que, en ce qui concerne la flexibilité des horaires et le temps de travail partiel choisi, ces deux notions relèvent, pour l'essentiel, de la responsabilité des entreprises et, dans ce domaine comme dans bien d'autres, de telles mesures sont plus aisées à mettre en oeuvre dans une grande entreprise que dans une petite structure. Or il faudrait pourtant sensibiliser les chefs d'entreprise à ce problème, car les jeunes mamans sont très demandeuses. Certaines entreprises sont d'ailleurs également demandeuses et se tournent vers les collectivités territoriales pour étudier les mesures qui pourraient être prises. Nous pouvons considérer que cela correspond à l'esprit qui anime nos partenaires et s'intègre dans ce que l'on appelle l'environnement de l'entreprise.
On observe qu'une très forte priorité est donnée au plus jeune âge dans l'orientation des prestations familiales. Or cette priorité ne permet pas une augmentation parallèle de l'aide financière accordée aux parents d'enfants plus âgés, alors que chacun sait que le coût de l'enfant, hors frais de garde, a tendance à augmenter avec l'âge.
La Cour des comptes relève également les écarts très importants qui existent entre le coût de la garde d'un enfant en crèche - plus de 10 000 euros par an et par enfant - et celui de la garde par une assistance maternelle - moins de 5 000 euros par an et par enfant - et souhaite une réduction du coût unitaire des places en crèche et une amélioration de la prise en charge financière de la garde par les assistantes maternelles.
Madame la secrétaire d'Etat, notre pays a la chance de bénéficier, à l'heure actuelle, d'un taux de natalité parmi les plus élevés d'Europe, mais nous savons bien qu'il ne suffit déjà plus au renouvellement des générations.
Or un pays qui ne se renouvelle pas, inexorablement, se meurt. Telles sont les raisons pour lesquelles toute mesure visant à concilier la vie familiale et la vie professionnelle sera la bienvenue, de manière à encourager les jeunes couples, dans la mesure du possible, à avoir trois enfants au moins, seule manière, nous le savons bien, de renouveler les générations.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à excuser M. Christian Jacob, qui se trouve actuellement en Chine, et je vous remercie de poser cette question, qui m'amène à confirmer que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale fait l'objet de toutes les attentions de la part du Gouvernement. Le sujet est aujourd'hui primordial, car c'est un souci quotidien pour tous les parents. Nos réflexions et les décisions prises par le Gouvernement ont été guidées à chaque étape par deux soucis : faire simple et offrir de la liberté.
En premier lieu, il faut simplifier.
Faire simple, c'est prévoir une seule prestation au lieu de six auparavant : la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE.
Faire simple, c'est prévoir un numéro de téléphone unique pour tout le territoire national, afin de connaître ses droits.
Faire simple, c'est le chèque PAJE, semblable au chèque emploi-service, pour unique formalité lorsque l'on embauche une assistante maternelle ou une garde à domicile.
En second lieu, il importe d'offrir de la liberté.
La liberté, c'est avant tout avoir le choix de suspendre son activité au moment de la naissance. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a ouvert, pour une durée de six mois, le congé parental rémunéré dès le premier enfant. La conciliation entre les enfants et le travail passe également par le travail à temps partiel. Le Gouvernement a revalorisé la rémunération du congé parental en cas de travail à temps partiel. Ce dernier permet aux parents de ne pas se couper de la vie active. C'est très important, parce que la rupture totale peut facilement conduire au chômage pour celles et ceux qui occupent des emplois peu qualifiés.
La liberté, c'est aussi avoir le choix de son mode de garde : une assistance maternelle, la crèche ou une garde à domicile.
Pour exercer cette liberté, il faut en avoir les moyens financiers. A cet effet, nous avons accru les aides à la garde par les assistantes maternelles. La finalité recherchée est que ce mode de garde ne coûte pas plus cher que la crèche. Ainsi les familles les plus modestes se verront-elles accorder une aide de plus de 150 euros supplémentaires par mois, afin de leur permettre d'avoir recours à une assistante maternelle.
Pour la garde à domicile, l'ancienne allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, est revalorisée, et les déductions fiscales sont majorées, passant de 3 700 à 5 000 euros par an.
Pour que cette liberté puisse être exercée, il faut également - et c'est tout aussi important - que l'offre de garde soit accrue.
Notre pays manque d'assistantes maternelles. Un projet de loi a été présenté voilà deux semaines en conseil des ministres tendant à revaloriser le statut de cette profession, afin de susciter de nouvelles vocations.
L'offre de garde concerne aussi les crèches. Nous mettons en place un « plan crèches » de 200 millions d'euros. Ce plan doit permettre au total la création de 20 000 places de crèches.
Enfin, l'ouverture du secteur au privé permettra d'augmenter l'offre de garde.
Premièrement, 20 % du « plan crèches », soit 40 millions d'euros, sont réservés spécialement à des projets de création de crèches privées. L'aide est importante : 10 500 euros par place créée.
Deuxièmement, les financements des caisses d'allocations familiales, les CAF, seront ouverts aux entreprises. Jusqu'à présent et depuis un vote du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, en 1979, tout financement par les CNAF d'entreprises privées était interdit.
La prestation de service unique des CAF - subvention de fonctionnement des places de crèches représentant de 30 à 40 % du coût de revient - pourra désormais être versée à des entreprises si, bien entendu, elles respectent la barème de tarification institué par la CNAF. Ce barème impose que les parents paient la crèche en fonction de leurs revenus.
Troisièmement, la PAJE est également offerte aux parents qui passent par une entreprise. Pour bénéficier de l'AGED et de l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle, il fallait être employeur direct de sa garde à domicile ou de l'assistante maternelle. Avec la PAJE, les parents peuvent passer par une entreprise. Ce dispositif est très avantageux et simple : les parents bénéficient de 300 à 500 euros par mois et par enfant en cas de garde par une assistante maternelle. L'allocation peut atteindre 725 euros par mois et par famille en cas de garde à domicile. Les avantages fiscaux s'ajoutent à ces montants.
Enfin, quatrièmement, avec le crédit d'impôt famille, le CIF, les entreprises auront intérêt à devenir de vrais acteurs de la politique familiale. Des actions sont menées par les entreprises en faveur de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle de leurs salariés. Le taux de prise en charge fiscale est de 60 %. Le crédit d'impôt permet de financer aussi bien l'investissement que les frais de fonctionnement de places de crèches et toutes les actions en faveur des familles.
Vous pouvez donc constater, monsieur le sénateur, que c'est un véritable plan Marshall que ce Gouvernement a déclenché en faveur de la petite enfance dans un esprit très ouvert, dans le seul objectif de servir les familles.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame le secrétaire d'Etat. Ce plan Marshall me convient parfaitement, mais, parallèlement, il faudrait prévoir un maximum de souplesse dans l'organisation, particulièrement en milieu rural, car le nombre de demandeurs y est faible.
Pour être dans un secteur frontalier du nord-est de la France, je constate que la situation des pays voisins, notamment la Belgique et le Luxembourg, est très différente de celle de la France. Il y aurait peut-être lieu d'européaniser les systèmes.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, auteur de la question n° 427 rectifiée, adressée à Mme la ministre de la défense.
M. Xavier Pintat. Ma question porte sur la création du pôle Héraklès.
Les sociétés SNECMA et SNPE ont entrepris de créer une société commune, Héraklès, regroupant leurs activités dans le domaine de la propulsion solide et des matériaux énergétiques. Il s'agit là de secteurs éminemment stratégiques, car destinés à l'armement et à l'espace.
Quatre ans après le lancement de ce projet, les discussions se poursuivent, marquées par les difficultés rencontrées par les industriels pour répartir entre eux le capital et le contrôle de la future société Héraklès.
Pourtant, à la fin de l'année 2001, un consensus s'était dégagé pour une détention et un contrôle paritaires d'Héraklès par la SNECMA et la SNPE sur la base d'un rapprochement par étapes.
Depuis, la SNECMA a filialisé ses activités de propulsion solide avec la création de SNECMA Propulsion Solide, la SPS, et la SNPE a fait de même en constituant la société SNPE Matériaux Energétiques, la SME.
Ce dossier intéresse particulièrement le département de la Gironde puisque l'établissement SNECMA du Haillan et l'unité SNPE de Saint-Médard-en-Jalles constituent les deux principales entités industrielles de la future société Héraklès.
Ainsi, deux mille trois cents salariés girondins issus de ces sociétés aux cultures et aux métiers différents seront appelés à travailler ensemble. S'ils n'avancent pas en terrain inconnu - les activités militaires et spatiales de leurs sociétés respectives ont depuis longtemps été coordonnées par un groupement d'intérêt économique, le G 2 P - la création d'Héraklès soulève localement des inquiétudes. La récente évolution du paysage social de la SPS en témoigne.
Ces inquiétudes s'appuient, notamment, sur l'abandon d'un rapprochement par étapes pour un transfert global d'activités de la SPS et la SME à Héraklès, au motif qu'une démarche progressive aurait trop différé le processus d'intégration industrielle.
Par conséquent j'aimerais connaître votre sentiment, madame la ministre, sur les conditions de lancement du projet Héraklès.
Tout d'abord, quels bénéfices sont attendus de cette opération et sur la base de quel projet industriel ?
Ensuite, êtes-vous en mesure aujourd'hui d'avancer un calendrier sur la création de cette holding, sachant que la SNECMA et la SNPE ont échangé l'essentiel des données actualisées nécessaires à l'évaluation de leurs apports respectifs à Héraklès ?
Enfin, la détention et le contrôle paritaires d'Héraklès sont-ils toujours d'actualité ?
En d'autres termes, pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser les conséquences économiques, industrielles et sociales prévisibles de ce regroupement industriel ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Le projet Héraklès de rapprochement entre la SNECMA et la SNPE dans les activités de propulsion et d'explosifs doit reprendre, dans la SNPE, toutes les activités stratégiques pour la défense.
Il s'agit d'un bon projet sur le plan industriel. Il répond en effet à un objectif de consolidation de l'industrie française de la propulsion par carburant solide.
Les travaux menés conjointement par les deux entreprises ont mis en évidence les différents aspects de l'intérêt industriel de l'opération. Celle-ci permet de tirer des synergies multiples grâce aux complémentarités des deux industriels.
La conception et la réalisation des produits auxquels les deux industriels travaillent ensemble seront ainsi mieux intégrées et optimisées.
La mutualisation des fonctions de support, des moyens d'essais et de calcul ainsi que des laboratoires permettra également un gain d'efficacité.
Enfin, la préparation de l'avenir sera améliorée, dans l'intérêt de chacune des activités apportées.
Le projet Héraklès permet de renforcer un secteur stratégique pour notre défense et, plus généralement, pour l'ensemble de notre industrie spatiale. Il consacre ainsi la place centrale de notre industrie nationale en Europe.
Cette dimension européenne est loin d'être négligeable. Vous le savez, c'est une de mes préoccupations que d'assurer notre présence au sein des industries européennes et de permettre aux industries européennes de tenir toute leur place face à la concurrence internationale.
Bien entendu, les personnels des entreprises attendent des assurances. C'est légitime, et je puis vous assurer que des garanties leur seront effectivement apportées.
Les préoccupations des personnels de la SNPE portent notamment sur le maintien des activités de diversification, essentielles au plan de charge des établissements.
A ce titre, la diversification du site de Saint-Médard-en-Jalles dans la production d'explosifs pour airbags est d'ores et déjà considérée comme un succès. Les compétences du site seront donc maintenues, voire développées.
D'une façon plus générale, sur le plan social, des négociations s'ouvriront sur les conditions statutaires dès que le rapprochement sera effectif.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement confirme donc le projet Héraklès, qui doit être positif pour l'ensemble des activités issues des deux entreprises. Au nom de l'Etat actionnaire, nous annoncerons, avec mon collègue Francis Mer, les modalités précises de sa mise en oeuvre dans les prochaines semaines.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Je remercie Mme la ministre des éclaircissements apportés sur l'évolution du lancement d'Héraklés et sur la volonté de l'Etat de rester maître du dossier en tant qu'actionnaire.
Ce projet industriel concerne toute l'Aquitaine, où vous vous êtes rendue à plusieurs occasions, madame la ministre, et plus particulièrement le monde aéronautique girondin, très attaché au devenir des entreprises de la défense. Vos propos devraient contribuer à le rassurer.
RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE PÊCHE
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 428, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Jacques Oudin. Madame la secrétaire d'Etat, l'avenir de notre pêche est suspendu à certaines décisions ou procédures, et il convient de trouver des solutions. Se posent, d'abord, la question du renouvellement des flottes de pêche et des procédures de financement pour assurer ce renouvellement, ensuite celle de l'amélioration de la lisibilité pour la gestion des ressources halieutiques.
L'urgence du renouvellement et de la modernisation n'est plus à démontrer. Je m'en tiendrai à deux constats.
Le vieillissement progressif et continu de la flotte est un constat que l'on peut faire à l'échelon national comme à celui de mon département, la Vendée. Un seul chiffre : le nombre des navires de moins de dix ans a diminué de 52 % au cours des années 1997-2002. Nous avons donc bien une flotte vieillissante et la sécurité des marins n'est plus assurée dans les mêmes conditions.
Second constat : le faible renouvellement des navires, ce qui explique d'ailleurs le vieillissement, du fait des contraintes communautaires, qui tiennent tant à l'enveloppe des kilowatts allouée qu'à la baisse constante des quotas déterminés et attribués à chaque type de pêche.
Alors, quelle solution ?
Il faut financer un plan de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche nationale - et vendéenne, car je m'intéresse d'abord à la pêche vendéenne -, et cela avant le 31 décembre 2004. Il y a donc urgence.
Ce plan a été élaboré par le comité régional des pêches maritimes, donc par les professionnels, au premier trimestre 2003. Un accord unanime est intervenu : soixante-dix bateaux doivent sortir de flotte, cinquante-six navires neufs doivent y entrer.
Mais, pour financer ce renouvellement, il faut que le fonds de garantie de l'ASSIDEPA, l'association interprofessionnelle pour le développement de la pêche artisanale, constitué il y a vingt-cinq ans, puisse intervenir. Or des difficultés juridiques, liées au droit communautaire, ont retardé les décisions.
Dans un courrier récent, le ministre chargé de la pêche a cependant ouvert des perspectives de solution. Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous confirmer ces perspectives pour donner à nos professionnels de la pêche quelque espoir dans l'avenir.
Le second problème est celui de la gestion des ressources halieutiques et des modalités de détermination des quotas. Sans poissons, il n'y a pas de bateaux et, sans bateaux, il n'y a pas de pêche ! Pourtant, chaque année, nous assistons à Bruxelles à des débats ubuesques au cours desquels le commissaire Fischler propose des baisses totalement déraisonnables - moins 70 % ou 80 %, voire 100 % ! - des quotas.
Ces méthodes doivent évoluer : elles ne sont plus acceptables. Il faut une meilleure concertation entre les scientifiques, les professionnels et les administrations. Un accord-cadre a d'ailleurs été signé entre l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, et le monde de la pêche.
Madame la secrétaire d'Etat, l'année 2004 permettra-t-elle de mettre au point une méthode acceptable et efficace pour déterminer enfin les meilleures procédures de gestion des ressources halieutiques et de fixation des quotas ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Hervé Gaymard, qui, justement, est en ce moment à Bruxelles pour un Conseil de l'agriculture.
Monsieur Oudin, je vous remercie d'appeler l'attention du Gouvernement sur les projets de renouvellement des navires de pêche de la région Pays de la Loire et sur la possibilité de mobiliser le fonds de garantie del'ASSIDEPA.
Cette demande a été examinée de façon approfondie par les services du ministère.
En première analyse, il s'est avéré impossible de faire appel au fonds de garantie sous sa forme actuelle, en raison de l'origine des fonds qui le constituent et de la présence des collectivités dans son conseil d'administration.
Cependant, les remboursements effectués par les pêcheurs et les cotisations versées dans le cadre du fonctionnement ne sont pas, eux, assimilables à des fonds publics.
Il conviendrait donc d'examiner dans quelle mesure, par une clôture totale ou partielle du fonds de garantie et au moyen d'un transfert à une entité de nature privée, ces fonds pourraient être utilisés pour financer les sorties de flotte de certains navires, en vue de leur remplacement par la suite.
Bien évidemment, toute intervention, directe ou indirecte, de nature publique dans ce mécanisme rendrait caduque cette solution.
S'agissant de la mise en oeuvre du plan de modernisation 2003-2004, notre priorité est de tirer au mieux parti de la possibilité d'octroyer des aides à la construction des navires qui nous est offerte jusqu'au 31 décembre 2004.
Ce plan vise en priorité à renouveler les navires existants, dans un contexte de réduction globale de 3 % de la capacité de la flotte française.
Dans le cas de la région Pays de la Loire, la première enveloppe de capacité octroyée en décembre 2003 sur la base des avis de la COREMODE, la commission régionale de modernisation, permet d'assurer le renouvellement de dix-sept navires sur l'ensemble de la région. En outre, le port des Sables-d'Olonne s'est vu accorder la possibilité de réutiliser la capacité des trois navires naufragés qui ne pouvaient donner lieu à des PME de droit, ce qui devrait permettre de construire deux navires supplémentaires.
La totalité des demandes classées prioritaires par la COREMODE ont été prises en compte, exception faite des créations nettes telles que les entrées en flotte sans contrepartie, lesquelles figuraient d'ailleurs en nombre limité dans la liste.
Une seconde enveloppe sera attribuée de la même manière au cours de l'année 2004. Il reviendra aux COREMODE de classer par ordre de priorité les opérations de construction nette et de renouvellement faisant appel à des compléments de capacité et aux aides publiques. L'enveloppe octroyée sera élaborée à partir de ce classement.
Enfin, afin de garantir que le plan de modernisation bénéficie au plus grand nombre, le Gouvernement a amélioré le dispositif fiscal des SOFIPECHE, qui vise à favoriser l'accession progressive à la propriété, en créant, depuis le 1er janvier 2004, la SOFIPECHE « deuxième chance ». Ce dispositif permettra aux pêcheurs souhaitant renouveler leur outil de travail et ayant des difficultés d'autofinancement au départ d'accéder progressivement à la propriété d'un navire neuf. Il vient s'ajouter aux efforts déjà consentis en matière d'aides directes et indirectes sur 2003 et 2004.
Le Gouvernement est convaincu de la nécessité de tracer le cadre le plus stable possible à nos pêcheurs afin de leur permettre de procéder aux investissements économiquement les plus pertinents.
A cet égard, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que mon collègue Hervé Gaymard a obtenu, en décembre 2003, la prise en compte des paramètres socioéconomiques lors de l'adoption du plan de restauration du cabillaud.
De façon plus générale, cela s'est traduit par une approche pluriannuelle dans la gestion des quotas et par des baisses moins importantes que celles qui avaient été proposées par la Commission pour ces mêmes quotas.
La reconstitution de la ressource est certes un impératif incontournable, mais cet objectif doit en effet également préserver l'équilibre des entreprises et intégrer la notion de progressivité.
Le Gouvernement sera attentif à ce que cette démarche soit poursuivie lors des futures discussions communautaires relatives à la ressource. A cet effet, il s'assurera que les questions posées aux scientifiques, qu'il s'agisse du Conseil international pour l'exploitation des mers ou des instances communautaires, intègrent bien cette dimension.
Il convient de souligner que la charte signée entre le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, l'IFREMER et le ministère chargé de la pêche en octobre dernier permet de préparer ce travail.
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces réponses et je vous demande de bien vouloir transmettre mes remerciements à M. Gaymard : les marins pêcheurs savent qu'il défend leurs intérêts avec acharnement à Bruxelles.
Cela étant dit, il reste des problèmes à résoudre.
Sur le premier point, vous avez tracé des lignes de réforme ou d'adaptation pour l'utilisation du fonds de l'ASSIDEPA. C'est très bien. Maintenant, je ne demande qu'une seule chose : que la mise en oeuvre se fasse vite !
Sur le second point, il est vrai que nous devons protéger nos ressources halieutiques, mais les méthodes de Bruxelles concernant les quotas ne sont pas toujours acceptables. Vous avez parlé du plan de restauration du cabillaud. Pour le merlu, le Parlement européen a rejeté le plan de la Commission. Il faut rénover nos méthodes, et c'est un point auquel le monde de la pêche est très attentif. Il n'est par exemple pas acceptable d'imposer des quotas sur certaines espèces alors qu'on laisse la pêche minotière se développer et vider certains fonds marins de toutes leurs ressources halieutiques.
Nous faisons confiance au Gouvernement, mais nous souhaitons que les choses aillent le plus vite possible d'ici au 31 décembre 2004.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 420, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le service public de l'équarrissage a été mis en place par la loi du 26 décembre 1996 à la suite de la crise de la « vache folle ». Il était en effet indispensable d'adopter des règles sanitaires plus contraignantes.
Une taxe sur les achats de viandes et d'autres produits, dite « taxe d'équarrissage », a été créée afin de le financer. Elle était due par toute personne réalisant des ventes au détail de viandes et de produits carnés ; elle pesait sur la distribution, et, bien évidemment, en fin de course, sur les consommateurs.
La dernière loi de finances a modifié le système mis en place en 1996, en raison de son incompatibilité avec les règles communautaires.
Une nouvelle taxe a été créée. Elle est due à l'Etat par les abattoirs, selon le principe « pollueur-payeur ».
Les abattoirs ne peuvent supporter ce surcoût, qui représente environ 1,34 million d'euros pour un établissement traitant 15 000 tonnes de carcasses, et sont obligés de répercuter ces nouveaux frais.
Mais, alors que l'ancien système était clair - paiement par les distributeurs -, la question centrale de la répercussion du coût de cette nouvelle taxe n'a pas été tranchée.
Certes, M. le ministre de l'agriculture nous avait assuré, lors des débats budgétaires, que ce coût serait répercuté vers l'aval de la filière, c'est-à-dire vers la distribution, dans la logique de l'ancien système.
Mais la non-parution du décret d'application ainsi que le flou de la position du Gouvernement ont engendré une situation de tension tout à fait préjudiciable à un secteur déjà durement éprouvé. En effet, prétextant l'absence de texte d'application, de nombreux distributeurs ont refusé que leur soit facturé le coût de la taxe d'abattage.
Les abattoirs, qui en tout état de cause sont redevables au Trésor public du montant de la taxe, se trouvent ainsi dans une situation financière délicate. Certains ont donc choisi de répercuter le coût vers l'amont, c'est-à-dire vers les éleveurs, en réduisant de 11 à 15 centimes d'euro le prix du kilogramme de carcasse. Les éleveurs s'en sont indignés à juste titre.
L'accord intervenu avec la grande distribution, le 23 janvier dernier, est de nature à rassurer les éleveurs et les gestionnaires d'abattoirs. Il ne règle cependant pas totalement le problème, les autres distributeurs n'étant pas parties prenantes.
Ainsi, à titre d'exemple, seulement 45 % de la taxe concernant les bovins et 20 % de celle qui concerne les porcins seraient répercutés.
La seule mesure préconisée par le Gouvernement est que les abattoirs informent leurs clients du montant de la répercussion de la taxe, par une mention en pied de facture.
Mais cette « information » n'est pas contraignante du fait de la réglementation européenne. On peut donc craindre qu'elle n'empêche pas l'épreuve de force actuelle de se poursuivre. Si le futur décret d'application ne comporte que ce type de disposition, les inquiétudes et les tensions ne sont pas près de disparaître...
Madame la secrétaire d'Etat, l'ensemble de la filière attend du Gouvernement qu'il prenne des dispositions claires et indiscutables quant à la répercussion du coût de la nouvelle taxe d'équarrissage. Il me paraît indispensable que ces mesures ne bouleversent pas les équilibres antérieurs, et surtout que les intérêts des éleveurs et des gestionnaires d'abattoirs soient préservés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre souci de ne pas voir augmenter les prix de la viande au détail.
Permettez-moi de vous apporter les précisions suivantes.
Il n'appartient pas à l'Etat de désigner le ou les maillons de la filière qui doivent supporter les coûts liés au service public de l'équarrissage, le SPE. En effet, cette charge constitue la rétribution d'un service rendu. C'est une charge d'exploitation qui a vocation à être couverte par la vente de la viande.
C'est pourquoi mon collègue Hervé Gaymard a demandé, avec notre collègue chargé des finances, que l'impact sur le prix de la viande à la sortie des abattoirs soit clairement indiqué pour permettre la répercussion. Les termes de leur lettre du 29 décembre dernier seront prochainement repris dans un décret actuellement soumis au Conseil d'Etat. On note d'ailleurs qu'après des débuts difficiles cette répercussion se met en place, notamment auprès des grandes surfaces.
Les abattoirs ne font pas l'avance des sommes, le service étant rendu deux mois avant la perception de la taxe correspondante.
Toutefois, bien que le dispositif que le Parlement a voté soit entré en vigueur le 1er janvier 2004, il a été décidé, en accord avec notre collègue chargé des finances, de différer le recouvrement de la taxe d'abattage, initialement prévu à partir de ce 20 février. Cela a été officiellement confirmé aux organisations professionnelles le 19 février.
Dernier point : le prix de la viande.
Je citerai deux chiffres pour clarifier le débat. La taxe d'abattage instituée par le Parlement devrait générer 156 millions d'euros, permettant de couvrir les trois quarts du coût du SPE, le solde étant financé par l'Etat. La taxe sur les achats de viande abrogée par le Parlement a rapporté environ 500 millions d'euros en 2003. La simple comparaison de ces deux chiffres montre bien que la réforme du financement du SPE ne pourrait expliquer une augmentation du prix de la viande.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de souligner que l'Etat a consacré 240 millions d'euros à la gestion des déchets à risques en 2001, contre seulement 48 millions d'euros en 2004.
Si je ne conteste pas la nécessité de cette nouvelle taxe, la question est de savoir par qui elle doit être financée. Elle ne doit pas l'être par les éleveurs, qui voient leurs revenus stagner, sinon régresser, ni non plus par les abattoirs, qui ont des marges extrêmement faibles. Si la moitié des abattoirs appartient au secteur public, aux collectivités territoriales, les coopératives en possèdent en réalité la plus grande partie puisque seuls 10 % d'entre eux relèvent vraiment du secteur privé.
Faire supporter le financement des abattoirs publics par leurs propriétaires, c'est-à-dire par les collectivités territoriales, se traduira par de nouveaux transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales, c'est-à-dire vers les contribuables. Et si l'on ne recourt pas aux contribuables par le biais de subventions des collectivités aux abattoirs, qui paiera en définitive ? Les intermédiaires ou le consommateur final ?
Il faut organiser une table ronde, en concertation avec la profession et les propriétaires d'abattoirs, car ce que l'on voit poindre n'est satisfaisant, à mon sens, ni pour ceux qui sont le plus en amont, c'est-à-dire pour les éleveurs, ni pour ceux qui sont en aval, c'est-à-dire pour les consommateurs.
INTERDICTION DE CERTAINS INSECTICIDES
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 423, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà huit ans que j'interpelle les ministres de l'agriculture des gouvernements successifs sur la nécessaire interdiction du seul Gaucho, au début, puis étendue au Régent TS, mais sans grand succès, je dois bien le reconnaître.
Ont été constatées des mortalités anormales d'abeilles, parfois même de véritables hécatombes, comme ce fut le cas au printemps 2003, dans la région Midi-Pyrénées, faisant suite à ce qui s'est passé au cours de l'année 2002 dans tout le sud-ouest du pays.
Parmi les faits les plus marquants, il faut également noter la disparition de 21 % du nombre des ruches en Vendée après l'hiver de 2002, dont les conséquences économiques sont évidentes.
En huit ans, 10 000 apiculteurs et 500 000 ruches, soit le tiers du cheptel agricole, ont disparu. La production de miel est devenue déficitaire et nous devons importer 24 000 tonnes de miel. Toujours en Vendée, on a noté une baisse de 70 % de la récolte de miel.
Madame la secrétaire d'Etat, le sujet est grave.
Ma première question est simple, mais directe : pourquoi le Gouvernement français resterait-il le seul à ne pas reconnaître l'influence toxique du Gaucho et du Régent TS et de leurs molécules, l'Imidaclopride et le Fipronil, sur la vie ou plutôt sur la mort des abeilles et de la faune pollinisatrice ? La position du Gouvernement a-t-elle évolué ? Votre réponse nous le dira, mais si j'en crois les déclarations faites hier par plusieurs ministres, elle évolue et, croyez-le bien, je m'en félicite.
Nous avons appris lundi, par une dépêche d'agence, que Mme la ministre de l'environnement se prononçait pour la suppression totale du Gaucho et du Régent, y compris pour la suppression des stocks.
Quant à M. le ministre de l'agriculture, il s'est prononcé, lors d'une conférence de presse, hier après-midi, pour la suppression de l'utilisation du Régent TS, mais pour l'utilisation des stocks existants. Allez-vous, madame le secrétaire d'Etat, le confirmer ? Nous attendons de connaître la position officielle du Gouvernement, car entre la destruction et l'utilisation des stocks et des semences imprégnées, la différence est, vous le reconnaîtrez, de taille ! Enfouis en terre, le Gaucho et le Régent TS restent en effet actifs de nombreuses années.
Le Gouvernement est-il bien d'accord pour que l'interdiction porte sur la fabrication, la commercialisation et l'utilisation du Gaucho et du Régent TS, avec destruction immédiate des stocks existants ?
Ma deuxième question concerne l'indemnisation des 10 000 apiculteurs « ruinés » et de ceux - ils seraient aussi nombreux - qui connaissent un déclin d'activité. Que prévoit le Gouvernement pour assurer la survie de ces derniers et aider à la reprise d'activité des premiers ? Comment Bayer et BASF contribueront-ils à cette réparation ? Ces deux groupes en ont les moyens.
Vous le savez, Bayer envisage, d'une part, d'investir pour un montant de 6 milliards d'euros et, d'autre part, de créer de nouvelles activités en Chine, au Japon, en Asie du Sud-Est. BASF, quant à lui, compte 350 usines regroupant 100 000 salariés, avec une production répartie dans quarante pays. L'indemnisation des apiculteurs français ne mettrait donc pas en péril les profits colossaux réalisés par ces deux grands de l'agroalimentaire et de l'industrie chimique.
Quels moyens le Gouvernement prévoit-il de prendre pour favoriser la renaissance de l'apiculture française ?
Ma troisième question sur laquelle le Gouvernement ne semble pas s'être exprimé concerne l'utilisation de nouvelles molécules semblables à celles qui sont incluses dans le Gaucho et le Régent TS. Je pense notamment aux molécules Poncho et Thiametoxam. Est-il vrai que ces molécules appartiennent à la même famille chimique que le Fipronil et qu'elles pourraient bien être mises sur le marché dans quelques mois ? Est-il également vrai, madame la secrétaire d'Etat, que l'utilisation de ces molécules produirait les mêmes effets ? L'utilisation des stocks existants permettrait-elle de faire la « soudure » ?
Ma quatrième question porte sur les procédures d'homologation et de mise sur le marché de produits qui se révèlent toujours dangereux, voire mortels.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour que des comités d'experts indépendants et compétents en apidologie puissent désormais, dans la plus grande transparence, publier le fruit de leurs travaux et de leurs conclusions et puissent également faire l'objet d'un contrôle de la part des acteurs des filières intéressées ?
Le système actuel est laxiste, incohérent, incompétent, ce qui explique les atermoiements que nous connaissons depuis dix ans au sujet de la toxicité du Gaucho et du Régent TS.
Mais, madame la secrétaire d'Etat, nous sommes entrés dans le domaine non plus de la simple disparition d'espèces sauvages ou apprivoisées, mais du développement durable, que vous connaissez bien, et de la santé publique. Confirmez-vous, par exemple, que le lait des vaches mangeant le maïs traité soit à son tour contaminé ? L'exemple de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, ou du sang contaminé nous appelle à une prudence rigoureuse. Nous attendons donc les réponses du Gouvernement en la matière, madame la secrétaire d'Etat.
Enfin, à quelle date sera publié l'arrêté ministériel ou interministériel qui mettra fin à l'utilisation du Gaucho et du Régent, ces substances devenues aujourd'hui empoisonneuses publiques ? Ces questions sont d'actualité, madame la secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Madame la sénatrice, la commission d'études de la toxicité a remis à la fin du mois de janvier, dans le cadre de la procédure communautaire de réévaluation de la molécule Fipronil, un avis accompagné d'une monographie dans lequel elle recommande de ne pas inscrire cette molécule sur la liste des substances autorisées.
Cet avis se fonde sur « l'insuffisance d'informations permettant de caractériser notamment le comportement de la substance dans l'environnement et ses conséquences sur la faune sauvage ». Mon collègue Hervé Gaymard a lui-même transmis un avis à l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'AESA, et proposé, en l'état actuel de nos connaissances, d'en suivre les préconisations.
Conformément aux principes généraux du droit, dès réception de cet avis, il a engagé parallèlement la procédure contradictoire destinée à permettre tant à l'industriel qui fabrique ce produit qu'aux utilisateurs concernés de faire valoir leurs observations.
A l'issue de cette procédure et après avoir procédé aux consultations interministérielles nécessaires, il a décidé, se fondant sur les articles L. 253-6 et R. 253-46 du code rural relatifs aux décisions de retrait ou de modification des autorisations de mise sur le marché, ainsi que sur l'article L. 110-1 du code de l'environnement, relatif au principe de précaution, de suspendre les autorisations de commercialisation des spécialités à usage agricole à base de Fipronil.
Cette décision concerne les produits suivants : le Régent TS, le Régent 5 GR, le Schuss, le Métis, le Texas et le Zoom. Elle s'appliquera, sauf fait scientifique nouveau dûment établi, jusqu'à ce que l'Autorité européenne de sécurité des aliments prenne position.
Concrètement, cette suspension entraîne l'interdiction de commercialiser ces produits et de les utiliser sur le territoire national. Cette décision s'appliquera à compter de sa notification à BASF, qui interviendra demain. Elle sera portée à la connaissance des utilisateurs de ces produits par publication au Journal officiel dans les meilleurs délais.
Dans ce type de décision, l'article R. 253-46 du code rural permet au ministre chargé de l'agriculture d'« accorder un délai pour supprimer, écouler, utiliser les stocks existants dont la durée est en rapport avec la cause du retrait ».
Une question particulière se pose en cette période de l'année pour les semis de printemps. A cette date, en effet, la quasi-totalité des semences enrobées est déjà chez les distributeurs ou chez les agriculteurs.
Compte tenu des motifs sur lesquels se fonde l'avis de la commission d'études de la toxicité, il a paru possible d'autoriser les agriculteurs à utiliser pour les semis de printemps les semences déjà enrobées dont ils disposent.
Je rappelle que l'avis de la commission d'études de la toxicité se fonde sur les risques encourus pour l'environnement et les espèces sauvages. Ce même avis précise qu'il n'y a pas de risques d'effets nocifs pour le consommateur ni pour ceux qui appliquent ce produit s'ils respectent les précautions d'emploi.
L'ensemble de ces décisions concerne, je le rappelle, tous les produits à usage agricole à base de Fipronil.
La molécule qui entre dans la fabrication du Gaucho a des propriétés comparables à celles du Fipronil. C'est la raison pour laquelle M. Hervé Gaymard a décidé de demander à la commission d'études de la toxicité de rendre, dans le délai d'un mois, un avis permettant de mettre à jour ses avis précédents à la lumière de ce nouveau texte.
Parallèlement, il a demandé aux services de son ministère d'engager la procédure contradictoire qui permettra au fabricant du Gaucho et à ses utilisateurs de faire valoir leurs observations sur une éventuelle suspension d'autorisation de mise sur le marché de ce produit, en intégrant toutes les données disponibles.
Enfin, il a décidé, avec ses collègues chargés de la santé, de l'écologie et du développement durable, et de la consommation, de saisir l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et l'AFSSE, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, afin de lever les incertitudes liées à certains avis d'experts qui paraissent contredire celui de la commission des toxiques au regard du risque pour la santé humaine.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mme la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, je suis un petit peu déçue par vos propos.
Alors que personne ne conteste plus la toxicité du Gaucho - seul le Régent TS est interdit pour le moment -, il est toujours autorisé. La décision que vous prenez est grave puisque le Gaucho a été utilisé bien avant le Régent TS.
En outre, M. le ministre de l'agriculture ne prend pas vraiment une position claire. Il demande, en effet, à la commission d'études de la toxicité, dans le cadre d'une procédure communautaire, de réaliser une nouvelle étude pour le Gaucho, ce que ne je comprends pas très bien.
S'agissant des stocks, si je vous ai bien comprise, les semences qui sont déjà commercialisées et sont déjà chez les agriculteurs vont être utilisées au printemps. Puisque la toxicité de ce produit est avérée, pourquoi n'interdit-on pas dès le printemps son utilisation ?
Je le réaffirme, tous les stocks doivent être détruits, y compris les semences imprégnées. Tout le monde l'aura bien compris, il s'agit non pas là d'un produit que l'on vaporise sur les cultures, mais bien d'une semence imprégnée de cette molécule.
En n'affichant pas une position claire, j'ai l'impression que le Gouvernement, par l'intermédiaire de M. le ministre de l'agriculture, est en train de gagner du temps dans l'attente de nouveaux produits qui se substitueraient au Gaucho et au Régent TS. Sinon son attitude ne s'explique pas ! Quoi qu'il en soit, les apiculteurs ne vont pas apprécier votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, car, contrairement à ce qu'ils attendaient, la décision est reportée.
Par ailleurs, vous êtes restée silencieuse sur l'indemnisation des apiculteurs. Ne va-t-on pas vers la disparition de l'apiculture française ? Certaines régions sont déjà touchées et, même si certaines des mesures nouvelles sont intéressantes, elles ne visent en réalité qu'à renforcer certains contrôles qui auraient dus être réalisés depuis très longtemps. Il ne s'agit donc là que de simples mesures d'accompagnement.
Enfin, il est décevant que vous ne nous ayez pas donné la date de publication de l'arrêté ministériel au Journal officiel. Ne nous acheminons-nous pas vers de nouvelles procédures judiciaires, comme celle du sang contaminé ?
Je reconnais ce matin qu'un petit pas a été fait, mais l'urgence appelait des mesures radicales, qui n'ont toujours pas été prises. La situation étant particulièrement grave, nous craignons, je le répète, une multiplication du nombre des procédures judiciaires.
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, auteur de la question n° 424, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Marcel Deneux. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les conditions de la réforme de la politique agricole commune.
En effet, cette réforme, qui doit être mise en oeuvre dans les Etats membres de l'Union européenne entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2007, prévoit, d'une manière générale, de subventionner l'agriculture non plus seulement en fonction de la production agricole, mais, selon le procédé du découplage, sur la base des aides perçues pour les années 2000 à 2002. Elle laisse toutefois aux Etats membres des possibilités d'adaptation, grâce au découplage partiel.
Ainsi, le Gouvernement est placé devant un double choix : il doit arrêter, d'une part, la date et, d'autre part, la méthode - découplage total ou partiel - de la mise en application de la réforme en France.
Depuis le mois de septembre 2003, l'ignorance de la date et de la méthode de mise en oeuvre de la PAC crée un véritable vide juridique, source d'inquiétudes et d'incertitudes. En effet, tant que les modalités de la réforme ne sont pas connues, les propriétaires-exploitants sont tentés de ne pas céder leur exploitation, attendant d'obtenir la prime qui la valorisera peut-être. Ainsi, si la réforme n'entre en vigueur qu'en 2007, nous serons confrontés à une crise due au gel des transferts fonciers.
Pour ceux qui vendent, les actes de cession contiennent désormais des clauses suspensives qui ont pour objet la transmission des droits futurs. En outre, les droits étant détachés de l'exploitation, une personne primable peut bloquer pendant trois ans le montant de l'aide, alors même qu'elle n'exploite plus de terres. Si la réforme n'intervient qu'en 2007, les droits pourraient être bloqués jusqu'en 2010 !
Je voudrais donc savoir quand le nouveau régime entrera en vigueur et dans quelle mesure le découplage sera appliqué. En effet, compte tenu de la recrudescence des clauses suspensives dans les actes de vente, des nombreux contentieux qui pourraient voir le jour et des risques de gel des transferts fonciers, gel qui empêcherait les jeunes de s'installer, je me demande s'il ne serait pas souhaitable de mettre en place un régime transitoire reconnaissant l'attachement des primes au fonds et non à la personne de l'exploitant.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, les préoccupations que vous énoncez sont réelles, et le Gouvernement en reconnaît le bien-fondé.
Aussi, afin de mettre fin à l'incertitude relative aux modalités d'application de la réforme de la PAC, mon collègue Hervé Gaymard, après une large consultation des organisations professionnelles agricoles, a annoncé au cours du conseil des ministres du 18 février 2004, les choix de la France.
La France mettra le découplage en oeuvre en 2006. Cette mise en oeuvre, fondée sur des références historiques, sera préparée en 2005 par une simulation, de sorte que les correctifs qui pourraient se révéler nécessaires pour prendre en compte l'évolution des situations individuelles puissent encore être apportés avant la mise en application effective en 2006.
Les aides aux grandes cultures et à l'élevage resteront couplées dans toute la mesure permise par l'accord de Luxembourg, c'est-à-dire partiellement couplées en métropole et totalement couplées dans les départements d'outre-mer. Ainsi, en métropole, 25 % des aides aux grandes cultures resteront couplées ; dans le secteur de l'élevage, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ainsi que la prime à l'abattage pour le veau resteront intégralement couplées. Les autres primes à l'abattage resteront couplées à 40 %, et la prime ovine et caprine à 50 %.
Le marché des droits à paiement sera encadré afin d'éviter notamment la déprise agricole et de décourager les comportements spéculatifs.
Afin que la transition se déroule dans la plus grande sécurité juridique possible pour les agriculteurs, la France demandera à la Commission, pour les mutations affectant l'exploitation du foncier pendant cette période, que les droits à paiement puissent rester attachés au foncier.
Le résultat de ces démarches devrait être connu au début du mois d'avril 2004. A partir de cette date, les conditions régissant la période de transition seront stabilisées et les transferts de fonciers pourront s'opérer dans un cadre juridique garantissant la sécurité des transactions.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait partiellement.
J'ai pris acte de l'annonce, faite la semaine dernière en conseil de ministres, concernant le découplage et ses modalités d'application. Cependant, elle ne couvre pas le marché des droits à paiement, dont la France, dites-vous, demandera à la Commission le rattachement au foncier pendant la période de transition. C'est en effet l'un des moyens de stabiliser les conditions qui régissent cette période.
Il me reste donc à souhaiter que le gouvernement français réussisse dans sa démarche, qui vise à demander une dérogation à l'accord général, et ce dans les meilleurs délais, afin que nous sortions de la période actuelle d'incertitude.
Je ne doute pas que le Gouvernement fera le maximum pour aboutir.
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Pierre Hérisson membre du Conseil consultatif de l'internet.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS
M. le président. J'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Gabrielle Scellier, qui fut sénatrice de la Somme de 1973 à 1977, et Henri Moreau, qui fut sénateur de la Charente-Maritime de 1978 à 1980.
DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 183, 2003-2004) pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. [Rapport n° 210 (2003-2004).]
Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'orée de ce débat législatif tant attendu par les personnes handicapées et leurs familles, je voudrais tout d'abord, en votre nom à tous, me féliciter de ce que ce projet de loi, qui constitue la première réforme d'importance en leur faveur depuis la loi d'orientation de 1975, ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat.
J'y vois là un hommage à la grande qualité des travaux menés par le Sénat dans ce domaine, notamment par sa commission des affaires sociales.
A cet égard, je voudrais tout particulièrement évoquer le rapport d'information de M. Paul Blanc et la proposition de loi de MM. Nicolas About, Paul Blanc et Mme Sylvie Desmarescaux sur la compensation du handicap.
Par ailleurs, le Sénat a toujours porté la plus grande attention au problème de l'accueil des personnes souffrant d'un handicap physique.
Depuis plusieurs années, grâce à l'appui de MM. les questeurs, de nombreux équipements ont été réalisés pour faciliter l'accès des handicapés à nos locaux, en dépit des grandes difficultés pratiques résultant des particularités architecturales du palais du Luxembourg, construit au xviie siècle par Marie de Médicis.
J'ajoute que, plus récemment, nous avons fait en sorte de rendre notre site Internet accessible aux malvoyants et aux non-voyants.
Cela étant, beaucoup reste à faire pour une meilleure intégration des personnes handicapées dans la vie quotidienne au sein de notre société, afin qu'y triomphe la fraternité.
Je forme le voeu que, par-delà les clivages politiques, nous sachions trouver ensemble, au fil de nos débats, les meilleures solutions pour y contribuer.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de me réjouir, à la suite de M. le président du Sénat, que le texte dont nous abordons aujourd'hui l'examen ait été déposé en premier lieu sur le bureau de la Haute Assemblée.
C'est là un hommage et une marque de reconnaissance pour le travail accompli notamment par M. Paul Blanc, ainsi que pour le rôle important joué par la Haute Assemblée et sa commission des affaires sociales, présidée par M. Nicolas About, s'agissant de ce sujet de société majeur.
Dans l'ensemble des missions que le Gouvernement s'attache à mener à bien, celle que j'ai l'honneur de conduire avec Marie-Thérèse Boisseau revêt un sens particulier et appelle de notre part à tous un surcroît d'engagement et d'esprit de responsabilité. Tout projet de loi vise à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, mais lorsqu'il s'agit des personnes handicapées, nous sommes immédiatement confrontés à des événements souvent douloureux, auxquels il faut donner un sens. Nous ressentons, plus qu'en d'autres circonstances, ce que notre société peut parfois avoir d'inhumain. Nous savons que l'enjeu est d'entretenir l'espoir, parfois vacillant, que la vie vaille toujours la peine d'être vécue.
Les progrès de la médecine permettent aujourd'hui aux personnes handicapées de vivre beaucoup plus longtemps, mais cette évolution heureuse se transforme en une source d'angoisse pour leurs parents : « Que va-t-il devenir lorsque nous ne serons plus là ? » En dépit des efforts des pouvoirs publics, nous manquons en effet encore cruellement de foyers pour adultes et de maisons pour les personnes handicapées vieillissantes. Quand je vois un trisomique 21 âgé de quarante ans ou un autiste adulte dans un hôpital psychiatrique, je ne peux m'empêcher de penser que la société porte une lourde responsabilité, car là n'est pas leur place !
La compassion et le respect qui incombent à chacun d'entre nous, élargis à la collectivité, deviennent un devoir de solidarité, un devoir de non-abandon, un devoir d'action des responsables publics. C'est pourquoi le Président de la République a fait de la politique en faveur des personnes handicapées l'une des priorités de son action.
Il nous faut, dans le domaine du handicap, faire désormais l'économie des discours convenus et agir, car l'équité d'une société, son dynamisme aussi, se jugent, j'en suis profondément convaincu, à la manière dont elle traite les personnes handicapées. Il appartient donc à la fois à chacun d'entre nous et aux pouvoirs publics de manifester que la dignité d'un homme n'est pas sujette à quantification et ne se mesure pas à l'aune de la capacité physique ou intellectuelle.
D'ores et déjà, bien des avancées ont été promues sur le terrain, et une nouvelle étape s'est engagée avec la réforme de solidarité pour les personnes dépendantes, dont le Premier ministre a annoncé, le 6 novembre dernier, les grandes lignes et le calendrier.
Il s'agit d'une réforme sociale sans précédent. En invitant les Français et les Françaises à travailler un jour de plus chaque année au profit des personnes dépendantes, du fait d'un handicap ou de l'âge, le Gouvernement établit le lien entre l'obligation individuelle et l'obligation commune et générale de venir en aide aux plus fragiles d'entre nous, conformément à notre nature même, qui est de vivre ensemble. Il dégage, pour cela, des moyens considérables : 9 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2008, soit 20 % de crédits en plus pour la dépendance.
Le projet de loi qui vous est soumis, appuyé par des moyens financiers largement accrus, est ainsi l'aboutissement d'efforts convergents. L'ambition qui le sous-tend est majeure, à la mesure des avancées qu'il nous faut réaliser. Notre arsenal juridique est déjà riche ; pourtant, il faut le compléter, le rénover, en assurer la relève. La loi fondatrice du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées a permis de reconnaître les besoins spécifiques liés au handicap et de favoriser l'intégration sociale des personnes handicapées.
Cette loi a posé une obligation nationale de solidarité envers les personnes handicapées. Elle a créé un socle de droits particuliers pour les enfants handicapés, en organisant pour eux une éducation spéciale et une allocation spéciale d'éducation. Elle a institué, enfin, un corpus de droits pour les adultes handicapés, en organisant pour eux l'emploi protégé, une garantie de ressources et un ensemble de prestations particulières, dont l'allocation pour adultes handicapés et l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Ces acquis ont été complétés par le biais de divers textes, notamment la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés ou, récemment, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ces textes ont permis des avancées, mais insuffisantes, trop ponctuelles ; parfois, leurs dispositions en sont restées à la pétition de principe. Aussi la tâche qui est devant nous est-elle encore considérable.
Le texte qui vous est soumis a été préparé par Marie-Thérèse Boisseau avec une ambition : privilégier le caractère effectif des dispositions. Les personnes handicapées bénéficieront d'un droit à la compensation des conséquences de leur handicap, celui-ci étant, pour l'heure, demeuré de l'ordre de l'incantation. Ce droit se traduira par une prise en charge personnalisée des surcoûts de toute nature qu'elles supportent : livres scolaires en braille, chien d'aveugle, fauteuils spécialisés, présence d'auxiliaires de vie. Un effort considérable sera consenti pour que les personnes handicapées puissent, comme toutes les autres, accéder à l'école, à l'université, aux transports, au logement, à l'emploi. Les prestations auxquelles elles ont droit seront simplifiées. Tout sera mis en oeuvre pour qu'elles puissent développer leurs capacités et mener une vie conforme à leurs aspirations.
Pour y parvenir, il nous faut aussi modifier le regard que nous portons sur les personnes handicapées ; plutôt que vers le handicap, nous devons nous tourner vers la personne handicapée, reconnaître les différences pour les respecter, offrir à tous les mêmes chances de participer à la vie collective, de donner un contenu concret à l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dispose que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». En un mot, il convient de permettre aux personnes handicapées le plein exercice de leur citoyenneté, car la question du handicap est aujourd'hui non plus seulement une question de prestations de soins, mais aussi une question de citoyenneté. La politique du handicap participe de la création d'une société intégrée, fondée sur la diversité. Pour cela, il nous faut promouvoir des mesures spécifiques qui favorisent l'autonomie des personnes handicapées et l'égalité des conditions de vie, aménager la société pour une pleine participation de tous à la vie sociale.
« Handicap » est un mot ; être handicapé est une réalité complexe.
D'un côté, le courant médical voit dans le handicap un état pathologique, une imperfection dans la constitution physique ou mentale d'un individu. L'accent est mis sur les modifications du corps d'origine pathologique ou physiologique pouvant entraîner des limitations de capacité. A cette explication individuelle du handicap correspond la mise en place d'un système de réparation médicale ou sociale et d'un système de compensation fonctionnelle ou sociale. Notre barème d'évaluation des handicaps y fait référence et établit des taux de handicap qui ouvrent droit à certaines prestations.
De l'autre, le courant social voit dans le handicap le résultat de la confrontation entre un être humain, avec ses capacités, et son environnement, avec ses exigences. La question du handicap est perçue comme étant surtout un problème créé par la société, et principalement comme une question d'intégration complète des individus dans la société.
Résumons : d'un côté, c'est la lésion ou déficience corporelle pathologique qui rend les personnes handicapées ; de l'autre, c'est la société qui crée les situations de handicap.
De ces analyses, certains ont conclu qu'il fallait désormais parler de situations de handicap et non plus de personnes handicapées et que l'accessibilité devait avoir la priorité sur la compensation.
Face à ces théories, je veux vous dire que nous ne devons pas confondre le savant et le politique. Au savant, il revient d'élaborer théories et modèles, mais n'oublions pas que toute théorie est toujours une reconstruction partielle et rationnelle de la réalité. Le pouvoir politique a non pas à arbitrer entre des théories ou des modèles, mais, dans une perspective instrumentale, à s'en inspirer pour apporter la réponse concrète attendue par les citoyens, en s'attachant à saisir la réalité dans sa complexité.
Le handicap naît toujours de la confrontation d'un individu avec une situation trop exigeante pour ses capacités. Nous sommes tous exposés à nous trouver, à un moment donné, en situation de handicap ; nous ne sommes pas pour autant handicapés. Beaucoup de parents sont handicapés, par rapport à leurs enfants, devant les mystères d'un ordinateur ou même d'un appareil électronique programmable ! Nos neurones sont ainsi faits, ainsi habitués, ainsi formés, que nous mettons parfois des heures à comprendre un mode d'emploi que nos enfants, d'instinct ou presque, vont appréhender d'emblée.
En outre, nous sommes dans une société de plus en plus exigeante sur le plan des performances matérielles et intellectuelles. Du coup, sans états d'âme, elle marginalise tous ceux qui ne sont pas capables de comprendre et de maîtriser les progrès technologiques. Le handicap comporte alors, par essence, une composante sociale. Il n'est plus nécessaire d'être malade pour être handicapé.
Cependant, selon qu'il est plus ou moins aménagé, l'environnement peut accentuer ou non le handicap. Telle journaliste aveugle nous dira ainsi ne pas être en situation de handicap lorsqu'elle se trouve derrière son micro. A un moindre degré, une personne atteinte de trisomie 21 est beaucoup moins gênée dans sa vie quotidienne en milieu rural qu'elle ne le serait en milieu urbain, où le seul fait de devoir prendre un billet de bus ou de train à un distributeur automatique en déconcerte plus d'un.
Ce serait pourtant commettre l'erreur inverse que de dissoudre dans la société l'ensemble des problèmes auxquels se trouve confrontée une personne handicapée. L'UNAPEI, l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, ne se trompe pas lorsqu'elle rappelle opportunément que « nier la part prise par la déficience ou l'incapacité procède d'une vision peu conforme à la réalité ».
Disons-le clairement : la politique du handicap ne s'épuise ni dans l'environnement ni dans l'accessibilité, car le handicap est tout autant le résultat de facteurs d'environnement que d'un état de santé ou d'une déficience. Tout autant, mais pas exclusivement !
Le projet de loi dont vous allez débattre part de la personne handicapée et nous avons veillé à ne pas confondre la politique du handicap avec la politique générale de l'accessibilité.
Le premier droit de la personne handicapée, c'est le droit à la compensation de son handicap. Ce droit est inscrit dans notre corpus juridique, mais, vous le savez, on ne s'est pas suffisamment soucié, jusqu'à aujourd'hui, de sa concrétisation.
Le projet de loi vise à en faire un droit à une compensation personnalisée, construite avec la participation de l'intéressé et de ses proches, à partir d'une évaluation de ses besoins dans son environnement ordinaire et compte tenu de son projet de vie. La compensation est un droit premier.
Quel que soit par ailleurs le degré d'accessibilité de la société, qu'il existe ou non des barrières architecturales, des transports adaptés, que serait la personne handicapée motrice si elle n'avait ni le fauteuil ni l'auxiliaire de vie qui lui sont nécessaires ?
Quel que soit l'aménagement de l'environnement, une personne aveugle ou mal voyante parcourt une distance d'un point à un autre plus lentement et avec plus de risques qu'une personne sans déficience. La compensation ne consiste pas seulement à fournir une aide technique (une canne), animalière (un chien d'aveugle), ou humaine (un auxiliaire de vie) ; elle doit aussi prendre en compte le surcoût lié au temps.
L'idée s'est formée que l'accessibilité de la cité amoindrirait le besoin de compensation. Cette vision est profondément réductrice. Dès lors que la société est accessible - bâtiments, équipements sportifs ou culturels, salles de cinéma, etc. - de nouveaux besoins naissent, liés notamment à des déplacements plus fréquents et, par conséquent, à des demandes plus grandes en aides humaines et techniques. Ces nouveaux besoins représentent autant de succès et d'espoirs. A-t-on réfléchi, par exemple, aux besoins nouveaux de compensation liés à l'exercice des sports, voire des sports de compétition, en termes de moyens techniques et d'aides humaines, par exemple d'entraîneurs ? Une meilleure accessibilité entraînera davantage de compensation, et c'est heureux, car c'est bien ainsi que les personnes handicapées participeront pleinement à la vie de notre société.
Notre politique du handicap a largement oublié la personne au profit du handicap. Remettre la personne au coeur de nos préoccupations, c'est lui donner, autant que faire se peut, la possibilité de choisir librement son mode de vie, notamment son mode de résidence.
La principale réponse que nous ayons apportée aux personnes handicapées a été institutionnelle. Nous avons créé des établissements spécialisés pour l'hébergement, le soin, l'éducation, le travail. Cette politique est parfois analysée comme une forme de ségrégation ainsi qu'une forme de dépendance à l'égard des institutions caritatives et de l'Etat freinant toute forme de participation à la vie de la cité.
En vérité la vie en institution n'est une ségrégation que si elle n'est pas choisie, si elle est imposée comme seule alternative au délaissement. Le domicile peut n'être lui-même qu'une assignation à résidence. Ce qui importe, c'est que la personne ait le libre choix de son mode de vie, le libre choix du domicile ou de l'établissement, par conséquent, qu'elle dispose d'une solution adaptée à ses besoins, soit à domicile, soit en établissement, soit en combinant les deux. C'est pourquoi nous devons poursuivre notre effort de création de places tout en diversifiant la gamme des intermédiaires entre le domicile et l'établissement.
En Suède, le choix a été de faire disparaître progressivement des institutions spécialisées au profit de logements intégrés dans la cité qui sont généralement des résidences services de quatre à six logements indépendants ou bien des appartements thérapeutiques disposant d'un service commun d'aide et un personnel disponible 24 heures sur 24.
Mais nous devons dans le même temps solvabiliser les personnes pour leur offrir le libre choix du domicile ou de l'établissement. C'est le sens de la prestation de compensation en aides humaines, ouverte sans condition de ressources, mais modulée en fonction des capacités contributives de l'allocataire. Ainsi, la personne lourdement handicapée qui souhaite vivre à domicile doit obtenir une prestation dont le montant maximum est déterminé par le coût moyen d'une place en établissement sous réserve du prix de la préférence de domicile.
Le choix de la personnalisation de la politique du handicap conduit tout naturellement à privilégier la gestion de proximité pour apprécier les besoins, qui varient en fonction du lieu de vie choisi, de l'environnement familial et du contexte social.
La réponse politique adaptée tient compte des potentialités et des projets de chacun ; elle se donne les moyens d'assurer un suivi qui garantisse la continuité et l'efficacité des mesures de compensation accordées.
Cette gestion de proximité ne doit pas conduire cependant à des inégalités de traitement. Il appartient à l'Etat d'assurer cette égalité sur l'ensemble du territoire, notamment en imposant aux collectivités locales une logique de droits et non plus d'assistance. Tel est le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui verra le jour d'ici à la fin de l'année.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pendant longtemps, l'existence des personnes handicapées, tout comme leur marginalité ont été masquées par leur mortalité précoce, par la solidarité familiale ainsi que par des modes de vie moins sélectifs qu'ils ne le sont aujourd'hui. Paradoxalement, notre société favorise la survie et le traitement médical des handicaps tout en se montrant plus dure, plus intransigeante à l'égard des personnes handicapées.
Le projet de loi qui vous est présenté - et je tiens en cet instant à témoigner à Marie-Thérèse Boisseau toute ma gratitude et mon admiration pour la qualité du travail fourni - a l'ambition de rendre la société plus attentive aux personnes handicapées, plus accueillante et plus humaine, tantôt par le droit, tantôt par la sanction ou l'incitation financière. Tous les acteurs sociaux sont invités à prendre en compte le handicap, qu'il s'agisse de l'école, de l'entreprise, des services publics - mon cher Jean-Paul Delevoye, je vous remercie de votre présence dans ce débat -, des architectes, des copropriétés.
C'est ainsi que « ce qui se réalise aujourd'hui au nom des personnes handicapées prendra sens pour chacun dans le monde de demain ».
N'oublions pas qu'une société qui ferme sa porte à une partie de ses membres est une société qui s'appauvrit. N'oublions pas que bien que sourd, nain ou gravement malade, Beethoven, Toulouse-Lautrec, Petrucciani ou Hawkins ont réussi à faire disparaître leur affection et leur handicap derrière leur génie. Leurs créations ont effacé leur infirmité aux yeux de tous. Plus modestement, je dirai que, par leurs regards, leurs gestes, certains de mes malades ont fait disparaître leur handicap à mes yeux et m'ont beaucoup appris.
En fait, par-delà les moyens que nous dégagerons pour les personnes handicapées ou âgées, nous avons tous à réfléchir à notre rapport avec elles, tant il paraît finalement plus aisé de leur venir en aide que de comprendre ce que nous avons à recevoir d'elles. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est particulièrement attendu. Il l'est par les intéressés, leurs familles, les professionnels, les associations, mais aussi par un nombre grandissant de nos concitoyens. Le handicap nous devient familier : nous sommes peut-être en train de prendre conscience de notre vulnérabilité et de l'extrême précarité de notre condition humaine.
Ce projet veut satisfaire une demande sociale de plus en plus forte que le Président de la République a anticipée en faisant de l'intégration des personnes handicapées l'un des trois chantiers présidentiels de ce quinquennat, ce dont je lui suis profondément reconnaissante.
Avec Jean-François Mattei, j'ai commencé à y répondre en accélérant de manière significative depuis deux ans la création de places nouvelles en établissement et dans les services, mais il nous faut aller plus loin et plus vite.
La loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, dont je salue le rapporteur, M. Jacques Blanc, en affirmant l'obligation nationale de solidarité à leur égard avait permis de franchir une étape décisive dans la prise en compte de leur situation.
Depuis bientôt trente ans, les attentes ont beaucoup évolué. Les besoins de protection, d'accompagnement sont toujours aussi pressants, notamment chez les personnes lourdement handicapées, mais on constate des aspirations nouvelles, très diversifiées, qui se sont particulièrement exprimées au cours des nombreuses manifestations et forums qui ont ponctué dans notre pays l'année européenne des personnes handicapées.
Elles ont comme dénominateur commun la recherche et l'acquisition de toutes les autonomies que permet notre société moderne et la volonté de s'intégrer au mieux et au plus dans le milieu dit ordinaire.
Le législateur a déjà tenu compte de certaines de ces demandes en enrichissant la loi de 1975 par différents textes relatifs à l'emploi, à l'éducation, à l'accessibilité ou encore en posant le principe du droit à compensation.
Mais, malgré les efforts réalisés, des insuffisances graves subsistent dans de nombreux domaines. Elles choquent de plus en plus une opinion tous les jours mieux informée et davantage sensibilisée.
Permettez-moi d'évoquer sobrement mais douloureusement deux cas parmi les nombreux cas rencontrés : celui de cet homme de quarante ans lourdement handicapé, sans famille, qui est resté deux ans dans le CHU d'une grande ville, faute de place en maison d'accueil spécialisée ; mais surtout celui de ces parents ayant depuis quinze ans la charge 24 heures sur 24, sans aucun répit, d'un enfant autiste avec handicaps associés et qui usés, épuisés, étaient en train d'envisager une solution extrême.
Ce sont ces situations, et bien d'autres, tout aussi difficiles, que nous avons eu constamment à l'esprit au cours de l'élaboration du projet de loi que Jean-François Mattei et moi-même vous présentons aujourd'hui.
Nous travaillons à ce texte depuis vingt mois. C'est beaucoup, disent certains, par rapport aux autres chantiers présidentiels de la lutte pour la sécurité routière et contre le cancer, qui avancent bien et dont on peut déjà apprécier les premiers résultats bénéfiques.
En fait, le chantier du handicap est d'une tout autre nature, car il s'agit d'élaborer une nouvelle loi, et il nous a fallu nous presser lentement afin d'impliquer toutes les parties concernées.
En cet instant, je tiens à remercier les membres du Gouvernement qui se sont mobilisés derrière le Premier ministre : Jean-Paul Delevoye, dont je salue la présence, mais surtout mon ministre de tutelle, Jean-François Mattei, qui a suivi l'élaboration de ce texte pas à pas, avec beaucoup d'attention ; je lui suis profondément reconnaissante de ses conseils et de ses encouragements, en un mot de son amitié.
Je salue chaleureusement l'action de coordination du délégué interministériel, Patrick Gohet. Je veux aussi souligner l'implication de nombreux parlementaires et élus locaux, de l'Assemblée des départements de France, présidée par Jean Puech, du président de sa commission sociale, Michel Mercier, mais aussi des maires, par l'intermédiaire de l'Association des maires de France et de son président, Daniel Hoeffel.
Le Conseil économique et social a, de son côté, apporté une contribution très appréciée à la réflexion préparatoire.
Je pense également aux partenaires sociaux, aux représentants des organismes sociaux, mais aussi aux associations de personnes handicapées. Leur travail, notamment au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, sous la présidence de Jean-Marie Schleret, a été important et très fructueux.
Particulièrement précieux m'ont été également les témoignages, les interrogations, les suggestions des nombreux intéressés eux-mêmes au hasard de mes entretiens et des nombreuses lettres échangées.
D'une manière plus générale, je voudrais associer à ces remerciements toutes les personnes qui se sont exprimées à l'occasion de multiples rencontres sur le terrain, de débats, de consultations initiés par les préfets, mais aussi lors des diverses manifestations organisées, je le répète, au cours de l'année européenne des personnes handicapées.
Je tiens aussi à saluer le travail de votre Haute Assemblée, plus particulièrement celui de la commission des affaires sociales et de son président, Nicolas About, à qui je dirai toute ma gratitude pour son implication de longue date au service de cette grande cause et pour son rapport d'information de 2002. La proposition de loi portée par vous-même, monsieur le président, et par monsieur le rapporteur, a nourri notre réflexion et inspiré les diverses dispositions législatives que je présente aujourd'hui.
Je relèverai spécialement l'intervention faite en commission des affaires sociales, le mercredi 11 février dernier, par M. le rapporteur Paul Blanc et je le remercierai pour son « intelligence » du texte, la rigueur mais aussi la générosité de son analyse, enfin pour ses propositions, qui confortent ou complètent le projet de loi du Gouvernement.
Permettez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter les fondements de ce projet de loi. Quelles que soient les modifications que vous y apporterez vous ne pouvez pas ne pas être d'accord avec ses fondements.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas sur son financement !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je parle des fondements, madame la sénatrice.
M. Roland Muzeau. A quoi sert de parler des fondements si le financement ne suit pas !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Le premier de ces fondements s'adresse à l'ensemble de la société : c'est le principe de non-discrimination, élément essentiel de cohésion sociale qu'illustre bien Alexandre Jollien, philosophe infirme moteur cérébral, quand il s'écrie : « Une seule fierté m'habite : être un homme avec des droits et des devoirs égaux, partager la même condition, ses souffrances, ses joies, son exigence. Cette fierté nous rassemble tous, le sourd comme le boiteux, l'Ethiopien comme le bec-de-lièvre, le juif comme le cul-de-jatte, l'aveugle comme le trisomique, le musulman comme le SDF, vous comme moi. Nous sommes des Hommes ! »
Le second fondement concerne plus directement les personnes handicapées et consacre le principe du libre choix du projet de vie et la recherche systématique du maximum d'autonomie.
C'est un tournant par rapport à une logique d'assistance qui ne résultait pas à proprement parler de la loi de 1975 mais plutôt de ses dérives, de pratiques conduisant trop souvent à considérer la personne handicapée comme un objet et non comme une personne à part entière.
Comment rendre effective cette politique nouvelle ?
Par la compensation du handicap d'abord.
Il est normal que la société fasse preuve de solidarité vis-à-vis des dépenses parfois importantes que doit faire une personne handicapée du fait de son handicap et que n'a pas à faire une personne valide. Ce droit à compensation, plusieurs fois affirmé par le Président de la République, inscrit dans la loi de modernisation sociale de 2002, est resté jusqu'à ce jour sans contenu.
Je vous propose de lui en donner un grâce à l'instauration de la prestation de compensation qui couvrira l'ensemble des aides possibles : les aides humaines, bien sûr, qu'elle couvrira mieux et plus que l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne - ACTP -, mais aussi les aides techniques, l'aménagement du logement et des dépenses particulières pour répondre à des besoins précis.
Le champ de la compensation inclut également les moyens et prestations accompagnant la mise en oeuvre de la protection juridique. Elle apportera des réponses adaptées à l'accueil et à l'accompagnement de celles et de ceux qui ne peuvent exprimer seuls leurs besoins, notamment les personnes polyhandicapées.
Pour la première fois, enfin, l'aide aux aidants est prise en compte de façon explicite ; c'est fondamental pour reconnaître et soulager la solidarité familiale.
Il s'agit d'une prestation universelle dont l'accès n'est conditionné par aucun critère de ressources.
La référence à un taux d'incapacité fait, à juste titre, l'objet de réserves. Je pense effectivement qu'à terme, une fois ajustées les méthodes d'évaluation, la prestation de compensation devra être attribuée en tenant compte plutôt des besoins concrets de la personne handicapée.
En revanche, il est logique que cette prestation varie en fonction de la nature de la dépense et des ressources des bénéficiaires comme d'autres prestations universelles, l'objectif étant bien sûr de donner plus à ceux qui ont le plus besoin, notamment aux personnes lourdement handicapées, qui ont à faire face à des frais élevés.
Cette prestation, qui pourra être conservée après soixante ans si l'intéressé le souhaite, sort résolument du champ de l'aide sociale puisque son attribution n'est pas subordonnée à l'obligation alimentaire et ne fait l'objet d'aucune récupération sur succession. Nous sommes donc bien là dans le champ de la protection sociale, d'autant qu'une part de son financement reposera sur la solidarité nationale.
En effet, avant même le vote de ce texte, une autre loi va créer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dotée de ressources identifiées provenant à la fois d'une augmentation des charges sociales patronales des entreprises, qui travailleront un jour férié à partir de 2005, et d'un prélèvement supplémentaire sur les revenus du capital.
Cette caisse disposera ainsi, à partir de 2005, de 850 millions d'euros, soit près de 6 milliards de francs, pour la compensation du handicap, montant qui va permettre de doubler l'actuel budget consacré sous une forme ou sous une autre à la compensation. Jamais un effort financier d'une telle ampleur n'avait été réalisé sur le long terme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui ! chers collègues de l'opposition, vous feriez bien d'écouter cela !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est bien là une preuve, et non des moindres, de la volonté du Gouvernement de rendre la loi effective.
Votre rapporteur et certaines associations posent à juste titre la question de l'articulation de cette prestation avec l'allocation d'éducation spécialisée et ses compléments, allocation qui est attribuée aux parents d'enfant handicapé, d'une part, et avec la majoration pour tierce personne, d'autre part.
L'allocation d'éducation spécialisée a été réformée il y a moins de deux ans et elle semble, à quelques exceptions près, donner satisfaction en l'état, au moins en ce qui concerne les aides humaines. Je pense, en revanche, qu'il faut rapidement améliorer les modalités de remboursement des aides techniques et spécifiques, ainsi que de l'aménagement du logement.
C'est pourquoi je proposerai, au cours du débat, que la prestation de compensation soit également ouverte aux enfants.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. La compensation du handicap apparaît d'ores et déjà comme une avancée majeure, concourant fortement à l'autonomie des personnes handicapées. Mais cette avancée ne sera véritablement acquise que lorsque ces personnes auront réellement accès à tout ce qui fait la vie des personnes valides.
L'accessibilité de tous à tout est donc le deuxième volet de cette politique nouvelle.
L'accès à l'école, d'abord.
« L'avenir du monde est suspendu au souffle des enfants qui vont à l'école », dit le Talmud. Or, aujourd'hui, en France, parce qu'ils sont handicapés, des jeunes ne bénéficient d'aucune scolarité. Parce qu'ils sont handicapés, d'autres n'ont droit qu'à quelques heures d'enseignement par semaine. Parce qu'ils sont handicapés, d'autres encore, trop nombreux, doivent endurer avec leurs parents un véritable parcours du combattant pour bénéficier d'une certaine continuité dans leur cursus scolaire.
Cette situation est tout simplement inadmissible, car contraire au principe d'égalité des droits et à celui de l'obligation scolaire.
Le projet de loi réaffirme donc l'obligation pour l'éducation nationale d'accueillir tous les enfants, de préférence en milieu ordinaire ; l'abandon de l'expression « éducation spéciale » est, à ce titre, significatif.
La prise en charge sera assurée dès la maternelle, jusques et y compris dans les établissements d'enseignement supérieur, pour ceux qui le souhaitent et le peuvent, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, Luc Ferry, a pris les devants en mettant en place dès la dernière rentrée 6 000 auxiliaires de vie scolaire, ce qui a permis, pour la première fois, d'intégrer l'ensemble des enfants handicapés scolarisables.
Il a en outre commencé à créer de nouvelles classes d'intégration scolaire, les CLIS, et des unités pédagogiques d'intégration, les UPT. Il organisera également, à partir de la rentrée prochaine, une sensibilisation des enseignants au handicap au cours de leurs études. Il serait bon que, à terme, cette sensibilisation soit étendue à l'ensemble de la communauté éducative.
Une prise en compte rigoureuse du handicap va de pair, bien évidemment, avec cette volonté de scolarisation en milieu ordinaire. Elle implique le développement des services médico-sociaux qui doivent accompagner chaque enfant, de façon spécifique, souvent tout au long de sa scolarité.
La décision de non-inscription dans le milieu ordinaire, voire avec un dispositif adapté, devra être motivée pour les enfants lourdement handicapés, qui devront être tous accueillis dans des établissements médico-sociaux, où la meilleure scolarité possible, en adéquation avec le projet individuel de l'enfant, leur sera dispensée.
Le projet de loi affirme dans tous les cas la continuité indispensable du parcours de formation, mais aussi la cohésion des actions éducatives et médico-sociales.
L'accès à l'emploi, ensuite.
Le travail est la dignité de tout homme. Nous ne pouvons plus admettre que les chômeurs handicapés soient trois fois plus nombreux - et quatre fois plus si ce sont des femmes - que les chômeurs valides. Il est donc impératif de faciliter, sous des formes très diverses, l'activité des personnes handicapées qui veulent et qui peuvent travailler, personnes qui sont trop souvent inemployées.
A cet effet, un ensemble de mesures sont prévues, qui se réfèrent toutes et de manière explicite au principe de non-discrimination.
La priorité est donnée, là aussi, à l'insertion en milieu ordinaire. Le projet place l'emploi des personnes handicapées au coeur du dialogue social et l'intègre dans les négociations collectives, tant au niveau de la branche qu'à celui de l'entreprise, afin que chacun - chef d'entreprise, salarié, partenaire social - s'approprie cet objectif.
Les entreprises seront encouragées à embaucher des personnes handicapées au chômage depuis longtemps ou ayant fait des efforts de formation, ou encore venant du milieu protégé. Par contre, celles qui ne font aucun effort seront sanctionnées financièrement plus sévèrement qu'aujourd'hui.
Le texte introduit par ailleurs, conformément à une directive européenne, la notion d'aménagement raisonnable des conditions de travail, donnant ainsi un contenu concret à des obligations qui n'étaient pas jusqu'alors suffisamment formalisées.
Les trois fonctions publiques, qui se doivent d'être exemplaires, seront elles aussi, comme le privé, amenées à verser une contribution à un fonds spécifique unique public dès lors qu'elles n'atteindront pas leur quota de 6 % de travailleurs handicapés. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, Jean-Paul Delevoye, a beauoup oeuvré pour la création de ce fonds public et je l'en remercie très chaleureusement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
A l'instar de l'AGEFIPH, ce fonds public financera des formations spécifiques, des aménagements de postes, voire d'éventuels transports entre le lieu de travail et le domicile.
Parallèlement à ces dispositions, le projet de loi conforte la vocation du milieu protégé au travers des centres d'aide par le travail, les CAT, dont l'utilité pour les personnes aux aptitudes insuffisantes pour suivre le rythme de travail en milieu ordinaire n'est pas contestable. Cela s'accompagne d'une véritable reconnaissance de leurs droits en matière de formation professionnelle, de validation des acquis de l'expérience, de congés, de prestations familiales.
Un meilleur cumul du salaire et de l'allocation adulte handicapé, l'AAH, encourage le travail, particulièrement à temps partiel.
Pour davantage de personnes handicapées, le travail en milieu protégé doit pouvoir être, selon les cas, un refuge ou un tremplin vers le milieu ordinaire. Il faut donc prévoir des réponses souples, évolutives dans l'espace et dans le temps, adaptées aux capacités et aux souhaits de chaque travailleur handicapé.
Des conventions seront conclues entre les CAT et l'employeur afin de donner une base solide, sécurisante à la formule du « détachement » en milieu ordinaire et de garantir, en cas de difficultés, le retour temporaire ou définitif en milieu protégé.
Outre l'accès à l'école et l'accès à l'emploi, il y a, bien sûr, l'accès à la cité.
Quand le grand public pense « accessibilité de la ville », il pense d'abord aux personnes en fauteuil roulant. Mais je suis convaincue que ce qui est bon pour les personnes handicapées l'est aussi pour nous tous, les parents qui poussent des landaus, les personnes fatiguées et fragiles, les personnes à mobilité réduite.
Dans ce domaine, le retard de notre pays par rapport à d'autres est incontestable. « J'avais oublié à quel point mon pays est inaccessible aux fauteuils roulants ! », me disait un jour Patrick Segal, de retour d'un voyage d'observation sur ce sujet en Suède. Ce retard se manifeste d'ailleurs moins dans les textes législatifs que dans leur application, faute d'une volonté et de contrôles suffisants. Néanmoins, j'ai la conviction que des avancées législatives sont encore nécessaires dans ce domaine aussi.
Désormais, toute construction neuve devra être accessible. Des modalités particulières sont prévues pour les maisons individuelles.
L'obligation d'accessibilité qui s'imposait déjà aux établissements recevant du public existants est renforcée.
Pour les logements collectifs existants, l'accessibilité devra être prise en compte lors de travaux de rénovation. Je rappelle qu'il s'agit là d'une avancée majeure du projet de loi.
Dans un souci d'effectivité, les contrôles sont renforcés et des sanctions instaurées, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Ces sanctions pourront aller jusqu'à la fermeture d'un établissement recevant du public s'il ne respecte pas les normes d'accessibilité.
Au-delà du renforcement substantiel des normes concernant le cadre bâti, il faut penser chaîne de l'accessibilité ou du déplacement, donc transports et intervention des collectivités locales.
S'agissant des transports, la loi impose une accessibilité complète dans un délai de six ans, et les dérogations, très contrôlées, devront entraîner la mise en place de transports adaptés.
Quant aux communes, selon leur taille, elles pourront être impliquées par la création d'un plan de mise en accessibilité de la voirie et de normes inscrites dans le plan de déplacement urbain, mais aussi d'une commission communale d'accessibilité.
Sur un sujet aussi sensible, mesdames, messieurs les sénateurs, la critique est facile ; l'art, qui consiste à voter des dispositifs sévères, mais réalistes et donc applicables, est plus difficile. Je compte sur votre sagesse, tout particulièrement à ce sujet, pour trouver la juste mesure législative. Pour ce qui est des décrets d'application, je vous propose, comme je l'ai proposé aux associations, d'y travailler ensemble.
L'accessibilité pour les personnes handicapées motrices ne doit pas faire oublier qu'il faut également rendre les lieux publics, voire privés, et les transports accessibles aux personnes handicapées sensorielles, mentales et psychiques.
De merveilleuses réalisations pour ce type de publics, notamment à la Cité des sciences et de l'industrie et au Centre Georges-Pompidou, démontrent, s'il en était besoin, que beaucoup est possible dans ce domaine et qu'il suffit souvent d'une volonté pour passer du possible au concret.
Cette accessibilité à la cité est essentielle, fondamentale au regard d'une pleine participation à la vie sociale, aux sports, aux loisirs, à la culture, à tout ce qui forge la personnalité de tout un chacun, qu'il soit valide ou handicapé.
Nous ne pourrons plus admettre longtemps, par exemple, que le seul complexe cinématographique d'une ville de 50 000 habitants soit inaccessible aux personnes handicapées et que 15 % des émissions télévisées seulement soient sous-titrées.
Nous devons favoriser par tous les moyens la pratique des arts par les personnes handicapées : selon le beau mot de Marcel Jullian, « à bien y regarder, c'est en art mieux qu'ailleurs que ce qu'on appelle un handicap peut constituer une chance, car, dans le domaine très vaste de la création, il n'y a justement que les différences qui comptent ».
J'en viens au troisième et dernier volet du projet de loi après la prestation de compensation et les mesures en faveur de l'accessibilité, la création de la maison départementale des personnes handicapées.
Quand une personne se retrouve au chômage, elle sait où et à qui s'adresser. Quand une personne devient handicapée, ce qui est souvent aussi brutal que le chômage, elle-même et sa famille mettent parfois plusieurs années avant de frapper aux bonnes portes, avant de trouver le bon interlocuteur. Ces complexités sont particulièrement insupportables pour des personnes en situation difficile.
C'est pourquoi le projet de loi vise à créer la maison départementale des personnes handicapées.
Cette maison, ce sera d'abord un lieu connu et reconnu où la personne handicapée et sa famille pourront être accueillies, écoutées, informées, conseillées, leurs besoins évalués et les décisions suivies.
Ce sera aussi un lieu qui réunira l'ensemble des partenaires de proximité : services des conseils généraux, services déconcentrés de l'Etat, organismes de sécurité sociale, centres communaux d'action sociale, services de la formation de l'emploi, etc.
La maison départementale des personnes handicapées, ce sera encore une équipe pluridisciplinaire ayant pour mission d'évaluer le handicap et d'établir avec la personne handicapée et sa famille, le cas échéant avec le représentant légal, le plan personnalisé de compensation de son handicap. Ces équipes doivent dépasser l'évaluation strictement médicale ou fonctionnelle des incapacités de la personne et prendre en compte ses aptitudes, ses potentialités, mais aussi ses souhaits.
La maison départementale des personnes handicapées, ce sera enfin un interlocuteur unique de l'intéressé et de sa famille, un interlocuteur reconnu, identifiable et de proximité.
La forme juridique et les modalités d'organisation de ces maisons départementales restent à préciser. Elles le seront, bien sûr, avant le vote définitif de ce texte.
Pour l'heure, une mission sur ce sujet a été confiée par le Premier ministre à MM. Raoul Briet, conseiller maître à la Cour des comptes, et Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, dans le cadre de la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. C'est en fonction des conclusions de cette mission que sera précisée la nouvelle répartition des compétences, lesquelles devront, en tout état de cause, être exercées au plus près du bénéficiaire, comme l'a affirmé le Premier ministre le 6 novembre dernier.
Mais, quoi qu'il en soit, au travers et au-delà des attributions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, l'Etat restera garant de la politique menée en matière de handicap et de son égalité d'application sur l'ensemble du territoire français.
Compensation, accessibilité, organisation de proximité : tels sont les trois volets fondamentaux de ce projet de loi, qui compte sept titres.
Permettez-moi maintenant de revenir rapidement sur chacun d'eux en présentant quelques dispositions complémentaires importantes.
Le titre Ier, dans un article unique, introduit notamment, pour la première fois, une définition du handicap. Celle-ci est inspirée de la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé, définie en 2001 par l'Organisation mondiale de la santé, qui met la personne au coeur des dispositifs la concernant.
Pour la première fois aussi, le handicap lié à une altération psychique est reconnu en tant que tel. Ce sont, du même coup, plus de 700 000 personnes, schizophrènes ou maniaco-dépressives, qui vont être prises en charge, accueillies par la société grâce à des réponses adaptées, consistant essentiellement en des lieux d'accueil et des accompagnements sociaux.
L'article 1er met aussi l'accent sur la prévention du handicap, venant ainsi compléter l'article 6 de la loi relative à la politique de santé publique. Il réaffirme l'importance de la recherche et contribue à une meilleure articulation de ses différents protagonistes.
S'agissant du titre II, qui a trait à la compensation et aux ressources, je veux aborder la question de l'allocation adulte handicapé, l'AAH.
Je n'ai certes souhaité changer ni sa dénomination ni les conditions générales de son attribution. Il s'agit néanmoins d'une allocation nouvelle puisque, grâce à la création de la prestation de compensation, l'AAH peut maintenant être consacrée uniquement aux besoins de la vie courante, ce qui constitue une amélioration substantielle. Elle devient ainsi un véritable revenu d'existence.
Par ailleurs, je tiens à souligner que, contrairement à ce qu'on entend ici ou là, si l'on prend en compte tous les éléments complémentaires, et notamment les autres prestations et les exonérations fiscales, le pouvoir d'achat d'un bénéficiaire de l'AAH est sensiblement le même que celui de la personne payée au SMIC.
Je rappelle enfin les meilleures conditions de cumul de cette allocation avec un revenu d'activité ainsi que le maintien du complément d'AAH pour les personnes qui reprennent un emploi, ce qui est impossible aujourd'hui.
Pour le travail en milieu protégé, le projet de loi prévoit aussi une amélioration de la rémunération garantie, qui variera entre 90 % et 110 % du SMIC, au lieu de 55 % à 75 % actuellement, grâce à l'instauration d'une aide au poste.
Dans le titre III, relatif à l'accessibilité sous tous ses angles, je voudrais insister sur trois points.
Tout d'abord, le projet consistant à donner une base légale à la convention d'objectifs établie depuis 2000 entre l'AGEFIPH et l'Etat vise à mieux harmoniser la politique de l'Etat en matière d'emploi et les actions spécifiques en faveur des personnes handicapées qui sont conduites par l'AGEFIPH.
Ensuite, j'évoquerai le nouveau statut des ateliers protégés, qui seront désormais appelés « entreprises adaptées ». Ces dernières sont considérées comme un milieu ordinaire de travail. Leur agrément devient une convention d'objectifs sur trois ans avec un contingent annuel d'aide au poste. Les CAT représentent maintenant à eux seuls le travail en milieu protégé.
Enfin, l'article 25, qui reconnaît aux personnes handicapées le droit d'accéder à tous les services de communication publique en ligne des services de l'Etat et des collectivités territoriales fait écho à la volonté du Premier ministre de faire de l'accessibilité aux services numériques l'une des priorités de développement de la société de l'information.
Cet article fait le lien avec le titre IV, qui concerne notamment l'accueil et l'information des personnes handicapées avec la création des maisons départementales des personnes handicapées.
Il me paraît important de revenir à ce sujet sur la création de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui a vocation à remplacer les commissions départementales de l'éducation spéciale, ou CDES, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, ou COTOREP, et les sites de la vie autonome, à attribuer les prestations et à décider de l'orientation de la personne handicapée, avec son accord. Cette nouvelle commission a le mérite d'être unique et d'éviter notamment les ruptures d'appréciation des besoins et de prise en charge entre les enfants et les adultes. Elle traduit très concrètement la volonté de simplification et de clarification qui sous-tend l'ensemble du projet de loi.
Dans la même optique, la procédure d'attribution des cartes de stationnement qui obéit actuellement à des règles mal comprises par les personnes intéressées va être revue. Elle ne se référera plus à un taux de handicap, mais tiendra compte des difficultés réelles de mobilité du bénéficiaire.
M. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Le titre V du projet de loi a pour objectif de garantir la qualité des prestations offertes par les professionnels de l'appareillage, qui relèvent désormais de la catégorie des auxiliaires médicaux.
Dans le même souci de qualité, ce titre réglemente aussi les interventions des professionnels de l'interprétariat en langue des signes et en langage parlé complété, dès lors qu'ils interviennent dans les services publics.
Le titre VI du projet de loi énonce un certain nombre de prescriptions tendant à faciliter l'intervention des bénévoles. Il donne aussi la possibilité aux associations de défendre les personnes handicapées victimes de crimes ou de délits, à la suite des suggestions formulées par la Haute Assemblée dans le rapport sur la maltraitance.
Dans le but d'encourager les solidarités familiales, il propose l'amélioration de la rente survie contractée par les parents pour mieux assurer l'avenir de leur enfant handicapé.
Enfin, je tiens beaucoup à l'article qui va assurer la disponibilité des informations statistiques. Ces dernières sont essentielles. Comment peut-on bâtir une politique du handicap sérieuse sans disposer d'éléments statistiques fiables et actualisés ?
Le titre VII, enfin, prévoit un certain nombre de dispositions transitoires. Il s'agit en effet de prendre le temps nécessaire pour mettre en place les nouveaux dispositifs et de faire en sorte que les changements se passent en douceur, ce qui est particulièrement important quand on s'adresse à une population souvent fragile.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce projet de loi que je suis fière de vous présenter parce qu'il est le fruit d'un énorme travail. Ce texte n'a pas la prétention de résoudre définitivement tous les problèmes concernant la vie des personnes handicapées ni même de les résoudre pour trente ans, comme certains semblent le souhaiter. Notre société évolue trop vite pour cela. Mais ce projet de loi a l'ambition d'être en adéquation avec la réalité du moment et de correspondre aux attentes des personnes handicapées.
Comme toute oeuvre humaine, ce projet de loi est bien évidemment perfectible. A ce stade d'élaboration, je compte beaucoup sur la contribution des parlementaires et donc d'abord sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conforter et enrichir encore les propositions que je vous fais.
Je souhaite enfin ardemment que le débat s'ouvrant aujourd'hui se déroule dans une ambiance de respect mutuel, d'une part, entre les représentants de la nation que vous êtes et le Gouvernement - je suis en effet convaincue que le grand défi de l'insertion des personnes handicapées dépasse tout clivage politique et a besoin, pour être relevé, de la contribution de chacun d'entre nous -...
M. le président. C'est exact !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... d'autre part, et surtout, entre les responsables politiques que nous sommes et les personnes handicapées.
Nous voilà réunis quelques heures pour améliorer avec détermination les conditions de vie des personnes handicapées, leur permettre d'être des citoyens autonomes et responsables... autant que faire se peut.
Mais les personnes handicapées seront toujours là pour ouvrir une porte sur la condition humaine et pour nous rappeler, comme l'écrit encore Alexandre Jollien, que « chaque homme est, à sa mesure, un cas, une délicieuse exception. Et qu'une observation fascinée, puis critique transforme souvent l'être anormal en maître ès humanité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je salue la présence parmi nous de M. Bernard Mantienne, qui remplace notre regretté collègue Michel Pelchat comme sénateur de l'Essonne. (Applaudissements.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui concrétise le troisième grand chantier dont M. le Président de la République a souhaité marquer son mandat : celui de la place que notre société doit accorder aux personnes handicapées.
Sans doute vous souvenez-vous des débats humainement difficiles qui se sont déroulés dans cette enceinte voilà deux ans, à l'occasion de l'examen de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment s'agissant de la suite législative à donner à la jurisprudence Perruche. Le Parlement avait alors refusé que la seule voie permise aux parents pour assurer une vie décente à leur enfant handicapé consiste à rechercher une faute leur donnant droit à une indemnisation.
Nous avions de ce fait posé le principe du droit, pour toute personne handicapée, à obtenir de la solidarité nationale la compensation des conséquences de son handicap et pris l'engagement solennel de donner un contenu à ce droit, en réformant la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées.
La commission des affaires sociales a tenu cet engagement. Elle l'a montré à travers les travaux qu'elle a entrepris depuis lors, qu'il s'agisse du rapport sur la compensation du handicap, de la commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées ou de la préparation de la proposition de loi déposée par le président Nicolas About et moi-même et cosignée par un grand nombre d'entre vous. Cette réflexion a donné au Sénat une expertise reconnue et le recul nécessaire pour apprécier à leur juste valeur les avancées incontestables - mais aussi certaines limites - du projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté.
Ce texte repose sur deux piliers d'égale importance : celui du droit à compensation et celui de l'accessibilité. Je commencerai par le point qui me semble le plus innovant, et qui fut d'ailleurs notre première préoccupation dans la proposition de loi que j'évoquais à l'instant : le droit à compensation.
La définition qui en est ici donnée est, à juste titre, très large : elle englobe tout à la fois les moyens collectifs - accueil en établissement, offre de services d'accompagnement adapté, groupes d'entraide mutuelle - et les aspects proprement individuels de la compensation, comme les aides humaines, techniques, les aménagements du logement ou du cadre de travail.
Ce sont ces aspects individuels que la nouvelle prestation de compensation prévoit désormais de prendre aussi en charge.
Il serait injuste de dire que cette question était jusqu'alors totalement ignorée, car plusieurs allocations existantes y répondent. Mais elles ont pour limites de ne compenser qu'un type particulier de désavantage ou de ne s'adresser qu'à une catégorie de personnes handicapées. Elles n'offrent en outre qu'une réponse médiocre aux besoins réels : je pense à l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui ne permet de rémunérer que deux heures et demie de présence quotidienne d'une aide à domicile, ce qui reste largement insuffisant pour faire face à la situation des handicaps lourds.
Cette nouvelle prestation de compensation représente donc un progrès incontestable, et ce pour au moins deux raisons.
Tout d'abord, il s'agit pour la première fois d'une prestation universelle dont l'accès n'est conditionné par aucun critère de ressources et qui ne fera plus l'objet de récupération sur succession. Ce critère de ressources du bénéficiaire sera bien réintroduit, mais dans un deuxième temps seulement, pour calculer cette fois le montant de l'aide apportée par la collectivité.
Si nous ne contestons pas le principe d'une participation de la personne handicapée à sa compensation - un mécanisme similaire figurait d'ailleurs dans notre proposition de loi -, nous avons toutefois souhaité encadrer dans de strictes limites la prise en compte des ressources des personnes handicapées : d'une part, en excluant une partie des revenus d'activité, afin de ne pas pénaliser ceux qui, parfois au prix d'efforts importants, se sont engagés dans la voie de l'insertion professionnelle ; d'autre part, en limitant le « reste à charge » du bénéficiaire en proportion de ses revenus, pour ne pas contredire le principe même de compensation du handicap par la solidarité nationale.
J'en viens au second atout de cette nouvelle prestation : elle inclut enfin l'ensemble des surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne, qu'il s'agisse des aides humaines, des aides techniques, des aménagements du logement, mais aussi des charges spécifiques ou exceptionnelles, comme les aides animalières.
Elle devrait permettre de « solvabiliser » une large partie des besoins : les financements prévus au titre de la future caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ajoutés aux sommes consacrées par les départements à l'actuelle ACTP, d'une part, et à la contribution de l'Etat au dispositif des sites pour la vie autonome et aux actuels forfaits d'auxiliaires de vie, d'autre part, représentent un total de plus de 1,4 milliard d'euros. Et cette estimation ne tient pas compte des financements extralégaux qui pourront être obtenus auprès des fonds d'action sociale des caisses, des mutuelles et des autres partenaires qui participent aujourd'hui au dispositif des sites pour la vie autonome...
Il est bien entendu impossible de connaître par avance la répartition de ces financements puisqu'elle dépendra des besoins exprimés par les personnes handicapées elles-mêmes. Mais, à titre d'illustration, cette enveloppe permettrait de financer chaque année à la fois l'intégralité des frais restant aujourd'hui à la charge des personnes handicapées en matière d'aides techniques, soit 715 millions d'euros, les aménagements lourds de 3 000 logements, soit 30 millions d'euros, et la présence quotidienne d'une auxiliaire de vie pendant dix-huit heures, au lieu de deux heures et demie aujourd'hui, pour les 3 000 personnes les plus lourdement handicapées, soit 186 millions d'euros.
Si telles sont bien les priorités qui seront mises en oeuvre, il suffit de faire l'addition pour constater que le maintien de financements extralégaux restera indispensable pour apporter par ailleurs une amélioration substantielle à l'ensemble des personnes handicapées.
C'est parce que nous avons fait ce calcul que la commission des affaires sociales vous proposera, mes chers collègues, la création d'un fonds départemental de compensation, alimenté, comme c'est déjà le cas, par le département et par l'Etat, mais auquel pourront aussi contribuer, de façon volontaire, les différents partenaires impliqués.
Si nous approuvons donc la création de cette nouvelle prestation de compensation, deux critiques, qui paraissent légitimes, lui ont été opposées par les associations concernées.
Tout d'abord, il est prévu l'application d'un taux d'invalidité minimum - 80 % semble-t-il - pour y avoir accès. Or c'est là un critère essentiellement médical qui ne reflète pas les besoins concrets de la personne, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même indiqué, madame la secrétaire d'Etat. C'est pourquoi la commission des affaires sociales proposera de lui substituer un critère plus fin et plus juste de « besoin de compensation », établi sur la base d'une grille d'évaluation.
Par ailleurs - c'est la seconde critique -, il existe un critère d'âge pour l'accès à la prestation : le texte prend en compte le cas des personnes handicapées de plus de soixante ans, mais il ne règle pas la question des enfants, pour lesquels l'actuelle AES, l'allocation d'éducation spéciale, ne compense pas les surcoûts réels liés au handicap pour la famille. Vous avez également, madame la secrétaire d'Etat, fait référence à l'évolution de ce texte dans ce sens.
On nous objectera que l'ouverture à un jeune enfant d'un droit personnel à une prestation contredit le principe des allocations familiales. Je le comprends.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais pas à dix-huit ans !
M. Paul Blanc, rapporteur. Pour autant, on ne peut pas, me semble-t-il, laisser en toute indifférence les familles devant une telle absence de réponse. C'est pourquoi je proposerai de leur offrir une véritable perspective en posant le principe d'une extension, d'ici à dix ans, du bénéfice de la prestation de compensation aux enfants. J'ai cru comprendre, madame la secrétaire d'Etat, que vous vouliez aller plus vite et plus loin, ce dont je ne peux que me réjouir.
Au-delà de ces questions de principe, je proposerai plusieurs mesures concrètes pour améliorer cette prestation de compensation, notamment pour faciliter le recours aux aides humaines et la prise en charge des aides techniques.
Nous reparlerons aussi du cas particulier des personnes accueillies en établissement et du statut à reconnaître aux auxiliaires de vie sociale.
Avec la prestation de compensation, le projet de loi s'attache ensuite à donner un sens au principe posé par la loi du 17 janvier 2002, selon lequel toute personne handicapée a droit « à la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ».
Il lève l'ambiguïté qui caractérisait jusqu'ici l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, perçue tantôt comme un minimum social, tantôt comme un moyen de compensation, et finalement insuffisante pour faire face à l'un et à l'autre. Le projet de loi prévoit désormais des possibilités nettement plus avantageuses de cumul de cette allocation avec un revenu d'activité.
Malgré tout, la demande des personnes handicapées portant sur la revalorisation de l'AAH reste forte, et vous avez également évoqué ce point, madame la secrétaire d'Etat. Cela s'explique certainement, en partie, par le fait que ces personnes ne mesurent qu'imparfaitement le gain qu'elles pourront escompter de la nouvelle prestation. Mais ce souhait s'explique également par des causes plus profondes, liées à la revendication d'un revenu minimum d'existence.
L'idée d'un revenu minimum d'existence, pour des personnes qui ne pourraient pas du tout travailler, soulève d'emblée une difficulté : elle suppose d'établir une frontière, forcément arbitraire, entre ceux qui seraient capables, éventuellement avec un accompagnement renforcé, de travailler et ceux qui ne le pourront jamais.
Elle supposerait également de revoir les règles d'attribution de l'allocation, afin de rendre cette dernière totalement incompatible avec des revenus du travail, ce qui, à l'évidence, va à l'encontre d'une autre demande, tout aussi légitime, des personnes handicapées : celle d'une aide au retour à l'emploi.
Force est pourtant de constater que, s'agissant des personnes les plus lourdement handicapées, l'AAH constitue effectivement aujourd'hui ce revenu minimum d'existence et qu'elle reste très insuffisante pour faire face à l'ensemble des besoins de la vie courante. Mais vous vous êtes également exprimée sur ce sujet, madame la secrétaire d'Etat, et je crois qu'un amendement pourra être adopté au cours de la discussion.
J'en viens maintenant au second principe directeur de ce projet de loi, l'accessibilité, que l'on peut traduire par la formule suivante : « l'accès de tous à tout ».
La mise en oeuvre de ce droit fondamental passe en tout premier lieu par l'école. On le sait, la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés est encore largement insuffisante. En juin 2003, la Cour des comptes estimait entre 5 000 et 14 000 - la fourchette est imprécise - le nombre d'enfants exclus des structures scolaires, qui s'ajoutent aux 30 000 jeunes accueillis en établissement et qui ne bénéficient d'aucune formation.
Le projet de loi place désormais la scolarité des enfants handicapés sous la responsabilité de l'éducation nationale. Si les compétences et les besoins de l'enfant le permettent, il devra être accueilli dans l'établissement ordinaire le plus proche de son domicile, au besoin au sein d'une classe adaptée. Dans tous les cas, son parcours de formation fera l'objet d'une évaluation régulière afin de l'intégrer au dispositif le plus adéquat. Education en milieu ordinaire et éducation en établissement seront désormais complémentaires et non plus opposées.
L'effort portera aussi sur la poursuite des études : l'adaptation des épreuves des examens et concours aux candidats handicapés constituera une obligation légale et l'accueil dans un établissement supérieur devra être rendu possible.
Nous avons considéré ce dispositif très satisfaisant sur le plan des principes. Il nous a paru utile toutefois de le compléter pour en accroître l'applicabilité dans les écoles, comme dans les universités, notamment en reconnaissant officiellement la langue des signes pour le passage des examens ou en imposant l'obligation de formation des enseignants à l'accueil d'élèves handicapés.
Le deuxième terrain d'investigation est le domaine de l'emploi, pour lequel le projet de loi pose le principe de non-discrimination envers les personnes handicapées. Il fait obligation aux employeurs, privés comme publics, de procéder aux aménagements nécessaires à leur insertion professionnelle par l'adaptation des postes et des horaires ou des conditions de passation des concours de la fonction publique. Le texte impose également aux partenaires sociaux de négocier, au niveau de la branche et à celui de l'entreprise, sur la question de l'emploi des personnes handicapées.
Enfin, l'obligation d'emploi initialement prévue par la loi du 10 juillet 1987 est modernisée. Le système des « unités bénéficiaires » est légitimement abandonné. Il consistait à pondérer le nombre de personnes handicapées employées par leur degré de handicap. Afin de ne pas pénaliser les entreprises qui s'attachent à embaucher des personnes lourdement handicapées, je vous proposerai de prendre en compte le recrutement direct de personnes lourdement handicapées pour fixer le montant de la contribution des entreprises à l'AGEFIPH, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Dans le même souci de justice, les entreprises auront désormais la possibilité de déduire directement de leur contribution à l'AGEFIPH les sommes qu'elles auront consacrées, au-delà de leur obligation légale, à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Afin d'améliorer l'articulation entre la politique générale de l'emploi conduite par l'Etat et les actions spécifiques en faveur des personnes handicapées menées par l'AGEFIPH, le projet de loi reconnaît le réseau Cap Emploi comme un partenaire de la politique de l'insertion professionnelle des personnes handicapées et il donne une base égale à la convention d'objectifs, conclue depuis 2000, entre l'association et l'Etat.
Je dois avouer que nous sommes restés sceptiques sur l'efficacité de la convention d'objectifs pour orienter réellement les actions de l'AGEFIPH, au vu des observations très critiques de la Cour des comptes sur la gestion de cette association en 2002 : contrôle médiocre de l'efficacité des interventions financées, dépenses de fonctionnement excessives, réserves de trésorerie non utilisées - bien qu'à ma connaissance ces dernières soient aujourd'hui pratiquement épuisées.
Ces dysfonctionnements tendent à prouver que le mode actuel d'organisation des relations entre l'Etat et l'AGEFIPH ne permet pas d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, la cohérence et l'efficacité des actions en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
C'est la raison pour laquelle la commission vous proposera de transformer l'AGEFIPH en un établissement public, avec un double objectif : renforcer la présence de l'Etat et sa capacité d'orientation au sein des instances de décision de l'AGEFIPH et améliorer le contrôle de l'utilisation des fonds collectés par les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi.
Je sais bien que c'est là une question qui inquiète un certain nombre de partenaires, notamment sociaux, mais il faut tout de même la soulever afin de voir comment on peut la régler de la meilleure façon possible.
Il convient par ailleurs d'insister sur une dimension essentielle de la politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées : celle de l'accompagnement et du suivi dans l'emploi. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de reconnaître explicitement cette mission aux Cap Emploi et de leur ouvrir un droit aux financements de l'AGEFIPH à ce titre.
En matière d'emploi, la grande nouveauté réside surtout dans la mise en oeuvre d'un mécanisme contraignant pour les employeurs des trois fonctions publiques, à travers la création d'un fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.
A cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement notre ancien collègue, M. Jean-Paul Delevoye, aujourd'hui ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, d'avoir beaucoup oeuvré pour qu'une solution soit trouvée dans ce sens.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Paul Blanc, rapporteur. Votre commission a considéré la démarche comme légitime, mais elle a trouvé singulier de conserver ainsi deux fonds séparés, l'un réservé aux employeurs privés et l'autre consacré aux employeurs publics. En effet, affirmer une solidarité entre privé et public ne lui aurait pas paru illégitime.
Même si elle reste persuadée du bien-fondé de cet objectif à terme, elle a souhaité laisser le temps aux partenaires des deux secteurs d'assimiler la réforme avant de tenter un tel rapprochement.
Concernant ce qu'il convenait d'appeler jusqu'ici le travail protégé, le projet de loi procède à une clarification importante : les ateliers protégés, qu'on appellera désormais « entreprises adaptées », sont assimilés au milieu ordinaire de travail ; leur agrément est transformé en une convention triennale d'objectifs, associée à un contingent annuel d'aide au poste. Votre commission vous proposera d'ailleurs d'en assouplir le fonctionnement pour qu'il puisse s'adapter aux variations d'activité de l'entreprise, à la hausse comme à la baisse.
Le projet de loi prévoit, enfin, des dispositifs de « passerelle » afin de faciliter l'évolution des personnes handicapées vers le milieu ordinaire de travail : ainsi, les personnes accueillies en centres d'aide par le travail pourront bénéficier, dans le cadre d'un contrat d'appui, de la possibilité de conclure un véritable contrat de travail.
Votre commission a estimé qu'un dispositif similaire devrait exister entre l'entreprise adaptée et l'entreprise ordinaire. Elle vous proposera donc de mettre en place un mécanisme permettant à un travailleur handicapé en entreprise adaptée de tenter « l'aventure » de l'emploi en entreprise ordinaire, tout en ayant la possibilité de retrouver plus facilement, en cas d'échec, un emploi adapté.
S'agissant de l'accès de tous à tout, je voudrais maintenant aborder un aspect primordial et qui conditionne, en fait, l'effectivité de l'intégration scolaire et professionnelle : il s'agit de l'accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des transports.
Les associations de personnes handicapées font de l'accessibilité le premier enjeu de la politique du handicap, avant même la question de la compensation, car elle mesure le degré d'intérêt qu'une société porte sur les plus vulnérables de ses membres. Vous avez également abordé ce problème, madame la secrétaire d'Etat.
Le projet de loi impose l'accessibilité du cadre bâti, non seulement aux personnes à mobilité réduite ou se déplaçant en fauteuil, mais aussi à tout type de handicap, qu'il soit physique, sensoriel, mental ou psychique. Il en résulte une stricte obligation d'accessibilité pour les bâtiments neufs et une obligation de mise en conformité pour l'existant, qui prend des modalités différentes selon le type de bâtiment concerné.
Au-delà du renforcement des normes elles-mêmes, le projet de loi promeut la prise en compte de l'accessibilité par des mesures incitatives, le renforcement du contrôle de l'accessibilité et l'alourdissement des sanctions administratives ou pénales. L'ensemble de ces dispositions me semble incontestablement aller dans le sens d'une amélioration réelle de la prise en compte de l'accessibilité. Compte tenu de la priorité que votre commission accorde à ce sujet, elle vous proposera d'en renforcer encore certains aspects, par exemple, en inscrivant l'accessibilité parmi les critères de délivrance des permis de construire, en limitant les dérogations possibles et en imposant des mesures de substitution afin d'accorder aux personnes handicapées des prestations adaptées à leur situation.
S'agissant des transports, les obligations posées par le projet de loi vont bien au-delà de la simple « mesure particulière en faveur des personnes à mobilité réduite » prévue par la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Le projet de loi impose une obligation d'accessibilité complète dans un délai de six ans. Les dérogations ne sont acceptées qu'en cas d'« impossibilités techniques avérées » et devront entraîner la mise en place d'un service de transport adapté. Enfin, comme en matière de construction, l'octroi des aides publiques sera conditionné au respect des règles d'accessibilité.
Pour compléter ce dispositif, votre commission vous proposera d'y ajouter une obligation d'achat de matériel roulant adapté par les services de transports collectifs, à l'occasion du renouvellement de leur parc, et de mettre à la charge des services de transports de droit commun le financement des services de transports de substitution.
Le projet de loi améliore enfin la planification de l'effort de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics et il inscrit les impératifs d'accessibilité dans le plan de déplacements urbains à l'élaboration duquel les usagers handicapés seront désormais associés. Je vous proposerai de prévoir, sur le même modèle, une prise en compte de ces aspects dans les programmes locaux de l'habitat.
Par ailleurs, une commission communale d'accessibilité devra être créée dans les communes de plus de 10 000 habitants, pour évaluer périodiquement leur niveau d'accessibilité et faire toute proposition utile pour l'améliorer.
Cette suggestion paraît judicieuse, car elle permettra le dialogue entre les personnes handicapées, plus exactement d'ailleurs entre toute catégorie d'usagers confrontée à des difficultés de déplacement, et les acteurs responsables de ces obstacles. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de l'étendre aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, compétents dès le seuil de 5 000 habitants.
Enfin, pour répondre plus exactement à l'objectif affiché dans l'intitulé même du texte, votre commission a souhaité compléter le projet de loi en y introduisant un volet supplémentaire concernant la participation des personnes handicapées à la vie démocratique, notamment par l'exercice du droit de vote, premier des droits du citoyen.
Cela suppose l'accessibilité des bureaux de vote et la mise à disposition des personnes malvoyantes ou aveugles d'un système, dont nous espérons ainsi promouvoir la création, pour conjuguer confidentialité du vote et identification, en braille ou en gros caractères, des candidats sur les bulletins de vote. A ce sujet, je me réjouis de l'extension, prévue à titre expérimental par M. le ministre de l'intérieur dès les prochaines élections, du vote électronique, qui permettra de régler ce problème pour les non-voyants.
Il convient aussi de favoriser l'accès à l'information, tout particulièrement pour les personnes atteintes d'un handicap sensoriel. Je pense surtout aux sourds et aux malentendants, qui devraient disposer de davantage de programmes accessibles. Vous avez également souligné ce point, madame le secrétaire d'Etat.
Le dernier chantier auquel s'attelle le projet de loi est celui de la simplification de l'architecture institutionnelle, dans l'objectif de mettre fin au parcours du combattant que rencontrent les personnes handicapées pour faire reconnaître leurs droits.
Il est proposé de créer des maisons départementales des personnes handicapées, regroupant les compétences aujourd'hui éparpillées entre les COTOREP, les CDES, commissions départementales de l'éducation spéciale, et les sites pour la vie autonome. Leur mission sera triple : informer, constituer le « guichet unique » pour l'accès aux droits et prestations et coordonner l'intervention des multiples acteurs participant à la politique en faveur des personnes handicapées.
Elles disposeront d'une équipe pluridisciplinaire, chargée d'évaluer les besoins de chacun et de proposer un plan de compensation.
Parallèlement, c'est à une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qu'il appartiendra de prendre les décisions relatives aux droits de la personne handicapée, notamment l'attribution de ses prestations et son orientation.
Pour que cette nouvelle structure fonctionne convenablement, je vous proposerai de préciser certains principes qui doivent guider son travail : l'obligation de proposer, non pas une seule, mais un panel de solutions d'orientation à la personne handicapée et à sa famille, organiser la révision de l'orientation, lorsque l'évolution de l'état de santé de la personne le justifie et, surtout, instituer un médiateur, placé auprès de la maison départementale, garant de l'indépendance avec laquelle les besoins et les moyens de compensation de la personne seront évalués.
Je dois reconnaître - et je partage vos propos, madame le secrétaire d'Etat - que cette nouvelle architecture institutionnelle paraît inachevée en l'état, notamment en ce qui concerne la forme juridique et les modalités d'organisation de ces maisons départementales.
Dans sa proposition de loi, la commission des affaires sociales du Sénat avait elle-même proposé la création de ces maisons sous la forme de groupements d'intérêt public, ou GIP, entre les départements, l'Etat, les communes et les organismes de sécurité sociale, cette composition pouvant être élargie en fonction des réalités locales. Une solution similaire a d'ailleurs été préconisée par le rapport prospectif confié à M. Denis Piveteau sur ce même sujet.
Il me semble que cette proposition garde tout son intérêt aujourd'hui. Elle pourrait utilement servir de base à la réflexion que nous devrons nécessairement avoir, en cours de navette, lorsque seront connues les conclusions de la mission Briet-Jamet, actuellement en cours, sur les futures relations de ces maisons avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
L'avantage du GIP est de permettre la mise en place de partenariats souples et une contribution, y compris humaine et financière, de l'ensemble des acteurs qui participent aujourd'hui aux fonds départementaux de compensation. Cette formule semble la mieux à même de fédérer les moyens financiers nécessaires à la compensation du handicap et d'éviter une « fuite » des financements extralégaux qui apportent aujourd'hui un appoint non négligeable à la compensation du handicap. Elle autorise la participation, justifiée, des personnes handicapées au sein des institutions qui les concernent directement. Enfin, elle est compatible avec la création de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, laquelle pourrait se voir dotée d'une mission d'animation des différentes maisons départementales et de coordination de leurs actions, à travers des contrats d'objectifs.
La commission des affaires sociales vous proposera donc de retenir cette option et de confier la direction de ces GIP aux départements, répondant ainsi à la volonté du Premier ministre de rendre les départements « responsables de la mise en oeuvre globale de la politique de la dépendance », conformément au souhait exprimé par les conseils généraux.
Ce dispositif n'est naturellement pas figé : il a vocation à évoluer au vu des orientations qui seront données par le Gouvernement pour la création de la caisse de solidarité et il sera amélioré au fil des lectures dans les deux assemblées. Mais je crois réellement indispensable d'ouvrir ce débat dès aujourd'hui, puisque la future caisse sera chargée du financement de la compensation, qui constitue le coeur même du projet de loi.
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle soumettra à votre approbation, la commission s'est prononcée en faveur de l'adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « Les hommes naissent et demeurent égaux en droits », est-il affirmé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il est ajouté, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies de 1948 : « Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir dans un esprit de fraternité. »
Si nous sommes réunis aujourd'hui, bien que la loi de 1975 reste, à mes yeux, un texte fondateur, c'est parce que trop de personnes handicapées et trop de familles voient encore leurs droits bafoués et ne ressentent que peu cet esprit de fraternité.
Permettez-moi de saluer toutes les personnes handicapées, leurs familles et leurs amis qui suivent nos débats dans le salon Victor-Hugo sur écran - nos tribunes n'étant malheureusement pas encore adaptées - ainsi que celles et ceux qui attendent et manifestent silencieusement l'intérêt qu'ils portent à nos travaux à l'extérieur du Palais.
Madame la secrétaire d'Etat, je veux vous remercier de porter devant nous ce texte. Cette réforme, vos prédécesseurs nous l'avaient promise.
M. Paul Blanc, rapporteur. Oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons attendu en vain.
Compléter, adapter, faire évoluer cette fameuse loi de 1975 est un défi comparable à celui de la réforme des retraites ou de la sécurité sociale. C'est l'honneur de ce gouvernement d'y faire face et je remercie le Président de la République d'avoir consacré ce dossier comme l'un des grands chantiers de son mandat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
L'annonce faite par Jacques Chirac le 14 juillet 2002 a suscité un immense espoir qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de décevoir.
Oui, ceux qui manifestent et qui écoutent sont les enfants de la génération de 1975. Avec leurs parents, leurs conjoints ou leurs enfants, ils sont là pour que certaines des promesses de 1975 soient enfin tenues et que les imperfections ou les inadaptations au monde de 2004 soient corrigées.
Avant 1975, les « incapables » étaient entièrement laissés à la charge des familles et, plus généralement, placés sans distinction dans des institutions fermées, inadaptées, et parfois dans des asiles psychiatriques d'où ils n'avaient aucun espoir de sortir.
Par conséquent, 1975 restera l'année des premiers pas d'une longue marche désormais irréversible, grâce à une série de mesures : l'instauration d'un revenu minimum d'existence, l'AAH ; l'affirmation des droits fondamentaux tels que l'éducation, le travail ou l'accessibilité des lieux publics ; la mise en place d'une couverture partielle des frais pour les parents gardant leurs enfants à domicile, puis l'ACTP pour les personnes dépendantes devenues adultes.
La loi de 1975 n'a pourtant pas tout réglé.
Aujourd'hui, les enfants d'alors ont grandi. Certains, après avoir été scolarisés en milieu ordinaire ou adapté, ayant vécu au domicile de leurs parents, loin des institutions, disposant d'un travail, ou étant parfaitement en mesure d'en exercer un, vivant parfois en couple, ayant des enfants, souhaitent désormais vivre décemment et de façon indépendante à leur domicile, sans devoir, à tout moment, compter sur leur famille ou leur conjoint. Ils veulent aussi exercer leurs droits de citoyens.
Cette grande conquête de l'autonomie, qu'ils abordent individuellement avec volonté et courage, est un mouvement collectif inéluctable, qui résulte directement des avancées faites par le législateur il y a trente ans.
Nous ne pouvons pas les abandonner à mi-parcours.
Alors que leurs parents vieillissent, deviennent eux-mêmes dépendants, nous ne pouvons pas décemment les laisser retourner dans les institutions quand ils ne le veulent pas. Ce serait là une terrible régression sociale.
« Plutôt mourir que d'en arriver là », nous disent-ils.
Certains l'ont manifesté avec toute la force de leur désespoir, en se lançant dans des grèves de la faim. Quand, dans un pays, des personnes tétraplégiques ou myopathes décident de mettre en péril leur vie pour réclamer des soins infirmiers à domicile ou des aides humaines afin d'effectuer des actes essentiels de la vie quotidienne, comme boire, manger, se laver, aller aux toilettes ou s'habiller, on se dit qu'il y a forcément là une terrible carence de la société à leur égard.
Or le handicap résulte, en grande partie, des carences de notre société.
Tout enfant vient au monde avec un patrimoine génétique imparfait, support de déficiences plus ou moins lourdes et qui ne s'exprimeront que plus ou moins tardivement, voire jamais, au cours de la vie, et, donc, seront ou ne seront pas, face à un environnement inadapté, source de handicap.
Pour d'autres, les déficiences découlent d'accidents ou de maladies. Certaines seront heureusement facilement compensées par une réponse sociale, un appareillage, un traitement médical ou une intervention chirurgicale, d'autres pas. Ces déficiences peuvent être d'ordre psychique, physique, mental, sensoriel. En fonction de la réponse adaptée de la société à ces déficiences, ces personnes seront ou ne seront pas des personnes dites handicapées.
Si le handicap apparaît, il doit alors faire l'objet d'une compensation pour permettre à chaque personne de vivre sa vie dans le respect de ses droits.
En suivant ce raisonnement, on comprend mieux l'ordre que certains réclamaient et que l'on aurait pu suivre dans le texte, à savoir : déficience, environnement sociétal, handicap, compensation.
Le mieux semble d'adopter deux démarches conjointement : adapter l'environnement, d'une part, afin de rendre le plus accessible possible l'ensemble des lieux pour permettre à tous ceux qui présentent une déficience de réduire leur situation de handicap ; compenser le handicap, d'autre part, et c'est le rôle de la solidarité nationale.
Notons que, même lorsqu'un environnement est adapté, la déficience est trop lourde pour permettre à toute personne handicapée d'exercer pleinement ses droits et d'accéder à la vie sociale, comme tout citoyen.
Notre pays ne peut se priver du potentiel humain que représentent 5 millions de nos concitoyens, soit près de 10 % de notre population ! Ce serait une grave erreur, une attitude même antiéconomique, car le domaine de la compensation représente un potentiel immense en termes de création d'emplois, de proximité notamment.
Cet effort qui doit être le nôtre est aussi une chance pour notre développement et notre recherche. Les personnes handicapées sont souvent des pionnières dans le domaine des nouvelles technologies. Elles nous incitent à trouver des solutions innovantes en matière, par exemple, de domotique ou de robotique.
Enfin, face à la concurrence internationale, il est vital pour notre pays de tirer parti de l'ensemble des ressources humaines et économiques prises dans toute leur diversité.
Nous ne pouvons continuer à exclure une partie aussi importante de notre population, dont les talents et la créativité, rappelés tout à l'heure par Jean-François Mattei et Marie-Thérèse Boisseau, ne demandent souvent qu'à s'exprimer, pour peu qu'on lui en donne les moyens. Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, félicitant à nouveau notre rapporteur pour son travail très complet, je ne souhaite pas revenir sur tout ce qu'il a si bien dit. J'insisterai seulement sur quelques points, me réservant d'intervenir sur les autres aspects de ce texte au cours de la discussion des articles.
A propos des aides humaines, vous avez fixé, madame la secrétaire d'Etat, le plafond de l'aide humaine versée par l'Etat à 80 % du prix moyen d'une place annuelle en maison d'accueil spécialisée, ou MAS. Vous avez estimé devant la commission que ce prix moyen annuel est de 64 000 euros, soit un montant maximum d'aide de 51 200 euros par personne correspondant à seize heures théoriques d'aide humaine par jour.
Or ce calcul ne tient pas forcément compte de la hausse régulière du SMIC. Il n'y a pas d'indexation, ce qui va conduire les personnes handicapées employeurs à augmenter leurs assistants, sans bénéficier corrélativement d'une hausse du montant de leur aide. Cet effet « ciseau » aboutira en définitive à une baisse du nombre d'heures dont elles bénéficiaient au départ.
Ce calcul ne tient pas compte non plus des majorations de nuits, de week-ends et de jours fériés, ni des coûts générés par les remplacements des assistants pour congés payés, arrêts maladie ou droit à la formation.
Ce calcul ne tient pas davantage compte des éventuels arrêts maladie des personnes handicapées si elles travaillent, car elles ont alors besoin d'être assistées à leur domicile durant la période de l'arrêt maladie.
Enfin, ce calcul ne tient pas compte des surcoûts indirects liés à l'hébergement, aux frais de déplacement et d'alimentation des assistants, forcément assumés en double par la personne handicapée qui se fait aider, sans parler des frais doubles engendrés lorsqu'elle effectue une sortie culturelle comme le cinéma, le musée, le théâtre, ou lorsqu'elle part en vacances, accompagnée bien sûr.
Et je ne parle pas des besoins complémentaires en aides humaines lorsque cette personne élève un enfant seule, ou quand son conjoint travaille.
Les personnes lourdement handicapées ont impérativement besoin pour vivre à domicile d'une assistance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, payée aux tarifs « auxiliaires de vie » tels que pratiqués dans les associations mandataires et non, malheureusement, aux tarifs « tierce personne ».
Elles ont besoin de pouvoir choisir librement leurs assistants personnels en raison du lien d'intimité extraordinaire et incomparable qui peut exister entre la personne handicapée et celle qui l'aide.
Elles ont besoin de pouvoir en être l'employeur direct, tout en déléguant éventuellement la gestion strictement administrative à une structure dédiée à cet effet, mais totalement indépendante des financeurs.
Elles ont besoin de ne pas se voir imposer d'horaires, un planning ou une organisation de soins qui soient contraires à leurs choix de vie, qui les contraignent à ne se lever que vers onze heures du matin et à se coucher tous les soirs avant vingt heures.
C'est cela, le respect du choix de vie.
Aujourd'hui, à l'évidence, ce sont aux personnes handicapées de s'adapter aux organismes à domicile, et non l'inverse, avec toutes les dérives que cela peut entraîner au quotidien : non-respect des horaires, travail à la chaîne, modifications brutales et sans préavis des déroulements de soins, changements permanents de personnels particulièrement déstabilisants pour la personne handicapée qui doit sans arrêt réexpliquer les gestes, former les équipes, accepter de nouvelles têtes, inconnues, au coeur de son intimité, y compris corporelle.
Une personne handicapée m'écrivait il y a quelques jours : « En raison de l'insuffisance des aides, j'ai dû recourir à des aidants extérieurs au service d'auxiliaires de vie et du SSIAD. Si je tiens compte des remplacements et des renouvellements, plus de quarante personnes différentes se sont occupées de moi en dix-huit mois. J'ai été nourrie en dix-huit mois par quarante personnes différentes, habillée et déshabillée par quarante personnes différentes, mise aux toilettes » - et je ne vous parlerai pas de la suite - « par quarante personnes différentes, installée à mon bureau, au centimètre près, par quarante personnes différentes, pour pouvoir enfin utiliser la licorne sur mon front, seul moyen de communication pour moi, ou bien encore être connue pour mes gestes incontrôlés aussi par quarante personnes que je ne connais pas. C'est en soi une brutalité ».
Cette personne ajoutait : « Concrètement, j'en suis arrivée à ne plus supporter personne, à faire un effort pour ne pas mettre à la porte les gens arrivant pour m'aider, et, pour y parvenir maintenant, à éviter les contacts, surtout des mains sur moi, renonçant même à une partie de ma toilette, moi qui appréciais tant la propreté !
« Cet état de fait a des implications fortes » - écrivait-elle - « et inadmissibles sur ma personnalité, mon intimité, mes réactions, mon organisation, bref, ma vie, mon intégrité, ma substance même ; quiconque tentera de le nier s'enfermera dans l'ignorance. »
Elle concluait sa lettre ainsi : « C'est de l'autonomie de l'individu en tant que sujet, être sensible, citoyen et responsable qu'il est question pour les intéressés : bien trop souvent, ce n'est pas un paramètre étudié ni une notion envisagée comme existante. Accompagner une personne dépendante, ce n'est pas seulement lui fournir l'ensemble des aides humaines et techniques dont elle a besoin, mais c'est aussi lui offrir la possibilité de s'épanouir sur le plan privé, social et professionnel, dans le respect de ses aspirations et de ses possibilités. »
Voilà pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il nous faut accorder les moyens nécessaires et suffisants aux personnes les plus gravement handicapées et à leurs aidants.
Je dirai également un mot sur les aides techniques.
L'assurance maladie doit prendre en charge la totalité des aides techniques pour lesquelles elle accorde aujourd'hui un remboursement partiel et doit ainsi mettre fin à des situations absurdes.
Par exemple, la caisse primaire d'assurance maladie rembourse intégralement la location journalière d'un soulève-malade pour se coucher, ce qui coûte très cher à l'année, et ce pendant toute la durée de vie d'une personne handicapée prise en charge à 100 %. Toutefois, si la personne handicapée souhaite acheter directement ce matériel, ce qui serait, reconnaissons-le, une source d'économie non négligeable pour la sécurité sociale, elle n'a droit à aucun remboursement !
De même, comment se fait-il qu'un siège élévateur de bain, pour une personne totalement dépendante, ne soit absolument pas pris en charge par la sécurité sociale ? Est-ce un luxe de prendre un bain pour une personne handicapée auquel elle doit renoncer ?
Enfin, pourquoi une personne handicapée qui souhaite se rendre à une visite médicale ou à l'hôpital avec son véhicule personnel rencontre-t-elle autant de difficultés à se faire rembourser ses trajets, alors que, si elle fait appel à une ambulance, autrement plus coûteuse, elle sera prise intégralement en charge, et ce très facilement ?
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux aborder en cet instant un sujet plus délicat encore : la sexualité des personnes handicapées. « Est-ce qu'on peut bouder l'amour ?
Aimer, c'est naître », affirmait Victor Hugo. Il poursuivait :
« Aimer, c'est savourer, au bras d'un être cher,
« La quantité de ciel que Dieu mit dans la chair ;
« C'est être un ange avec la gloire d'être un homme. »
Victor Hugo oubliait une seule chose : aimer, avoir une sexualité, c'est aussi un droit !
Il s'agit là sans doute du domaine dans lequel les personnes handicapées ressentent le plus cruellement leur différence, où le rejet social s'exprime, pour elles, avec le plus de violence.
C'est particulièrement vrai dans les établissements où le sujet est tabou, en particulier pour les personnes présentant un handicap mental.
Comment continuer à fermer les yeux sur le fait, d'une part, que ces personnes, en raison de leur extrême vulnérabilité, sont parfois victimes d'abus sexuels commis par des personnels ou des résidents incontrôlés et, d'autre part, que la seule réponse apportée face aux désirs, au demeurant bien naturels, qu'elles expriment, d'une sexualité, voire d'une maternité, encadrée, soit une stérilisation non désirée, brutale et définitive ?
Comment continuer d'interdire, comme c'est encore trop souvent le cas aujourd'hui, l'entrée à des adultes handicapés - je dis bien des adultes -, qui vivent dans des instituts spécialisés ou des foyers d'hébergement, de sortir le soir, d'avoir des relations sexuelles, même à l'intérieur de l'établissement, ou tout simplement de mener une vie de couple ? On finit bien par l'autoriser dans d'autres lieux où les contraintes sont pourtant plus lourdes...
Notre pays doit enfin mener une réflexion là où d'autres pays comme la Suisse, le Danemark et l'Allemagne l'ont précédé, notamment sur la mise en place, bien entendu contrôlée, de services d'assistance sexuelle à domicile pour les personnes handicapées les plus sévèrement touchées. Il faut lutter contre la misère affective, relationnelle et sexuelle dans laquelle un trop grand nombre d'entre elles sont plongées.
J'en viens aux services de soins infirmiers à domicile.
Depuis plusieurs années, les personnes handicapées sont les premières victimes des dysfonctionnements constatés du système infirmier libéral.
Nécessitant des soins fréquents, souvent lourds et compliqués, elles se heurtent aujourd'hui au refus systématique des infirmiers exerçant en libéral de venir faire des soins à domicile.
Pour le même prix, ces infirmiers préfèrent en effet effectuer des soins plus techniques auprès de patients qui leur prendront trois fois moins de temps.
Pour résoudre ce problème, vous avez, madame la secrétaire d'Etat, débloqué, à titre dérogatoire, deux cents places en SSIAD réservées jusque-là aux seules personnes âgées de plus de soixante ans. C'est bien. Malheureusement, pour les personnes lourdement handicapées, cette dérogation n'a pas suffi.
Le coût de la prise en charge en SSIAD s'élève en effet à trente-cinq euros par jour et par personne. Il est le même pour n'importe quel type de patient, quels que soient ses besoins, son âge et sa pathologie.
La personne handicapée qui nécessite une heure trente de soins le matin et une heure trente de soins le soir mobilise quatre personnes par jour. Elle devrait donc bénéficier d'un coût de prise en charge quatre fois supérieur à celui qui est actuellement pratiqué.
Cette non-prise en compte de la spécificité des soins des personnes lourdement handicapées a pour conséquence le refus opposé à leur prise en charge par les SSIAD. C'est précisément ce qui vient de se passer dans mon département.
Il reste la possibilité pour les personnes lourdement handicapées de bénéficier des services de l'hospitalisation à domicile.
Ce système est intéressant dans la mesure où il assure une prise en charge plus médicalisée du patient. Le prix de journée qui leur est attribué est d'ailleurs bien plus élevé qu'en SSIAD, puisqu'il est de 145 euros. Outre le passage quotidien des personnels soignants et de membres de professions paramédicales, il couvre également les frais médicaux annexes, qui reviennent cher aux personnes handicapées : achat de matériels, notamment gants plastiques, pansements, protections.
Or, depuis quelques années, ces services sont en nombre insuffisant sur notre territoire et se trouvent, par conséquent, en situation monopolistique sur le marché du soin à domicile : ils font le « tri » parmi leurs patients. Ceux qui exigent des soins lourds, une attention particulière, de nombreuses manipulations et un temps de soin jugé trop long, donc moins rentable, sont sortis du système et priés d'aller voir ailleurs. Motif invoqué : ils ne relèvent pas de l'hospitalisation à domicile, qui n'assure en général que des séjours courts, essentiellement palliatifs.
Bref, on leur fait comprendre que, même s'ils souffrent d'une sclérose en plaques ou d'une myopathie sévère, leur pathologie n'évolue pas assez vite.
Ce « tri » de patients est choquant, mais bien réel. Les conséquences en sont terribles. Pour ceux qui sont évincés du système, l'issue est simple : faute de services de soins à domicile alternatifs, c'est l'institution. En général, cette éviction a lieu lorsque l'entourage familial de la personne handicapée vieillit, fatigue et n'est plus en mesure de pallier les insuffisances chroniques de personnels et de soins qui se manifestent au sein de ces services, qui sont finalement peu contrôlés par les organismes de tutelle et où règne la loi du silence, chaque patient préférant se taire plutôt que de perdre « sa place ».
Rejetées par le système infirmier libéral, insuffisamment prises en charge pour être acceptées par les SSIAD, évincées des services de l'hospitalisation à domicile, les personnes lourdement handicapées se retrouvent sans solution pour assurer leurs soins, parfois vitaux.
Cet abandon, qui résulte de la non-prise en compte de leur spécificité et de leur pathologie par notre système de protection sociale, est un scandale que je souhaite dénoncer ici.
Une réflexion doit être engagée au plus vite dans le cadre du futur projet de réforme de l'assurance maladie. A quoi bon réformer si notre pays n'est même pas en mesure d'assurer les soins vitaux aux plus fragiles d'entre nous ?
Plusieurs pistes pourraient être étudiées : premièrement, l'extension des places disponibles en SSIAD et la revalorisation corrélative du prix de journée en fonction de la pathologie et des temps de soins ; deuxièmement, l'ouverture obligatoire des services d'hospitalisation à domicile aux handicaps lourds et un contrôle renforcé de la qualité des soins dispensés au sein de ces services ; troisièmement, l'autorisation donnée, à titre exceptionnel, aux aides-soignants d'exercer leur métier en libéral auprès de ces personnes ; enfin, quatrièmement, la mise en place d'un service d'urgence pour les soins à domicile, une sorte de SAMU sanitaire, afin d'assurer une permanence de soins en cas de défaillance de personnel non prévue.
S'agissant de l'emploi, la fin de la comptabilisation des bénéficiaires de l'obligation d'emploi par « unité bénéficiaire » ne doit pas conduire à l'éviction, à compétences égales, du travailleur le plus lourdement handicapé, lors de sa candidature.
Il ne faut pas aboutir à ce que les employeurs privilégient l'embauche des candidats atteints de handicaps légers, comme une allergie, au détriment de ceux qui sont atteints de handicaps lourds, pas exemple d'une maladie psychique, de cécité ou de myopathie.
Il nous faut donc accorder une valeur supérieure aux travailleurs lourdement handicapés pour compenser la perte de chances qu'ils peuvent rencontrer face à un employeur au moment de leur candidature.
Il faut vaincre les réticences des employeurs à embaucher une personne handicapée, lever les préjugés.
Je veux rappeler très solennellement à notre assemblée que près de 85 % des employeurs qui ont embauché un salarié handicapé ont été satisfaits de leur choix.
Permettez-moi d'insister sur la nécessité de permettre aux personnes handicapées d'être représentées par des associations représentatives, et non par des associations ou des représentants choisis par les préfets. C'est indispensable, car ces associations seront amenées à siéger dans les instances qui décident de l'orientation des enfants, des adolescents, des adultes ou des travailleurs handicapés au sein de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Ces associations seront également membres des commissions communales pour l'accessibilité, qui dresseront chaque année le constat d'accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports urbains. Ces nouvelles responsabilités impliquent de leur donner une vraie légitimité.
Un dernier mot sur l'évolution, selon l'âge, du droit à compensation. La compensation concerne non seulement les actes essentiels de la vie, mais aussi l'ensemble du projet de vie - vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'Etat -, y compris les loisirs.
Il me paraît indispensable d'inscrire dans le temps l'accès de tous à la compensation. Certains pays n'ont pas fixé d'âge pour prétendre à la juste compensation du handicap, comme la Suède, où cette compensation commence avec l'apparition du handicap.
La compensation du handicap chez les personnes âgées de moins de vingt ans n'est aujourd'hui réglée que très partiellement par l'attribution d'une allocation versée aux parents. Il convient donc de prévoir un accès progressif de tous à la compensation.
Je propose que, dès l'âge de dix-huit ans, les majeurs accèdent, s'ils le souhaitent, à la compensation, selon leur projet de vie, et ce dès l'entrée en vigueur de la loi. Un délai de cinq ans devrait permettre d'intégrer dans ce processus les jeunes âgés de plus de seize ans. Dix ans seraient en outre accordés pour étendre cette compensation aux mineurs âgés de plus de treize ans. Il s'agirait non pas simplement d'une sorte de quatrième niveau d'accès à l'AES, mais bien d'un véritable droit à la même compensation que les adultes handicapés.
Une telle perspective est porteuse d'espoir de voir un jour la compensation étendue au plus grand nombre sans la condamner par une précipitation excessive.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tels sont les quelques thèmes que je souhaitais aborder à cette tribune. Le texte qui nous est soumis est attendu depuis longtemps. C'est un texte généreux, qui ne demande qu'à être conforté. Faisons-le grandir, amendons-le !
M. Daniel Raoul. Dommage ! Jusque-là, c'était bien !
M. Gilbert Chabroux. Jusqu'à présent, c'était pas mal !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oublions, mes chers collègues, nos discordes partisanes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je comprends que cela vous gêne !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Au contraire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Méfiez-vous, l'humour peut être une preuve de déficience !
Oublions, dis-je, nos discordes partisanes, nos responsabilités passées, nos erreurs pour parvenir à faire considérer notre pays comme l'une des références dans le combat pour la dignité des personnes handicapées en leur accordant enfin la possibilité de vivre et non plus seulement de survivre.
« Pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d'autre », affirmait Paul Eluard. Construisons ensemble une part de ce bonheur ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 112 minutes ;
Groupe socialiste : 60 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole et à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous aurions pu applaudir les propos que vient de tenir le président Nicolas About. Dommage que la fin de son intervention nous en ait empêchés ! En effet, nous abordons ce texte sans aucune volonté de récupération politique, sous quelque forme que ce soit. C'était peut-être anticiper nos discours. Car si nous souscrivons pleinement à l'essentiel de vos propos, monsieur About, nous avons beaucoup de mal à les retrouver dans le texte qui nous est proposé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez tort ! Vous verrez !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons, en effet ! Nous avons un peu de temps pour cela, mais pas beaucoup !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Toute la semaine !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous abordons donc l'examen d'un texte attendu par les millions de personnes en situation de handicap et leurs familles vivant dans notre pays, qui espèrent des solutions concrètes à leurs difficultés quotidiennes.
La loi du 30 juin 1975 fut une loi fondatrice - si mes souvenirs sont exacts, les conclusions de la commission mixte paritaire auxquelles elle a donné lieu ont été votées à l'unanimité - qui a permis de modifier en profondeur le regard de notre société sur le handicap. Mais trente ans plus tard, elle a vécu et il nous faut l'adapter aux évolutions qui marquent la situation des personnes en situation de handicap et leur environnement.
Nul doute que l'émergence forte de l'aspiration des personnes concernées et de leurs familles à l'autonomie, à la liberté de choix de leur mode de vie, à une pleine participation, c'est-à-dire en fait à l'exercice d'une vraie citoyenneté, a contribué au vieillissement de la loi du 30 juin 1975. Cette loi apportait, pour l'essentiel, des réponses institutionnelles et médicosociales à la question du handicap, des réponses dont on sait bien aujourd'hui les limites et l'inadaptation pour une population qui aspire largement, à juste titre, à vivre comme les autres.
Ce texte est important parce qu'il a suscité une attente particulière née, d'une part, de l'annonce du 14 juillet 2002 par laquelle le Président de la République inscrivait le handicap parmi les grands chantiers de son quinquennat et, d'autre part, de la reconnaissance par la loi du 4 mars 2002 d'un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale tout au long de la vie.
Ce projet de loi était annoncé depuis des mois. Mais alors que les associations et les différents organismes consultatifs étaient en train de débattre des orientations de cette réforme, le Gouvernement a brutalement accéléré le calendrier. (Mme la secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. Examiné en conseil des ministres le mercredi 28 janvier au matin, le texte a été déposé immédiatement sur le bureau du Sénat et vous avez été auditionnée l'après-midi même, madame la secrétaire d'Etat, pour un examen qui commence aujourd'hui, soit moins de trois semaines plus tard.
M. Alain Gournac. Quelle efficacité !
M. Jean-Pierre Godefroy. La commission a dû travailler dans des conditions que le rapporteur a lui-même qualifées d'inhumaines ; ce n'est pas moi qui le dis !
Pourquoi une telle accélération alors que la concertation était engagée ? Vous avez dit, madame la secrétaire d'Etat, que la cause des personnes handicapées dépassait les clivages politiques. Certainement, mais ne devrait-elle pas également échapper au calendrier électoral ?
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette réforme était attendue depuis des années et je ne crois pas que quelques semaines supplémentaires d'attente auraient été de trop.
M. Paul Blanc, rapporteur. Pourquoi ne l'avez-vous pas faite ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Elles auraient au moins laissé le temps aux associations représentatives des personnes hadicapées et de leurs familles de pouvoir étudier plus sereinement le projet de loi que vous nous soumettez, madame la secrétaire d'Etat, et de poursuivre le dialogue indispensable pour parvenir au consensus que vous appelez de vos voeux, si j'en crois vos déclarations dans cet hémicycle en date du 18 février.
Mon collègue Gilbert Chabroux proposera donc au Sénat une motion tendant au renvoi en commission.
Attendu, retardé, puis enfin dans la bousculade, avec notamment l'irruption du plan « solidarité pour les personnes dépendantes », le projet de loi dont nous allons débattre ces prochains jours n'arrive pourtant pas à convaincre, je suis désolé de vous le dire.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne pouvons pas ignorer les réactions plus que tièdes des associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles ; les auditions auxquelles a procédé notre commission l'ont bien montré. Je ne ferai pas la liste exhaustive de leurs déclarations, parfois sévères, mais, de manière générale, elles regrettent toutes « un texte en retrait par rapport aux attentes qu'il avait suscitées », notamment l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapés mentales, l'UNAPEI.
M. Alain Gournac. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Si les principes affirmés recueillent l'approbation générale, l'ambition de certaines dispositions demeure bien trop faible, selon le Conseil national consultatif de personnes handicapées, le CNCPH.
L'Association française contre les myopathies, l'AFM, par exemple, a regretté qu'un fossé se soit creusé « entre l'affirmation d'un droit à compensation universel et la réalité d'une prestation forfaitaire et discriminante ». Pour l'Association des paralysés de France, l'AFP, il s'agit même d'une fausse reconnaissance dans la mesure où la compensation est conçue non pas comme un droit, mais comme une aide.
Je ne les cite pas toutes, mais, finalement, les associations considèrent, dans leur ensemble, que le texte du projet de loi est insuffisant au regard du défi posé par la question de l'intégration des personnes en situation de handicap, qui nécessite un véritable changement de mentalité.
Je rappelle que l'enjeu est aujourd'hui de construire une politique pour les personnes en situation de handicap en France pour les prochaines décennies.
Interrogations, déception et amertume, donc, en dépit de quelques avancées de principe, face à un projet de loi qui doit avoir pour ambition, selon M. Mattei, « d'apporter une réponse globale aux difficultés rencontrées dans notre société par les personnes handicapées ».
Certes, parmi ces avancées, on compte la reconnaissance de la déficience psychique au même titre que les autres déficiences, la suppression de la liste des emplois exigeant des conditions particulières dans un délai de cinq ans, ou encore l'inscription et la formation de l'enfant à l'école du quartier mieux assurées. Ces dispositions restent cependant amendables et nous nous y attacherons.
Le premier problème qui se pose aux associations réside dans les fondations du texte, notamment la définition de la notion de handicap. La loi du 30 juin 1975 consacrait un terme apparu dans les années cinquante, mais elle ne donnait ni définition du handicap ni définition de la personne handicapée, laissant ainsi le soin aux COTOREP et aux CDES de définir ceux qui pouvaient avoir accès aux hébergements, aux services et aux prestations en nature. La définition du terme « handicap » est vite devenue plus ou moins différente selon les interlocuteurs concernés, chacun insistant sur une caractéristique particulière - chronicité, incapacité, atteinte organique ou psychique, etc. - et les contours, tant du concept que du public concerné, sont devenus flous. Aujourd'hui encore, c'est au nombre de dossiers déposés auprès des CDES ou des COTOREP que l'on évalue le nombre de personnes handicapées.
Ainsi, tout en saluant l'effort de définition, on ne peut que regretter que le projet de loi s'appuie trop sur une conception médicale du handicap et ne prenne pas en compte les nouvelles références et les nouveaux concepts européens. D'ailleurs, après avoir entendu M. Mattei, j'ai un peu le sentiment que cette conception médicale du handicap perdure dans son esprit. Malgré les propos que vous avez tenus tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, la définition proposée dans le projet de loi ne nous semble conforme ni aux règles standard des Nations unies ni à la classification internationale du handicap adoptée par l'OMS en 1980 et encore moins - pourtant, vous y avez fait référence - à la classification internationale du fonctionnement adoptée par la France,...
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est la définition de l'OMS !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous en reparlerons !
... qui stipule que « l'état de fonctionnement et de handicap d'une personne est le résultat de l'interaction dynamique entre son problème de santé et les facteurs contextuels qui comprennent à la fois des facteurs environnementaux et personnels. »
Dans le projet de loi, le handicap est trop défini comme une situation individuelle et non comme l'interaction entre des limites propres à l'individu appelant une compensation et des facteurs environnementaux, impliquant la mise en oeuvre d'un principe d'accès à tout pour tous. Nous proposerons plusieurs amendements sur ce point.
Il convient de noter que l'inversion du plan de la loi réclamée par certaines associations - elle n'aurait rien changé au texte ! - aurait sans doute été plus conforme à cette définition. (Mme la secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
Le texte démontre, en fait, une définition quelque peu figée du handicap et apporte des réponses insatisfaisantes, très en deçà des espoirs suscités.
J'en arrive à la compensation et aux ressources, thèmes sur lesquels reviendra ma collègue Michèle San Vincente.
Selon l'exposé des motifs du texte, la compensation doit permettre à chaque personne handicapée d'obtenir la réponse appropriée à ses besoins et de disposer des moyens nécessaires pour faire face aux charges spécifiques liées à sa situation de handicap. C'est une très belle affirmation de principe, mais immédiatement mise en doute tant le nouveau dispositif prévu est limité par des critères qui viennent en réduire la portée : conditions d'âge ; critères de ressources, qui subsistent, quoi que vous disiez, madame la secrétaire d'Etat, et M. le rapporteur l'a clairement démontré ; enfin, taux d'incapacité. Les associations dénoncent ainsi une conception étroite et rigoureuse de la compensation.
En fait, le projet de loi ne rompt pas avec la logique d'assitance, et notamment d'aide sociale : la prestation de compensation reste attribuée sous conditions de ressources, tandis que l'AAH demeure un minimum social très insuffisant.
Le revenu d'existence favorisant une vie autonome digne, que vous évoquez, madame la secrétaire d'Etat, a un goût amer : il consiste simplement en un maintien de l'AAH à son faible niveau. Comme vous le dites dans votre interview à l'Hémicycle du 18 février, « l'AAH, qui s'élève aujourd'hui à 587 euros nets, ne sera pas revalorisée ». Vous ajoutez que « la personne handicapée pourra bénéficier en plus de la prestation de compensation, ce qui améliorera notablement son confort financier ».
Cette affirmation est contraire à la philosophie même que nous souhaitons voir portée par ce texte : prestation de compensation et AAH sont deux choses conçues différemment, qui ne doivent donc pas être mises en rapport l'une avec l'autre.
Nous demandons la mise en place d'un revenu de remplacement égal - ou approximativement égal - au SMIC pour les personnes reconnues incapables de travailler, indépendamment des ressources du conjoint. Nous demandons aussi l'amélioration des possibilités de cumul entre le salaire et une AAH nouvelle, conçue comme une allocation d'intégration sociale durable pour les personnes reconnues incapables de travailler. Sur ce second point, le texte semble aller dans le bon sens ; je dis « semble » parce qu'il renvoie la définition de ses modalités exactes à un futur décret.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne soyez pas méfiant ! Faites confiance !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est l'habitude qui me fait parler ainsi !
Permettez-moi donc d'ouvrir une parenthèse concernant les renvois à décrets et autres mesures réglementaires : ce projet de loi soumet les aspects pratiques, donc essentiels, de nombreuses mesures à des décrets. Nous en avons relevé plus d'une cinquantaine, ce qui n'est de nature à favoriser ni leur visibilité ni le travail parlementaire, même si vous vous en défendez par avance dans votre lettre d'information n° 1 de février 2004, madame la secrétaire d'Etat.
Je pourrais malicieusement suggérer qu'il s'agit là d'une loi d'habilitation qui n'ose pas dire son nom. D'autant que les décrets mettent souvent très longtemps à être publiés et sont même parfois oubliés. Ainsi, lors de la discussion des articles, nous attirerons votre attention sur la publication toujours attendue des décrets d'application des articles 84 et 85 de la loi relative à la démocratie de proximité concernant les élus en situation de handicap.
M. Paul Blanc, rapporteur. N'accusez pas les autres de ce que vous faisiez si bien vous-mêmes !
M. Jean-Pierre Godefroy. Si le texte est donc avare de détails en ce qui concerne les mesures positives renvoyées à la publication ultérieure de décrets, il l'est beaucoup moins en ce qui concerne les dérogations aux principes posés.
Il y a d'ailleurs un problème philosophique dans la démarche : à quoi bon clamer l'égalité des droits et le principe de non-discrimination ou d'accès à tout pour tous et « dérouler » ensuite des dérogations toujours plus nombreuses ?
Cette ambiguïté est parfaitement illustrée par le volet accessibilité du projet de loi, qui, tout en réaffirmant des idées généreuses, s'empresse de les réduire en prévoyant une série d'exceptions.
Mes collègues André Vantomme et Yves Dauge y reviendront en détail, mais permettez-moi néanmoins quelques remarques préliminaires.
Ainsi, pour l'éducation, c'est le principe même qui manque de force. Bien qu'il affirme que la scolarité des enfants handicapés incombera désormais à l'éducation nationale, en supprimant, et c'est heureux, à cette occasion le terme d'« éducation spéciale », le projet de loi ne va pas jusqu'à prévoir l'inscription obligatoire des élèves handicapés dans l'école de leur lieu de résidence, et les passerelles entre éducation en milieu ordinaire et éducation en établissement spécialisé ne sont pas assez précises.
Sur ce sujet, nous proposerons plusieurs amendements tout en soutenant activement ceux qui nous paraissent particulièrement pertinents - il y en a, et même beaucoup - de M. le rapporteur.
Concernant l'emploi, le texte ne va pas non plus assez loin.
La transcription de la directive européenne sur la notion d'aménagements raisonnables du poste de travail demeure incomplète.
Les passerelles entre milieu ordinaire et milieu protégé ne sont pas suffisamment précises.
Aucun lien n'apparaît entre le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et ce texte sur les travailleurs en situation de handicap : le droit à la formation professionnelle et l'évolution dans l'emploi des travailleurs en situation de handicap sont en fait quasi oubliés.
Quant à l'obligation d'emploi, là encore, il faut choisir. Sur le fond, le principe du « un pour un », ne nous semble pas une mauvaise chose, mais nous partageons les inquiétudes de M. le président de la commission concernant les personnes ayant un handicap lourd, à qui l'on pourrait porter préjudice si l'on n'y prend pas garde.
Pour que ce principe soit bien appliqué, il faut aussi que les sanctions soient adaptées. Or nous estimons que la sanction prévue, consistant à faire passer de 500 à 600 fois le SMIC horaire la contribution à l'AGEFIPH, n'est pas suffisamment dissuasive.
Nous souscrivions à la proposition de loi de MM. About et Blanc, laquelle visait à porter cette sanction à 1 500 fois le SMIC, mais nous sommes raisonnables et, après avoir entendu les propos tant de Mme la secrétaire d'Etat que de M. le rapporteur et de M. le président de la commission, nous convenons qu'il faut faire attention aussi à ne pas bloquer le système et à ne pas prendre des mesures trop draconiennes qui ne seraient pas efficaces immédiatement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est pourquoi nous sommes là !
M. Paul Blanc, rapporteur. Même constat que le MEDEF ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous vous proposerons donc un amendement qui tendra à appliquer ce taux de 1 500 fois aux seules entreprises qui, pendant trois années consécutives, n'auront fait aucun effort, d'autant que le texte élargit encore plus les possibilités d'exonération en contrepartie de la contribution.
En ce qui concerne la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques, si nous approuvons bien évidemment le principe, nous nous interrogeons sur la réalité de sa mise en oeuvre : on voit rarement l'Etat se sanctionner lui-même, mais tant mieux s'il y vient...
Quant aux conditions de déduction des contributions qu'auront à verser les employeurs qui ne satisfont pas au quota de 6 %, elles sont telles que, comme pour les entreprises privées, il est à craindre que les sommes versées ne soient très faibles.
Par ailleurs, je rappelle qu'un protocole d'accord avait été signé en 2001 avec les syndicats de la fonction publique de l'Etat contraignant les administrations devant embaucher à recruter d'abord des travailleurs handicapés. Que devient ce protocole ? Quel en est le bilan à ce jour ? J'indique que, dans le rapport 2002 de l'Observatoire de l'emploi public, la CFTC fait remarquer que, contrairement au contenu de ce protocole, aucune étude ou action n'a été engagée sur cette question.
Concernant le fonds « collectivités territoriales », j'exprimerai une crainte, celle de l'efficacité d'une sanction qui pourrait devenir une simple taxe libératoire exonérant du but fondamental qui est l'emploi effectif de personnes en situation de handicap. Ce fonds permettra, certes, des opérations ciblées intéressantes, mais il risque de ne pas répondre à l'objectif d'emploi sur l'ensemble du territoire de ces personnes et donc de conduire à une réduction géographique de l'offre d'emploi contraire au but recherché, à savoir un emploi au plus proche du lieu de vie.
J'en viens à l'accessibilité de la ville. Là encore, il y a un fossé entre l'affirmation du principe de l'accès à tout pour tous et la réalité puisque le projet de loi prévoit des dérogations « pour des raisons techniques, architecturales ou économiques ». Bref, tout est possible ! Nous souhaitons pour notre part que les dérogations soient ramenées au plus strict minimum.
De plus, contrairement à ce que vous affirmez, il ne s'agit pas de l'accès à tout puisque les établissements recevant du public, les ERP, de cinquième catégorie, c'est-à-dire les commerces - les boutiques et non les grands magasins - ne sont pas concernés, et le logement privé ne l'est pas davantage. Certes, ce n'est pas simple, mais il n'en faut pas moins le signaler.
En ce qui concerne le volet institutionnel, le dispositif mis en place avec les maisons départementales des personnes handicapées et les commissions des droits et de l'autonomie n'en finit pas de soulever des interrogations. Pour éviter l'aspect quelque peu stigmatisant de l'appellation « maison départementale des personnes handicapées » et au lieu de parler de « guichet unique », je préfère viser un lieu unique de proximité au service des personnes en situation de handicap et de leurs familles.
« Proximité », cela signifie qu'il faut prévoir la possibilité de créer des antennes locales - nous vous proposerons un amendement en ce sens -, notamment au sein des CCAS ou des CIAS. Mais, sur ce point comme sur d'autres, subsistent de nombreuses incertitudes et inquiétudes.
M. le rapporteur a tenté de répondre à la question du statut des maisons départementales - nous verrons quelle suite donnera le Gouvernement à ses propositions - mais de quels moyens financiers disposeront-elles ?
Les mêmes questions se posent pour les futures commissions de l'autonomie et des droits issues de la fusion des CDES, des COTOREP et des sites pour la vie autonome, les SVA.
Tous les rapports rendus sur les CDES et sur les COTOREP ont conclu à la même nécessité de renforcer les moyens en termes de personnel sur le plan technique et donc en termes financiers. Nous sommes en droit d'être inquiets puisque le budget de 2003 a supprimé l'ensemble des crédits prévus par le gouvernement précédent. Vous renvoyez les réponses à ces questions, pourtant essentielles, au futur projet de loi sur l'autonomie des personnes dépendantes et à la création d'une caisse nationale de solidarité à l'autonomie, la CNSA, dont les contours doivent être esquissés par la mission de MM. Briet et Jamet.
Pour l'instant, nous sommes dans le plus grand flou, ce qui m'amène à la question du financement de ces nouvelles dispositions.
En prévoyant 850 millions d'euros supplémentaires par an pour financer les nouveaux droits, vous affirmez, madame la secrétaire d'Etat, présenter un projet assorti de son financement. Peut-être, mais faut-il rappeler que les dépenses sociales globales concernant le handicap sont actuellement de l'ordre de 26,2 milliards d'euros et que le présent texte les portera à 27 milliards d'euros ?
Nous regrettons par ailleurs que le financement de ces 850 millions d'euros ne soit pas un financement universel appelant la contribution de chaque citoyen. La suppression d'un jour férié pour apporter 850 millions est-elle un bon moyen d'intégrer pleinement les personnes en situation de handicap dans notre vie collective ? Cette forme de financement n'est-elle pas en quelque sorte un renvoi à une forme de marginalisation, d'autant - je le dis quitte à froisser certains - que le Gouvernement est capable de trouver 1,5 milliard d'euros d'exonérations de charges pour la restauration allégrement pris sur le budget de l'Etat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Temporairement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être, monsieur le président, mais bel et bien pris sur le budget de l'Etat,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une seule fois !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et c'est cela que nous contestons. Il y a deux poids, deux mesures : une promesse doit être tenue sans attendre alors que nous avons l'accord de l'Union européenne pour 2006 ; une priorité nationale, le handicap, ne pourra pas être effectivement mise en oeuvre du fait de la source de son financement avant le troisième trimestre de 2005, sauf information contraire de votre part, madame la secrétaire d'Etat.
M. Gilbert Chabroux. Très juste !
M. Jean-Pierre Godefroy. On ne voit pas, en effet, comment, avec la suppression du jour férié, cela pourrait être possible plus tôt, mais, si c'est le cas, nous nous en réjouirons.
Pour que ce texte ne soit pas une occasion manquée, il reste beaucoup de travail.
Nous espérons, madame la secrétaire d'Etat, que le Gouvernement saura faire preuve d'écoute et que nos amendements ne seront pas systématiquement rejetées, comme c'est le cas depuis deux ans. Au cours de votre interview dans l'Hémicycle, vous avez déclaré que les parlementaires avaient « les coudées franches » - bravo ! - et que vous attendiez d'eux qu'ils enrichissent le projet de loi. Vous souhaitez que, « après un travail en commun et des discussions critiques, tout le monde le vote ». Pour l'instant, permettez-moi de vous dire que les conditions ne sont pas réunies.
En plein accord avec vous, nous estimons que l'intégration des personnes en situation de handicap est une cause qui doit dépasser les clivages politiques.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Si nous avons à cet instant une approche plutôt négative de votre projet de loi,...
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Vous avez tort !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... c'est en fonction du degré d'écoute et du sort qui sera fait à nos propositions - et à celles de M. le rapporteur - que nous déterminerons notre vote global sur ce texte à l'issue de ce premier examen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Michelle Demessine applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entrons, avec ce projet de loi, dans un cycle de textes qui doivent changer la vision qu'a notre pays de la personne handicapée, de sa place et de son rôle dans la vie sociale. C'est en effet le premier texte d'une série qui nous est soumis aujourd'hui, et ce texte lui-même va voir sa vie parlementaire se développer dans les mois qui viennent. La date est mal choisie, nous dites-vous,...
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. Michel Mercier. ... mais c'est probablement parce que l'on n'avait jamais pu jusqu'à maintenant nous proposer un tel texte...
Ce n'est ni demain ni le 21 mars que le présent projet de loi viendra à la vie juridique, c'est beaucoup plus tard, et ce n'est que lorsque l'ensemble des textes relatifs au handicap seront entrés en application que l'on pourra juger de la façon dont notre pays est capable, après la loi de 1975, d'appréhender et le handicap et la situation des personnes handicapées. La querelle sur le calendrier est donc une mauvaise querelle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Michel Mercier. Madame la secrétaire d'Etat, si vous avez voulu que la discussion s'engage le plus vite possible, c'est tout simplement parce qu'il y a trop longtemps qu'un tel texte était promis. C'est donc une bonne chose que ce projet de loi nous soit aujourd'hui soumis, même si, sur tel ou tel point, il est imparfait et mérite d'être amélioré.
Le rapporteur et le président de la commission, qui ont excellement présenté ce texte, proposent d'ailleurs de nombreux amendements - certains sont excellents, d'autres le sont moins (M. le président de la commission des affaires sociales sourit) - et cette liberté qui leur est reconnue d'améliorer les choses nous nous la reconnaissons à nous-mêmes. Le groupe auquel j'appartiens entend bien jouer activement son rôle parlementaire : nous aimerions que ce que notre pays a su faire en 1975 il sache le faire à nouveau aujourd'hui.
C'est en effet une nécessité, car la situation des personnes handicapées s'est profondément modifiée au cours de ces trente dernières années.
En 1975, il fallait agir rapidement, car la situation des personnes handicapées était dramatique. Toutes les institutions qui existent aujourd'hui n'existaient pas alors, et il fallait en quelque sorte résoudre un problème de masse.
Je crois que cela a été fait. La situation des personnes handicapées a changé. D'immenses progrès ont été accomplis, même s'il reste beaucoup à faire.
Je crois que nos compatriotes se sont habitués, et c'est un véritable progrès, à voir vivre avec eux des personnes handicapées. Je n'ai pas dans ce domaine les connaissances de M. le rapporteur et de M. le président de la commission, et je me contenterai de vous dire comment ma commune de 3 000 habitants a pris conscience de la réalité de la vie des personnes handicapées et les a accueillies.
Dans cette petite commune, tous les types de prise en charge des handicapés sont représentés, du foyer de vie au foyer occupationnel, du CAT au cas des personnes atteintes d'un handicap léger et qui vivent de façon autonome. Les handicapés se sont parfaitement intégrés dans la vie de notre cité. Ceux qui peuvent sortir sortent et parlent aux gens. Si un matin on ne voit pas tel ou tel - que ce soit d'ailleurs un handicapé ou quelqu'un qui ne l'est pas -, on s'en inquiète. Des mariages ont été célébrés. Bref, les gens, et c'est tant mieux, ont pris conscience que le handicap existait et que des améliorations pouvaient d'ores et déjà être apportées à la vie en société.
Les raisons de cette prise de conscience sont multiples.
Cela tient, exemple, au fait qu'un homme ou une femme handicapé vit en face de nous, mais aussi au fait que la personne handicapée joue un rôle économique, et cela il faut le dire très clairement.
M. Paul Blanc, rapporteur. Tout à fait !
Dans ma commune, les meilleurs emplois sont ceux qui sont liés à la prise en charge des personnes handicapées. Quand les maires de mon département demandent la construction d'établissements pour accueillir les personnes handicapées, c'est certes parce qu'ils ont conscience du problème, mais c'est aussi parce que ces établissements créeront des emplois.
Il faut vivre ensemble et chacun avec ce qu'il a ou ce qui lui manque apportera quelque chose aux autres.
Les personnes handicapées ne réclament pas seulement des prestations et des allocations, elles apportent également beaucoup à ceux qui participent à leur prise en charge.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Michel Mercier. C'est cette prise de conscience qui est importante et c'est, je crois, ce qui vous a conduit, madame la secrétaire d'Etat, à nous présenter ce projet de loi aujourd'hui.
Ce dernier repose sur un principe simple : la personne handicapée doit pouvoir construire son propre projet de vie. C'est à mon sens la principale innovation et c'est en cela que nous allons bien au-delà de la loi de 1975.
Pour vivre son projet de vie, il faut pouvoir d'abord le monter, ensuite le mettre en oeuvre.
Pouvoir monter son projet de vie, c'est naturellement pouvoir le penser soi-même. C'est aussi trouver des interlocuteurs qui vont aider à le monter, interlocuteurs que, naturellement, l'on trouvera dans sa famille, dans son propre environnement et auprès des associations qui oeuvrent dans ce domaine, mais aussi auprès des professionnels.
Permettre la rencontre avec des professionnels doit à mes yeux être le rôle premier de la maison départementale des personnes handicapées, où sera présente une équipe médico-sociale - et sociale autant que « médico » - pluridisciplinaire. C'est une dimension essentielle, et les associations y trouvent toute leur place. Il n'y a aucune raison de se limiter à des fonctionnaires, représentants de l'Etat ou des collectivités locales, dans l'équipe pluridisciplinaire. On a vu le succès d'un tel système avec les personnes âgées. Il ne s'agira pas de la même équipe, mais c'est le même esprit qui doit l'animer.
Cette personnalisation de la prise en charge est, pour nous tous, je crois, le signe vrai du respect que nous portons à nos compatriotes handicapés.
Une fois le projet monté, il faut le mettre en oeuvre. C'est essentiel, parce qu'il est inutile de faire des projets si on ne les tient pas. Vous avez rappelé, madame la secrétaire d'Etat, comme M. le rapporteur et M. le président de la commission, tout ce que recouvrait cette mise en oeuvre.
Il s'agit bien sûr de la prestation de compensation, mais je suis tenté de dire qu'elle vient en dernier, car, dans mon esprit, ce qui vient en premier est de permettre à la personne handicapée d'être parmi les autres chaque fois que cela est possible. La compensation ne doit intervenir que lorsque l'école du quartier ou de la commune ne peut pas accueillir l'élève handicapé et que celui-ci doit se rendre dans l'école de la commune voisine. C'est lorsqu'il n'y a pas accessibilité qu'il faut compenser le recours obligé à un autre système.
A ce propos, je souhaite souligner que le projet de vie doit être fondé sur le décloisonnement entre le domicile et l'établissement. Il faut sortir de l'idée selon laquelle on devrait obligatoirement passer toute sa vie ou à son domicile ou en établissement. Il peut arriver que l'on soit obligé de vivre en établissement, mais ce doit être la conséquence d'un raisonnement ou d'une volonté.
Ensuite, il faut, autant que faire se peut, permettre aux personnes handicapées de travailler. Je suis très sensible, madame la secrétaire d'Etat, à la revalorisation du travail que le projet de loi vise à favoriser. En travaillant, la personne handicapée ne perdra pas tout le bénéfice de l'AAH. Il me paraît en effet essentiel de pouvoir cumuler les revenus du travail et ceux de l'AAH.
Par ailleurs, les personnes handicapées doivent pouvoir se former et, à cet égard, il est vraiment nécessaire que l'éducation nationale modifie son comportement et contribue à leur insertion.
Dans cet esprit, vous prévoyez, madame la secrétaire d'Etat, et j'en suis d'accord, que les personnes handicapées puissent s'inscrire normalement dans les écoles, les collèges et les lycées qui relèvent de la carte scolaire. L'école doit devenir accessible à tous, non seulement physiquement, au sein des bâtiments, mais également par la présence d'auxiliaires scolaires.
Sur ce point, je prendrai une fois de plus l'exemple de mon département. Nous consacrons environ 4,5 millions d'euros par an au transport des élèves handicapés qui parcourt des kilomètres parce qu'ils ne peuvent pas fréquenter l'école voisine. Je préférerais de loin consacrer la plus grande partie de cette somme à financer l'emploi d'auxiliaires scolaires pour que les jeunes handicapés restent dans leur quartier. De plus, ces jeunes qui sont scolarisés non pas dans l'école la plus proche, mais à trente kilomètres de leur domicile, loin des copains avec lesquels ils jouent pendant les vacances ou de leurs voisins, vivent leur premier déracinement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Michel Mercier. Il faut donc que l'éducation nationale se décide une bonne fois pour toutes à les accueillir au sein de l'école la plus proche.
Pour ma part, je suis d'accord pour consacrer une part des 4,5 milliards d'euros au financement des emplois des auxiliaires scolaires, car il est excessif de n'utiliser cette somme que pour le transport. C'est un réel problème sur lequel je voulais attirer votre attention, mes chers collègues.
En outre, la personne handicapée doit avoir un revenu suffisant pour vivre. A cet égard, l'allocation aux adultes handicapés, débarrassée de son image de revenu de compensation, doit permettre à la personne handicapée de mener à bien son projet de vie. Et la création de la prestation de compensation est essentielle.
Qui en sera responsable ? Qui la mettra en oeuvre ? Comment son financement sera-t-il assuré ? Toutes ces questions devront être abordées au cours de l'examen de ce texte, même si elles n'en sont pas le sujet principal.
La création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie doit certes nous aider à assurer ce financement, mais il est essentiel de savoir quelle part de ses revenus pourra être consacrée à la prise en charge de la prestation de compensation pour les personnes handicapées. Il faut que nos débats, qui se dérouleront sur plusieurs semaines, voire sur plusieurs mois, nous éclairent afin que l'on connaisse vraiment le fonctionnement de cette caisse lors du vote définitif de ce projet de loi.
Qui mettra en oeuvre les mesures qui seront adoptées ? L'Etat ? Les collectivités locales ? Vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, je ne revendique pas, en tant que président de conseil général, telle ou telle compétence,...
Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Roland Muzeau. Si peu !
M. Michel Mercier. ... mais je dis simplement que le département est capable de le faire.
M. Paul Blanc, rapporteur. Tout à fait !
M. Michel Mercier. En effet, depuis 1986, il a appris à travailler et à dialoguer avec toutes les associations qui s'occupent des personnes handicapées.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Michel Mercier. Les départements sont prêts à mettre à disposition leur savoir-faire. On ne peut pas avoir un projet personnalisé et le gérer uniquement de Paris : il faut être au plus près.
Le département ne veut pas agir seul : il sait bien qu'il aura besoin des communes. Il ne veut pas faire seul en tant que « morceau » de la puissance publique, il veut agir notamment avec toutes les associations qui s'occupent des handicapés comme avec les handicapés eux-mêmes. Beaucoup sont, en effet, capables de s'exprimer et de faire connaître leurs souhaits. Les départements sont prêts à travailler en ce sens.
M. le ministre de la santé a employé tout à l'heure une expression avec laquelle je ne peux pas être d'accord. Il a dit que le Gouvernement devait imposer aux collectivités locales de faire telle ou telle chose.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela lui aura échappé !
M. Michel Mercier. Le jour où est examiné le projet de loi relatif aux responsabilités locales, ce n'est peut-être pas très heureux, mais ses propos ne sont probablement pas arrivés jusqu'au Palais-Bourbon ! (Sourires.)
Je voudrais donner mon sentiment sur ce point. Il est tout à fait normal et nécessaire que le Parlement fixe les droits des personnes handicapées. En tant qu'acteur local, j'y suis attaché et je le demande. C'est au Parlement de déterminer les droits que la nation reconnaît aux personnes handicapées.
Les relations entre l'Etat, le Gouvernement et les collectivités locales doivent être fondées sur la confiance. Si des mesures doivent être imposées, il revient peut-être aussi au législateur d'imposer au Gouvernement certaines choses, puisque ce dernier a prévu de prendre de nombreux décrets d'application. Ceux-ci devront être encadrés. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il conviendrait d'imposer au Gouvernement le contenu des décrets, mais le Parlement, pleinement conscient du devoir de la nation à l'égard des personnes handicapées, doit, à mon sens, encadrer l'action du Gouvernement ainsi que celle des collectivités locales.
C'est en tout cas ce à quoi les membres du groupe de l'Union centriste travailleront tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est très juste et nécessaire !
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. « Une société, je crois, se juge notamment à l'attention qu'elle porte aux plus fragiles et à la place qu'elle réserve par conséquent aux personnes qui souffrent d'un handicap. [...]
« Ce qui est en jeu, en effet, c'est en réalité le principe même de l'égalité des chances. Les personnes handicapées y aspirent, naturellement et elles y ont droit au regard de l'idée que nous nous faisons de la société et des droits de l'homme. Il faut donc créer les conditions pour qu'elles puissent s'accomplir, pour qu'elles puissent vivre leur vie et la réussir. » C'est en ces termes que s'exprimait le Président de la République.
Ainsi est fixé l'objectif qui ne saurait, en son principe, me semble-t-il, que recueillir l'unanimité. Depuis lors - cette déclaration a été faite en décembre 2002 -, chacun a sans doute pu le constater, ce fut et c'est toujours une forte mobilisation de tous : des associations qui, elles, n'ont certes pas attendu cette date pour essayer de faire entendre leur voix, des associations qui sont nombreuses, comme sont nombreuses les formes de handicap, mais aussi des élus politiques au contact du terrain et des parents de handicapés soucieux de l'avenir de leurs enfants.
Je veux en cet instant, madame la secrétaire d'Etat, saluer le travail que vous avez effectué, souligner l'implication particulière de notre assemblée, comme vous l'avez fait, et, plus précisément, celle de la commission des affaires sociales, qui a oeuvré sous l'impulsion de son président, avec une mention spéciale à l'adresse de M. le rapporteur Paul Blanc.
Fruit d'un travail de longue haleine, une proposition de loi dont le contenu restera une singulière référence fut déposée. Elle a suscité une formidable mobilisation... et un tout aussi formidable espoir. Dans ces conditions, l'entreprise du Gouvernement est difficile et, par conséquent, méritoire. La barre est haut placée.
L'année 2003 fut l'année des handicapés, l'un des chantiers du Président de la République : un grand espoir est né. Or la grande diversité des handicapés et des handicaps, je l'ai dit, rend évidemment impossible l'apport de « la » solution.
« Accès de tous à tout » : noble objectif, belle formule, diraient certains. Voilà en tout cas qui nous impose le devoir de tout mettre en oeuvre - c'est la tâche du Gouvernement - pour tous, autant que faire se pourra, sans prétendre toutefois répondre aujourd'hui à toutes les attentes de toutes les parties concernées. C'est une gageure, car il suffit de lire et d'écouter les très nombreuses réactions de celles et de ceux dont le quotidien est de porter et de défendre les intérêts des personnes handicapées. « Projet de loi : avis défavorable », pouvait-on lire récemment dans un hebdomadaire relatant la position de plusieurs caisses nationales. A cet égard, il convient de souligner la présence aujourd'hui de membres de l'Association des paralysés de France.
Ce contexte est pour moi a contrario et pour partie l'occasion de saluer le mérite qui s'attache à la présentation même du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Nous voici conduits, quant au fond, à repenser notre vision du handicap : principe de non-discrimination, libre choix du projet de vie avec, au coeur du projet de loi, enfin, la compensation.
Ce texte est ambitieux. Mon intention n'est pas de me livrer à une analyse, pour légitime et intéressante à mes yeux qu'elle pourrait être. J'ai bien lu et entendu les propos du rapporteur qui me donnent, à quelques exceptions près et sur lesquelles je vais revenir ultérieurement, pleine satisfaction.
Comme cela a déjà été dit, on ne saurait qu'être frappé par le grand nombre de décrets que vous voulez prendre, madame la secrétaire d'Etat, mais j'ai bien entendu que nous allions y collaborer et qu'ils seraient pris rapidement, ce qui est de première importance.
Je ferai une autre réflexion, qui n'est pas plus originale, mais qui porte elle aussi sur le fond. Elle concerne les moyens mis en oeuvre pour répondre à l'ambition affichée. « Un monument », a-t-on pu dire de ce texte. C'est vrai. Au-delà des moyens inscrits dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie apparaît enfin comme un élément sérieux, concret, important du financement.
Toutefois, on peut se démander qui pilote et je rejoins à cet égard une réflexion qui vient d'être formulée par M. Mercier : la recherche de l'égalité des droits et des chances impose à l'Etat de garantir l'équité entre les individus et les différentes structures et collectivités. Il faut, selon moi, se garder de toute centralisation inutile tant les collectivités, les communes et les départements surtout, sont parfois les mieux à même de piloter les opérations.
Je citerai, à cet égard, quelques exemples du beau travail qui a été réalisé au plus près du terrain, il est vrai : par le biais du schéma départemental des personnes handicapées, a été élaboré le guide de la personne handicapée, document pratique et quasiment exhaustif élaboré avec les services de l'Etat. Ont été mis en place des centres d'information et de documentation sur les aides techniques ; des équipes spécialisées pour la vie autonome à domicile ; des réseaux d'accompagnement à la vie sociale et des services de transports adaptés. Il reste à souhaiter, madame la secrétaire d'Etat, que se mette en place pour le moins une heureuse et nécessaire articulation entre les différentes instances de responsabilités, l'Etat et les collectivités. Il faut absolument que les personnes handicapées sachent qui fait quoi et y voient clair dans le dispositif qui sera instauré.
Au début de mon intervention, j'ai dit combien ce projet de loi a suscité et sucite toujours un grand intérêt. Chacun a pu le constater à travers de nombreuses réactions, suggestions, ou encore demandes de parole aujourd'hui, au point que l'on aimerait aborder, pour les commenter, ces différents éléments. Je vous renvoie au rapport de M. Paul Blanc avec qui j'ai cependant quelques points de divergence.
Je formulerai tout d'abord quelques réflexions sur les travailleurs handicapés.
Voilà près de deux ans - première réflexion -, j'ai présenté, avec de nombreux collègues, une proposition de loi relative à la réforme de l'atelier protégé et créant le statut de l'entreprise adaptée. Ce sera chose faite avec l'adoption de ce texte et je m'en réjouis.
Ma deuxième réflexion concerne les associations qui ont adossé un atelier protégé à un centre d'aide par le travail, un CAT, sans créer une nouvelle entité.
Il me semble souhaitable qu'une telle situation puisse perdurer. En général, les ateliers protégés ainsi adossés sont de petites unités, et leur conférer une personnalité morale engendrerait une lourdeur administrative inutile. Le maintien de cette coexistence au sein d'une même association me semble donc être une bonne idée, exception pouvant être faite en cas de création de sociétés commerciales.
Par ailleurs, et ma troisième réflexion peut paraître paradoxale, l'entreprise adaptée est assimilée dans le texte - et j'allais dire théoriquement, c'est en tout cas mon sentiment - au milieu ordinaire du travail. Outre le nécessaire assouplissement des conditions d'octroi du contingent annuel d'aide au poste dont il sera question, il est nécessaire de maintenir l'agrément délivré aux associations d'aide à domicile pour personnes âgées parce qu'il identifierait les spécificités qui distinguent bien dans les faits, me semble-t-il, - je dis bien dans les faits - l'entreprise adaptée de la parfaite entreprise ordinaire. C'est un principe de réalité : chaque unité d'entreprise adaptée connaît, en fait, une situation particulière.
Certes, les entreprises adaptées et leurs salariés bénéficient des aides du milieu ordinaire, mais ne serait-il pas fondé d'envisager le maintien, pour peu que l'on veuille bien coller à la réalité, du principe de compensation à la structure et à l'employé, une aide spécifique destinée à faire face en somme au surcoût engendré par l'emploi de personnes à efficacité plus ou moins réduite ? Telle est, à mon sens, la réalité.
Ma quatrième réflexion, qui est toujours à contre-courant, concerne l'abattement de salaire dont je regrette la suppression, madame la secrétaire d'Etat.
C'était une mesure très efficace dans la mise en place du dispositif de passerelle entre le milieu protégé et le milieu ordinaire. L'abattement de salaire n'offre-t-il pas aux personnes handicapées le bénéfice d'une rémunération conventionnelle, un véritable statut de salarié avec un contrat de travail relevant du droit commun ? Il contribue, par ailleurs, à lever les réticences des employeurs.
J'avais posé une question orale à ce sujet dans laquelle je reconnaissais que la complexité et la lourdeur de la mise en place de ce dispositif, associées à un manque de promotion et d'information, avaient contribué à un développement marginal, il est vrai, du nombre des emplois protégés en milieu ordinaire. Mais il me semble qu'on aurait pu s'efforcer d'y remédier plutôt que de le supprimer.
Ma cinquième réflexion porte sur l'accueil temporaire. Nombreuses sont les personnes handicapées qui, par choix ou par défaut, vivent à domicile. Pour les familles, le développement de solutions d'accueil temporaire souples, réactives, diversifiées serait une reconnaissance de leur rôle d'aidant. Celles-ci leur ouvriraient la possibilité de bénéficier d'un légitime droit au répit.
Vous m'avez annoncé en décembre 2003, madame le secrétaire d'Etat, votre intention d'encourager les formules d'accueil temporaire, en les inscrivant dans la loi comme étant des éléments importants dans le soutien aux personnes handicapées et à leur famille.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Georges Mouly. Cette solution complémentaire apporterait un légitime répit aux aidants familiaux. Ce serait une mesure cohérente dans une politique d'intégration et de vie à domicile des personnes handicapées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Georges Mouly. Madame le secrétaire d'Etat, ne pourrait-on pas y parvenir ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Oh oui !
M. Georges Mouly. Sixième réflexion : la scolarisation. Je puis témoigner des avancées sur le terrain et de l'évolution des mentalités en la matière. Je ne détaillerai pas les mesures prises ou proposées ; j'indiquerai simplement que certaines associations ont mis en place l'accompagnement individuel ou collectif à l'intégration scolaire : je le souligne, il s'agit d'associations ! Leur action précieuse doit être intégrée et non marginalisée.
Certes, le chantier est vaste. Convenons cependant que, depuis l'adoption de la loi de 1975 - étape importante, voire essentielle en faveur des personnes handicapées et de leurs familles -, la situation n'est nullement restée figée. Les gouvernements successifs ont peu ou prou apporté leur contribution, j'y reviendrai, et l'actuel gouvernement, avant même le dépôt de ce projet de loi, s'est montré particulièrement actif. Ainsi, des mesures proposées par divers ministères et ayant pour objet d'améliorer la vie sociale des personnes handicapées sont entrées en vigueur dès 2002 ou 2003. D'autres concernent le monde scolaire et s'appliqueront dès la rentrée de 2004. On peut également citer les programmes de création de places en établissements et services, la résorption des listes d'attente, la possibilité de faire un choix de vie, la place accordée, enfin, aux handicapés psychiques... La liste serait longue, et je m'arrêterai là. Mais je veux souligner les efforts constants que d'ores et déjà, avant même que nous discutions ce projet de loi, le Gouvernement a engagés.
Pourtant, compte tenu de l'importance de ce texte, dont l'enjeu est la place de la personne handicapée dans notre société, compte tenu de toutes les réactions qu'il suscite et des souhaits, nombreux et divers, qui s'expriment de le compléter et de l'amender, compte tenu enfin des critiques émanant d'une partie des responsables d'associations, des chefs d'établissements, des parents, qui savent mieux que quiconque ce dont il est et ce dont il peut être question, on a pu parler, comme tout à l'heure notre collègue socialiste, de « précipitation ». Il est vrai que, dans ce domaine, il y aura toujours matière à réflexion.
Mais, madame la secrétaire d'Etat, vous avez préféré vous presser lentement, ce que j'approuve. Je salue le sens des responsabilités, dont, avec le Gouvernement, vous faites preuve, et je salue le respect de l'engagement pris.
En mai 2000, il m'était indiqué que la mise en place des emplois protégés en milieu ordinaire devait constituer un élément de première importance. Cette même année, c'est accompagné de plusieurs ministres que M. Lionel Jospin annonçait au Conseil national consultatif des personnes handicapées un plan d'accès au milieu dit ordinaire pour les handicapés comportant des mesures relatives à l'intégration scolaire, aux travailleurs handicapés, aux adultes, à l'autonomie, à l'accessibilité, à l'emploi, au logement...
En février 2001, à une question que je posais au gouvernement d'alors, Mme Guigou répondait au sujet des personnes handicapées : « Parce que [leur situation] constitue [...] un problème général, j'ai l'intention de revenir bientôt avec vous sur ces questions puisque le Gouvernement a décidé d'ouvrir le chantier de la réforme de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. »
Qu'on ne s'y trompe pas ! Ces rappels n'ont pas pour seul objet de critiquer des engagements non remplis ou des espoirs vainement entretenus. Ils sont pour moi, bien plutôt, l'occasion de mettre l'accent sur l'intérêt que je veux croire constamment et sincèrement porté au sort des handicapés tout autant que sur l'immense difficulté de mettre en place les éléments, divers et nombreux, d'une politique qui soit porteuse d'autant d'espoirs qu'il y a de besoins.
Mais, c'est nouveau, nous sommes aujourd'hui invités au rendez-vous fixé par le Gouvernement, et je veux en cet instant dire toute ma satisfaction et remercier celles et ceux qui, à l'échelon tant national que départemental ou communal, furent et demeurent nos interlocuteurs.
« Chaque année », disait le Président de la République, « une conférence des handicaps sera réunie afin d'évaluer tous les effets de la politique pour les personnes handicapées, notamment du point de vue de leur intégration dans la société. » C'est dire que rien n'est figé !
« Se mobiliser [...] et prendre des initiatives nouvelles afin de répondre aux besoins et aux aspirations légitimes des personnes handicapées et de leur famille », c'est encore l'espoir et le souhait du Président de la République, qui poursuivait : « Notre société en sortira sans doute grandie, plus humaine et plus démocratique. »
Après l'examen et l'adoption de ce texte, qui, selon les représentants des associations de handicapés, tranchera non pas pour trente ans, mais pour cinq ans, l'oeuvre restera certes à parfaire. Pour autant, mes chers collègues, c'est une heureuse étape qu'il nous est aujourd'hui proposé de franchir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà bientôt trente ans, la loi de 1975 consacrait pour la première fois le droit pour les personnes handicapées d'exister à part entière dans la société. Cette loi fondatrice a constitué le fil rouge permanent du regard de la société sur le handicap, sur le droit à la différence.
Est-ce à dire que toutes les conséquences de cet acte fondateur ont été tirées, que tous les moyens ont été mis en place au fil du temps pour que nous soyons à la hauteur de cette ambition ? Nous le savons, beaucoup trop nombreux sont ceux qui sont restés sur le bord du chemin.
Une nouvelle génération de personnes en situation de handicap arrive aujourd'hui à l'âge adulte : ce sont les enfants de la loi de 1975. Ceux-là, mais les autres aussi, ont aujourd'hui de nouvelles exigences, qui s'expriment de plus en plus fort. C'est dire si des milliers de regards sont braqués en ce moment sur notre hémicycle ! Il serait grave de décevoir ces personnes, alors que les obstacles demeurent : l'égalité des droits imprescriptibles reste encore trop formelle, tandis que les discriminations, elles, sont bien réelles !
Les causes de ces blocages, de cette « inaccessibilité au quotidien », ont pourtant été identifiées. D'ailleurs, l'un des derniers rapports du Conseil économique et social, intitulé Situation de handicap et cadre de vie, pointait les évidentes « causes sociétales », mais aussi la « volonté politique globale insuffisamment inscrite dans la réalité ». Il y était notamment indiqué que le système d'orientation et d'allocations était peu favorable à l'autonomie, que la répartition des compétences conduisait à une dilution des responsabilités, mais aussi, et surtout, que les financements ne permettaient pas les adaptations nécessaires pour remédier à la particularité de chacune des situations.
Les personnes handicapées et le monde associatif qui les représente dans leur diversité expriment légitimement, depuis de longues années déjà, cette exigence de concrétisation du « vouloir vivre ensemble ». Avec eux, nous pensons qu'il est devenu inéluctable de répondre aux aspirations profondes de ceux qui souffrent trop de n'être que des « citoyens de seconde zone », qu'il nous faut répondre aux attentes des proches et des professionnels qui oeuvrent au quotidien par une prise en compte sociétale innovante et moderne du handicap qui conjugue les particularités des personnes en situation de handicap avec l'impératif d'universalisme républicain.
La loi d'orientation de 1975, en affirmant le devoir de solidarité de la nation envers les personnes handicapées, devait permettre de sortir de la logique d'assistance et du champ de la réadaptation pour aller vers l'intégration. Sa révision aurait dû être l'occasion de franchir une étape supplémentaire : rendre enfin effectif l'accès de tous à une citoyenneté ordinaire. Le projet de loi qui nous est soumis est-il ce texte tant attendu, refondateur, permettant d'appréhender le champ du handicap dans sa globalité, la personne dans son intégrité et sa diversité ?
Nous ne le pensons pas. Nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs : en témoigne le sentiment général de forte déception exprimé par les associations, par les instances consultatives et par les organismes de protection sociale, et, ici-même, jusque sur les travées de la majorité sénatoriale. J'ai d'ailleurs été sensible à la sincérité des propos qu'a tenus M. le président de la commission, et je voudrais dire : « Hauts les coeurs, et pourvu que cet élan ne retombe pas ! »
La déception est d'autant plus grande que les besoins de compensation sont indéniables et les relégations dont sont victimes les personnes en situation de handicap insupportables. Elle est d'autant plus légitime que les promesses et les déclarations du Président Jacques Chirac en faveur d'une société sans discrimination annonçaient une « mini-révolution ».
Réagissant immédiatement après la présentation en conseil des ministres de ce projet de loi, j'émettais la crainte que la montagne n'accouche une fois de plus d'une souris, que tout cela ne « débouche sur une nouvelle loi a minima, un simple toilettage se limitant à aménager les dispositifs existants et apportant ponctuellement certaines améliorations ».
Aujourd'hui, les auditions conduites ont malheureusement confirmé mes craintes initiales. Les échanges avec les associations et avec les organisations syndicales confortent, hélas, mon appréciation : décidément, le présent texte n'est pas à la hauteur du troisième chantier présidentiel annoncé comme historique trente ans après la loi de 1975.
A n'en pas douter, notre débat mettra en évidence, si besoin en était encore, le décalage patent dont souffre le projet de loi, madame la secrétaire d'Etat, entre un exposé des motifs ambitieux que nous avons envie d'approuver tout de suite et la réalité du dispositif.
Il sera également l'occasion de constater que, en fait, le texte risque de n'être qu'illusion, car il est subordonné à la question centrale des moyens financiers et humains qui l'accompagneront. C'est là un autre grief majeur que nous émettons, mes chers collègues : nous ne pouvons pas accepter un projet de loi qui comporte autant d'incertitudes et d'imprécisions et dont le contenu, pour l'essentiel, est renvoyé à pas moins de cinquante-deux décrets.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Non !
Mme Michelle Demessine. Vous pourrez nous préciser ce point, madame la secrétaire d'Etat !
Aux yeux des parlementaires communistes, l'essentiel manque à votre texte, madame, à savoir l'ambition budgétaire, la garantie d'un financement pérenne permettant de réaliser les objectifs que vous affichez : la non-discrimination, le droit véritable à la compensation, enfin, l'accès de tous à tout.
Tout d'abord, et cela n'aura échappé à personne, vous n'avez pas fait le choix d'une véritable loi de programmation pluriannuelle. La force de la future loi n'en sera que moindre. Mais, surtout, en refusant de s'engager financièrement dans le long terme, le Gouvernement échappe au contrôle régulier de la réalisation effective des décisions prises. Il lui est dès lors facile d'afficher des programmes d'action spécifiques complétant le présent texte qui apparaissent seulement en annexe du dossier de presse et sont dépourvus d'affectation budgétaire.
Ensuite, madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas jugé bon de suivre la recommandation contenue dans le rapport de notre collègue Paul Blanc invitant le Gouvernement à considérer que la nation devait se fixer un objectif de rattrapage immédiat correspondant à la diminution de l'effort budgétaire consacré au handicap enregistrée entre 1985 et 2001. Alors qu'il était de 2,1 % du produit intérieur brut en 1985, cet effort ne représentait plus que 1,7 % en 2001.
M. Jacques Blanc. C'était sous le gouvernement Jospin !
M. Paul Blanc, rapporteur. C'était entre 1982 et 1992 !
Mme Michelle Demessine. Nous en discuterons, mes chers collègues !
Selon le Conseil économique et social, 6 milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires en année pleine.
A l'inverse, le projet de loi s'enferme, me semble-t-il, dans les limites de son financement - 850 millions d'euros -, tournant ainsi le dos, notamment, à la mise en place d'un véritable droit individualisé à compensation quelle que soit la nature, l'origine ou l'importance du handicap, compensation pourtant indispensable à l'autonomie.
Que représentent pourtant ces 850 millions d'euros, que doit financer la fameuse suppression du lundi de Pentecôte comme jour férié, mesure tant décriée, comparés aux 1,5 milliard d'euros débloqués en quelques jours pour le secteur de la restauration même si je pense qu'il faut agir en faveur de ce secteur -...
M. Jacques Blanc. Ah, tout de même !
Mme Michelle Demessine. ... ou aux 2,5 milliards d'euros consacrés à l'exonération de la taxe professionnelle ? On peut légitimement s'interroger sur cette façon d'avoir deux poids deux mesures !
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Michelle Demessine. Comme la CNAV et la CNAF, qui ont émis un avis défavorable sur ce projet de loi, nous déplorons l'insuffisance des moyens au regard des mesures annoncées. Les administrateurs de ces caisses ont tenu à insister sur « l'absence totale de visibilité sur le financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie », la CNSA, « et en sa gouvernance ».
J'entends ici, madame la secrétaire d'Etat, vous reprocher votre démarche, ou plutôt, devrais-je dire, la stratégie de morcellement que met en place à cette occasion le Gouvernement et qui consiste à nous demander de légiférer à l'aveugle, d'intervenir par le biais de textes législatifs indépendants, dans le but, peut-être, de masquer une cohérence inavouable.
M. Jacques Blanc. Oh !
Mme Michelle Demessine. Comment peut-on discuter aujourd'hui de l'instauration d'une prestation de compensation et renvoyer à demain, à l'examen d'un autre projet de loi - déposé, qui plus est, sur le bureau de l'Assemblée nationale ! -, la création de la CNSA ?
De même, alors que l'assurance maladie assure les deux tiers du financement du handicap, quid de sa réforme annoncée - réforme par ordonnances ! - et de ses implications sur le handicap ?
Sur la méthode, par souci de cohérence et de lisibilité du travail parlementaire, nous ne pouvons accepter de telles pratiques. Sur de nombreux points, et non des moindres, elles ont pour conséquence de nous priver aujourd'hui de la possibilité d'apprécier sérieusement la portée du texte.
Il faudrait vous faire confiance, voter un dispositif « dont le pilotage reste à préciser », selon vos propres termes, madame la secrétaire d'Etat ! Je fais là référence, notamment, à la forme juridique des futures maisons départementales des personnes handicapées et à leur mode d'administration : ces questions font encore l'objet d'une réflexion dans le cadre de la mise en place de la CNSA !
Sur le fond, je tiens à vous faire part de notre profond désaccord concernant la CNSA, dispositif imaginé par le Gouvernement à la suite de la catastrophe sanitaire de cet été et, je le rappelle, unanimement rejeté par les organismes de sécurité sociale.
Surfant, d'ailleurs très habilement, sur le concept de cinquième risque - concept à l'origine duquel nous avons la fierté d'être et qui, de notre point de vue, est le seul qui permettrait d'apporter à la question du handicap une réponse humaine et digne de notre temps, une réponse de caractère universel, qui serait un vrai signe de progrès de civilisation - ; le plan dépendance, concocté sans grande concertation, n'est pas destiné à étendre le champ des risques couverts collectivement dans le cadre de notre système de protection sociale solidaire. Nous craignons fortement que le Gouvernement - ce serait habile - ne le mette au service de son entreprise de démantèlement de notre dispositif historique de sécurité sociale.
Vous l'avez compris, nous rejetons la logique d'un tel projet, le type d'organisation proposé, les sources et les modalités de financement de la future caisse autonome.
L'exposé des motifs du projet de loi est au demeurant assez pauvre et peu explicite sur l'instauration de cette caisse. Il renvoie, là encore, à un autre projet de loi ; le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la fixation des contours définitifs de la CNSA. De plus, et cela renforce nos doutes sur ce montage, il est précisé dans l'exposé des motifs de ce dernier que cette « caisse aura, dans un premier temps, pour seul rôle de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ». C'est inquiétant ! Est-ce à dire, madame la secrétaire d'Etat, qu'elle pourrait, demain, servir par exemple à prendre en charge les actes relevant du soin pour les personnes âgées et les personnes handicapées ?
Dans le contexte actuel de réforme en profondeur de l'assurance maladie, n'est-ce pas là anticiper sur les intentions du Gouvernement, qui souhaite dès maintenant ouvrir des fenêtres de partition dans la prise en charge des soins ? Non seulement vous n'ambitionnez absolument pas d'asseoir ni d'élargir les missions de la sécurité sociale, mais, à n'en pas douter, vous cherchez à encourager nos concitoyens à se prémunir individuellement, par l'assurance privée, contre le risque de leur propre dépendance. D'ailleurs, mes chers collègues de l'UMP, n'avez-vous pas déposé tout récemment sur le bureau du Sénat une proposition de loi en ce sens ?
Comment ne pas citer également l'important chantier de la décentralisation ? Sur ce point aussi, l'absence de mise en perspective du texte que nous examinons avec la réforme dont débat aujourd'hui l'Assemblée nationale nous inquiète fortement. J'évoquerai, à titre d'exemple, le domaine très particulier de la politique en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, qui nécessite, vous le savez, l'intervention de nombreux acteurs : pouvoirs publics, partenaires sociaux, associations.
Nous sommes tous conscients du travail qui reste à réaliser pour donner une plus grande cohérence aux interventions et ainsi optimiser l'insertion et le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap. Pourtant, madame la secrétaire d'Etat, votre projet de loi n'apporte aucune réponse, en particulier, sur les rôles et sur les missions qui reviennent respectivement à l'Etat et à l'AGEFIPH.
Vous vous accommodez des glissements passés, de l'effacement du rôle de l'Etat et des transferts de charges sur l'AGEFIPH. En témoigne le financement par cette dernière des associations de placement au service de l'emploi des personnes handicapées, du réseau Cap Emploi. En témoigne aussi la volonté du Gouvernement, transcrite dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, de délester l'Etat de sa responsabilité en matière de formation professionnelle.
La formation professionnelle conditionne pour beaucoup l'insertion professionnelle durable. Les personnes en situation de handicap bénéficieront-elles encore de programmes spécifiques dans le cadre de la politique de l'emploi ?
Allez-vous conforter les programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés ?
Vous l'aurez compris, vos choix, ces imprécisions, ces incertitudes quant au financement, ces questions non résolues s'agissant de la répartition des compétences entre les acteurs nourrissent un sentiment bien légitime de perplexité à l'égard de la réalisation des intentions affichées.
Concernant les mesures déclinées dans les différents titres du projet de loi, là encore, je suis contrainte de dire que beaucoup d'entre elles sont en trompe-l'oeil.
Je ne m'attarderai pas sur l'économie générale du projet de loi, les grands principes qui le sous-tendent, la non-discrimination, l'accès systématique des personnes en situation de handicap au droit commun, le droit à compensation étant largement consensuel.
En revanche, il convient, à partir d'exemples, de s'interroger sur la portée des dispositions clés.
Observant la discordance, pour ne pas dire le fossé, entre un exposé des motifs généreux et le contenu du projet de loi, tous s'accordent pour reprocher à cette réforme son manque d'ambition.
Nous partageons cette analyse, car nous sommes inquiets, à l'instar de la commission nationale consultative des droits de l'homme, en ce qui concerne « les modalités concrètes selon lesquelles les personnes en situation de handicap pourront être remplies de leurs droits ».
S'agissant, tout d'abord, du droit à compensation, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de contester son caractère universel. En effet, l'accès à cette prestation sera limité selon les ressources, l'âge et le taux d'incapacité. On est loin de la définition qui a prévalu lors de l'apparition de cette revendication.
Même en détaillant soigneusement sa composition, cette prestation reste hybride et illisible. Les aides humaines paraissent en constituer la portion congrue. Quant aux aides techniques, évidemment très attendues, n'aurait-il pas fallu régler définitivement ce problème par une meilleure prise en charge par l'assurance maladie, au lieu d'entériner finalement un dispositif qui malgré tous les efforts restera financièrement morcelé et dont la pérennité sera aléatoire ?
En agissant ainsi, malgré les apparences, le Gouvernement se place encore dans une logique d'aide sociale. Il continue de « saucissonner » les droits ainsi que les prises en charge et reproduit les incohérences du système actuel. A cet égard, l'exemple de l'AES est très probant. Demain, comme l'a déploré l'Association française contre les myopathies, l'AFM, les personnes handicapées seront toujours « des objets de soins, d'assistance ou de dépendance ».
A entendre les propos que vous avez tenus à cette tribune, madame la secrétaire d'Etat, vous semblez néanmoins marquer une certaine sensibilité face au sentiment de déception et à la protestation qui prévalaient notamment lors de l'ouverture de nos travaux cet après-midi. En effet, ils sont venus nombreux pour l'exprimer devant le Sénat. Ils se sont aussi mobilisés dans les régions, puisqu'ils étaient 250 à Lille. Il est difficile de faire fi des paroles fortes comme celles qui sont inscrites - peut-être les avez-vous vues - sur un panneau que des personnes handicapées brandissent devant le Sénat. Il y est écrit : « Messieurs et mesdames les sénateurs, dans l'hémicycle, ne votez pas une loi hémiplégique ». Nous serons donc très attentifs, madame la secrétaire d'Etat, lors de l'examen des amendements du Gouvernement.
Pour notre part, nous proposerons d'inscrire le droit à compensation comme une obligation nationale à l'égard des personnes en situation de handicap. Nous renforcerons le caractère universel de ce droit et élargirons son contenu, notamment en intégrant la prise en compte des besoins des aidants familiaux.
L'objectif est, tel que vous l'avez souhaité, monsieur le rapporteur, dans votre contribution de l'an dernier, « d'obéir à une règle simple mais essentielle : garantir à chaque personne handicapée la prise en charge intégrale des frais liés à la compensation de son handicap ».
Nous insisterons également sur la procédure d'évaluation des besoins de la personne par l'équipe pluridisciplinaire, dans la mesure où le renvoi à un simple décret n'est pas acceptable. Il est plus qu'impératif que la loi garantisse la compétence, l'indépendance des membres qui la composent car les maisons du handicap regroupent, en l'état actuel du texte, les financeurs et les décideurs.
De plus, il nous semble que le projet de loi devrait s'attacher résolument à placer la personne handicapée au coeur du dispositif, vraiment au coeur, notamment en affirmant qu'elle est la plus légitime pour décrire ses besoins au regard de son projet de vie, et in fine qu'elle est libre de choisir parmi les solutions proposées.
Cette liberté restera virtuelle si les pouvoirs publics ne s'obligent pas à faire tomber effectivement, sur l'ensemble du territoire, toutes les barrières.
Comment, enfin, parler de pleine citoyenneté - et là je veux faire référence à la principale frustration ressentie par les personnes à l'égard de ce texte - et refuser d'augmenter les ressources de ceux qui, ne pouvant accéder à un emploi, perçoivent l'allocation adulte handicapé, égale à 50 % du SMIC, et ont donc moins de 600 euros pour vivre ?
Si ce projet de loi lève quelques barrières dissuadant les personnes handicapées de s'engager dans l'emploi, notamment en permettant le cumul de l'AAH avec des revenus tirés du travail en milieu ordinaire, il n'en demeure pas moins qu'il continue d'enfermer les personnes dans la subsistance.
Là encore, nous avancerons des mesures visant à permettre aux personnes en situation de handicap d'avoir les moyens de vivre dignement. Sur les droits attachés à ce minimum social, nous réitérerons notre volonté de voir les bénéficiaires de l'AAH être dispensés du forfait hospitalier, être de plein droit titulaires de la couverture maladie complémentaire et ne plus être pénalisés par l'interruption des droits à l'AAH en cas d'hospitalisation.
Concernant l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées, je m'interroge sur l'efficacité des mesures envisagées pour dynamiser « l'obligation d'emploi ».
Que l'on se comprenne bien : je ne suis pas rétive au principe même d'un quota d'emploi à 6 %, aux mesures d'actions positives. Je considère juste que le dispositif reste par trop dérogatoire à l'égard des employeurs privés et publics, ces derniers pouvant toujours s'exonérer de leurs obligations légales.
J'attends de la discussion sur les articles en question qu'elle nous éclaire sur les conséquences de la transposition timide de la directive européenne relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail,...
M. Paul Blanc, rapporteur. Pourquoi « timide » ?
Mme Michelle Demessine. ... mettant à la charge de l'employeur une obligation d'« aménagements raisonnables ».
Actuellement, le constat d'inaptitude d'un travailleur au poste qu'il occupe emporte une obligation de reclassement, qui n'est pas une obligation de résultat.
Quelle est la portée de cette nouvelle obligation d'aménagement ? Permet-elle réellement d'étendre le champ de la lutte contre les discriminations ?
Par ailleurs, si l'objectif visé est effectivement celui d'une augmentation du taux d'emploi des personnes handicapées, encore faut-il ne pas négliger le fait que, pour beaucoup, cette insertion professionnelle ou ce maintien dans l'emploi sont conditionnés par l'existence d'actions volontaristes, en matière tant de formation professionnelle que d'amélioration des conditions de travail et de sécurité, ou de développement de services de médecine du travail indépendants.
Autant d'éléments qui, malheureusement, sont ignorés superbement.
Pour ce qui concerne les entreprises adaptées et le travail protégé, il ne suffira pas de modifier les mots, qui, je le reconnais volontiers, ont leur importance, pour gommer les spécificités et les besoins des entreprises adaptées et particulièrement des personnes qui y travaillent.
Là encore, vos propositions, madame la secrétaire d'Etat, s'arrêtent à la porte de leur mise en oeuvre.
Par souci de modernité, vous souhaitez rapprocher les ateliers protégés de la logique d'entreprise. Mais de quelle logique parlons-nous ? De celle qui affranchit l'individu par l'autonomie et le respect ou de celle qui aliène, sous le joug de la rentabilité et de la discrimination ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Procès d'intention !
Mme Michelle Demessine. Nous serons donc vigilants, aux côtés de celles et de ceux qui, chaque jour, se mobilisent afin que l'emploi des personnes en situation de handicap ne se dégrade pas plus encore, pour que ces entreprises adaptées puissent réellement accomplir leur mission indispensable d'accompagnement social.
S'agissant du droit à la scolarisation dans le cadre de l'éducation nationale, le texte prévoit de renforcer le principe de l'accès. Je suis, là encore, assez dubitative sur l'ampleur des changements permis par les nouvelles dispositions, en raison du manque criant dont souffre déjà l'éducation nationale. Les restrictions budgétaires vont à rebours de la nécessaire augmentation du nombre de postes d'enseignants spécialisés et d'auxiliaires d'intégration scolaire. Le risque est grand, me semble-t-il, d'un effet boomerang aboutissant au contraire de l'effet d'intégration si, par là même, sans moyens adaptés, cela se traduit par la négation du handicap, et donc par son exclusion.
De plus, je fais miennes les critiques de l'APAJH, ne « retrouvant pas ici les principes qui sont incontournables » du droit à l'école de trois à seize ans sans rupture, de l'importance de la prise en charge précoce, avant même l'âge de trois ans. Nous chercherons évidemment sur ce point à renforcer la responsabilité de l'éducation nationale et, surtout, à mettre l'accent sur les passerelles entre la scolarisation en milieu scolaire ordinaire et en institutions spécialisées.
Le temps presse, je vais être brève.
Concernant, enfin, le volet du texte ayant trait à la simplification, volet très important je suis partagée. Le guichet unique, qui est attendu, par les personnes en situation de handicap est une disposition positive. Celui-ci regroupera l'ensemble des commissions existantes en une seule. Il permettra d'avoir, c'est vrai, un seul interlocuteur, et donc une qualité d'écoute, ainsi que des réponses efficaces aux situations diverses.
Mon sentiment est également négatif, puisque ce dispositif a lui aussi un goût prononcé d'inachevé.
Les maisons départementales des personnes handicapées apparaissent dans votre texte comme un lieu non pas d'écoute et d'accompagnement de la personne, mais encore trop comme un simple lieu de distribution de prestations.
En consacrant la départementalisation de la prise en compte et de la compensation du handicap, vous prenez le risque d'accentuer encore les inégalités de traitement. En effet, les équipes pluridisciplinaires ne sont pas labellisées ; leur indépendance vis-à-vis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées n'est pas garantie ; les voies de recours contre les décisions des commissions des droits ne sont pas prévues ; enfin, l'agence nationale du handicap, présidant pourtant au départ de la concertation et devant garantir l'égalité de traitement sur le territoire, a disparu du texte.
Il nous paraît inacceptable de ne pas organiser l'indépendance et la transparence des deux fonctions fondamentales que sont l'évaluation et le financement, courant ainsi le risque d'être confronté au piège d'un dispositif à la fois juge et partie.
M. le président. Veuillez conclure, madame Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je termine, monsieur le président.
Voilà brossées rapidement les principales critiques et propositions que nous ne manquerons pas de reformuler lors de l'examen des articles.
M. Alain Gournac. C'est lamentable !
M. Roland Muzeau. Comment ça « lamentable » ?
M. Alain Gournac. C'est scandaleux ! Nous ne comprenons rien !
M. Roland Muzeau. Pour comprendre, il faut écouter ! Si ce sujet ne vous intéresse pas, vous pouvez sortir !
M. le président. Un peu de calme ! Laissez Mme Demessine terminer !
Mme Michelle Demessine. Pour conclure, permettez-moi de vous redire, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre grande inquiétude face à ce projet de loi d'affichage, fait de lacunes et de contradictions. Ce texte, que nous chercherons à améliorer substantiellement, n'est pas « susceptible de changer fondamentalement la vie des personnes en situation de handicap », pour reprendre l'appréciation de l'AFM
C'est en pleine connaissance des données démographiques et des besoins de la population en perte d'autonomie ou en situation de handicap que le Gouvernement s'accommode de solutions a minima, à trop courte vue, nous donnant un nouvel exemple de sa conception particulière de la solidarité nationale.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la volonté d'améliorer ce texte a été exprimée. Nous sommes au rendez-vous et nous espérons que nos amendements, qui expriment les attentes du monde associatif, seront accueillis avec bienveillance...
M. Paul Blanc, rapporteur. Et parcimonie ! (Sourires.)
Mme Michelle Demessine. ... et sans esprit partisan. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, qui aura le souci...
M. Jacques Blanc. D'être bref ! (Sourires.)
M. le président. ... d'être bref, en effet, avec son esprit de synthèse habituel.
M. Jacques Blanc. Madame la secrétaire d'Etat, je vais tenir un autre langage.
M. Robert Bret. Il n'est pas nécessaire de le préciser !
M. Jacques Blanc. J'ai d'ailleurs le sentiment - on a parlé de frustration - que nous sommes confrontés à la frustration de ceux qui n'ont rien fait lorsqu'ils gouvernaient. (Voilà ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. S'agissant d'un projet de loi comme celui-ci, ce n'est pas sérieux, monsieur Jacques Blanc !
M. Jacques Blanc. Vous me permettrez d'être fier d'avoir été, en 1975, le rapporteur d'une loi fondatrice. Or, depuis 1975,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Depuis 1987 !
M. Jacques Blanc. ... bien peu de choses ont été faites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Les occasions ne vous ont pourtant pas manqué !
M. Henri de Raincourt. Quinze ans !
M. Jacques Blanc. En 1975, il avait fallu la volonté conjuguée du Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, du Premier ministre, Jacques Chirac, du ministre de la santé, Simone Veil, du secrétaire d'Etat René Lenoir, et le soutien de Jean-Pierre Fourcade, alors ministre des finances, pour obtenir quelques mesures. Aujourd'hui, il a fallu la volonté forte du Président de la République, Jacques Chirac, du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, du ministre de la santé, Jean-François Mattei, et la vôtre, madame la secrétaire d'Etat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Jacques Blanc. Je tiens à vous rendre hommage, madame la secrétaire d'Etat. Je vous ai vue à l'oeuvre sur le terrain la semaine dernière encore dans les Cévennes où vous êtes venue inaugurer une MAS. Vous faites du très bon travail.
MM. Alain Gournac et Henri de Raincourt. Effectivement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. Jacques Blanc. En 1975, nous étions passés de l'assistance à la solidarité et à la reconnaissance de la dignité des personnes. Par le texte qui nous est présenté aujourd'hui, vous nous faites passer à l'exercice des droits des handicapés. Vous allez leur permettre de choisir librement leur vie.
Mme Hélène Luc. Ne vous réjouissez pas comme ça, monsieur Jacques Blanc ! Il y a de bonnes intentions, mais pas assez de financement !
M. Jacques Blanc. Cette étape me semble fondamentale.
Vous avez su, madame la secrétaire d'Etat, - et ce n'était pas facile parce que, avec la loi de 1975, on partait d'un très bon niveau et, d'ailleurs, si cela a traîné, c'est parce qu'on ne trouvait pas de solution - formuler des propositions fortes et je veux vous rendre hommage...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Blanc. ... car vous vous êtes impliquée personnellement. Vous avez une sensibilité vraie (M. Alain Gournac opine), qui me rappelle celle de René Lenoir. Vous avez eu aussi la chance de trouver, au Sénat, sous la haute présidence de notre ami Nicolas About, l'appui du docteur Blanc - un docteur Blanc peut en cacher un autre (Sourires) -, venu lui aussi du Languedoc-Roussillon, qui a apporté son expérience très fructueuse et a accompli un travail d'une grande profondeur. Je veux lui rendre hommage.
M. Henri de Raincourt. Il le mérite !
M. Jacques Blanc. Le Languedoc-Roussillon est très mobilisé puisque, à l'Assemblée nationale, notre collègue député Yvan Lachaud a su, dans un rapport très intéressant, ouvrir la voie à la réflexion sur le problème de la scolarisation.
Je ne reviendrai pas sur les acquis de la loi de 1975. Je suis cependant un peu surpris. Je respecte les associations, d'autant plus que je suis moi-même à l'origine de la création du Conseil national consultatif et que j'ai ouvert un dialogue constructif. Il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à nier les aspects positifs du texte au motif qu'il ne répond pas à tous les problèmes.
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Jacques Blanc. De surcroît, le texte n'est pas achevé.
Mme Hélène Luc. Il fallait présenter une loi de finances en même temps !
M. Jacques Blanc. Vous avez montré, madame la secrétaire d'Etat, que vous aviez été attentive aux propositions du rapporteur, dans la ligne tracée par le Président de la République et suivie avec volontarisme par le Gouvernement. Je vous en remercie.
M. Robert Bret. L'exposé des motifs du projet de loi est bien ; c'est la suite qui l'est moins !
M. Jacques Blanc. Vous avez mis en place des moyens tant juridiques que financiers.
Mme Hélène Luc. Pas les moyens financiers !
M. Robert Bret. C'est comme pour la décentralisation !
Mme Hélène Luc. Toutes les associations disent le contraire ! Reconnaissez-le, au moins !
M. le président. Mes chers collègues, laissez s'exprimer l'orateur !
M. Jacques Blanc. Vous avez d'abord défini le handicap, ce qui permet de reconnaître explicitement le handicap lié à des altérations psychiques, ainsi que le polyhandicap.
M. Roland Muzeau. On le votera !
M. Jacques Blanc. Vous avez repris les éléments de définition de l'Organisation mondiale de la santé : c'est une étape.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah non !
M. Jacques Blanc. Vous avez garanti le libre choix du projet de vie de la personne handicapée. Personnellement, je n'ai pas beaucoup de mérite à m'être intéressé à ce problème, car, en tant que neuro-psychiatre, j'ai eu à m'occuper de grands handicapés. Vous avez, à mon sens, trouvé une solution équilibrée qui permet de tout mettre en oeuvre pour assurer l'insertion de la personne handicapée, en fonction de son choix, et ce à tous les moments de sa vie, depuis la maternelle jusqu'à l'entrée dans la vie active.
Mme Hélène Luc. On en reparlera de l'école !
M. Jacques Blanc. On aurait pu aussi penser aux personnes âgées, car le problème se pose, vous l'avez d'ailleurs également abordé.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On y viendra bien !
M. Jacques Blanc. La liberté de choix du projet de vie est donc garantie, et vous avez su, tout en exigeant de l'éducation nationale cette ouverture, reconnaître que, dans certaines situations, l'intérêt de l'enfant commande un système adapté. Vous n'avez pas écarté cette difficulté, ce dont je vous suis très reconnaissant.
Mme Hélène Luc. Mais parlez-nous plutôt des moyens qu'il faut donner à l'éducation nationale ! C'est incroyable, une telle démagogie !
M. Jacques Blanc. En effet, il est tellement plus facile de ne regarder que ceux qui peuvent s'insérer et d'oublier les plus grands handicaps. Permettez-moi d'évoquer un souvenir personnel datant de l'époque où j'exerçais dans des établissements du Clos du Nid, en Lozère, qui accueillaient les handicaps les plus lourds, quand peu de centres de ce type existaient : j'ai la fierté d'avoir pu apporter une petite lumière à tel ou tel handicapé qui, grâce à un geste, à un élan du coeur, a progressé sur la voie de son propre accomplissement.
Vous avez su trouver une solution équilibrée, ce dont je vous félicite.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais où est-ce dans le texte ?
M. Jacques Blanc. Vous avez aussi su indiquer très clairement que vous dissociiez la compensation personnalisée de l'assurance d'un revenu d'existence. Il s'agit tout de même là d'une sacrée étape !
Mme Hélène Luc. On verra !
M. Robert Bret. Vraiment, nous n'avons pas lu le même texte !
M. Jacques Blanc. Sacrée étape, en effet, puisque vous vous engagez à ouvrir, par des voies qui demandent à être précisées, une piste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Si l'on veut que tout soit prêt pour agir à coup sûr, alors il faut faire comme vous, chers collègues de l'opposition, c'est-à-dire ne rien faire ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Et voilà !
Mme Hélène Luc. Non ! Non !
M. Jacques Blanc. M. le ministre de la santé a, avec beaucoup d'honnêteté, abordé le problème de la caisse et de ses ressources, 850 millions d'euros destinés à compenser des surcoûts.
En outre, vous ne confondez pas - c'est tout à fait nouveau, et c'est une autre étape de franchie - cette prestation de compensation et l'assurance de revenu de l'allocation aux adultes handicapés.
Désormais, nous sommes bien dans un système nouveau de compensation et de sécurité de revenu, innovation d'autant plus méritoire que vous avez pris cette décision alors que les caisses avaient été laissées vides. Ce qui n'est pas très facile, aujourd'hui, l'eût été beaucoup plus à l'époque de la croissance, si du moins le gouvernement précédent s'était mobilisé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Alain Gournac approuve.)
M. Bernard Frimat. Oh ! Cela suffit !
Mme Hélène Luc. Ne faites pas de politique politicienne à propos des handicapés !
Mme Michelle Demessine. Mais cessez de regarder dans le rétroviseur !
M. Jacques Blanc. Donc, madame la secrétaire d'Etat, bravo ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je ne reviens pas sur l'intégration scolaire et me contenterai d'un mot sur l'insertion professionnelle. Là aussi, vous êtes à la fois ambitieuse - car c'est bien une ambition - et réaliste.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas vrai, ce que vous racontez !
M. Jacques Blanc. L'ambition, c'est de favoriser l'insertion moyennant des adaptations de postes et en fonction de l'exigence, que vous avez rappelée, des 6 %.
Et vous avez gagné ce à quoi, moi, je n'avais pas pu aboutir à l'époque, je veux parler de la mobilisation du service public. M. Delevoye, qui était parmi nous tout à l'heure, s'est engagé à créer un fonds.
On s'était beaucoup battu à l'époque, sans toutefois réussir à débloquer la situation par rapport au service public, qui était le dernier à vouloir intégrer des handicapés.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Du vent, tout cela !
Mme Hélène Luc. Quelles sommes ont été débloquées pour l'éducation nationale ? Pouvez-vous nous le dire ?
M. Jacques Blanc. Je vous félicite d'avoir pris cet engagement.
Mme Hélène Luc. Oui, mais il ne faut pas dire des choses qui ne sont pas !
M. Jacques Blanc. Cela étant, et quels que soient les efforts accomplis, nous savons bien que, si certains handicapés pourront accéder au travail dans des ateliers adaptés, d'autres auront besoin des CAT. Vous ne les avez pas remis en cause et vous avez bien fait, parce que ces centres offrent des chances d'épanouissement importantes à un grand nombre de ces handicapés.
De même, vous n'avez pas remis en cause les MAS, les maisons d'accueil spécialisées, dont je suis fier d'avoir été à l'origine de la création. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais que n'a-t-il pas fait, cet homme ?
M. Roland Muzeau. Bravo ! Vous aurez droit à une médaille, cher collègue !
M. Jacques Blanc. Ces maisons accueillent, en effet, les handicapés les plus lourds, et je veux, moi, que personne ne reste sur le bord de la route.
C'est tout votre mérite, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir su conserver ces structures dans votre dispositif.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous mélangez tout !
M. Jacques Blanc. Ce texte doit simplifier les démarches des handicapés : la maison départementale s'inscrit dans cette logique.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La logique de décentralisation ?
M. Jacques Blanc. Certains redoutent que cette départementalisation ne soit source d'inégalités. Ils préféreraient sans doute que nous en restions à l'hypercentralisation actuelle, qui a pourtant fait la preuve de son inefficacité !
Alors, oui, bravo d'avoir osé, madame la secrétaire d'Etat !
M. Roland Muzeau. Du vent !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Du vent, toujours ! Une véritable éolienne !
M. Jacques Blanc. Avoir osé avec ces maisons départementales, avoir osé avec la décentralisation : oui, c'est un très beau texte que vous nous proposez.
Mme Hélène Luc. Un vrai numéro de scène !
M. Jacques Blanc. Nous le soutiendrons.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il en a bien besoin !
M. Jacques Blanc. Quant aux avancées que va nous proposer notre rapporteur, nous les soutiendrons aussi.
Et je m'adresserai d'un mot aux handicapés, à leurs parents, à leurs associations : ouvrons ensemble les yeux. Les coeurs se sont ouverts. Désormais, un changement profond de mentalité parcourt notre société. Il fallait aller plus loin par rapport au texte de 1975, dont j'ai la faiblesse de considérer qu'il était un peu mon enfant. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Eh bien, je suis fier, madame la secrétaire d'Etat, de savoir que vous allez le faire grandir, cet enfant, et, ce faisant, répondre à l'attente des personnes handicapées.
Mme Hélène Luc. Mais tous les parents s'interrogent sur les moyens !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a des élections, bientôt ?
M. Jacques Blanc. Au-delà des frustrations, au-delà des insuccès passés, respecter la dignité des handicapés, c'est se mobiliser pour leur offrir des chances supplémentaires d'épanouissement. Bravo, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir osé nous le proposer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission, qui va se réunir immédiatement, souhaiterait pouvoir prolonger ses travaux, après le dîner, jusqu'à vingt-deux heures.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission.
Mes chers collègues, nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la réforme de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 était très attendue, et depuis des années. Si cette loi a été à l'origine d'acquis indéniables pour les personnes handicapées, notamment en imposant une obligation nationale de solidarité à leur égard, il faut bien admettre qu'elle n'a pas atteint son objectif essentiel d'intégration et qu'elle ne répond pas aux nouveaux enjeux d'aujourd'hui.
La jurisprudence Perruche et les débats qu'elle a suscités ont permis à chacun de mesurer le désarroi des familles confrontées au handicap de leur enfant et l'exclusion dont les personnes handicapées sont trop souvent victimes, faute de moyens décents.
Devant ce constat, il est clair que des prestations a minima, définies dans le cadre d'un régime d'assistance, ne peuvent plus nous affranchir de notre obligation. Celle-ci doit se traduire aujourd'hui par une compensation réelle et intégrale des désavantages liés au handicap, afin de rétablir l'égalité entre les citoyens « valides » et ceux qui sont « handicapés », et de favoriser dans toute la mesure possible le maintien de ces derniers en milieu de vie ordinaire.
Il importe également de mettre un terme au véritable parcours du combattant que vivent au quotidien les personnes handicapées et leurs familles pour faire valoir leurs droits et pour participer de manière effective à la vie sociale.
Compensation, accessibilité et simplification, voilà les trois objectifs que vous vous êtes assignés, madame la secrétaire d'Etat et que nous devons faire nôtres.
La lecture de l'exposé des motifs de votre projet de loi engendre de grands espoirs : création d'une prestation de compensation comprenant, outre les aides humaines, les aides techniques, l'aide à l'aménagement du logement et l'aide aux aidants ; assouplissement des règles de cumul de l'AAH avec un revenu d'activité et garantie de ressources au niveau du SMIC ; élargissement des obligations actuelles et renforcement des contrôles et sanctions en matière d'accessibilité du cadre bâti et des transports publics ; réaffirmation de l'obligation faite à l'éducation nationale d'assurer la scolarisation de tous les enfants et adolescents handicapés dans l'école la plus proche de leur domicile ; dispositif d'incitation et de sanction visant les entreprises et obligation pour les partenaires sociaux de négocier périodiquement sur l'emploi des travailleurs handicapés ; enfin, interlocuteur unique au service de la personne handicapée, à travers la création des maisons départementales du handicap, chargées de coordonner les interventions des différents acteurs.
Toutes ces mesures sont positives et méritent d'être saluées.
Cependant, l'examen attentif du texte même du projet suscite quelques interrogations, voire une certaine déception.
En premier lieu, les dispositifs proposés ne prennent pas suffisamment en compte la divesité des handicaps. Qu'il soit de naissance, survenu à l'âge adulte à la suite d'un accident ou une maladie, qu'il soit lié au vieillissement, qu'il soit moteur, sensoriel, mental ou psychique, chacun de ces handicaps exige une réponse adaptée.
Il me semble que des programmes d'action correspondant spécifiquement aux différents types de handicap auraient été plus judicieux.
Qu'est-il prévu pour le handicap psychique, le polyhandicap et le handicap de grande dépendance ?
Par ailleurs, le droit à compensation universelle, qui devait être la clef de voûte de ce projet de loi, déçoit un peu ; mais je sais que vous envisagez, madame la secrétaire d'Etat, de nous présenter des amendements à ce sujet.
Dans l'état actuel du texte, en sont en effet exclus les enfants de moins de vingt ans, alors que l'AES est loin de couvrir tous les besoins. Elle est modulée en fonction des revenus et, surtout, son accès n'est ouvert qu'à partir d'un taux d'invalidité supérieur à 80 %. Ce dernier critère ne reflète certainement pas les besoins de la personne.
Sur l'accès de tous à tout, autre principe directeur de ce projet, j'aimerais dire : gardons-nous de faire de l'angélisme, voire de donner dans l'irréalisme.
Si l'accès à l'éducation constitue à l'évidence, pour les enfants et adolescents handicapés, un droit fondamental et un moyen d'épanouissement et de socialisation, le maintien en milieu scolaire ordinaire ne doit pas être un objectif systématique. Ce maintien n'est pas toujours conforme à l'intérêt de l'enfant, qui pourra parfois mieux valoriser ses capacités dans un parcours de formation spécialisé. Il me paraît essentiel que les enseignants élaborent avec les parents un projet individualisé, adapté au handicap de l'enfant.
S'agissant de l'accès au cadre bâti et aux transports, j'y suis évidemement très attaché, mais, là aussi, je crois qu'il faut rester raisonnable. Le projet de loi impose, par exemple, une accessibilité complète des transports publics dans un délai de six ans, sauf en cas d'impossiblités techniques avérées. Cela aura un coût considérable pour les collectivités locales. Pourquoi ne pas imposer cette obligation au fur et à mesure du renouvellement du parc de matériel roulant ?
Par ailleurs, que recouvre l'accessiblité à tous types de handicap ? Faudra-t-il installer des indications de rue, d'adresse ou de service en braille pour que les non-voyants puissent se diriger dans la cité ou les établissements recevant du public ? Est-ce raisonnable pour les collectivités qui auront à supporter ce choix ?
Globalement, le projet de loi permet, à travers un meilleur équilibre entre incitations et sanctions, une prise en compte plus systématique de l'accessibilité. Je ne crois pas qu'il faille faire de la surenchère dans la contrainte, et c'est pourquoi, d'ailleurs, je suis dubitatif, M. le rapporteur le sait, devant certains amendements de la commission des affaires sociales.
En matière d'emploi, je m'interroge sur l'abandon du système des unités bénéficiaires au profit du 1 pour 1. Cela n'aura-t-il pas pour conséquence de pénaliser les entreprises qui s'attachent à embaucher des personnes lourdement handicapées ?
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques, reposant sur un système contributif analogue à celui qui existe dans le secteur privé. C'est une très bonne mesure, qui était, me semble-t-il, attendue par les handicapés. Il n'est en effet pas normal que les employeurs publics, qui sont loin d'être exemplaires, échappent à toute sanction en cas de non-respect de l'obligation d'emploi.
En revanche, des aides et une modulation de la contribution seront-elles aussi accordées aux collectivités locales pour l'aménagement de postes ou l'emploi de personnes lourdement handicapées, comme cela est prévu pour les entreprises ?
Enfin, s'agissant des maisons départementales du handicap, j'y suis très favorable, car elles doivent permettre de simplifier les démarches administratives et d'améliorer l'information des personnes handicapées. Mais comment ces dernières pourront-elles y accéder lorsque ces maisons seront éloignées de 100 ou 200 kilomètres ? Y aura-t-il des antennes locales ? L'accès à distance sera-t-il possible par des moyens de télécommunication modernes ?
Pour conclure, j'aimerais évoquer un point essentiel qui n'est pas abordé dans le projet de loi. La réforme proposée est assurément ambitieuse - le mérite vous en revient, madame la secrétaire d'Etat - et il est évident qu'elle ne se fera pas à budget constant. Si les moyens nouveaux qui sont mis en place paraissent intéressants pour cette année, comment ce vaste projet pourra-t-il être financé dans les années qui viennent ?
Chacun, entreprise ou simple citoyen, comprendra qu'un effort supplémentaire substantiel doit être fait pour permettre la participation pleine et entière des personnes handicapées à la vie de la cité. Il s'agit en quelque sorte d'une démarche de mutualisation.
Cependant, dans un contexte de déficit public important et à la veille d'une réforme de l'assurance maladie, laquelle concourt largement au financement de la politique du handicap, on manque un peu de visibilité.
Tout en reconnaissant que votre projet de loi est globalement positif et qu'il constitue une avancée intéressante, je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que vous apportiez des réponses aux questions que j'ai soulevées et qui sont souvent posées par les handicapés eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'ont affirmé la loi de modernisation sociale, puis la loi sur le droit des malades et la qualité du système de soins, « toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité nationale et le principe d'un droit à compensation des conséquences du handicap est désormais posé ».
La création d'une nouvelle prestation financée par la suppression d'un jour férié et gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est censée garantir à chaque personne handicapée les moyens nécessaires pour faire face aux charges spécifiques liées à son handicap et apporter ainsi une réponse appropriée à ses besoins.
Au coeur de la réforme, ce droit à compensation se décline comme une réparation financière des conséquences du handicap, laquelle dépendra du degré d'incapacité, des ressources et d'un critère d'âge. Peut-on dès lors, madame la secrétaire d'Etat, parler d'universalité ?
En effet, contrairement à ce qui est annoncé, notamment dans l'exposé des motifs, les trois prestations - l'allocation d'éducation spéciale, la prestation de compensation et l'allocation personnalisée d'autonomie - continueront à entretenir une certaine ségrégation.
A l'heure actuelle, 13 500 familles bénéficient de l'AES et aucune garantie n'est apportée quant à la revalorisation de cette allocation afin de compenser les besoins de l'enfant jusqu'à ses vingt ans. Comment accepter qu'une personne soit plus ou moins bien prise en charge selon l'âge de survenue de son handicap ?
Madame la secrétaire d'Etat, vous nous avez annoncé en préambule que la prestation de compensation serait ouverte aux enfants. Quelles seront les conditions d'octroi ?
Ce texte devait en outre gommer les différences. Or les personnes non reconnues par les COTOREP et celles dont le taux d'invalidité sera inférieur au seuil de 80 % ne pourront pas prétendre à ce dispositif, alors que, paradoxalement, l'une des priorités du texte est le développement de l'emploi des personnes handicapées.
Il suffit pour s'en convaincre de comparer l'incapacité accordée : les taux compris entre 59 % et 79 % augmentent en moyenne de 6 % par an, alors que ceux qui sont supérieurs ou égaux à 80 % restent en revanche stables.
S'il est vrai que la prestation de compensation va plus loin que l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne, il n'en demeure pas moins que l'accès à cette prestation demeure très restrictif.
Cette prestation, qui reconnaît dorénavant le handicap psychique et le polyhandicap, peut être affectée à un besoin en aide humaine, technique ou animalière.
A propos de l'aide humaine, vous avez dit, madame la secrétaire d'Etat, que ce projet de loi posait en outre « le principe d'un accueil et d'un accompagnement adaptés à des personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins ».
Je voudrais vous parler de Guillaume. Il a vingt-trois ans et souffre d'une maladie orpheline génétique. Il ne peut rien faire sans être assisté. Ses parents souhaitent le nourrir avec des aliments spécialement préparés pour éviter à leur enfant d'être essentiellement alimenté par des perfusions. Ils sont parfois secondés dans cette tâche par une aide à domicile.
Récemment, les parents de Guillaume ont reçu un courrier émanant du directeur des services dans lequel celui-ci leur précisait que la personne aidant ne saurait avoir les gestes adaptés si leur fils venait à rencontrer des difficultés d'absorption et qu'il se déchargerait de toute responsabilité en cas de problème !
Ce petit extrait de vie quotidienne d'une famille parmi tant d'autres est suffisamment explicite pour qu'on s'étonne de l'absence de prise en compte de l'aide apportée par les proches, qui sont très souvent obligés de réduire, voire de cesser leur activité professionnelle.
En effet, 13 % des personnes handicapées bénéficient uniquement d'une aide professionnelle, alors que 62 % sont aidées par un ou plusieurs aidants non professionnels qui, neuf fois sur dix, sont des membres de la famille. L'aide est sans doute informelle, mais réelle.
Par ailleurs, quand une loi met en avant l'égalité des droit et des chances pour les personnes handicapées et que l'article L. 245-2 donne à penser que le système actuel, fondé sur une liste très limitative des produits et prestations perdurera, c'est tout simplement incompréhensible, sachant que certaines personnes sont dans l'impossibilité de participer à la vie sociale du fait même de leur handicap !
Ces personnes, madame la secrétaire d'Etat, qui ne peuvent travailler et qui restent à la charge de leur entourage espéraient que soit au moins inscrite dans la loi une augmentation substantielle de leurs revenus d'existence.
Le fonds spécial invalidité, par exemple, est supprimé. La majoration pour tierce personne étant considérée comme un avantage, le cumul de celle-ci et d'une rente sera de fait supérieur au montant de l'AAH, ce qui aura pour effet de diminuer les ressources de tous les pensionnés d'invalidité de troisième catégorie.
Est-ce vraiment l'esprit de la loi, madame la secrétaire d'Etat ?
Par l'article 3, on prétend favoriser l'exercice d'un emploi à temps partiel en améliorant quelque peu les conditions de cumul de l'AAH avec un revenu tiré d'une activité professionnelle. Un abattement sera pratiqué sur les revenus pour déterminer le montant de l'allocation différentielle. Le complément d'allocation pourra être maintenu.
L'AAH avait été créée en 1975 pour assurer un minimum de ressources à toute personne reconnue handicapée. On peut lire dans l'exposé des motifs que « le projet de loi met fin à l'ambiguïté qui caractérise l'allocation adulte handicapé perçue tantôt comme un minimum social, tantôt comme prestation de compensation et, de ce fait, toujours insuffisante pour faire face à la fois aux besoins de la vie courante et aux besoins spécifiques liés à la situation de handicap ».
L'AAH n'étant pas revalorisée, faut-il, dès lors, présumer que cette allocation permettra de faire face aux besoins de la vie courante des personnes handicapées ? Un revenu de 587 euros peut-il être considéré comme véritable revenu d'existence ?
Trop de contingences, que souligne le renvoi à des décrets, caractérisent ce texte. On est loin de la grande loi annoncée par le Président de la République. L'affirmation des grands principes ne résistera pas à la logique budgétaire du Gouvernement et, bien qu'il améliore certains dispositifs existants, ce projet de loi ne répond pas, madame la secrétaire d'Etat, à l'attente des personnes en situation de handicap, qui espéraient une vraie loi de refondation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voici enfin venu le jour tant attendu de l'examen du texte réformant la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.
Les membres de la commission des affaires sociales ont beaucoup travaillé sur ce sujet et je remercie son président, Nicolas About, et son rapporteur, Paul Blanc, de leur avoir fait partager leur passion pour cette grande cause : la reconnaissance de la pleine citoyenneté des personnes handicapées.
Les cas de handicap sont nombreux et particulièrement variés. Pour autant, il appartient à la loi de poser les principes généraux de la politique à mener en faveur des personnes handicapées, et ce quels que soient la nature et le degré de leur infirmité.
Permettez-moi cependant de regretter que cette politique n'ait pas été discutée sur la base du texte de la proposition de loi sénatoriale.
Je regrette également qu'aucun bilan de l'effectivité de la loi de 1975 n'ait été réalisé. Combien de dispositions n'ont jamais été appliquées presque trente ans après le vote du texte ?
Je regrette enfin d'avoir à voter un texte sans connaître les détails des moyens de financement et d'organisation de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Après ces regrets que je tenais à exprimer, je souhaite vous féliciter sincèrement et vous rendre hommage, madame la secrétaire d'Etat, pour la qualité de votre travail, plus particulièrement en ce qui concerne le volet « accessibilité » du projet de loi.
Il est certes difficile de trouver un équilibre entre la participation des personnes handicapées à la vie sociale et l'intégration à outrance qui va à l'encontre du respect du handicap.
Ainsi, pour l'intégration scolaire des enfants, si le milieu ordinaire va de soi, il ne doit pas être imposé. Je souhaite, à ce sujet, appeler l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur la nécessité de mettre en place un nombre suffisant d'assistants d'éducation chargés de seconder les élèves handicapés. Sans eux, les bons principes de la loi resteraient lettre morte.
Réussir l'intégration des personnes handicapées dans le milieu ordinaire suppose aussi de leur permettre de travailler dans une entreprise du secteur privé, mais également du secteur public.
Or, selon une étude réalisée par la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord - Pas-de-Calais, le taux d'emploi des établissements assujettis à l'obligation d'embauche de travailleurs handicapés et assimilés était, au niveau national, au 31 décembre 2000, de 4,1 %, taux sensiblement identique au taux enregistré dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Je constate que, malgré la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, le nombre d'embauches reste toujours beaucoup trop faible comparé au nombre de demandeurs d'emploi handicapés recensés.
Il faut que les mentalités évoluent : de nombreuses personnes handicapées ont des capacités à mettre au service de l'entreprise, privée et publique. C'est pourquoi j'espère que la sanction pécuniaire infligée aux employeurs récalcitrants sera suffisamment incitative.
Vous proposez aussi de supprimer le système des « unités bénéficiaires », estimant qu'un travailleur handicapé en vaut un autre. Mais cette forte volonté d'intégration ne doit pas nous mener à nier le handicap. Il convient donc de prendre en compte le recrutement direct des personnes lourdement handicapées pour fixer le montant de la contribution des entreprises à l'AGEFIPH.
Pour ceux dont l'état nécessite la prise en charge par un centre d'aide par le travail, le projet de loi met en place un système de passerelle vers le milieu ordinaire, système que je salue. J'estime d'ailleurs qu'il faudrait l'étendre aux entreprises adaptées. Il est également utile de réformer le système de la garantie de ressources et de conférer aux personnes accueillies en CAT de nouveaux droits en termes de formation professionnelle, de congés payés et de prestations familiales. C'est un pas de plus vers l'autonomie.
Concernant le cadre bâti, l'obligation de mise en accessibilité des locaux d'habitation et autres établissements est réaffirmée. Pour plus d'efficacité toutefois, ne serait-il pas nécessaire d'imposer une formation initiale et continue des architectes ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est prévu !
Mme Sylvie Desmarescaux. De même, je m'interroge sur l'opportunité de consulter les associations représentatives des personnes handicapées lors de l'examen des dossiers de demande de permis de construire.
En ce qui concerne l'accessibilité des transports, même s'il faut prévoir dans certains cas la mise en place de moyens de transports adaptés, l'obligation d'accessibilité des transports collectifs existants dans un délai de six ans est un premier pas dont je me réjouis. La création d'une commission communale d'accessibilité est également une bonne chose. Mais pour répondre aux préoccupations des intéressés résidant en milieu rural, je souhaite que, à l'instar de ce que propose la commission des affaires sociales, cette création puisse être étendue aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, de 5 000 habitants et plus, et ne soit donc pas limitée aux communes de 10 000 habitants et plus.
J'en viens maintenant au volet relatif aux droits à compensation. Parce qu'il doit être particulièrement novateur, ce volet est le plus attendu et aussi le plus critiqué.
Je comprends la déception des associations que nous avons auditionnées ainsi que de toutes celles et de tous ceux que j'ai pu rencontrer dans mon département. Je m'associe à leurs demandes et insiste avec force sur la nécessité d'élargir les conditions d'accès à la compensation. En l'état actuel du texte, je les trouve trop restrictives.
Bien évidemment, je soutiendrai les propositions de la commission des affaires sociales tendant à remplacer le taux d'invalidité minimum d'accès à la prestation de compensation par un critère de « besoin de compensation » inspiré de la grille AGGIR.
J'appuierai également le principe visant à étendre, d'ici à dix ans, le bénéfice de cette prestation aux enfants âgés de treize ans et plus. Pour ma part, je vous soumettrai un amendement visant à abaisser, dès à présent, l'âge d'accès à dix-huit ans. Les propos que vous avez tenus cet après-midi, madame la secrétaire d'Etat, me donnent bon espoir.
En outre, je vous ferai deux propositions concernant l'équipe pluridisciplinaire chargée d'évaluer les besoins de compensation de la personne handicapée : premièrement, qu'elle entende l'enfant lui-même lorsque ce dernier est capable de discernement ; deuxièmement, qu'elle se rende sur le lieu de vie de la personne lorsque celle-ci est incapable de se déplacer.
Enfin, j'estime indispensable d'harmoniser le taux de TVA pour les aides techniques. La coexistence de deux taux distincts doit cesser.
Je conclurai mon propos en évoquant la situation des personnes handicapées hébergées temporairement en établissement ou hospitalisées.
En effet, le projet de loi renvoie à un décret la détermination des conditions dans lesquelles le paiement de la prestation de compensation peut être suspendu, totalement ou partiellement, en cas d'hospitalisation ou d'hébergement. Or, même si elle ne loge plus dans sa résidence habituelle, la personne handicapée continue à en assumer les charges, par exemple les loyers, les assurances et toutes autres impositions et taxes. Pour cette raison, une réduction trop drastique de la prestation de compensation mettrait la personne handicapée dans une situation financière délicate.
Madame la secrétaire d'Etat, le projet de loi que vous nous présentez est, à mon avis, dans son ensemble, un bon texte. Néanmoins, il peut être amélioré, et j'espère que le fruit de notre travail permettra de répondre aux préoccupations des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en doute pas !
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est d'une importance considérable, puisqu'il est fondé sur le principe de non-discrimination à l'égard des personnes handicapées. Il s'agit de passer d'une logique de protection à une logique d'intégration et d'aboutir enfin, pour ces personnes défavorisées, à une situation de droit commun.
Le but de ce texte courageux et nécessaire pour « ces victimes de la vie » est de passer d'une logique de prestations sociales uniformes et anonymes à une logique de soutien personnalisé par la compensation individuelle du handicap.
Le Président de la République souhaite, avec ce projet de loi, marquer une étape décisive, celle de l'égal accès aux droits, qui fait de l'insertion des handicapés l'un des trois grands chantiers de son quinquennat.
La dernière loi en faveur des personnes handicapées, en date du 30 juin 1975, avait créé une obligation nationale de solidarité à leur égard. Aujourd'hui, près de trente ans plus tard, on mesure l'impact de la loi fondatrice de 1975 sur la mobilisation de la société tout entière pour la cause des personnes handicapées.
Cet effort de la nation a permis notamment de garantir un minimum de ressources à quelques 760 000 ressortissants par l'allocation aux adultes handicapés. Mais des insuffisances, voire des manques graves, subsistent pour tous les types de handicap.
Des problèmes nouveaux surgissent, et la notion de handicap s'en trouve de ce fait profondément modifiée. Le regard s'est déplacé vers les difficultés que rencontrent les personnes handicapées pour participer à la vie sociale et vers le rôle que l'environnement peut jouer dans l'aggravation ou l'atténuation de ces difficultés.
A travers ce projet de loi, le Gouvernement s'est mobilisé pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
Aujourd'hui, le principe général de non-discrimination doit obliger la collectivité nationale à garantir les conditions de l'égalité des droits et des chances à tous les citoyens.
Il faut chercher à intégrer au mieux les personnes handicapées dans la vie de tous les jours, pour leur permettre d'être le plus autonomes possible Des évolutions législatives et réglementaires sont intervenues, notamment dans les domaines de la scolarité, de l'accessibilité, des retraites et de la fiscalité. Il s'agit désormais de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie.
Au coeur de ce dispositif, la concertation est la règle.
Depuis dix-huit mois, une réflexion de fond a été engagée sur le plan tant national que départemental avec les élus, les partenaires sociaux, les organismes de sécurité sociale et les associations.
A travers le projet de loi qu'il nous est donné de discuter, il apparaît que l'action en faveur des personnes handicapées repose sur trois piliers.
Le premier pilier est la création d'une véritable prestation de compensation : le droit à compensation des conséquences du handicap est inscrit au coeur de la réforme. Il convient d'assurer un financement adéquat des prestations, des différentes aides et des établissements. Les prestations et les aides actuelles ne permettent pas, en effet, aux personnes handicapées de faire face à l'intégralité des dépenses liées à la compensation de leur handicap.
L'objectif doit être celui de la revalorisation du budget global du handicap, car, si les sommes que notre protection sociale consacre au handicap sont importantes, elles restent très insuffisantes par rapport aux besoins.
Il s'agit désormais de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d'existence favorisant une vie autonome digne.
Le deuxième pilier est l'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées : il s'agit de rendre le cadre de vie plus accessible. C'est un impératif démocratique.
A cet égard, la nouvelle législation réaffirme l'obligation d'accessibilité pour toute personne, quelle que soit la nature de son handicap, non seulement de l'école mais aussi des espaces publics, des transports et du cadre bâti neuf.
La même réflexion pourrait être formulée - et mon ami Gilbert Barbier en a parlé tout à l'heure - sur l'insertion professionnelle des handicapés en milieu de travail ordinaire, dans les entreprises privées comme dans les administrations publiques, où le taux d'emploi de 6 % requis par la loi est loin d'être atteint puisque la moyenne est actuellement de 4 %. Nous devons donc tous nous mobiliser pour réussir cette intégration dans la société.
Enfin, le troisième pilier est la simplification des procédures administratives pour les personnes handicapées.
La création d'une commission des droits et de l'intégration des personnes handicapées, regroupant les commissions actuelles, me paraît constituer une excellente initiative, de même que les maisons départementales des personnes handicapées qui accueilleront la commission des droits et de l'intégration, avec plusieurs avantages : une plus grande proximité, une meilleure information grâce à la mise en place d'un guichet unique, élément très important, une véritable évaluation des besoins et un plan d'aide personnalisé.
Dans la continuité de la loi de 1975, qui a fait de la solidarité envers les personnes handicapées une obligation nationale, et des législations européenne et internationale de non-discrimination, le projet de loi que nous évoquons aujourd'hui entend mieux intégrer les personnes handicapées dans la société en valorisant leurs capacités, leurs potentialités et en compensant leurs manques, dans le respect de l'égalité des droits dû à tous les citoyens français.
Globalement, ce projet de loi semble faire le tour des principaux problèmes se posant aux personnes handicapées.
Cependant, au cours des très intéressantes auditions organisées par la commission des affaires sociales, différentes revendications justifiées ont été évoquées devant nous.
Ainsi, la prestation de compensation ne concerne que les personnes âgées de vingt ans à soixante ans. Il existe actuellement trois limites concernant la compensation : le taux d'invalidité - 80 % -, l'âge de la personne - vingt ans à soixante ans - et les revenus.
Dans votre exposé introductif, vous avez dit, madame la secrétaire d'Etat, que vous pensiez aussi aux enfants, ce qui est une bonne chose. Mais à quoi aura droit le jeune handicapé adulte âgé de moins de vingt ans, mais qui n'est plus un enfant ? A quoi aura droit la personne qui a un taux d'invalidité permanente de 60 % ou 70 % ? Avec un tel taux d'invalidité, il est tout de même très difficile, actuellement, de trouver un travail.
Pour ce qui est de la scolarité, le nombre d'enseignants spécialisés est très insuffisant pour réaliser une véritable intégration en milieu scolaire.
Enfin, nombre de personnes nous ont dit que les budgets n'étaient pas à la hauteur des souhaits. Il faudrait donc impérativement des financements supplémentaires.
Nombreux sont également ceux qui souhaiteraient pouvoir créer un revenu d'existence voisin du SMIC, attaché à la personne, pour celles ou ceux qui sont dans l'incapacité de travailler.
Il faut également, comme cela a été dit à plusieurs reprises, bien définir le handicap de grande dépendance, de déficience majeure intellectuelle ou motrice.
Par ailleurs, il faut aussi être conscient du fait qu'une grande partie des personnes handicapées aujourd'hui ne sont pas nées handicapées, mais le sont devenues au cours de leur existence. Elles ne bénéficient bien souvent d'aucune structure spécifique de soutien pouvant les aider, après leur accident, à s'intégrer dans la vie sociale, en particulier dans la vie professionnelle. Je souhaiterais que, là aussi, soient véritablement reconnus les besoins de ces personnes.
Il est un autre problème : celui des CAT. Le CAT doit être reconnu comme un lieu de travail à part entière où les personnes ont besoin d'un niveau d'accompagnement.
Madame la secrétaire d'Etat, si j'en juge par mon département, qui compte énormément d'adultes handicapés accueillis dans des centres en Belgique, il est clair que nous manquons cruellement de places soit dans les structures médicalisées, soit dans les centres pour adultes handicapés. A combien s'élève le déficit de places sur l'ensemble du territoire et en combien d'années pensez-vous pouvoir rétablir la situation, madame la secrétaire d'Etat ?
En conclusion, je dirai que, globalement, ce projet de loi constitue une avancée et un message d'espoir à l'égard des personnes handicapées, car il repose sur le principe de non-discrimination, ce dont nous vous félicitons, madame la secrétaire d'Etat.
Espérons que ce projet de loi marque véritablement une étape décisive dans l'égal accès aux droits pour les personnes handicapées. L'ambition contenue dans ce texte est d'aider ces dernières et leurs familles à surmonter les épreuves parfois immenses qui sont les leurs.
Soyez sûre, madame la secrétaire d'Etat, que nous serons attentifs au suivi de cette loi et que nous veillerons avec attention avec vous, chaque année, à l'inscription dans le budget de la nation des sommes nécessaires à cette grande ambition. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Madame la secrétaire d'Etat, votre projet de loi vient en discussion devant le Parlement en ce début d'année 2004 après que 2003 a été l'année européenne du handicap et que l'on a proclamé, en 2003 aussi, le handicap grande cause nationale.
Dans une lettre, en date du 15 février 2004, adressée à la représentation parlementaire, les responsables du Groupe Polyhandicap France nous interpellent :
« Qu'est-ce qu'une loi quand son application n'est pas garantie ?
« Qu'en est-il du plan d'urgence annoncé par le Président de la République ?
« Qu'en est-il des projets de créations validés et retardés car les crédits de fonctionnement ne sont pas débloqués en raison des enveloppes fermées ?
« Qu'en sera-t-il des financements déjà difficiles qui seront transférés à d'autres collectivités sans que les "rebasages" reconnus nécessaires soient ni évalués ni programmés (...) plaçant ainsi les associations dans une obligation de ralentir leurs projets au risque de ne pouvoir en assurer leur concrétisation ? »
Le monde associatif concerné s'interroge. Parfois aussi, il fait des propositions, à l'instar de l'Association des paralysés de France, l'APF : « A notre avis, cette loi doit impulser de nouvelles orientations politiques pour les prochaines décennies et ne pas se limiter à aménager seulement des dispositifs existants, apportant ponctuellement certaines améliorations.
« Ce projet de loi ne concorde pas avec l'ampleur et avec la qualité des réflexions menées et des principes définis depuis un an par le Conseil national consultatif des personnes handicapées. D'ailleurs, le CNCPH a donné un avis critique à l'avant-projet qui lui a été présenté le 13 janvier 2004.
« L'enjeu de cette loi est de construire une politique du handicap en France pour les prochaines décennies s'articulant avec les politiques des autres pays européens et de l'Union européenne.
« Près de trente ans après la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées de 1975, l'APF demande que ce projet de loi soit considérablement amendé afin de lui donner une dimension historique correspondant à la situation actuelle des personnes en situation de handicap et de leurs familles en ce début du xxie siècle.
« L'APF propose donc des amendements pemettant à cette loi d'inscrire un certain nombre de principes et de mesures significatives permettant ainsi de véritables avancées et des moyens d'effectivité de cette loi.
« La prise en compte de ces amendements apporterait à ce projet de loi la dimension que les personnes en situation de handicap et leurs familles sont en droit d'en attendre. »
Parfois, le monde associatif souscrit aux principes généraux du texte en émettant, comme l'UNAPEI, l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés, « de fortes réserves quant au titre de l'avant-projet de loi et quant à la logique générale qu'il implique. Si l'égalité des droits et des chances est un objectif susceptible d'être atteint pour les personnes légèrement handicapées, il constitue une utopie pour les plus lourdement handicapées. L'UNAPEI souhaite donc qu'il s'agisse de la loi "relative à l'égalité des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées". Cette approche lui semble moins réductrice et plus susceptible de tenir compte des besoins et capacités de l'ensemble des personnes handicapées mentales ».
Enfin, d'autres associations représentatives s'interrogent et demandent, comme la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, « que s'engage dès le débat parlementaire une discussion sur les projets de décrets afin que ceux-ci ne viennent pas limiter ou contourner certaines dispositions. La FNATH agira dans le cadre du débat parlementaire pour que le texte fasse l'objet de réelles améliorations de manière que la nouvelle loi constitue un progrès pour les personnes handicapées et leur garantissent des conditions dignes d'existence ».
Madame la secrétaire d'Etat, comme mes collègues du groupe socialiste qui sont intervenus ou qui interviendront dans ce débat, je souhaite vivement que l'adoption de ce projet de loi ne provoque ni amertume ni déception chez les handicapés et leurs représentations associatives.
C'est la raison pour laquelle nous relaierons leurs requêtes et leurs suggestions en cherchant, comme nous l'a appris Jean Jaurès, « à aller à l'idéal en comprenant le réel ».
Mon propos portera principalement sur les chapitres Ier et II du titre III de votre texte.
Avant d'aller plus loin dans l'analyse du projet qui nous est soumis, peut-être convient-il de préciser la situation actuelle des jeunes handicapés au regard de la scolarisation.
Environ 52 000 jeunes handicapés sont scolarisés dans une classe ordinaire, soit 27 900 dans le premier degré, 17 200 dans le second degré et 7 000 dans l'enseignement supérieur. Ces chiffres englobent des situations très hétérogènes qui vont de la scolarisation à temps plein dans une classe ordinaire à la présence dans une telle classe quelques heures par semaine. Ces chiffres permettent également de constater que les enfants déficients mentaux ou psychiques sont sous-représentés parmi les jeunes handicapés intégrés individuellement dès le premier degré, et plus encore dans le secondaire.
Dans le même ordre de grandeur, 51 000 jeunes handicapés sont scolarisés dans des classes spécialisées. La quasi-totalité des enfants intégrés collectivement - 96 % - relèvent du premier degré et fréquentent une classe d'intégration scolaire, ou CLIS. Ils représentent 0,8 % des élèves du premier degré. Seuls 2 800 élèves sont scolarisés dans des classes spécialisées dans le second degré, les unités pédagogiques d'intégration, les UPI, destinées à permettre la poursuite de la scolarité des enfants issus de CLIS. Il existe environ 300 UPI pour 4 700 CLIS.
De plus, 70 000 jeunes handicapés sont scolarisés à temps plein dans un établissement médical éducatif, soit près de 60 % des enfants accueillis dans des structures médico-sociales. Parmi eux, 13 % sont intégrés dans une classe de l'éducation nationale et 4 % le sont à temps partiel.
L'absence de scolarisation est très liée à la déficience : en établissement, 94 % des enfants ayant un polyhandicap et 78 % de ceux qui ont un retard mental profond et sévère ne sont pas scolarisés. Ces proportions sont plus faibles pour les enfants souffrant d'une déficience visuelle totale - 13 % de non-scolarisés en établissement -, d'un retard mental léger - 8 % -, ou d'un trouble du comportement - 11 %. Ajoutons pour être précis que 13 000 enfants sont accueillis dans des établissements hospitaliers qui assurent une fonction d'enseignement toute l'année pour la moitié d'entre eux, et que quelques milliers ne seraient ni scolarisés ni accueillis en établissements médicaux éducatifs.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est vrai.
M. André Vantomme. S'agissant plus particulièrement du titre III du projet de loi, nous en approuvons l'orientation pour ce qui concerne la scolarité et l'enseignement supérieur.
Il nous apparaît tout à fait indispensable que la loi assure prioritairement l'accès à tout pour tous, idée reprise dans l'excellent rapport présenté à la commission des affaires sociales par le rapporteur, notre collègue Paul Blanc. Peut-être pourrions-nous également la faire figurer dans le texte de loi, répondant en cela à une proposition de l'Association des paralysés de France - qui y voit le symbole fort d'une politique de non-discrimination à l'égard des personnes en situation de handicap.
La loi doit en effet renforcer l'obligation qui est faite à l'éducation nationale d'assurer la scolarisation des enfants handicapés, y compris dans les établissements médico-sociaux. Mais s'il est bien prévu l'orientation vers une structure médico-sociale ou un dispositif adapté avec un droit à évaluation régulière, il n'est pas fait mention d'un retour possible et naturel vers le milieu ordinaire, ce qui correspondrait à une non-fatalité du parcours et imposerait aux structures et dispositifs adaptés à se réinterroger ou d'être réinterrogés par les écoles et les établissements d'enseignement où sont inscrits ces élèves.
Bien entendu, la scolarisation des enfants handicapés ne saurait se limiter à l'intégration individuelle ou collective à l'école ordinaire. Cet objectif doit être recherché avec réalisme et pragmatisme en se gardant, comme le souhaite l'UNAPEI, de toute approche idéologique. Il ne faut pas méconnaître l'importance et la nécessité de l'indispensable maintien de l'éducation spécialisée qui, face à certaines situations, restera un recours.
Cela dit, madame la secrétaire d'Etat, l'affirmation de ces principes doit s'accompagner de la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement.
Celles-ci s'avèrent particulièrement nécessaires quand on évoque l'intégration individuelle ou collective en milieu ordinaire pour ce qui concerne le handicap mental.
Cette intégration supposera un effort significatif en matière de formation des enseignants et la mise en place de services susceptibles d'apporter aux enfants handicapés mentaux les soutiens éducatifs qui leur sont nécessaires. Parmi ceux-ci, il importera de pérenniser les services d'auxiliaires de vie scolaire après les avoir dotés d'un statut, précisé leur formation et indiqué à qui incombera leur financement. De même, madame la secrétaire d'Etat, paraît-il tout aussi indispensable que l'école ordinaire puisse bénéficier de façon plus souple des plateaux techniques dont dispose l'éducation spécialisée.
C'est dans le même esprit que nous entendons bien que l'accueil des enfants handicapés mentaux dans les établissements d'éducation spéciale constitue une forme à part entière de scolarisation. Cela suppose des relations renforcées entre l'éducation spéciale et l'éducation nationale, avec le souci d'augmenter significativement le nombre d'instituteurs spécialisés détachés dans les instituts médicaux éducatifs et dans les instituts médicaux professionnels.
Il faudra sûrement du temps pour que les principes nouveaux inscrits dans la loi se mettent en place. Comment ferez-vous, madame la secrétaire d'Etat, dans la période de transition, pour que les enfants ne pâtissent pas trop des inflexions des politiques qui les concernent ?
En effet, si vos intentions sont louables, l'on peut cependant légitimement s'interroger sur le délai et les moyens nécessaires à l'éducation nationale et ses personnels pour faire face à ces nouvelles missions.
Pour garantir une meilleure intégration des personnes handicapées dans les établissements d'enseignement, il apparaît indispensable que les personnels de l'éducation nationale, enseignants et non-enseignants, soient formés à l'accueil, à l'accompagnement et à la scolarisation des personnes handicapées. Cette formation doit être incluse non seulement dans la formation initiale mais aussi continue. L'éducation d'un jeune handicapé peut donner des résultats lents et partiels. Cela implique qu'elle doive se poursuivre à l'âge adulte pour maintenir et approfondir les acquis. C'est indispensable.
S'agissant de la scolarité, les examens et concours attestent de sa réussite et conditionnent souvent l'avenir. Comment ne pas comprendre la très grande attention des associations de personnes handicapées au regard des dispositions à prendre, notamment pour les concours et examens ? Si l'orientation du texte va dans le bon sens, elle mériterait d'être précisée afin qu'elle s'applique à l'ensemble des établissements mentionnés dans le code de l'éducation.
En outre, la langue des signes doit être reconnue officiellement pour le passage des examens car, apprise à l'école, elle permettra l'intégration.
En fonction du handicap, l'octroi d'un temps supplémentaire, la présence d'un assistant ou la mise à disposition d'un équipement adapté doivent être de droit.
Madame la secrétaire d'Etat, pour clore l'examen du chapitre Ier du titre III de ce projet de loi, nous pensons très sincèrement que la meilleure façon de faire partager les idées nobles et généreuses de votre texte résultera de votre capacité à mieux en préciser certaines dispositions et à pouvoir y affecter les moyens nécessaires, notamment s'agissant de l'éducation nationale dont la détermination et la motivation des personnels sont indispensables à la pleine réussite de votre projet, lequel devra concerner tous les niveaux d'enseignement, de la maternelle à l'enseignement supérieur.
Vos réponses sur ces questions majeures sont très attendues. Prenez garde de ne point décevoir tant les parents d'enfants handicapés que les personnels de l'éducation nationale. Nous touchons, avec ces problèmes, au coeur de l'humain, là où cohabitent l'amour maternel, la compassion à l'égard du handicap et la forte volonté de vaincre l'anormalité pour retrouver la normalité, avec tout ce que cela représente en termes de combats, d'efforts pour les uns et pour les autres, en gardant le cap sur l'idéal mais en sachant aussi que celui-ci a des limites.
En abordant le chapitre II de votre projet de loi, nous découvrons qu'il est consacré à l'emploi, au travail adapté et au travail protégé.
Pour vous, le sujet n'est pas facile. Sur le plan général il est même délicat. Les statistiques sont là, cruelles. Elles témoignent de l'échec d'une politique qui se concrétise, notamment dans mon département, l'Oise, par une avalanche de plans sociaux et de licenciements qui désespèrent.
Le doute m'assaille : pourquoi réussiriez-vous dans le domaine de l'emploi pour les handicapés alors que les chômeurs sont aujourd'hui toujours plus nombreux ?
M. Alain Vasselle. Cela n'a rien à voir !
M. André Vantomme. Nous arrêterons là un propos qui ne voudrait pas devenir polémique devant la gravité d'une situation où la personne handicapée connaît, bien plus que d'autres, des difficultés à trouver sa juste et légitime place dans l'emploi.
Aussi, tout en constatant la divergence de nos opinions au regard de l'emploi, pouvons-nous néanmoins voir ensemble dans quelle mesure nous pourrions contribuer à rendre moins inique la situation faite aux personnes handicapées au regard de l'accès à l'emploi et à la formation professionnelle.
C'est dans cet état d'esprit que nous aborderons ce texte.
Bien entendu, nous partageons avec vous, madame la secrétaire d'Etat, l'idée de renforcer le principe de non-discrimination à l'égard des personnes handicapées, principe qui figure déjà dans notre législation, mais qu'une directive européenne nous engage à poursuivre.
L'article 9 du projet de loi entend transposer la directive européenne relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail adoptée le 27 novembre 2000 par le Parlement européen et faisant référence aux obligations pour les Etats membres de prévoir des aménagements raisonnables pour les employeurs tant privés que publics.
L'Association des paralysés de France et la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, considère que la transposition de cette directive européenne n'est pas pleinement réalisée par les dispositions de l'article 9.
Madame la secrétaire d'Etat, afin de répondre totalement aux exigences de cette directive, nous vous proposerons d'introduire cette disposition dans la section relative aux discriminations par la création d'un article L. 122-45-4 du code du travail et non dans le livre III du code du travail.
De même, nous pensons indispensable de préciser dans le texte de loi que l'absence d'aménagement raisonnable peut être constitutif d'une discrimination indirecte, ce qui n'y figure pas. Il importe également de préciser que les aménagements raisonnables doivent varier en fonction des particularités des handicaps et des personnes et être appréciés aussi au regard des contributions financières des collectivités publiques et des associations.
Une autre disposition de ce projet nous semble positive, celle qui permet aux personnes handicapées de bénéficier d'aménagements d'horaires individualisés. Il nous paraît important d'étendre cette mesure à l'entourage proche. Par ailleurs, assortir ce droit d'une référence « aux possibilités de l'entreprise » est discriminatoire, et nous souhaitons donc revenir aux règles de droit commun.
S'agissant du champ de la négociation collective prévu par l'article 10 de votre projet de loi, nous souhaitons y inclure la question du maintien dans l'emploi pour les personnes handicapées.
Concernant l'AGEFIPH, vous souhaitez, madame la secrétaire d'Etat, donner une base législative à la passation d'une convention entre l'Etat et l'AGEFIPH. C'est une bonne idée pour autant que l'on puisse sortir ce dispositif de la discrétion. L'importance de la délégation de compétences consentie à une association privée nous amène à souhaiter que la représentation nationale en soit mieux informée par le dépôt d'un rapport devant le Parlement.
En outre, il est important de ne pas briser le lien entre la formation professionnelle et l'emploi pour les personnes handicapées. Nous souhaitons voir aménagées les modalités de la formation professionnelle pour les personnes handicapées.
Nous souhaitons également que le Parlement débatte tous les trois ans d'un rapport d'évaluation de la politique en faveur de l'orientation, de la qualification et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées et nous souhaitons également voir ce rapport transmis au Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Notre pays compte 1,4 million de travailleurs handicapés au sens de la loi de juillet 1987, et près de 14 millions de personnes en âge de travailler déclarent au moins une incapacité, dont 3,4 millions une incapacité forte. Nul doute que nos concitoyens apprécieraient cette initiative.
Pour conclure, madame la secrétaire d'Etat, un propos qui doit respecter le temps imparti, je pense très sincèrement que la balle est dans votre camp.
Vous avez la possibilité, dans le cadre de ce débat, d'apporter les précisions et les inflexions attendues par la grande majorité des représentants des associations de personnes handicapées.
Une occasion historique s'offre à vous, au regard de votre projet de loi, pour que la France, à l'instar d'autres pays, reconsidère la place et le sort qu'elle réserve à nos concitoyens frappés par le handicap. Ceux-ci seront très attentifs à vos choix et décisions.
Il ne faut surtout pas les décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais commencer par féliciter le Gouvernement, et en particulier Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour cette heureuse initiative. Voilà vingt ans que nous attendons cette réforme de la loi d'orientation de 1975. Les espoirs sont immenses. L'exercice est d'ailleurs devenu quasi périlleux, car la seule menace, mais elle est de taille, qui pèse sur nos têtes - à vous, madame la secrétaire d'Etat, et à nous - c'est la déception. A nous, Parlement et Gouvernement, de faire en sorte qu'il n'en soit pas ainsi. Je ne doute pas que, grâce au travail effectué par la commission, notamment par son président et par son rapporteur, ainsi que par l'ensemble de nos collègues ici présents, nous réussirons à faire en sorte que la déception, dénoncée sur certaines travées, ne soit pas au rendez-vous et que l'enthousiasme se manifeste dans les familles et chez les handicapés parce que nous aurons répondu à leur attente pour améliorer leur vie au quotidien.
Je voudrais tout particulièrement féliciter notre collègue M. Paul Blanc, rapporteur, et M. Nicolas About, président de la commission, d'avoir eux-mêmes, préalablement au dépôt de ce projet de loi, pris l'initiative de présenter une proposition de loi. Celle-ci n'est certainement pas étrangère au fait que le Gouvernement ait accéléré le pas pour que ce texte vienne en discussion devant nous.
M. Roland Muzeau. Ah, ah !
M. Alain Vasselle. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais le Sénat a démontré de longue date sa capacité à toujours agir avec pertinence sur ces sujets chaque fois que l'occasion lui en a été donnée. Cela a notamment été le cas lorsqu'il s'est agi de la dépendance des personnes âgées : aucun des gouvernements qui s'étaient succédé n'avait réussi à transformer l'essai et c'est parce qu'une proposition de loi avait été déposée sur l'initiative du président Jean-Pierre Fourcade et que nous avions présenté des amendements lorsque Mme Veil était ministre que les choses ont pu évoluer en la matière. Bien en a pris au Sénat, car, ensuite, plusieurs textes de loi sont venus en discussion devant le Parlement pour répondre au problème de la dépendance des personnes âgées.
Il en a été de même lorsqu'un amendement important a été déposé concernant le recours sur succession. Nous devons à Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, un amendement qui a permis d'étendre le bénéfice de cette mesure, réservée dans un premier temps aux personnes âgées, aux handicapés. Il faudra même, à l'occasion de ce texte, si nous le pouvons, aller encore un peu plus loin.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On y va !
M. Alain Vasselle. Il en a encore été de même, d'ailleurs, lorsque, sur l'initiative du Sénat, qui, je crois, a fait oeuvre utile en la matière, nous avons discuté du droit des malades et réglé le problème de l'arrêt Perruche : le Sénat a démontré, une fois de plus, sa capacité à agir et l'Assemblée nationale l'a suivi dans ses propositions.
Je formulerai cependant quelques remarques sur la forme et sur le calendrier.
Je répéterai ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises, car à force de taper sur un clou, on finit toujours par l'enfoncer et j'espère qu'un jour ou l'autre nous parviendrons à être entendus par le Gouvernement, mais aussi, monsieur le président, par la conférence des présidents : je trouve que la date d'examen de ce texte a été mal choisie.
M. Claude Domeizel. Il va voter la motion tendant au renvoi en commission !
M. Alain Vasselle. Nous faire discuter d'un texte aussi important entre une période de vacances parlementaires et la suspension de nos travaux pour les élections régionales et les élections cantonales, alors que nous sommes en pleine campagne électorale, est malvenu : ce texte méritait mieux.
D'ailleurs, les conditions de travail n'ont pas été des plus satisfaisantes pour la commission, notamment pour son rapporteur. Une fois de plus, je regrette que le Sénat n'ait pas réussi à convaincre le Gouvernement. En effet, si le Gouvernement est maître de l'ordre du jour, c'est nous qui déterminons notre emploi du temps. Or je constate, et cela devient récurrent - nous l'avons vécu à l'occasion de l'examen de plusieurs textes depuis le début de cette session - que c'est à chaque fois le Gouvernement qui l'emporte. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Demessine. C'est infernal !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a le pouvoir !
M. Alain Vasselle. Pour ma part, je le regrette, car je l'ai mal vécu lorsque nous avons examiné le texte de loi sur la décentralisation alors que nous étions en train de travailler en commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous étions en pleine préparation de la loi de finances.
Je sais bien - c'est vrai pour ce texte comme pour le précédent - que l'urgence n'a pas été déclarée par le Gouvernement : une deuxième lecture, peut-être même une troisième lecture, aura lieu. Nous aurons donc l'occasion d'y revenir et d'apporter les améliorations nécessaires. Mais à partir du moment où nous attendions ce texte depuis quinze ou vingt ans, étions-nous réellement à un mois près ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) N'aurions-nous pas pu examiner sereinement ce texte dans le courant du mois d'avril ? J'avoue avoir été irrité par la méthode. Bien entendu, cette position est personnelle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Michelle Demessine. Elle est partagée !
M. Roland Muzeau. Elle est pertinente !
M. Alain Vasselle. Vous n'êtes pas visée en particulier, madame la secrétaire d'Etat, puisque j'ai eu l'occasion de le dire à propos d'autres textes et que j'ai fait plusieurs fois des rappels au règlement en ce sens. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Continuez !
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, lorsque vous étiez au gouvernement, ce n'était pas mieux, c'était peut-être même pire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Blanc, rapporteur. Bravo !
M. Alain Vasselle. Par conséquent, ne vous réjouissez pas trop !
Je formulerai une autre remarque de forme. D'une manière générale et pour cette réforme en particulier - il serait souhaitable que les décrets d'application et l'ensemble des mesures réglementaires nous soient communiqués au moment de l'examen de la loi.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Alain Vasselle. J'entends bien, madame la secrétaire d'Etat, que vous avez pris l'engagement devant la commission que le Parlement serait étroitement associé à l'examen des dispositions réglementaires. Du reste, un certain nombre d'entre elles ont déjà été portées à la connaissance de la commission ou de son président.
Cette remarque vaut, je le répète, non seulement pour ce texte, mais également pour d'autres ! Aujourd'hui, le Parlement siège en session unique ; nous n'avons donc plus les intersessions d'hiver et d'été qui existaient précédemment. Par conséquent, nous n'avons plus le temps d'exercer l'un des principaux rôles du Parlement, à savoir le contrôle, au travers de la réglementation, des mesures qui sont prises par décret et qui doivent traduire la volonté du législateur.
Il faudra qu'un jour le Parlement étudie cet aspect des choses, afin que ses conditions de travail puissent être améliorées.
Dans ce texte, la partie réglementaire est essentielle, car c'est elle qui donnera corps aux dispositions législatives ou qui les videra complètement de leur sens.
Je voudrais également revenir sur un aspect qui a été souligné par certains, notamment par mon collègue Gilbert Barbier : il s'agit des engagements financiers qui devront accompagner ce texte.
Certes, le Gouvernement a déjà manifesté sa bonne volonté et sa bonne foi en faisant voter 840 millions d'euros supplémentaires dans la loi de finances pour 2004. Mais ce projet de loi aurait dû être accompagné d'une étude d'impact financier.
De même - et c'est ce qui rend inexplicable cette précipitation - aurions-nous dû préalablement, ou du moins simultanément, examiner et voter le texte créant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Certes, le projet de loi a été déposé.
Il aurait également fallu attendre les conclusions de la mission Briet-Jamet sur lesquelles le Gouvernement compte s'appuyer et qui auraient dûe être portées à la connaissance du Parlement au moment où nous engagions la réforme. Cela aurait permis d'avoir une approche globale beaucoup plus pertinente.
Quel sens aura ce texte si nous n'avons pas l'assurance que les lois de finances à venir intégreront les financements nécessaires à la mise en oeuvre de toutes les dispositions législatives que nous aurons adoptées ?
M. Roland Muzeau. Aucun !
M. Alain Vasselle. Madame la secrétaire d'Etat, pourriez-vous apaiser nos inquiétudes et nous faire connaître les engagements de MM. Mer et Lambert en la matière ? Il serait intéressant que nous puissions connaître le plan quinquennal qui mobilisera les financements permettant d'assurer la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures que nous avons prévues dans le texte.
J'en viens maintenant au fond.
Nul doute que les avancées sont sensibles et la modernisation réelle, même si, et j'y reviendrai, quelques points d'ombre méritent un éclairage supplémentaire : le droit à compensation des conséquences du handicap ; le principe de « l'accès de tous à tout » concernant l'école, l'université et l'emploi ; la simplification des démarches administratives ; la reconnaissance du handicap lié à une altération psychique et le polyhandicap. Il s'agit là d'avancées saluées par le monde associatif et les familles, et dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Je sais, madame la secrétaire d'Etat, combien vous avez mis tout votre coeur et votre sensibilité pour faire parler votre générosité et permettre au Gouvernement de traduire concrètement, au profit des accidentés et des déshérités de la vie, la solidarité nationale du peuple français. Vous pouvez compter sur mon soutien le plus total pour approuver ce projet de loi, même si je pense que nous pouvons aller plus loin dans certains domaines ; j'y reviendrai dans un instant.
Sans doute l'arsenal des mesures réglementaires qui accompagneront ce texte et les futures lois de finances va-t-il répondre aux interrogations qui subsistent et balayer d'un revers de main les éléments de déception qui s'expriment ici et là, et dont la commission a perçu le degré lors de ses auditions publiques. Permettez-moi d'en exprimer quelques-uns.
S'agissant du financement, a-t-on mesuré, madame la secrétaire d'Etat, les conséquences de ce texte sur les départements et les communes, ainsi que sur la sécurité sociale ? Cette dernière, la branche maladie en particulier, est à la veille d'une grande réforme. Comment la présente réforme va-t-elle s'articuler avec celle de la branche maladie ?
Il est absolument nécessaire que soit défini le périmètre des dépenses du budget de l'Etat au titre de la solidarité nationale et les financements de la sécurité sociale pour tout ce qui est du ressort de l'assurance. Aujourd'hui, environ 6 milliards d'euros sont apportés par l'Etat, autant par la sécurité sociale, et à peu près 3 milliards d'euros par les collectivités territoriales.
Permettez-moi de passer très rapidement en revue quelques points sur lesquels je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, et sur lesquels, je pense, vous pourrez, par la voie réglementaire, apaiser mes inquiétudes et celles des familles qui souffrent de la présence chez elle, d'un enfant ou d'un adulte handicapé.
S'agissant tout d'abord de l'allocation aux adultes handicapés, elle représente aujourd'hui 577,92 euros, c'est-à-dire environ 3 700 francs. Dans le département de l'Oise, que connaît bien mon collègue André Vantomme, le conseil général appelle une somme de 100 francs par jour pour les adultes handicapés en foyer occupationnel. Sur trente jours, car certains adultes qui n'ont plus de famille sont présents tout le mois, cela représente une somme totale de 3 000 francs. Il reste donc 700 francs pour financer la mutuelle, les frais d'habillement, les transports, les déplacements et les loisirs.
Madame la secrétaire d'Etat, cette allocation est très nettement insuffisante au regard du surcoût de dépenses que doivent supporter ces adultes handicapés pour faire face aux besoins de la vie quotidienne. A elle seule, la mutuelle consomme la moitié des 700 francs. En effet, compte tenu de l'effet de seuil provoqué par la mise en place de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, dont le Gouvernement précédent a la responsabilité, les handicapés sont aujourd'hui obligés d'adhérer à une mutuelle, parce que le dépassement de 70 francs par mois ne leur permet pas d'accéder à la solidarité nationale au travers de la CMUC.
M. Roland Muzeau. Il faut relever le seuil !
M. Alain Vasselle. Cette dépense représentant donc environ 350 francs par mois, il reste 350 francs pour faire face à toutes les dépenses, ce qui est très nettement insuffisant.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à garantir un minimum à l'adulte handicapé pour faire face aux besoins essentiels de la vie courante.
Le deuxième point sur lequel je voudrais appeler votre attention concerne l'ACTP. Aujourd'hui, lorsqu'un adulte handicapé veut rentrer dans sa famille, pour que celle-ci puisse bénéficier du versement de l'ACTP, qui sera peut-être appelée demain l'allocation de compensation, le conseil général exige que l'adulte handicapé quitte l'établissement pour une période minimale de huit jours.
Cela a des effets pervers importants, puisque, au bout du compte, cela permet l'équivalent de quatre ou cinq sorties par an. Et lorsque des événements familiaux se produisent pendant ces périodes intercalaires, les adultes handicapés ne peuvent pas quitter l'établissement, car celui-ci le leur refuse pour des raisons d'ordre budgétaire. En effet, dès lors que l'adulte handicapé a dépassé un mois d'absence, le conseil général ampute d'autant la dotation financière qui permet d'assurer la vie de l'établissement.
Là aussi, le dispositif réglementaire mérite d'être revu pour faire disparaître ces effets pervers. Cette situation a d'ailleurs été dénoncée dans le rapport de Paul Blanc sur la maltraitance envers les personnes handicapées : les établissements sont tentés de pratiquer la rétention des handicapés à des fins purement financières. Cela est insupportable et inacceptable aujourd'hui.
Une autre forme de maltraitance indirecte est subie par les handicapés : les 35 heures. Lorsque les 35 heures ont été mises en place dans les établissements médicosociaux, elles l'ont été sans création d'emplois et les dotations budgétaires n'ont pas été abondées pour satisfaire les besoins en personnels supplémentaires.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ignore si c'est le cas dans votre département d'Ille-et-Vilaine, mais je pourrais, si besoin était, vous donner de nombreux exemples dans celui de l'Oise : alors que ces adultes - mais c'est également vrai pour les enfants qui sont placés dans des établissements de même nature - avaient la chance de pouvoir s'évader de temps à autre de leur établissement pour un séjour à la montagne, au bord de la mer ou à la campagne, depuis le vote de la loi sur les 35 heures, il ne leur est plus possible de bénéficier de ces moments de détente à l'extérieur de l'établissement. C'est insupportable !
Je formulerai également une remarque sur les aidants familiaux. La conséquence d'une disposition qui a été adoptée par voie d'amendement lorsque Mme Veil était ministre, c'est l'effectivité de l'ACTP.
J'ai présent à l'esprit le cas d'une femme âgée, aveugle, et qui, jusqu'à l'adoption de cette disposition, faisait appel à l'une de ses filles afin de lui venir en aide chaque jour pour assurer les besoins de la vie quotidienne. Lorsque l'effectivité de l'aide a été mise en oeuvre, cette femme n'a plus perçu en espèces le montant de l'ACTP ; elle a donc dû la déclarer. Depuis elle paie des charges sociales à l'URSSAF, ce qui a diminué d'autant le temps de présence de sa fille chez elle pour lui apporter l'aide dont elle a besoin chaque jour.
Il serait souhaitable que ce dispositif évolue, afin que les personnes handicapées ne soient pas pénalisées. L'objectif de l'effectivité était tout à fait louable : il visait à favoriser les créations d'emplois et les aides à domicile.
Mes deux dernières remarques concernent l'incitation au recrutement en milieu ordinaire.
Au moment où nous voulons favoriser l'intégration en milieu ordinaire des handicapés, du moins de ceux qui ont la possibilité d'exercer une activité professionnelle, il me paraîtrait souhaitable de leur étendre les avantages dont bénéficient ceux qui se trouvent dans les centres d'aides par le travail, les CAT, ou en atelier protégé. Des mesures incitatives d'allègement des charges patronales, qui ont existé pendant un temps, devraient être prises pour favoriser le recrutement des handicapés dans les entreprises ou dans la fonction publique. (Mme Michelle Demessine s'exclame.)
S'agissant de l'intégration scolaire en milieu ordinaire, j'appelle également votre attention, mes chers collègues, sur des problèmes qui semblent être rencontrés sur le terrain, et qui sont essentiellement liés au comportement de l'éducation nationale.
Je citerai l'exemple d'un enfant handicapé qui, à la suite des mesures réglementaires qui ont été prises l'année dernière, a intégré une école primaire proche de son domicile. Or, aujourd'hui, compte tenu de la charge de travail que cela représente pour l'enseignant, ce dernier a demandé à la famille de trouver un établissement spécialisé pour accueillir cet enfant, considérant qu'il n'est pas suffisamment aidé pour pouvoir assurer un enseignement normal aux autres enfants. Cette situation donne à ces familles le sentiment qu'il existe un décalage entre le discours qui est tenu à l'échelon national et ce qu'elles vivent concrètement sur le terrain.
Une meilleure coordination d'action serait nécessaire entre le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées et le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, afin de faire comprendre aux éducateurs et aux enseignants que l'éducation en milieu scolaire est devenue l'une de nos priorités qui ne saurait tolérer d'obstacles, sauf à prévoir des moyens financiers pour y remédier et ne pas troubler ainsi le fonctionnement normal des écoles primaires.
J'en viens aux modalités du droit à compensation. M. Barbier en a parlé tout à l'heure, comme d'autres orateurs sans doute avant lui. La mise en oeuvre du droit à compensation s'étalera sur une dizaine d'années. Je souhaiterais que, dans la mesure du possible, nous puissions accélérer le mouvement, car ce droit n'est pas différent selon que l'enfant est jeune ou qu'il a atteint l'âge de la majorité. Ce droit devrait, à mon avis, s'exercer de manière équitable quel que soit l'âge de l'individu. Sur ce point, certaines évolutions sont donc indispensables.
Mes chers collègues, j'espère ne pas avoir lassé votre attention. J'ai déposé une série d'amendements, mais comme je l'ai déjà dit, je ne pourrai être présent au cours de l'examen des articles. Je le serai en revanche, je l'espère, lors de l'examen du texte en deuxième lecture pour vous aider, madame la secrétaire d'Etat, à parfaire la réalisation de vos objectifs, à contribuer à leur traduction concrète sur le terrain en faveur des handicapés et de leurs familles.
Ainsi, une fois de plus, grâce à vous, la France aura démontré sa capacité à faire oeuvre utile en faveur de ceux à qui seule la solidarité nationale peut assurer la réelle compensation de leur handicap.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous apporterai le soutien le plus total dans l'exercice difficile que vous avez à mener à bien dans un contexte qui n'est pas des plus faciles, mais je ne doute pas que, dans les années qui viennent, grâce à la politique du Gouvernement et au retour de la croissance,...
M. Roland Muzeau. Quand ?
M. Alain Vasselle. ... nous pourrons être plus généreux encore à l'égard de ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai eu le plaisir de vous recevoir voilà quelques semaines dans la ville de Chinon que j'administre. Vous avez pu y constater le travail remarquable que réalise la Résidence de Mai. J'y fais référence, car son action nous a tous beaucoup marqués et elle illustre bien le propos de ce soir.
Cette association est composée de militants, de parents qui défendent la cause des handicapés face, comme souvent, à l'attentisme de certains.
Il nous a même fallu convaincre des départements de s'engager dans des opérations très coûteuses. On l'a déjà dit, mais je le répète, ce combat est marqué par une détermination exceptionnelle des familles. Nous, qui représentons les pouvoirs publics, avons peut-être été trop souvent à la traîne de ceux qui le menaient.
Depuis la loi d'orientation de 1975, beaucoup d'autres textes ont été adoptés, notamment dans le domaine de l'accessibilité. Je pense à la loi d'orientation des transports intérieurs avec la création des plans de déplacement urbain, à la loi d'orientation pour la ville dont de nombreux articles traitaient la question des handicapés, à la loi sur l'exclusion, à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. La liste est longue.
Comme certains de mes collègues l'ont souligné, il est toujours impressionnant de constater une accumulation de textes pour se demander ensuite ce qu'il en a découlé. Les décrets sont-ils parus à temps, même si, on le sait, il faut du temps pour les prendre ?
Quel bilan peut-on dresser ? Certes, madame le secrétaire d'Etat, c'est incontestablement avec une ambition nouvelle que vous avez porté ce texte - nul ne contestera votre passion ni votre engagement. Mais l'on ne peut s'empêcher de se demander si une loi supplémentaire nous permettra de faire mieux. Je pense en particulier aux articles 21 et 24 du projet de loi relatifs aux problèmes d'accessibilité.
Pour ma part, je reste persuadé que l'on place quelquefois beaucoup trop d'espoir dans des lois qui ne sont pas appliquées, dans ce domaine comme dans d'autres d'ailleurs, ce qui engendre un sentiment de déception. Je voulais le souligner ce soir !
Nous abordons aujourd'hui un sujet gravissime et nous devons faire preuve, les uns et les autres, d'honnêteté : appliquons-nous vraiment les lois que nous adoptons ? Cette question ne doit pas être uniquement envisagée sous un angle financier. Les documents d'urbanisme, les plans de déplacement urbain, les plans locaux de l'habitat, tous ces documents qui ont valeur législative, qui sont opposables, ont-ils été appliqués ? En réalité, il existe un grand décalage entre les intentions et la réalité.
Pour ma part, j'ai suivi le militantisme des parents plus que je n'ai été porté par les textes. Et, d'une certaine manière, j'ai été conduit à mettre en place une mesure que vous proposez d'adopter, madame le secrétaire d'Etat, à savoir un plan d'accessibilité en faveur des handicapés, alors que de nombreux habitants de ma ville les rejetaient au départ, je dois le dire.
Mais, petit à petit, un mouvement s'est dessiné et toute la population a pris conscience du problème et a adhéré à cette cause. Même les commerçants ont été heureux d'accueillir des personnes handicapées et ont fait le nécessaire pour faciliter l'accessibilité à leurs commerces. Dans ce que vous appelez la chaîne des actions à mettre en place ; nous avons engagé une politique sur plusieurs années. Elle n'est pas encore achevée bien sûr, mais je veux souligner le fait que nous n'avons pas eu besoin d'une loi pour favoriser l'accessibilité aux personnes handicapées.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Tant mieux !
M. Yves Dauge. Je ne dis pas qu'il ne faut pas légiférer, mais il ne sert à rien d'adopter un projet de loi que l'on n'appliquera pas. L'attente est alors grande et la déception plus encore ! En outre, elle met en cause la crédibilité des politiques.
Permettez-moi de revenir maintenant sur certaines propositions concrètes que vous faites, notamment en faveur du logement, madame la secrétaire d'Etat.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de faire sortir un maximum d'adultes handicapés des institutions, qui sont trop fermées sur elles-mêmes, pour les réintégrer dans la vie de la cité. La ville doit donc être aménagée de telle sorte qu'ils puissent y vivre. Si nous y parvenons, c'est un service supplémentaire que nous apporterons à tous les habitants.
Madame la secrétaire d'Etat, nous nous heurtons toutefois à de très graves problèmes de financement. En effet, en dépit des dispositions législatives en vigueur, y compris concernant l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, le financement des adaptations des logements existants pose de sérieux problèmes.
Le dispositif que vous proposez vise à donner une autorisation préalable à l'aménagement du logement. Honnêtement, c'est une bonne disposition. Mais encore faut-il, dans le cadre de la délivrance des permis de construire - et cela fait l'objet de certains de nos amendements - pouvoir la contrôler. Par ailleurs, reconnaissons-le, ce dispositif a des limites : s'il n'est pas appliqué systématiquement, il conduit à des aberrations.
C'est d'ailleurs toujours ennuyeux d'énoncer un principe auquel tout le monde adhère et de dire d'emblée qu'un décret prévoira des dérogations. Je préférerais que l'on positive en déclinant cette ambition dans un document, le plan local de l'habitat. Cela vaut pour le déplacement urbain, mais c'est surtout vrai pour le logement. Le mouvement HLM y serait d'ailleurs certainement favorable.
Il s'agirait donc de mettre en place un exercice qui définirait, dans le cadre du plan local de l'habitat - des plans qui vont d'ailleurs se multiplier, notamment avec l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales -, les lieux, les logements et les aménagements en faveur des handicapés. Cela nous dispenserait de l'obligation de tout faire ou de n'en faire qu'une partie à cause des multiples dérogations.
En fait, j'inverse la proposition initiale, ce qui me semble plus efficace. En outre, c'est ce que tout le monde a envie de faire.
S'agissant des dérogations, il faut aussi prendre en compte la question des coûts liés aux techniques de construction des années antérieures. Par exemple, les murs porteurs ne peuvent être transformés, car le coût serait considérable,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est certain !
M. Yves Dauge. ... à moins d'engager des frais déraisonnables. Mais qui en supporterait la charge ? Les locataires des immeubles collectifs ? Telle n'est certainement pas votre intention, madame la secrétaire d'Etat. Il faut donc laisser ces logements tels quels et en construire d'autres ailleurs. Cette proposition relève d'un plan intelligent. Il faut savoir ce que l'on peut faire et où on peut le faire. J'insiste sur ce point parce qu'il s'agit là d'une affaire clef.
Si vous voulez, et nous le voulons tous, que les adultes handicapés quittent les institutions spécialisées et s'installent dans des logements en ville, il faut absolument porter un regard intelligent sur la gestion du parc locatif, privé et public. Il faut rechercher, avec l'ANAH et d'autres organismes, des moyens financiers à la hauteur des enjeux. Sinon, nous allons vers un échec certain. On reconnaîtra certes le bien-fondé de votre loi, mais on déplorera aussitôt les multiples dérogations prévues pour la rendre applicable. Et ce sera l'impasse, d'où naîtront de nouvelles déceptions.
Je suis un ardent défenseur de l'architecture, mais je réprouve également toute dérogation architecturale.
L'architecture n'a pas à déroger à quoi que ce soit. On a dit qu'il fallait former les architectes. Pourquoi pas ? Mais il faut surtout former les maîtres d'ouvrage. En matière d'architecture, parler de dérogation relève du contresens. L'architecture a pour ambition de répondre à la demande des usagers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Yves Dauge. Elle doit être considérée comme une aide. Or, nous risquons de mettre en place un système qui marche sur la tête, ce qui, j'en suis sûr, n'est pas votre souhait, madame la secrétaire d'Etat. Evitons donc toute dérogation et encourageons un travail positif.
Par ailleurs, je me suis interrogé sur la nature du plan d'accessibilité, sur la place qui lui revient dans la typologie des documents d'urbanisme. J'ai déposé avec d'autres collègues un amendement visant à en faire un chapitre à part entière du plan de déplacement urbain, c'est-à-dire à le réintégrer dans un exercice qui a une valeur juridique. Il faut respecter un processus de décision. Un maire ou un établissement public ne peut élaborer un plan d'accessibilité qui serait annexé à un plan de déplacement urbain. Je veux ainsi lui donner toute la force que le plan de déplacement urbain peut lui conférer. Il s'agit là de problèmes techniques qui peuvent être résolus grâce à l'adoption d'amendements qui ne devraient pas vous poser de problème, madame la secrétaire d'Etat, au contraire. Je pense donc que vous serez d'accord avec nous pour aller dans ce sens.
Tout le monde l'a dit, mais je le répète, de nombreuses mesures contenues dans ce texte sont excellentes et l'esprit qui anime ce projet de loi est bon. Le monde du handicap a souffert d'institutions trop lourdes, notamment avec les maisons fermées.
Dans ma région, un magnifique château fermé abrite des handicapés, mais il n'a pas d'avenir. Il a un autre destin à vivre. Avec l'expérience des handicapés que je vis à dans ma ville, je connais les deux bouts de la chaîne et l'un est voué à l'échec. Même si les éducateurs se sont investis dans ce château, ils se sont perdus dans un monde qui n'a pas d'avenir et je veux, comme vous tous, réintégrer le monde des handicapés, qui est immense, dans la société.
J'ai lu une enquête de l'INSEE qui, au-delà de la définition stricte du handicap, indique que 30 % de notre population vivra un jour ou l'autre une situation de handicap dans la cité. Ainsi, imaginez, 18 millions de personnes seront concernées ! Cette situation relèvera bientôt du droit commun.
Notre ambition est de rendre la ville accessible à tous. On a dit que notre pays était en retard en la matière : je pense au contraire, madame la secrétaire d'Etat, qu'une accélération extraordinaire est en train de se produire. Je vois des villes qui construisent des tramways, des communes qui réaménagent l'espace public, des mairies qui s'engagent dans des plans d'accessibilité des services publics... Il se passe quelque chose, et cela n'est pas sans rapport avec votre projet de loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est l'esprit du temps !
M. Yves Dauge. Tout cela va dans le même sens !
Je ne pense pas que votre projet de loi, madame, réponde au souci de tout contrôler : il représente un élément intéressant dans un contexte où les choses, peut-être, peuvent bouger.
Mais il faut faire confiance aux collectivités locales. Il est vrai que les départements, M. Michel Mercier le rappelait tout à l'heure, vont se trouver en première ligne sur les questions de financement. Mais les communes aussi sont éminemment concernées ! Il faut le comprendre et situer l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui dans ce contexte de mouvement, dans cette perspective nouvelle qui apparaît.
Il ne faut pas porter sur cette question un regard trop négatif, se plaindre de notre retard, déplorer que rien n'ait été fait... Cette vision serait fausse et d'autant plus regrettable que la situation est en train d'évoluer : je compte que le projet de loi donnera un coup d'accélérateur, même si l'attente de certaines associations, il est vrai - comme vous sans doute, madame la secrétaire d'Etat, j'ai conservé toutes leurs lettres -, a été quelque peu déçue.
Beaucoup se demandent si c'est cela, la grande loi. Peut-être pourrons-nous contribuer à améliorer les choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi fondatrice de 1975 a modifié en profondeur le regard que porte notre société sur le handicap : renforcée par l'inflexion que les parents, les associations et les professionnels ont donnée à son application, elle a permis d'apporter des progrès considérables, mais elle a aussi montré ses limites.
Aussi, vingt-sept ans après son adoption, il était temps de réfléchir à son adaptation aux évolutions et aux défis nouveaux que constituent, par exemple, le vieillissement des personnes en situation de handicap, l'effet des progrès de la médecine, les aspirations légitimes à une plus grande autonomie dans la vie quotidienne.
Les personnes handicapées se sentent trop souvent laissées pour compte et subissent de façon douloureuse le regard des autres, abandonnées parfois à des situations de souffrance ou, à l'inverse, embrigadées dans des modes de vie choisis par d'autres et qui ne leur conviennent pas.
Après des années de silence assourdissant, la collectivité nationale se devait donc de réagir et d'engager la réforme des principaux aspects de la vie des handicapés, réforme élevée au rang de priorité nationale par le Président de la République. Permettre à chaque handicapé de bâtir lui-même son projet de vie et de le vivre à son rythme, lui redonner son droit au bonheur et à la dignité, aider dans les cas les plus difficiles les familles et les proches, voilà vers quoi doit tendre ce projet de loi.
Madame la secrétaire d'Etat, vous nous présentez ce soir un texte qui a vocation à impulser pour les prochaines décennies de nouvelles orientations en faveur des handicapés, au plus près de leurs attentes.
Si les droits fondamentaux définis en 1975 sont réaffirmés, complétés et assortis de mesures favorisant leur mise en oeuvre, un contenu précis est enfin donné au droit à la compensation des conséquences du handicap, droit instauré en 2002.
Il est question non plus d'assistance charitable, mais de solidarité nationale, j'aimerais même dire de fraternité nationale. Cela doit se traduire d'abord par des changements dans les relations sociales, à commencer, par exemple, par le respect des places de stationnement réservées aux handicapés.
Le droit à compensation des conséquences des handicaps devient l'expression de l'égalité des droits pour l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière : tout l'esprit de ce texte est d'ailleurs résumé dans son intitulé.
Pour la première fois, le handicap psychique est mentionné au même titre que les autres handicaps. Pour la première fois, les parents d'enfants handicapés pourront faire valoir une demande d'inscription dans l'école la plus proche de leur domicile. Pour la première fois, la loi affirmera et organisera la participation des personnes handicapées à la prise des décisions les concernant et à la définition de leur projet de vie.
Je voudrais, à ce stade de notre débat, féliciter la commission des affaires sociales et son président pour l'important travail réalisé et saluer la très grande clairvoyance du rapporteur, M. Paul Blanc.
A travers de multiples dispositions, le Gouvernement reconnaît les retards de la France dans la prise en compte du handicap et tente d'y remédier.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite revenir sur certaines d'entre elles, qui m'apparaissent comme les plus importantes et qui sont certainement les plus attendues : celles qui sont relatives à l'accessibilité dans tous ses aspects.
Avec notre collègue Yves Dauge, je reconnais volontiers que, dans les collectivités, les choses bougent. Maire de ma ville depuis près de dix ans, j'ai pu observer les évolutions : il est vrai qu'aujourd'hui on ne peut pas concevoir un projet sans immédiatement consulter les associations sur la façon d'améliorer l'accessibilité.
Il est incontestable que l'aménagement urbain, les transports et le cadre bâti amplifient, du fait de leur inadaptation, les difficultés qu'une partie de la population éprouve en matière de mobilité. Mais comment tranformer des villes qui ont deux mille ans d'histoire ?
Voirie, transports, bâtiments publics, écoles et lieux de travail, logements, doivent être adaptés à un usage en toute autonomie. En effet, une véritable insertion de la personne handicapée suppose en tout premier lieu la liberté d'aller et venir par les mêmes cheminements que n'importe quelle personne valide.
Ainsi, en réaffirmant l'obligation de rendre accessibles les espaces publics, les transports et le cadre bâti à toute personne, quelle que soit la nature de son handicap, en renforçant les contrôles et les sanctions en cas de non-respect de ces obligations, en subordonnant le versement d'aides publiques au respect des règles d'accessibilité, le projet de loi tend à rendre cette notion effective et à garantir à tous la continuité des déplacements.
Cependant, nous le savons tous, améliorer l'accessibilité a un coût, en particulier pour les collectivités territoriales et pour les communes. Or l'expérience acquise depuis de nombreuses années montre bien que la prise en compte de la notion d'accessibilité dès l'élaboration d'un nouveau projet permet de réaliser des opérations véritablement accessibles avec un surcoût moindre. Le problème, il est vrai, est différent lorsqu'il s'agit de mettre aux normes un bâtiment ancien, historique ou classé.
Il aurait peut-être été souhaitable que soit créé, sur le modèle du fonds interministériel pour l'accessibilité aux personnes handicapées, le FIAH, compétent pour les bâtiments anciens ouverts au public et appartenant à l'Etat, un fonds d'accessibilité destiné à solvabiliser un certain nombre de travaux et, ainsi, à contribuer à l'effort financier qu'impliquent ces mises aux normes. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
J'ai noté qu'à l'article 24 du projet de loi était créée dans les communes de plus de 10 000 habitants une commission communale d'accessibilité. Je me dois de souligner, madame la secrétaire d'Etat, l'utilité d'une telle commission. En effet, la ville dont je suis le maire a créé une commission de ce type en 1999 et recueille aujourd'hui le fruit de son travail. Composée d'élus et de représentants d'associations de personnes âgées ou handicapées, elle est chargée de réfléchir aux moyens de rendre plus accessibles les équipements du domaine public à tous ceux pour qui se déplacer représente généralement un véritable parcours du combattant. Ainsi, depuis quelques jours, des bancs revus et corrigés, aux assises plus basses et aux dossiers moins inclinés, donc plus accessibles aux personnes âgées et handicapées, ont été installés dans nos jardins communaux.
Je tenais à saluer plus particulièrement les dispositions du projet de loi tendant à assurer une véritable intégration scolaire. Trop d'inégalités et de ruptures marquent encore le parcours des enfants handicapés, source permanente d'inquiétudes pour eux-mêmes et pour leurs parents.
Alors qu'est fixée dans la loi une obligation de scolarisation des enfants handicapés, les parents, longtemps, n'ont eu d'autre recours que de garder leur enfant au sein de la famille, à défaut d'obtenir une place dans un établissement spécialisé : l'objectif d'intégration scolaire n'a jamais été concrétisé, du fait de l'absence d'une réelle volonté politique, et je voudrais insister auprès de vous, madame la secrétaire d'Etat, sur l'acuité plus grande de ce problème dans les communes rurales.
Pourtant, l'amélioration de l'accès à l'éducation, de l'école maternelle à l'université, constitue un enjeu central et une exigence absolue pour qui veut lutter contre l'exclusion civique, sociale et professionnelle des adultes que deviendront demain ces jeunes handicapés.
Je tenais ce soir à appeler votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur les demandes récurrentes des associations de mon département qui proposent des services d'accompagnement à l'intégration scolaire et qui s'inquiètent du manque de postes d'auxiliaires de vie scolaire et de l'incertitude que l'absence de moyens financiers fait peser sur la pérennisation des services qu'elles offrent.
J'espère, madame la secrétaire d'Etat, que les engagements forts qu'a pris le Gouvernement en faveur de l'intégration scolaire des enfants handicapés, en particulier dans ce projet de loi, trouveront leur traduction effective sur le terrain, grâce à des moyens financiers et humains adaptés aux besoins réels des jeunes handicapés.
Comme vous l'avez annoncé, madame la secrétaire d'Etat, ce projet de loi est le levier d'une ambitieuse politique interministérielle et sera complété par des programmes et des plans d'action.
C'est ainsi qu'est engagée depuis plusieurs mois, sous la conduite du ministre des sports, M. Jean-François Lamour, une nouvelle politique sportive en faveur des personnes handicapées, afin de permettre, à l'échéance de 2007, l'accès de tous aux pratiques sportives adaptées. En structurant le réseau national par la nomination d'un référant « sport et handicap » dans chaque région, en renforçant la formation des éducateurs sportifs, en accentuant les efforts de construction ou de mise aux normes des équipements, le ministère des sports apporte sa pierre à l'édifice aujourd'hui en construction.
Les associations et fédérations sportives, les bénévoles qui oeuvrent sur le terrain depuis des années par leurs actions quotidiennes, doivent aujourd'hui avoir conscience qu'ils seront épaulés.
En tant que rapporteur spécial, au nom de la commission des affaires culturelles, du budget des sports, je suivrai avec une attention toute particulière la mise en place et le devenir de ces mesures : je ne rappellerai jamais assez, madame la secrétaire d'Etat, l'importance du sport pour les personnes handicapées, tant pour leur intégration sociale que pour leur épanouissement. Il permet une formidable reconnaissance des qualités morales, psychiques et physiques du pratiquant ; il apporte un réconfort lumineux à la famille et aux proches. Pour un handicapé, pratiquer un sport, c'est laisser son handicap au vestiaire !
Pour conclure, madame la secrétaire d'Etat, je tenais à vous dire combien nous comptons sur votre énergie - et je sais qu'elle est grande - et sur la force de vos convictions pour que les décrets d'application de ce texte soient préparés dans les plus brefs délais. Il y va de notre crédibilité !
Avec plusieurs de mes collègues, je regrette que ce projet de loi puisse paraître incomplet, puisque ses modalités de financement, dans l'attente tant du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées que de la réforme de l'assurance maladie, demeurent une inconnue.
Madame la secrétaire d'Etat, ce soir, nous allons, une fois encore, donner un formidable espoir à des millions de nos concitoyens. C'est avec une profonde conscience de notre responsabilité de parlementaires, de notre devoir de ne pas les décevoir, que j'aborde ce débat sous-tendu par une soif de plus d'humanité au sein de la cité.
Merci, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir eu le courage de nous proposer ce projet de loi. Sachons ensemble, mes chers collègues, l'améliorer pour offrir une vie nouvelle à toutes celles et à tous ceux qui ont mis leurs espoirs dans nos décisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je voudrais d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier très chaleureusement de la qualité de vos interventions, extrêmement riches, et des très nombreuses interrogations que vous avez soulevées. Vous comprendrez que ma réponse soit loin d'être exhaustive, mais toutes les questions, fort importantes pour les personnes handicapées, ont été notées, et nous y reviendrons dans la discussion des articles : si j'ose dire, vous ne perdez rien pour attendre ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, merci d'avoir répété que la prestation de compensation est universelle, parce qu'elle l'est, parce qu'il n'y a pas de recours sur succession ni de conditions de ressources.
Merci aussi d'avoir rappelé que le financement est prévu : nous disposerons de 850 millions d'euros à partir du 1er janvier 2005, et cela pendant quatre ans. En outre, le Premier ministre s'est engagé à revoir ce financement en cours de route et à faire en sorte de le pérenniser.
Merci encore d'avoir remarqué que ces 850 millions d'euros représentaient un effort considérable de la part du Gouvernement, si on le compare à ce qui est comparable, c'est-à-dire aux efforts de compensation déjà consentis, qui sont de l'ordre de 600 à 640 millions d'euros selon l'année de référence : nous faisons plus que les doubler d'une année sur l'autre !
Vous avez également formulé certaines critiques concernant notamment le taux d'incapacité ou l'âge, et plusieurs de vos collègues s'y sont associés. Je n'y reviendrai pas maintenant, car nous en débattrons d'autant plus longuement lors de la discussion des articles que plusieurs amendements portent sur ce sujet. Là encore, je vous remercie de vos observations, qui rejoignent celles d'un certain nombre d'associations et qui nous permettront de progresser.
Monsieur le président de la commission, vous avez évoqué un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui des emplois à domicile. La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, ne fera que pérenniser ceux qui ont été mis en place grâce à l'APA. Mais les emplois de ce type sont de plus en plus nécessaires dans une société où la cohésion sociale se détricote : quand la famille s'effiloche, il faut trouver des parades, et les auxiliaires de vie, les accompagnateurs de vie en sont manifestement une. C'est un superbe métier qui est en train d'émerger et qu'il va falloir conforter. Les régions y pensent fortement, puisqu'ils feront partie de leurs attributions en matière de formation professionnelle.
Avec 850 millions d'euros, nous pourrons faire beaucoup. Nous en sommes aujourd'hui à deux heures et demie.
Vous dites, monsieur le président de la commission, que la dotation ne sera pas suffisante si nous passons à seize heures par jour : mais il faudra envisager d'autres modes d'organisation, vous le savez bien. Il faudra par exemple mutualiser ces aides à domicile, ne serait-ce qu'à certaines heures, peut-être pendant la nuit. Je pense à un pays où M. le rapporteur m'a accompagnée, la Suède pour ne rien vous cacher : la nuit, les personnes lourdement handicapées vivant à leur domicile ne disposent pas nécessairement d'une auxiliaire de vie à leurs côtés. Elles sont seules, mais il suffit qu'elles sonnent pour que, dans les cinq ou dix minutes qui suivent, une personne soit là pour les tourner dans leur lit ou les aider à aller aux toilettes...
Encore une fois, avec ces 850 millions d'euros, nous pourrons faire d'énormes progrès, notamment en matière d'emplois à domicile, par rapport à ce que permet la dotation actuelle. Celle-ci est totalement insuffisante, ce qui, j'en conviens avec vous, crée des situations absolument dramatiques.
En outre, l'offre sera de plus en plus importante et structurera ipso facto ce métier auquel, je le répète, il faut donner des perspectives de carrière, un statut et des rémunérations honorables.
J'en viens maintenant aux problèmes de calendrier qu'ont évoqués M. Godefroy, Mme Demessine et M. Vasselle.
Je dirai les choses telles qu'elles sont : nous disposerons de 850 millions d'euros à compter de l'année 2005, et je suis déterminée à faire en sorte que la loi puisse s'appliquer dès le mois de janvier 2005.
C'est pour honorer le travail des sénateurs que j'ai voulu que le projet de loi soit déposé d'abord sur le bureau du Sénat ; mais si j'ai fortement insisté pour que la discussion ait lieu dès le mois de février, c'est uniquement, je vous l'assure, pour une question de compte à rebours.
Nous ne voulons pas l'urgence : nous voulons au contraire prendre tout le temps qu'il faudra pour discuter ce projet de loi. Mais nous ne pouvons par nous permettre d'en perdre. Je souhaite que le texte soit définitivement voté avant l'été pour pouvoir ensuite travailler aux décrets d'application - nous allons commencer dès le mois de mars -, afin que la loi, je le répète, puisse s'appliquer à partir de janvier 2005. Il ne s'agit de rien d'autre, mesdames, messieurs les sénateurs !
J'en viens aux décrets, qui ont été évoqués par nombre d'entre vous. Le projet de loi comporte effectivement 52 renvois à des décrets. Cela ne signifie pas qu'il y aura 52 décrets car il y a des renvois aux mêmes décrets. Nous avons compté une vingtaine de décrets, dont une dizaine en Conseil d'Etat, ce qui est une sécurité de plus, monsieur Vasselle. J'ai dit à maintes reprises devant de très nombreuses associations, mais également devant nous, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous travaillerons à ces décrets ensemble dès le mois de mars.
M. Alain Vasselle. Je l'avais noté !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Chose promise, chose due ! Monsieur Vasselle, il n'était pas possible de vous présenter les décrets au moment de l'examen du projet de loi, puisque j'ai dit au départ que ce texte était perfectible. J'espère bien, d'ailleurs, que vous allez l'enrichir. Il est très difficile de rédiger des décrets à partir d'un texte qui n'est pas suffisamment arrêté.
M. Alain Vasselle. On peut rédiger les décrets pour vous, si vous le souhaitez ! (Sourires.)
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je remercie M. Mercier d'avoir souligné qu'il s'agit vraiment de prendre en compte le projet de vie de la personne handicapée et que notre objectif est une personnalisation très poussée des réponses qui doivent être apportées à chaque handicapé. Plusieurs d'entre vous l'ont souligné, le handicap est extrêmement divers et varié. C'est d'ailleurs l'une des difficultés de ce projet de loi. Par définition, un handicapé s'adapte moins bien qu'une personne valide et il faut donc lui apporter des réponses très diversifiées, très personnalisées.
Une nouvelle fois, M. Mercier a évoqué le problème du transport des personnes handicapées. Une dépense de 4,5 millions d'euros par an à ce titre, c'est considérable. Je suis pleinement de son avis quand il dit qu'il préférerait transformer ces kilomètres, si j'ose dire, en postes d'auxiliaires de vie scolaire. Cela permettrait aussi aux enfants handicapés de faire moins de kilomètres chaque jour et d'être scolarisés plus près de chez eux. Il s'agit de problèmes d'organisation locale extrêmement intéressants, qui doivent être approfondis.
Monsieur Mouly, je n'entrerai pas dans le détail de votre intervention, qui était très riche. J'évoquerai l'accueil temporaire, auquel je suis extrêmement attachée. Il a été défendu à l'Assemblée nationale, depuis le début, par le député Jean-François Chossy, qui est présent dans les tribunes, au côté de M. Olivin, auteur du rapport sur l'accueil temporaire. A l'évidence, cette disposition doit être mise en place en urgence. Pouvoir offrir à des parents qui s'occupent d'une personne handicapée 24 heures sur 24 et 365 jours par an non pas des vacances, mais un répit d'un week-end ou d'une semaine, ce n'est pas un luxe. C'est un des premiers chantiers qui a été mis en oeuvre. Le décret est à la signature - il ne manque plus que celle du ministre de l'intérieur - et va donc être publié très prochainement. Merci d'avoir posé la question. Nous reviendrons ultérieurement sur les autres sujets que vous avez évoqués.
Madame Demessine, je vous le dis tout simplement, sereinement mais fermement : il n'y a pas de démantèlement de l'assurance maladie. Ces 850 millions d'euros, c'est un tout autre volet, c'est de l'argent supplémentaire destiné à compenser de manière individuelle le handicap.
Vous avez évoqué la baisse des charges des restaurateurs, pour 1,5 milliard d'euros. Les personnes handicapées bénéficient déjà d'exonérations fiscales et sociales, à hauteur de 847 millions d'euros. On l'oublie très facilement. Un certain nombre de dispositions prévoient en leur faveur une TVA à 5,5 % ou une exonération de charges fiscales. Il est important de le rappeler.
Monsieur Barbier, je vous remercie d'avoir reconnu que le projet de loi était enrichi par des mesures relatives au handicap. Celui-ci concerne, au bas mot, 700 000 de nos concitoyens. En 1975, ces personnes handicapées étaient dans des hôpitaux psychiatriques. Elles en ont été sorties. Elles vivent parmi nous, mais seules et sans l'assistance nécessaire. Nous avons prévu des programmes d'action très précis : pour les polyhandicapés, pour les autistes, pour les personnes handicapées psychiques, pour les traumatisés crâniens. Ces programmes sont mis en oeuvre depuis le début de l'année.
Les maisons départementales des personnes handicapées seront gérées à l'échelon de chaque département et, c'est une évidence, il y aura des antennes locales, comme il en existe déjà aujourd'hui pour un certain nombre de services sociaux. Si nous créons des maisons départementales des personnes handicapées, c'est pour qu'elles se trouvent au plus près des intéressés. Elles seront, par définition, au chef-lieu du département, mais avec toutes les antennes locales nécessaires. A chaque département d'inventer et de s'adapter dans ce domaine-là.
Quant au financement, j'y reviens, il sera pérenne, parole de Premier ministre. La CNSA va démarrer au 1er juillet prochain. Elle sera en année pleine à partir de 2005. Nous avons notre budget 2004 pour les personnes handicapées. A partir de 2005, nous disposerons de ces 850 millions d'euros. C'est prévu sur quatre ans et le Premier ministre a bien dit qu'en cours de route, en fonction de la manière dont ces 850 millions auront été utilisés la première année, il est prévu, bien sûr, de prolonger ce financement. Il s'agit de dispositions pérennes.
Madame San Vicente, j'aimerais bien que vous me communiquiez la lettre de Guillaume.
Mme Michèle San Vicente. Bien sûr !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. On pourra en parler ultérieurement. Ce cas que vous avez cité est important et je souhaiterais l'approfondir avec vous, si vous le voulez bien, et je vous en remercie. Nous comptons réviser la liste des produits particuliers. C'est clair : elle est, à ce jour, incomplète et obsolète. Je le répète, mais j'aurai l'occasion de le redire à plusieurs reprises : la prestation de compensation est une prestation universelle, contrairement à ce que vous avez dit, madame San Vicente.
Mme Desmarescaux a notamment évoqué la formation des architectes, qui sont sous l'autorité du ministre de la culture. Nous y avons travaillé. La formation des architectes à l'accessibilité est prévue à compter de l'année prochaine. En matière d'accessibilité, tout ce qui est prévu en amont est essentiel, est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre et coûte donc beaucoup moins cher.
L'ouverture de la prestation de compensation aux enfants : oui ! J'ai compris que, pour vous, c'est un point important, madame Desmarescaux. Nous en reparlerons lors de l'examen des articles.
M. Pelletier a soulevé, lui aussi, un certain nombre de problèmes. Il a notamment évoqué les établissements. Notre projet est très précis. Entre 2003 et 2007, auront été créées 14 000 places en CAT, soit 3 000 places par an les trois premières années et 2 500 places par an les deux dernières années. Cela signifie, puisque les estimations en matière de liste d'attente en CAT sont aujourd'hui de l'ordre de 15 000, que nous aurons alors résorbé les demandes.
Concernant les places pour enfants en établissement et en service, nous en créons, en 2003 et 2004, 1 500 par an. A partir de 2005, nous en créerons 1 800 par an. Au total, 8 400 places auront été créées à l'horizon de l'année 2007.
Quant aux places pour adultes en établissement et en service, nous en avons créées 2 550 en 2003, 3 450 en 2004, et nous atteindrons un total de 18 000 à l'horizon de 2007. Le plan de création de places en établissement et en service est prévu sur cinq ans. Entre 2003 et 2007, Monsieur Pelletier, seront donc créées en établissement et en service deux fois plus de places qu'entre 1998 et 2002 pour les enfants et trois fois plus pour les adultes, pour lesquels on passe en effet de 5 500 à 18 000 places. Pour les CAT, on double pratiquement le nombre de créations de places. C'est vraiment la preuve, si besoin était, que nous accélérons le rythme parce qu'il y a urgence, vous l'avez dit les uns et les autres sur toutes les travées de cet hémicycle, et je vous en remercie.
Monsieur Vantomme, la directive européenne du 27 novembre 2000 est intégralement transposée dans notre projet de loi. Nous n'avons donc pas transposé seulement la partie qui nous arrangeait. Cette transposition va même être améliorée par un amendement gouvernemental, à la suite d'une proposition formulée par une association, la FNATH.
La formation professionnelle est prévue grâce à l'intervention de la commission des affaires sociales du Sénat, par ce fameux droit individuel à la formation, dont, monsieur le président About, vous avez précisé les termes lors de la discussion que vous avez eue avec François Fillon sur ce sujet.
Merci d'avoir insisté sur la scolarisation sous toutes les formes. Elle est bien précise dans le projet de loi. Nous y reviendrons au cours de la discussion des articles. Mon ambition est de faire en sorte que l'école soit beaucoup plus présente, soit autant que faire se peut, autant que faire est possible, et notamment qu'elle soit davantage présente dans les instituts médico-éducatifs, les IME, et les instituts médico-professionnels, les IMPRO, comme vous le demandez. C'est très important. Il faut faire le maximum pour l'éveil des enfants.
M. Vasselle a évoqué un certain nombre de problèmes, notamment les 35 heures. Personnellement, je les avais dénoncées en leur temps, car je considérais qu'elles auraient des effets dévastateurs dans tout le secteur médical et médico-social. Ces effets ne se sont pas fait attendre. Je le dis sereinement, objectivement, prétendre très fermement : les 35 heures, et nous ne pouvons prétendre le contraire,... conduisent à des situations ingérables.
M. Claude Domeizel. Adressez-vous à M. Vasselle !
M. Bernard Murat. Les 35 heures, c'est vous qui les avez créées !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Certes, des postes ont été créés dans le secteur médico-social, mais en nombre insuffisant. Les conséquences pratiques sont des emplois du temps ingérables, extrêmement fragmentés, au détriment des enfants, des adultes et des personnes âgées. Il faudra essayer de trouver une autre organisation pour l'ensemble de ce secteur. Je le dis simplement mais fermement : les situations sont inhumaines.
M. Vasselle a aussi évoqué les aidants familiaux : ils seront dédommagés.
Il a souligné, à juste titre, le problème du « reste à vivre », qui est totalement insuffisant. (Mme Michelle Demessine opine.) Nous y travaillons. Ce reste à vivre, pour les personnes en établissement, doit être majoré.
Monsieur Dauge, je vous remercie de la qualité de votre intervention. J'avais pu apprécier, sur le terrain, la manière dont vous vous impliquez, simplement mais efficacement, dans tous ces problèmes du handicap. Vous avez dit : une loi de plus ? Avec un peu de scepticisme. J'espère pouvoir vous convaincre, au cours de la discussion, qu'une nouvelle loi était nécessaire. Mais je partage votre avis : la loi n'est que la loi, et, au-delà, il faudra toujours l'intelligence, l'investissement, la générosité de tous, notamment des collectivités territoriales, de la collectivité nationale et du Gouvernement, ce que j'appelle « la chaîne de solidarité ». L'intégration des personnes handicapées dans notre société est un immense défi. Il ne sera relevé qu'ensemble. Les initiatives prises par les uns et les autres, au plus près du terrain, sont indispensables.
Je salue, monsieur Dauge, parce que je l'ai vue, votre action extrêmement réussie en matière d'intégration des personnes handicapées dans la ville de Chinon. Je vous propose, que, avec des maires et des présidents de communauté d'agglomération, nous nous retrouvions au mois d'avril pour examiner avec M. de Robien le moyen de mener des expérimentations dans la droite ligne de ce que vous avez évoqué.
M. Murat a rappelé l'importance que revêt l'accompagnement des enfants handicapés lorsque c'est nécessaire, quand ils sont intégrés à l'école. Vous avez raison, monsieur le sénateur. Cet accompagnement est assuré par les auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Vous savez le travail important qui a été accompli par M. Ferry dans ce domaine dès la dernière rentrée, avec la création de 6 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire. C'est une heureuse initiative. Il faut conforter ces AVS, leur apporter une formation et leur offrir un minimum de perspectives d'avenir. Mais reconnaissez que, grâce à ces embauches massives, la rentrée dernière s'est globalement bien passée pour les enfants handicapés, et ce pour la première fois depuis longtemps.
Je vous remercie monsieur Murat, d'avoir salué l'importance du sport, qui est fabuleux car il permet de se dépasser et d'oublier le handicap. Il en est de même pour les pratiques artistiques. Ces activités sportives et culturelles sont essentielles.
Permettez-moi, pour conclure, un petit sourire. Si je n'ai entendu que des éloges sur la loi de 1975, que l'on a même qualifiée de « fondatrice », les critiques n'ont pas manqué sur le projet de loi que nous vous présentons. Il suffit cependant de consulter le compte rendu, paru au Journal officiel, de la séance du 13 décembre 1974, jour du début de la discussion de la future loi de 1975 devant le Sénat, pour relativiser. On peut y lire, en effet : « Ainsi, ce projet de loi d'orientation en faveur des handicapés, si chacun reconnaît qu'au coup par coup, volet par volet, il apporte des progrès certains, fait contre lui la quasi-unanimité. » (Sourires.)
Plus loin, je lis : « Le projet ne dégage pas les crédits qui seraient nécessaires. » Enfin : « Les lacunes ou les insuffisances graves sont multiples. »
Je n'aurai pas l'indécence de révéler l'appartenance politique des orateurs que j'ai cités.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous en doutons !
M. Claude Domeizel. Nous avons compris !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Les mêmes causes produisant les mêmes effets,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un gage de qualité !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... j'espère que, après toutes ces critiques, mais aussi après un travail fructueux des sénateurs de tous les groupes, ceux qui ont manifesté ce soir leur hostilité à ce texte porteront sur lui un regard plus positif et que, ensemble, nous pourrons élaborer un bel outil au service des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Blanc, rapporteur. Bis repetita non placent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Chabroux et Godefroy, Mme San Vicente, M. Vantomme, Mme Blandin, MM. Dauge, Le Pensec, Raoul et les membres du groupe socialiste et apparenté, d'une motion, n° 169, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (n° 183, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, auteur de la motion.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées doit être révisée ; c'est un constat que nous faisons tous. Nous ne pouvons cependant pas tourner la page sans faire d'abord un bilan exhaustif de l'application de cette loi.
Madame la secrétaire d'Etat, en terminant, vous avez parlé d'éloges et de lacunes. Cette loi voulait faire du principe de l'intégration des personnes handicapées un droit fondamental et une obligation nationale. Il y a eu des avancées, mais les dispositifs législatifs et réglementaires n'ont pas toujours été à la hauteur des objectifs.
La commission des affaires sociales, qui s'est beaucoup investie dans ce domaine des personnes handicapées - sur l'initiative de son président, M. Nicolas About, et du rapporteur, M. Paul Blanc - aurait pu ou, plutôt, aurait dû, en plus de ce qu'elle a fait, en plus des travaux qu'elles a réalisés, dresser le bilan de l'application pendant près de trente années de la loi d'orientation et, surtout, bien analyser les raisons qui nous amènent à la considérer aujourd'hui comme inadaptée.
Ce bilan et l'analyse que l'on peut faire de la situation actuelle revêtent une importance d'autant plus grande qu'il s'agit maintenant de substituer au texte de 1975 une loi qui aura forcément une dimension historique, puisqu'elle devra donner une impulsion à de nouvelles orientations politiques pour les prochaines décennies, peut-être encore pour trente ans, en tout cas pour de nombreuses années.
Il faut construire une politique du handicap tenant compte des changements qui se produisent dans la société et dans les mentalités ; il faut faire toute leur place aux progrès scientifiques et techniques et, bien sûr, mobiliser toutes les capacités dont dispose un pays comme le nôtre.
Il faut également que cette politique soit conforme aux orientations définies par l'Organisation mondiale de la santé, particulièrement dans sa classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, que la France a approuvée. Et, d'abord, la politique que nous voulons mettre en place doit s'articuler avec celles des pays européens. Je me permets de souligner qu'il n'y a pas eu - ou très peu - d'allusion faite à l'Europe et à l'OMS.
Cette politique doit donc s'inscrire dans les orientations tracées par la déclaration de Madrid, lors du Forum européen des personnes handicapées qui s'est tenu en mars 2002.
Ainsi, nous devons « abandonner l'idée préconçue de la déficience comme seule caractéristique de la personne handicapée [...] pour en venir à la nécessité d'éliminer les barrières, de réviser les normes sociales, politiques et culturelles, ainsi qu'à la promotion d'un environnement accessible et accueillant ». La notion de « handicap » a un caractère relatif ; l'environnement peut jouer un rôle très important, et c'est sur cette dimension du handicap que les pouvoirs publics peuvent avoir une plus grande efficacité.
Il faut donc agir d'abord sur les barrières créées par les facteurs environnementaux et inscrire comme une priorité dans la loi l'accessibilité à tout pour tous, dans le cadre d'une politique de non-discrimination.
Les problèmes relatifs à la compensation et aux ressources, sans sous-estimer leur importance, viennent ensuite dans l'ordre des priorités. Il faut aller vers une conception du handicap qui soit plus « environnementale » que « personnaliste ».
Manifestement, le projet de loi qui nous est présenté est, sur ce point crucial de la conception du handicap comme sur beaucoup d'autres, « inachevé ».
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Non !
M. Gilbert Chabroux. Je ne fais que reprendre l'appréciation portée par le rapporteur, notre collègue Paul Blanc, qui fait également état des « limites » de ce texte.
Il pose, dans son rapport, de nombreuses et importantes questions dont certaines mériteraient un long débat en commission.
M. Paul Blanc, rapporteur. Il a eu lieu !
M. Gilbert Chabroux. J'y reviendrai rapidement un peu plus loin, mais j'insiste d'ores et déjà pour que nous nous donnions un temps de réflexion et que nous engagions une large concertation.
La commission des affaires sociales a fait de son mieux, mais elle a été contrainte de travailler dans la précipitation. Le calendrier est trop serré. M. Alain Vasselle l'a dit, mais je voudrais insister sur ce point.
Madame la secrétaire d'Etat, vous avez présenté ce projet de loi en conseil des ministres le 28 janvier dernier, c'est-à-dire il y a moins d'un mois. Vous êtes venue deux fois devant la commission, tant les questions étaient nombreuses. Et d'autres questions, tout aussi importantes, sont posées par M. le rapporteur. Des auditions ont été organisées dans l'urgence, alors que, dans le même temps, la Haute Assemblée examinait un texte qui retenait toute notre attention, compte tenu des conséquences qui en découleront, je veux parler du projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social.
Le mercredi 11 février, à neuf heures trente, soit deux semaines après le conseil des ministres,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est précis !
M. Gilbert Chabroux. ... notre collègue Paul Blanc présentait son rapport ainsi qu'une centaine d'amendements, les administrateurs de la commission ayant achevé leur tâche à sept heures du matin, après une nuit de travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Six heures du matin !
M. Gilbert Chabroux. Soit !
On a rarement fait plus vite sur un texte comme celui-ci, qui ne compte pas moins de quarante-huit articles. Ces conditions de travail ont pu être qualifiées, à juste titre, d'« inhumaines ».
La réunion du mercredi 11 février a permis de constater que les commissaires étaient nombreux, indépendamment de leur appartenance politique, à exprimer de très fortes réserves, non seulement quant à la méthode et au rythme forcené imposé, mais aussi sur le fond, sur des aspects importants de la réforme que vous proposez.
Les questions ont montré que la réflexion devait se poursuivre. L'impression qui domine est celle d'un travail à tout le moins incomplet, inachevé. Je n'emploierai pas une expression plus forte parce que je connais votre engagement personnel, madame la secrétaire d'Etat, et ce ne serait pas juste, mais nous ressentons tous une sorte de frustation, un malaise, et l'on n'ose imaginer les raisons qui pourraient expliquer une telle précipitation. S'agirait-il d'examiner ce projet de loi avant les échéances électorales et la période de suspension des travaux du Sénat qui précède ces élections ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait mesquin !
M. Gilbert Chabroux. Y aurait-il une volonté d'affichage sur un sujet aussi sensible, aussi délicat ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Non !
M. Gilbert Chabroux. Je pose simplement la question. Pour être clair, n'y aurait-il pas ici certaines préoccupations électorales qui l'emporteraient ?
M. Claude Domeizel. Mais non, voyons !...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est lamentable !
M. Gilbert Chabroux. Madame la secrétaire d'Etat, ne serait-il pas plus sage d'attendre que la fièvre soit retombée et que la sérénité soit revenue pour aborder l'examen de ce texte dans de bonnes conditions ?
Beaucoup de questions se posent que la commission pourrait ou plutôt devrait examiner.
Tout d'abord, il faut tenir compte des réactions des associations, dans l'ensemble, très négatives. Le texte leur apparaît fondamentalement insuffisant, voire en régression par rapport à l'existant. (M. Louis Moinard s'exclame.) Il n'est pas conforme à l'exposé des motifs et ne répond pas aux attentes et aux besoins, aujourd'hui bien identifiés, des personnes en situation de handicap.
On pourrait résumer les réactions des associations en reprenant cette phrase de la présidente de l'Association des paralysés de France : « Cette loi n'est pas à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République ».
Certaines associations vont jusqu'à demander le retrait pur et simple de ce texte.
Un sondage réalisé par l'IFOP pour l'Association des paralysés de France, le 13 février dernier, auprès d'un échantillon représentatif de personnes en situation de handicap et de proches, montre que 67 % des personnes interrogées jugent insatisfaisantes les mesures contenues dans le projet de loi.
Le délégué interministériel aux personnes handicapées nous a fait observer, lors de son audition par la commission, qu'il y a forcément un problème lorsque toutes les associations, sans aucune exception, sont contre les conditions de ressources relatives à l'attribution de la prestation de compensation.
Le problème du financement n'a pas été suffisamment étudié, et le débat parlementaire, s'il s'engage maintenant, ne permettra certainement pas d'aller très loin. Grâce à l'article 40 de la Constitution, le Gouvernement peut, en effet, rejeter tout amendement qui se traduit par un coût supplémentaire. Et on imagine mal, sur un tel sujet, le Parlement s'opposer au texte et, par là même, ouvrir une crise politique avec le Gouvernement.
Des concessions peuvent être faites sur des principes, par exemple, comme le demande M. le rapporteur, le principe d'une extension, d'ici à dix ans, du bénéfice de la prestation de compensation aux enfants, vous avez vous-même, madame la secrétaire d'Etat, déclaré que vous étiez disposée à accepter des avancées en la matière. Mais à quoi est-ce que cela vous engage, concrètement ? Nous aimerions avoir une réponse à cette question comme à d'autres, relatives au financement.
Le Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits, le CDTHED, demande le retrait du texte en faisant valoir que « les handicapés et leurs familles ne veulent être tributaires de la charité publique obligatoire organisée par la suppression d'un jour férié ». Il est vrai que le choix de financer la prestation de compensation par la suppression d'un jour férié mériterait un large débat public. Quand aurons-nous ce débat ? N'oublions pas qu'il s'agit ici de changer le regard que porte la société sur les personnes en situation de handicap !
Ce problème de financement se pose forcément d'une manière nouvelle, le Premier ministre ayant annoncé, il y a deux semaines, qu'il allégerait les charges des restaurateurs de 1,5 milliard d'euros à compter du 1er juillet prochain. Quand on trouve aussi facilement une telle manne, on devrait pouvoir mieux cerner les besoins des personnes en situation de handicap et mieux y répondre !
Quelles estimations ont été faites ? Le Conseil national consultatif des personnes handicapées insiste pour que le travail d'évaluation des besoins soit clairement exprimé dans le projet de loi.
Que représente la somme de 850 millions d'euros par rapport à ces besoins, sachant que cela correspond à peu près à 3 % de l'effort public en faveur des personnes en situation de handicap tel qu'il est évalué pour 2001 dans le rapport de la Cour des comptes de juillet 2003 ?
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a posé le principe selon lequel toute personne handicapée a droit « à la garantie de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ». Cela conduit à revaloriser substantiellement le montant de l'AAH, actuellement fixé à 583 euros net.
Des associations demandent que le montant de l'AAH soit aligné sur le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance, pour les personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas travailler. Quelles sont les estimations qui ont été faites pour atteindre cet objectif, soit directement, soit par étapes ?
Par ailleurs, nous n'avons, en l'état actuel des choses, aucune certitude sur le niveau et les modalités des financements qui doivent faire l'objet d'autres projets de loi ou de divers décrets. Comment pouvons-nous examiner le texte qui nous est présenté, alors que la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, n'a pas encore été créée et que nous attendons pour le mois de mai le rapport Briet-Jamet sur le champ d'intervention de la CNSA et la répartition des rôles entre l'Etat et les collectivités territoriales ?
Comment pourrions-nous nous engager sans avoir un texte complet ?
Notre rapporteur fait lui-même preuve de beaucoup de prudence au sujet des maisons départementales des personnes handicapées. Le dispositif qu'il suggère pour ces maisons, sous la forme de groupements d'intérêt public, ne serait pas, dit-il, « incompatible avec la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ». Cependant, ajoute-t-il, « ce dispositif n'est naturellement pas figé. Il a vocation à évoluer au vu des orientations qui seront données par le Premier ministre ». Mes chers collègues, faut-il que nous demandions au Premier ministre de nous éclairer ?
M. Roland Muzeau. Il aurait bien du mal !
M. Gilbert Chabroux. Il faudrait aussi que nous soyons éclairés sur l'avenir de l'assurance maladie et sur le texte de loi relatif aux responsabilités locales, dont l'examen vient juste de commencer à l'Assemblée nationale.
Cela fait beaucoup d'incertitudes à lever.
La commission des affaires sociales pourrait aussi demander à des ministres comment ils comptent s'engager et, avec eux, leur administration, pour mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi qui les concernent directement.
Le ministre de l'éducation nationale et le ministre délégué à l'enseignement scolaire pourraient nous expliquer comment doit s'appliquer le principe d'inscription de l'enfant, de l'adolescent, sans exception, dans le cadre du droit commun et comment sera assumée la responsabilité entière de l'éducation nationale dans tous les dispositifs de scolarisation.
Mes chers collègues, ainsi que vous le constatez, beaucoup de questions sont posées. Nous ne pouvons pas, en l'absence de réponses, au moins sur les points les plus importants, aborder la discussion des articles du texte dans des conditions satisfaisantes. Je propose donc, avec mes collègues du groupe socialiste, que la commission des affaires sociales puisse disposer d'un délai supplémentaire de quelques semaines - cela ne remet pas en cause la date d'application du 1er janvier 2005 - pour réunir toutes les informations nécessaires, pour nous permettre d'engager un débat fructueux et de faire des propositions plus conformes aux souhaits et aux attentes des associations et de l'ensemble des personnes handicapées dans notre pays : elles attendaient beaucoup de cette loi, nous devons veiller à ne pas les décevoir.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter la motion qui vous est présentée et à décider le renvoi de ce texte à la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Depuis deux ans - deux ans, monsieur Chabroux ! -, la commission des affaires sociales travaille sur la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975. Elle y a consacré trois journées d'auditions publiques au printemps 2002, puis un rapport d'information, publié en juillet 2002. Un nombre important de ses membres ont participé à la commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées au cours du premier semestre 2003. Une proposition de loi reprenant les soixante-quinze priorités déterminées par le rapport d'information de juillet 2002 a été déposée en mai 2003 par le président About et par votre serviteur, et elle a été discutée en commission des affaires sociales.
Depuis l'annonce du dépôt du projet de loi, la commission a encore consacré à ce thème trois demi-journées d'auditions publiques. J'ai en outre, pour ma part, en qualité de rapporteur, entendu plus de vingt représentants d'associations et personnalités qualifiées. Une dizaine d'autres nous ont remis des contributions écrites, sans parler de toutes celles que nous recevons tous les jours par courrier électronique.
Les associations de personnes handicapées ont été associées à toutes les phases de la préparation de ce projet de loi. Devant notre commission, M. Jean-Marie Schléret a lui-même reconnu que l'association des personnes handicapées et de leurs familles avait été « exemplaire et, sans doute, sans précédent ».
Enfin, Mme la secrétaire d'Etat vous le confirmera, il n'est aucunement question d'urgence dans l'examen de ce projet de loi : nous réexaminerons ce texte en deuxième lecture, puis en commission mixte paritaire.
Bien sûr, comme tout projet de loi, celui-ci est sans doute perfectible, et je répète qu'il revient au Parlement de l'enrichir. Mais point n'est besoin, me semble-t-il, de l'examiner de nouveau en commission.
J'ajoute, monsieur Chabroux, que vous n'avez rien trouvé à redire lorsque a été examiné un premier texte consécutif à la loi de 1975 qui aurait dû en fait venir en deuxième rang.
Bien entendu, la commission émet un avis défavorable sur votre motion tendant au renvoi du projet en commission. Il est temps d'aborder l'examen des articles de ce texte. C'est, en tout cas, ce que souhaitent notamment les associations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je tiens, pour prolonger les propos de M. le rapporteur, à saluer une nouvelle fois le considérable travail qui a été mené au Sénat au cours des deux dernières années sur le dossier du handicap. C'est d'ailleurs pourquoi la Haute Assemblée est saisie en premier de ce projet de loi.
Je veux également souligner que le Gouvernement a bénéficié des contributions de la Cour des comptes dont le rapport la Vie avec un handicap a été particulièrement remarqué, et du Conseil économique et social.
Je rappelle que M. le Premier ministre a en outre confié à plusieurs parlementaires des missions sur des thèmes particuliers tels que l'accessibilité dans les transports, la prise en charge de l'autisme, l'accueil temporaire, les aides techniques, etc.
Le rapporteur l'a mentionné, le Sénat a constitué une commission d'enquête sur la maltraitance, thématique qui recoupe certains des problèmes posés par le handicap.
Autant dire que le temps de la réflexion sur ce sujet me paraît vraiment avoir été suffisant.
S'agissant de la concertation, permettez-moi, monsieur Chabroux, de vous rappeler que c'est sous mon impulsion, ainsi que sous celle de son nouveau président, M. Jean-Marie Schléret, et de son vice-président, M. Gantet, qui nous écoute ce soir, que le Comité national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, a retrouvé une réelle activité.
Le décret du 28 novembre 2002 en a élargi la composition et son rythme de travail a été particulièrement soutenu au cours des vingt derniers mois. Il a travaillé comme il ne l'avait jamais fait et nous nous sommes nourris de ses réflexions. Le dialogue avec le CNCPH a été constant, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que nous étions toujours d'accord.
Pour ma part, je n'ai pas manqué, en tant que besoin, de rencontrer des associations, soit séparément soit au sein du comité d'entente.
Par conséquent, vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas eu de concertation.
Il est un temps pout tout, et compte tenu du travail accompli par le Gouvernement, d'une part, et par la Haute Assemblée, d'autre part, l'heure est aujourd'hui venue pour le Parlement de jouer pleinement son rôle. Le Sénat semble y être prêt si j'en juge par les très nombreux amendements - plus de 400 ! - qui ont été déposés.
Les principaux axes du projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, ont été étudiés en profondeur avec l'ensemble des ministères, des collectivités locales et des partenaires sociaux.
Qu'il s'agisse de la nouvelle prestation de compensation ou des règles relatives à l'accessibilité, il convient maintenant que ces problèmes soient examinés par les parlementaires, en prenant le temps nécessaire pour avoir un vrai débat de fond, car il n'y a pas d'urgence.
Il n'en demeure pas moins que deux lectures dans chaque assemblée doivent avoir lieu et que notre objectif est de voir cette loi entrer en application dès le mois de janvier 2005. Or, une fois le vote de la loi acquis, il restera à élaborer les décrets d'application. Nous n'avons donc pas, non plus, de temps à perdre.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 169, tendant au renvoi en commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, je précise que 454 amendements ont été déposés sur ce texte.
Monsieur le président de la commission, je me permets de vous interroger : à cette heure, souhaitez-vous que nous commencions l'examen des articles ?
M. Nicolas About, président de la commission. Monsieur le président, vous avez souhaité tout à l'heure que, de façon symbolique, nous puissions examiner le premier amendement. C'est avec plaisir que je me range à votre proposition. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 251, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Conformément à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et à l'article 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la loi reconnaît à tout citoyen handicapé les mêmes droits qu'aux autres. Elle garantit, définit, organise et prévoit les voies et moyens d'assurer à tout citoyen handicapé la juste compensation de son handicap et son intégration dans la nation. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Le projet de loi qui nous est présenté a, nous en sommes tous convaincus, vocation à être un grand texte. Il convient donc qu'il fixe les grands principes dont les divers dispositifs ne sont que la matérialisation.
La raison d'être de ce texte est de permettre aux personnes handicapées de bénéficier des droits spécifiques. Mais l'objectif final de l'ensemble de l'arsenal juridique mis en place au bénéfice des personnes handicapées est soit d'assurer une amélioration de leurs conditions quotidiennes d'existence, soit de leur permettre de mener une vie aussi normale que possible.
Dans cette logique, l'affirmation de droits spécifiques ne doit pas se faire au détriment du principe d'égalité censé protéger tout citoyen.
Le présent amendement vise à poser le grand principe selon lequel les personnes handicapées sont des citoyens ordinaires.
Il appartient à la loi de rappeler le contenu des normes qui lui sont supérieures. Aussi notre amendement fait-il référence à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme dont le Conseil constitutionnel a reconnu le caractère constitutionnel, et à l'article 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Si le droit spécifique mis en place par le présent projet de loi vise à améliorer la condition des personnes handicapées, le droit commun applicable à ces personnes comme à tout citoyen vise à les protéger contre d'éventuelles discriminations indignes du pays des droits de l'homme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. L'égalité des droits des personnes handicapées et le droit à compensation sont l'objet même des dispositions de l'article 1er.
A mon sens, cet amendement n'apporte aucune précision supplémentaire. Aussi, bien que nous soyons d'accord sur le fond, je vous demande, madame Gautier, de retirer votre amendement. A défaut, je me verrai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 251 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Si ce principe est effectivement inscrit dans le texte, j'accepte de retirer l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 251 est retiré.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
OU DE LA CADUCITÉ DE TEXTES SOUMIS
AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 17 février 2004, l'informant de l'adoption définitive ou de la caducité des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E 692 (COM [1996] 367 final). - Proposition de décision du Conseil approuvant l'adhésion de la CE au Protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (adoptée le 27 octobre 2003).
E 700 (COM [1996] 372 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire pour donner effet à l'adhésion de la CE au Protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (adoptée le 27 octobre 2003).
E 811 (COM [1997] 30 final). - Proposition de directive du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques [houilles, cokes, lignites, bitumes produits dérivés + gaz naturel + électricité] (adoptée le 27 octobre 2003).
E 1651 (COM [2000] 854 final). - Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie (adoptée le 22 décembre 2003).
E 1741 (COM [2001] 127 final). - Proposition de directive du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (adoptée le 25 novembre 2003).
E 1836 (COM [2001] 508 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux engrais (volume I) (adoptée le 13 octobre 2003).
E 1915 (COM [2001] 729 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages (adoptée le 26 janvier 2004).
E 1923 COM [2001] 784 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d'indemnisation des passagers aériens et d'assistance en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (adoptée le 26 janvier 2004).
E 1958 (COM [2002] 85 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux mouvements transfrontières des organismes génétiquement modifiés (adoptée le 15 juillet 2003).
E 2025 (COM [2002] 222 final). - Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 en modifiant le règlement (CE) n° 44/2001 en ce qui concerne les questions alimentaires (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2064 (10307/02 EUROPOL 46). - Initiative du Royaume du Danemark en vue de l'adoption d'un acte du Conseil, portant établissement, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention EUROPOL), d'un protocole modifiant ladite convention (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2069 (COM [2002] 400 final). - Proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif aux arômes de fumées utilisés ou destinés à être utilisés dans ou sur les denrées alimentaires (adoptée le 10 novembre 2003).
E 2070 (COM [2002] 404 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la surveillance des forêts et des interactions environnementales dans la Communauté (Forest Focus) (adoptée le 17 novembre 2003).
E 2072 (10386/02 MIGR 60). - Initiative de la République fédérale d'Allemagne concernant une directive du Conseil relative à l'assistance au transit dans le cadre de mesures d'éloignement par voie aérienne (adoptée le 25 novembre 2003).
E 2074 (COM [2002] 401 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme pour améliorer la qualité de l'enseignement supérieur et promouvoir la compréhension interculturelle au travers de la coopération avec les pays tiers (Erasmus mundus [Erasmus World] [2004-2008]) (adoptée le 5 décembre 2003).
E 2099 (COM [2002] 425 final). - Proposition de décision du Conseil relative à l'adoption d'un programme pluriannuel (2003-2005) portant sur le suivi du plan d'action Europe, la diffusion des bonnes pratiques et l'amélioration de la sécurité des réseaux et de l'information (MODINIS) (adoptée le 17 novembre 2003).
E 2170 (COM [2002] 739 final). - Proposition de règlement du Conseil relatif à la gestion de l'effort de pêche concernant certaines zones et ressources de pêche communautaires et portant modification du règlement (CEE) n° 2847/93 (adoptée le 4 novembre 2003).
E 2176 (COM [2002] 711). - Proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (adoptée le 20 janvier 2004).
E 2182 (COM [2002] 751 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel [2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (Programme d'apprentissage en ligne (eLearning) (adoptée le 31 décembre 2003).
E 2201 (COM [2003] 1 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (adoptée le 17 novembre 2003).
E 2202 (COM [2003] 18 final). - Proposition de directive du Conseil relative au contrôle des sources radioactives scellées de haute activité (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2224-5 (SEC [2003] 866 final). - Avant-projet de budget rectificatif n° 5 au budget 2003. - Etat des recettes et des dépenses par section. - Section III. - Commission (adopté le 26 novembre 2003).
E 2224-6. - Avant-projet de budget rectificatif n° 6 au budget 2003. - Etat des recettes et des dépenses par section. - Section III. - Commission (adopté le 4 décembre 2003).
E 2224-7 (SEC [2003] 1111 final). - Avant-projet de budget rectificatif n° 7 au budget 2003. - Etat général des recettes. - Etat des recettes et des dépenses par section. - Section III. - Commission (adopté le 4 décembre 2003).
E 2228 (COM [2003] 77 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens (adoptée le 4 novembre 2003).
E 2254 (COM [2003] 146 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la Roumanie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2278 (COM [2003] 182 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels - ACAA (adoptées le 20 janvier 2004).
E 2279 (COM [2003] 186 final). - Proposition de directive du Conseil modifiant les directives 92/79/CEE et 92/80/CEE, en vue d'autoriser la France à proroger l'application d'un taux d'accise réduit sur les produits du tabac mis à la consommation en Corse (adoptée le 5 décembre 2003).
E 2316 (COM [2003] 44 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général pour financer les activités communautaires à mener à l'appui de la politique des consommateurs pendant les années 2004 à 2007 (adoptée le 1er décembre 2003).
E 2324 (COM [2003] 335 final). - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la procédure d'adoption de mesures dérogatoires ainsi que l'attribution de compétences d'exécution (adoptée le 20 janvier 2004).
E 2333 (D/230447). - Lettre de la Commission européenne du 9 juillet 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée par l'Irlande en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière de TVA d'une mesure dérogatoire à cette directive (adoptée le 25 novembre 2003).
E 2335 (COM [2003] 276 final). - Proposition de décision du Conseil établissant un programme d'action communautaire pour la promotion de la citoyenneté européenne active (civil participation) (adoptée le 26 janvier 2004).
E 2346 (COM [2003] 409 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres qui sont parties contractantes à la Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire à signer, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le protocole portant modification de ladite Convention, ou à y adhérer, dans l'intérêt de la Communauté européenne (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2349 (COM [2003] 419 final). - Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion de l'accord de pêche entre la Communauté européenne et la République du Mozambique (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2360 (COM [2003] 462 final). - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 90/435/CEE du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2371 (COM [2003] 493 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie modifiant l'accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (adoptée le 27 octobre 2003).
E 2372 (COM [2003] 494 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant la décision de la Commission du 8 juillet 2002 relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (adoptée le 27 octobre 2003).
E 2373 (COM [2003] 511 final). - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Malte et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers Malte (adoptée le 27 octobre 2003).
E 2378 (12138/03 SIRIS 72 COMIX 514). - Décision du Conseil abrogeant le règlement financier régissant les aspects budgétaires de la gestion par le secrétaire général du Conseil des contrats conclus par celui-ci, en tant que représentant de certains États membres, concernant l'installation et le fonctionnement du Helpdesk de l'unité de gestion et du réseau SIRENE phase II (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2379 (12331/03 SIRIS 78 COMIX 540). - Avant-projet de budget relatif à l'exercice 2004 pour le réseau SISNET (adopté le 27 novembre 2003).
E 2382 (12622/03 EUROPOL 46). - Projet d'accord de coopération entre la Roumanie et l'Office européen de police (EUROPOL) (adoptée le 6 novembre 2003).
E 2383 (COM [2003] 543 final). - Proposition de règlement du Conseil portant protection contre les effets de l'application de la loi américaine antidumping de 1916, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant (adoptée le 15 décembre 2003).
E 2392 (COM [2003] 549 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et la République tunisienne (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2393 (COM [2003] 551 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2394 (COM [2003] 556 final). - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 (adoptée le 26 janvier 2004).
E 2395 (COM [2003] 557 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté européenne et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocle fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoir, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2400 (COM [2003] 626 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1030/2003 du Conseil du 16 juin 2003 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia (adoptée le 27 octobre 2003).
E 2402 (12825/03 EUROPOL 47). - Projet d'accord de coopération entre la Colombie et l'Office européen de police (adoptée le 27 novembre 2003).
E 2407 (COM [2003] 601 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole modifiant le quatrième protocole fixant les conditions de pêche prévues dans l'accord en matière de pêche entre la Communauté économique européenne. d'une part, et le Gouvernement du Danemark et le Gouvernement local du Groenland, d'autre part, pour ce qui est des dispositions sur la pêche expérimentale (adoptée le 15 décembre 2003).
E 2411 (COM [2003] 617). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1453/2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère et abrogeant le règlement (CEE) n° 1600/92 (Poseima) en ce qui concerne l'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers dans les Açores (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2413 (COM [2003] 598 final). - Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 427/2003 du Conseil relatif à un mécanisme de sauvegarde transitoire applicable aux importations de certains produits de la République populaire de Chine et du règlement (CE) n° 519/94 du Conseil relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers (adoptée le 10 novembre 2003).
E 2415 (D/232635). - Lettre de la Commission européenne du 24 octobre 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée le 22 octobre 2003, par le Royaume-Uni en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière de TVA d'une mesure dérogatoire à cette directive.
E 2413 (COM [2003] 598 final). - Proposition de décision du Conseil modifiant les décisions 92/546/CEE du 23 novembre 1992, 95/252/CE du 29 juin 1995 et 97/375/CE du 9 juin 1997, autorisant le Royaume-Uni à appliquer des mesures dérogatoires à l'article 28 sexies, paragraphe 1, et aux articles 6 et 17 de la sixième directive du Conseil (77/388/CEE) en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2421 (13502/03). - Autorisation de signer le projet d'accord entre l'Union européenne, et la Répulique d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et du protocole de 2001 à celle-ci (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2424 (COM [2003] 618 final). - Proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et l'Ukraine (adoptée le 15 décembre 2003).
E 2427 (COM [2003] 647 final). - Proposition de décision du Conseil définissant la position de la Communauté à l'égard de la prorogation de l'accord international de 1992 sur le sucre (adoptée le 25 novembre 2003).
E 2434 (COM [2003] 634 final). - Proposition de règlement du Conseil prorogeant jusqu'au 31 décembre 2005 l'application du règlement (CE) n° 2501/2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 en modifiant ledit règlement(adoptée le 15 décembre 2003).
E 2438 (COM [2003] 652 final). - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 95/408/CE concernant les modalités d'établissement pour une période transitoire, de listes provisoires des établissements de pays tiers dont les Etats membres sont autorisés à importer certains produits d'origine animale, produits de la pêche et mollusques bivalves vivants, pour en prolonger la validité (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2439 (COM [2003] 661 final). - Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique(adoptée le 8 décembre 2003).
E 2441 (COM [2003] 619 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël concernant les mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles n° 1 et 2 de l'accord d'association CE/Israël (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2446 (COM [2003] 691 final). - Proposition de règlement du Conseil portant dérogation, en ce qui concerne l'obligation de gel de terre pour la campagne 2004/2005, au règlement (CE) n° 1251/1999 (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2452 (COM [2003] 712 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la signature et l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et certains pays tiers (Azerbaïdjan, Kazakhstan, Tadjikistant et Turkménistan) sur le commerce de produits textes (modification et prorogation jusqu'au 31 décembre 2004) (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2453 (COM [2003] 754 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté europénne et le Royaume du Maroc concernant les mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles agricoles n°s 1 et 3 de l'accord d'association CE/Royaume du Maroc : proposition de la Commission européenne en date du 5 décembre 2003 (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2456 (COM [2003] 733 final). - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire des dispositions commerciales et des mesures d'accompagnement de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part : proposition de la commission européenne en date du 28 novembre 2003 (adoptée le 17 décembre 2003).
E 2460 (COM [2003] 788 final). - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 1031/2002 du Conseil du 13 juin 2002 instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etas-Unis d'Amérique (adoptée le 12 décembre 2003).
E 2467 (COM [2003] 798 final). - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles (modification et prorogation jusqu'au 31 décembre 2004) (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2468 (COM [2003] 774 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (adoptée le 22 décembre 2003).
E 2377 (11770/03). - Initiative de la République italienne en vue de l'adoption d'une directive du Conseil concernant l'assistance au transit, à travers le territoire d'un ou de plusieurs Etats membres, dans le cadre des mesures d'éloignement prises par les Etats membres à l'égard des ressortissants de pays tiers. (texte transformé en simples conclusions du conseil JAI du 25 novembre 2003).
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n° 215, 2003-2004), dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires culturelles.
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 12 FÉVRIER 2004
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 13 février 2004, de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 215, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 18 février 2004, de MM. Roland Courteau, Raymond Courrière, Bernard Dussaut, Philippe Madrelle, Jean Besson, Bernard Piras, André Vézinhet, Alain Journet, Simon Sutour, Gérard Delfau, Bertrand Auban, Claude Domeizel, Daniel Raoul, René-Pierre Signé et Guy Penne une proposition de loi visant à distinguer le vin des autres boissons alcooliques.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 218, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 16 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-propos de budget rectificatif n° 1 au budget 2004. Etat général des recettes et des dépenses par section. - Section III. - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2511, annexe 1, et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 16 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant les médailles et les jetons similaires aux pièces en euros. Proposition de règlement du Conseil étendant l'application du règlement (CE) concernant les médailles et les jetons similaires aux pièces en euros aux Etats membres non participants.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2514 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 16 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 884 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/93/CE en ce qui concerne la possibilité pour certains Etats membres d'appliquer, à titre temporaire, aux produits énergétiques et à l'électricité, des niveaux réduits de taxation ou des exonérations.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2515 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 17 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Décision du Conseil concernant l'approche de la criminalité liée aux véhicules ayant des incidences transfrontalières.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2516 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 19 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1073/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2517 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 19 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (EURATOM) n° 1074/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2518 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 20 février 2004, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instaurant un cadre unique pour la transparence des qualifications et des compétences (EUROPASS).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2519 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 16 février 2004, de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Contat et Simon Sutour un rapport d'information, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, à la suite d'une mission effectuée en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna du 9 au 20 septembre 2003.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le n° 216 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 17 février 2004, de M. Jean-Pierre Masseret un rapport d'information, fait au nom des délégués du Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur l'activité de cette Assemblée au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2003.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le n° 217 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 25 février 2004, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 183, 2003-2004) pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Rapport (n° 210, 2002-2003) de M. Paul Blanc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour des inscriptions de parole
et pour le dépôt d'amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics (n° 209, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er mars 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 1er mars 2004, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Robert Del Picchia, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Christian Cointat, Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, André Ferrand et Michel Guerry, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 128 rect., 2003-2004) ;
- et la proposition de loi de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Guy Penne et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 208, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 mars 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 2 mars 2004, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 février 2004, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Eligibilité au fonds de compensation de la TVA
435. - 12 février 2004. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur les difficultés rencontrées par les maires pour obtenir l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA (FCTVA) des travaux d'enfouissement des réseaux électriques et téléphoniques réalisés par les communes ainsi que la construction d'équipements sportifs ou socio-éducatifs mis à disposition d'associations. Alors que le législateur n'a jamais souhaité exclure ce type d'équipements ou de travaux du remboursement de la TVA, des instructions successives sont venues restreindre sensiblement le champ de celui-ci. Il le prie de bien vouloir préciser les initiatives qu'il compte prendre afin d'aplanir ces difficultés et faire en sorte que ces dépenses d'investissements puissent être éligibles au FCTVA.
Carte scolaire pour 2004
436. - 16 février 2004. - M. Jean-Claude Peyronnet attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur le démantèlement du service public de l'éducation nationale. Le rectorat vient de rendre officielle la carte scolaire pour 2004 faisant apparaître la suppression de dix-huit formations au sein de lycées professionnels, et mettant en sursis l'apprentissage de langues vivantes et/ou anciennes dans les filières générales. De telles mesures menacent l'existence même des structures éducatives et vont à l'encontre des efforts entrepris pour maintenir un maillage efficace du territoire en matière d'éducation et de formation. L'académie de Limoges a certes perdu un certain nombre d'élèves, mais la démographie est redevenue positive. Aussi, cela ne saurait expliquer de telles mesures et la péréquation entre les régions ne peut pas justifier une atteinte de cet ordre au maintien d'un service public aussi essentiel. Aussi, et parce qu'il en va de l'avenir de la jeunesse et de la cohésion territoriale, il souhaiterait qu'il lui explique en quoi la carte scolaire nouvellement établie traduit bien la prise en compte de l'intérêt des élèves et non l'expression d'une logique purement comptable.
CIDEM et lutte contre l'abstention
437. - 16 février 2004. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur une question que nos concitoyens se posent au sujet de l'association Civisme et Démocratie, appelée communément CIDEM. Chacun a pu lire dans la presse que cette association était en charge de la campagne officielle d'incitation au vote. Chacun a pu lire également que les instituts de sondage prévoient pour les prochaines élections une désaffection à nouveau très importante des urnes. Aussi lui demande-t-il de bien vouloir lui rappeler quels sont les statuts de cette association, quelles en sont les missions, comment et par qui celles-ci sont définies, de quel budget elle dispose, si celui-ci est en augmentation ou en diminution, la part de fonctionnement dans ce budget et, enfin, quelles sont ses sources de financement. Il lui demande également si des études ont été faites pour évaluer l'impact de ses actions et quelles en sont les conclusions. Etant donné le taux de l'abstention dans notre pays, il lui demande enfin s'il ne conviendrait pas de mettre en place un dispositif qui s'appuierait sur les élus locaux et soutiendrait des initiatives plus proches du terrain, plus imaginatives, plus en phase avec nos concitoyens, et donc plus à même de les mobiliser.
Restrictions budgétaires dans les établissements scolaires parisiens
438. - 23 février 2004. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur les restrictions budgétaires que subissent les établissements scolaires parisiens tant du premier que du second degré. Dans le secondaire, au niveau national, le nombre de postes mis au concours 2004 est réduit à 12 500 pour les concours externes. C'est un tiers de moins qu'en 2003. Il faut remonter à la fin des années 1980 pour retrouver des chiffres aussi faibles. Ces mesures se traduisent à Paris par une réduction de 4 500 heures d'enseignement dans les collèges et lycées, car Paris subit non seulement les coupes budgétaires décidées au plan national mais aussi celle d'un plan dit de « retour à l'équilibre » spécifique à l'académie de Paris, ce qui induit la suppression de 111 postes supplémentaires. Quant au primaire, les postes pourvus, même en augmentation de 20 unités, sont totalement insuffisants au regard des besoins et de la montée pédagogique prévue pour la rentrée 2004-2005. Cette situation était déjà critique cette année. Cela s'est particulièrement vu dans les importants dysfonctionnements lors des remplacements d'instituteurs à Paris. Cette situation souligne le manque de postes à Paris. Ces suppressions de moyens, tant dans le primaire que dans le secondaire, amplifieront considérablement les inégalités scolaires à Paris en réduisant les chances de réussite de tous les élèves et en premier lieu des élèves en difficulté. Ces mesures apparaissent comme une véritable déclaration de guerre aux populations des arrondissements du Nord-Est parisien et touchent de plein fouet les établissements situés en ZEP (zone d'éducation prioritaire). De plus l'enseignement technique et professionnel, déjà mis à mal à Paris, subit une attaque en règle. Le volume de l'enseignement y serait réduit de 750 heures. Une nouvelle fois ce sont les classes populaires qui en subiront les conséquences. Par conséquent, elle lui demande ce qu'il compte faire pour revenir sur ces restrictions de moyens, tant dans le premier que dans le second degré, et pourvoir aux postes nécessaires en vue de permettre aux élèves de continuer à bénéficier d'un enseignement public de qualité.
Publication des décrets d'application de la loi
sur l'initiative économique
439. - 23 février 2004. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur le retard de la promulgation des décrets d'application de la loi sur l'initiative économique n° 2003-721 du 1er août 2003. Ce retard est préjudiciable à la réalisation de nombreux projets, notamment dans la région Languedoc-Roussillon.
Redevance d'archéologie préventive
440. - 24 février 2004. - M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences du calcul de la redevance d'archéologie préventive qui va renchérir le coût des travaux de construction de toutes les collectivités territoriales. En effet, le seul fait de prendre pour assiette le terrain où doit être réalisée la construction, quelle que soit la taille de celle-ci, a pour inconvénient, lorsque la superficie du terrain est importante, comme cela est souvent le cas dans les communes rurales, d'amener la commune à devoir s'acquitter d'une redevance en totale disproportion avec l'opération envisagée ; il en découle que ces communes renoncent aux opérations de construction. C'est pourquoi il lui demande quelles dispositions il compte prendre pour remédier à cette situation qui obère anormalement les finances locales et, dans les cas les plus extrêmes, fige tout projet de construction.
Calcul du potentiel fiscal des communes membres
d'une communauté d'agglomération
441. - 24 février 2004. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'accroissement du potentiel fiscal d'une commune membre d'une communauté d'agglomération survenu depuis le passage au régime de la taxe professionnelle unique. Cet accroissement ne traduit pas, en fait, une capacité d'enrichissement réel et de plus minore les dotations auxquelles la commune peut prétendre. Il lui demande si la réforme prévue des finances locales permettra de résoudre cette inadéquation de surcroît pénalisante pour les communes.
Recours par les offices de tourisme aux contrats
à durée déterminée d'usage pour l'emploi des guides
442. - 24 février 2004. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat au tourisme sur le rôle important tenu par les guides des offices de tourisme dans le développement du tourisme culturel. Cette profession nécessite par essence une extrême flexibilité. A l'heure actuelle les règles tant légales que réglementaires ne permettent pas aux offices de tourisme de concilier flexibilité et respect des textes. Il demande par conséquent s'il est envisagé - ce qui correspondrait en fait à la reconnaissance d'un usage constant - de rajouter par voie réglementaire, l'activité des offices de tourisme sur la liste des secteurs d'activité pour lesquels il est possible de recourir à un contrat à durée déterminée d'usage.