B. AUTONOMIE MAIS PILOTAGE NATIONAL DES ACHATS : ACCROÎTRE L'IMPLICATION DE L'ÉTAT DANS LE CONTRÔLE DE LA COMMANDE PUBLIQUE DES UNIVERSITÉS

1. Un renforcement nécessaire du contrôle de l'État

Le dialogue stratégique et de gestion (DSG) mis en oeuvre entre 2019 et 2022, qui visait à une répartition d'une partie des moyens accordés aux universités sur la base d'un dialogue entre le rectorat et les établissements d'enseignement supérieur, comportait une partie spécifiquement dédiée aux achats, pour identifier les améliorations envisageables pour dégager des marges de manoeuvre. Cette grille comportait une liste indicative des leviers d'économies achat, dont certains sont reproduits dans le tableau ci-après.

Exemples de propositions d'économies d'achats du ministère
auprès des universités dans le cadre du DSG pour 2022

Segment

Action

Abonnement et Documentation

Limiter les abonnements papiers et privilégier les abonnements numériques

Fournitures de bureau 

Questionner l'offre « fourniture de bureau » de l'UGAP

Limiter les commandes en dehors des marchés interministériels ou spécifiques ministères

Gardiennage

Remettre en concurrence les prestations attribuées à un marché UGAP

Voyages et déplacements 

Supprimer les voyages non essentiels

Aligner et appliquer la politique voyages sur les classes de confort les moins onéreuses

Energie (consommations électriques) 

Étude des fluctuations de la consommation de base en période d'inactivité (nuit, weekend...)

Actions d'efficacité énergétique pour baisser la consommation d'Energie, notamment via le dispositif des CEE

Prestations intellectuelles 

Favoriser les échanges entre ministères en matière de bonnes pratiques et de retours d'expériences en s'appuyant sur une mise en réseau des acteurs pour challenger les besoins, devis et offres et une plateforme de partage de livrables

Favoriser le recours aux ressources internes pour répondre aux besoins d'études et de prestations de conseil

Restauration et Alimentation

Mise en place d'accords-cadres interministériels de restauration collective

Véhicules légers

Professionnalisation de la gestion du parc

Source : commission des finances d'après les documents fournis par le ministère de l'enseignement supérieur

Si la démarche semble positive, le rapporteur spécial s'interroge sur le caractère peu contraignant de certaines des suggestions, alors que plusieurs des pistes d'économies semblent davantage relever du bon sens que d'un réel encadrement de la tutelle. À titre d'exemple, il est presque inquiétant de constater que le ministère sente nécessaire de suggérer aux universités de « professionnaliser la gestion du parc de véhicules » ou encore de « favoriser le recours aux ressources internes pour répondre aux besoins d'études et de prestations de conseil ».

De même, les questions posées par la tutelle aux universités dans le cadre du DSG restaient très génériques : « existe-t-il une démarche d'optimisation des achats » ; « quels sont les segments d'achats sur lesquels des marges de progression pourraient exister » et enfin « quelle est la stratégie de l'établissement en matière de dépenses énergétiques » ?

Si l'autonomie est plus que jamais souhaitable en matière pédagogique, et dans certains pans de leur gestion, le rapporteur spécial constate le caractère parfois vague et insuffisamment documenté, faute notamment d'outils informatiques adéquats, du pilotage effectué par le ministère, y compris sur les volets budgétaires. Le renforcement de l'autonomie, autre que pédagogique, des universités, ne doit pas signifier que l'État renonce aux moyens de contrôler l'utilisation des crédits qu'il alloue, quand bien même le ministère ne tient pas directement compte de l'évolution du montant des achats dans le mode de calcul des subventions pour charges de service public (SCSP).

Il semble primordial que la tutelle exerce un contrôle plus approfondi des achats des universités. Les universités doivent déjà élaborer divers documents de pilotage relatifs aux achats (programmation pluriannuelle et annuelle des achats et plan d'action achats annuel). Ces documents doivent constituer un réel instrument de contrôle et d'évaluation de la tutelle s'agissant de la performance des achats des universités.

La DAE a indiqué vouloir mettre en place à partir de 2024 un audit a posteriori aléatoire sur l'évaluation des prix obtenus et des prix de référence déclarés par les établissements publics, dont les universités, dans AppachWeb. Cette évaluation semble nécessaire au vu des lacunes observées supra dans les déclarations des universités sur ce logiciel.

2. Faire de la commande publique un axe structurant de la contractualisation État-universités

En loi de finances pour 202325(*), 35 millions d'euros étaient prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec certaines universités. Ces contrats devraient à terme être généralisés en trois vagues en se substituant au dialogue stratégique et de gestion, pour un financement total de 300 millions d'euros environ lorsque tous les établissements seront concernés.

La première vague des COMP a concerné 17 contrats pour 34 établissements, pour une allocation prévisionnelle de plus de 110 millions d'euros sur trois ans. Ce montant correspond à une augmentation de la subvention pour charges de service public comprise entre 0,72 % et 1 % selon les établissements. Les COMP visent quatre objectifs de politiques publiques (adaptation de l'offre de formation, recherche, transition écologique pour un développement soutenable et bien-être et réussite des étudiants) ainsi que le renforcement des fonctions de pilotage.

Un des objectifs des COMP porte sur l'amélioration du pilotage de l'établissement. À ce titre, des engagements peuvent théoriquement être pris en matière de performance des achats. À l'heure actuelle, ce n'est le cas que dans une seule université et sur un point très spécifique : le contrat de l'université de Clermont-Ferrand prévoit l'intégration d'une clause environnementale dans la plupart des marchés. À ce titre, les COMP sont donc en retrait par rapport au dialogue stratégique et de gestion, qui laissait une plus large part aux économies achat.

Au regard des enjeux financiers et des marges de manoeuvre budgétaires, cela semble très insuffisant. Le rapporteur spécial considère que des objectifs de performance des achats des universités doivent devenir systématiques dans les COMP. La mise en place d'indicateurs d'économies d'achat devrait être intégrée dans l'ensemble des contrats, de même que des indicateurs sur les achats responsables ou la mise en place d'une direction des achats ou d'un système d'information achat.

Cette modification des COMP pourrait intervenir alors que ces contrats sont en outre appelés à prendre une nouvelle ampleur avec « l'acte II de l'autonomie » annoncé par le Président de la République lors de son discours du 7 décembre 2023 sur l'avenir de la recherche. La ministre de l'enseignement supérieur avait indiqué au printemps 2024 avoir choisi de lancer une expérimentation au sein de neuf établissements. Ces établissements pilotes devront signer un avenant à leur COMP, ce qui pourrait constituer une occasion pour y intégrer des indicateurs relatifs aux achats.

En outre, il est impératif que les financements finalement attribués tiennent compte de l'atteinte des objectifs fixés dans les COMP : il doit s'agir de financements réellement conditionnés à l'atteinte des cibles, afin que les contrats aient réellement un caractère incitatif et non celui d'une subvention déguisée, comme cela a pu être à craindre par le passé.

Recommandation n° 9 : intégrer systématiquement dans les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) des indicateurs relatifs aux achats publics des universités et en particulier à la performance de ces achats (ministère de l'enseignement supérieur).


* 25 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

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