II. UNE SITUATION SOCIALE FORTEMENT DÉGRADÉE
Le Gouvernement de M. Hariri est confronté à une paupérisation de la société libanaise . Le patriarche maronite a même évoqué le risque d'une " implosion sociale ". Pour sa part, M. Walid Joumblatt, Ministre des déplacés et responsable du Parti Socialiste Progressiste a préconisé une révision des priorités du programme de reconstruction en mettant l'accent sur les graves retombées socio-écomiques de la politique conduite par le Gouvernement.
A. UN MILLION DE LIBANAIS EN DESSOUS DU SEUIL DE PAUVRETÉ
L'absence de statistiques empêche de mesurer l'ampleur
des difficultés sociales. Toutefois, dans une étude
réalisée pour l'Économic and Social Committee for West
Asia, M. Antoine Haddad estime que 28 % des familles libanaises vivent
bien au-dessous du seuil de pauvreté, 250 000 personnes
étant " extrêmement pauvres ".
Les salaires n'ont pas été ajustés au niveau de
l'inflation, si bien que depuis 1992, les Libanais ont dû subir une perte
importante de leur pouvoir d'achat. Ainsi, le salaire minimum ne dépasse
pas 200 dollars par mois. La conséquence en est que les Libanais
sont réduits à la nécessité d'avoir plusieurs
activités.
Les étudiants se détournent de la fonction publique en raison de
la faiblesse des rémunérations qui, en outre, sont
libellés en livres libanaises, alors que le reste de la
société s'est " dollarisé ". Cette situation a
acculé le Gouvernement à une augmentation des recettes de l'Etat,
notamment pour faire face à une hausse significative des traitements des
fonctionnaires à compter de novembre 1995.
La classe moyenne n'est pas épargnée par cette crise sociale, car
ses revenus ont subi le contrecoup de la chute de la livre et de l'inflation
galopante (68,8 % en 1990, 10 % en 1995). Malgré les
augmentations concédées par l'Etat, le niveau des loyers, qui a
été pendant longtemps cristallisé, reste dérisoire.
Par exemple, le loyer d'un appartement de 50 millions de livres libanaises
atteint difficilement 500 000 livres, soit 1 % de
rentabilité sur la somme investie. Faute d'une épargne
suffisante, les " petits " propriétaires se trouvent dans
l'incapacité de reconstruire les logements détruits par la guerre.
Le risque est de voir s'élargir le fossé entre les
catégories sociales les plus aisées qui détiennent les
principales responsabilités du pays et le reste de la population. Se
pose également le problème de l'utilisation des nombreux
intellectuels qui sont formés au Liban.
Selon M. Kamal Hamdane, la crise sociale a atteint un seuil critique.
"
Les projets de reconstruction du Liban sont globalement positifs,
mais il s'agit maintenant d'y insérer des priorités sociales,
touchant des secteurs cibles spécifiques pour préserver au moins
les plus démunis, alors que l'ensemble de la population trouve encore
des moyens de compensation à travers les oeuvres de charité, la
corruption, la fraude, les transferts de l'étranger et la
démultiplication des travaux par individus
".