C. ÉTAT DES LIEUX DES ÉMISSIONS ACTUELLES

1. Émissions du secteur aérien en France et dans le monde

En France, les vols aériens domestiques émettent annuellement 5,4 Mt de CO2, soit 4 % des émissions du secteur des transports et 1,2 % des émissions totales du pays (en 2021, le secteur des transports générait 39 % des émissions de CO2eq nationales, 94 % étant issues du transport routier22(*)). En prenant en compte les soutes internationales, les vols au départ de la France émettent annuellement 24,3 Mt de CO2, ce qui représente 14,9 % des émissions du secteur des transports et 5,3 % des émissions françaises de gaz à effet de serre.

Émissions de CO2 - périmètre France

Source : Citepa et DGAC

Au niveau mondial, le secteur aérien a émis environ une gigatonne de CO2 en 2019, ce qui représente 11 % des émissions dues aux transports et 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

D'après le CITEPA, en 2020, avec la baisse du trafic résultant de la crise de la Covid-19, les émissions du trafic aérien international ont baissé de 57% par rapport à 2019. Le trafic ayant repris sa croissance, les émissions ont augmenté en 2023 de 16 % par rapport à 2022, mais restent 15 % plus basses qu'en 201923(*).

L'augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues au secteur aérien a été notable au cours des 30 dernières années. En France, ces émissions ont augmenté de 85 % entre 1990 et 2019, du fait des vols internationaux (+105 %) plutôt que des vols domestiques (+37 %). Compte tenu de la baisse des émissions de gaz à effet de serre sur la même période, la part de l'aérien dans les émissions françaises a été plus que doublée, passant de 2,4 % en 1990 à 5,3 % en 2019.

2. Quelles évolutions prévisibles ?

L'OACI estime que si aucune nouvelle mesure n'est prise, les émissions du transport aérien mondial en 2050 pourraient tripler par rapport au niveau de 2010, en lien avec une forte croissance du trafic mondial24(*).

En 2019, l'EASA prévoyait, en l'absence de progrès technologique, une augmentation de 37 % des émissions de CO2 du secteur aérien européen entre 2017 et 2040, dans l'hypothèse d'une poursuite de la croissance tendancielle du trafic aérien constatée avant la crise Covid25(*).

En avril 2024, l'Agence internationale de l'énergie (IEA) observe dans son rapport mensuel26(*) que, malgré une activité aérienne « à peu près équivalente », la demande de carburant pour le transport aérien « a diminué de plus de 6 % au second semestre 2023 par rapport à la même période en 2019 », estimant que « cette tendance devrait se poursuivre avec l'arrivée (...) d'un plus grand nombre de nouveaux avions » plus sobres en kérosène, ce qui contribuera à limiter l'effet de la progression de la demande de transport aérien sur les émissions de CO2 à moyen terme.

D'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), sans action complémentaire à celles déjà prises aujourd'hui, les émissions de CO2 liées aux vols au départ de la France pourraient augmenter de 26 % entre 2019 et 2050. Compte tenu de la baisse globale des émissions françaises, leur part dans celles-ci pourrait être multipliée par 4, atteignant 23 %.

3. Quels trajets et quels voyageurs émettent le plus ?

Les trajets les plus longs sont les moins nombreux, mais les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Au niveau mondial, les émissions proviennent à 80 % des vols de plus de 1 500 kilomètres, pour lesquels n'existe aucune alternative. 46 % des émissions sont dues aux vols long-courriers de plus de 4 000 kilomètres, alors qu'ils ne représentent que 6 % des vols.

De même, les émissions des vols au départ de la France proviennent à 80 % des vols internationaux moyen- et long-courriers (voir figure ci-dessous).

Source : The Shift Project 2021

Les vols de grande capacité sont les plus émetteurs. Au niveau européen, les avions monocouloirs effectuent la plus grande part des vols (65 %), mais les avions bi-couloirs sont ceux qui émettaient le plus de CO2 en 2019 (48 % des émissions totales).

Le segment des jets privés est celui qui émet le plus de gaz à effet de serre par passager. En effet, par passager, un jet privé émet 5 à 14 fois plus qu'un vol commercial27(*). Cette différence s'explique principalement par le nombre de passagers transportés par trajet : en moyenne 4,7 passagers par vol pour un jet privé, contre plusieurs centaines pour les vols commerciaux. Ce segment connaît également une croissance plus forte que les autres, qui se traduit par une augmentation plus rapide de ses émissions. Entre 2005 et 2019, les émissions de CO2 des jets privés européens ont augmenté de 31 %, contre 25 % pour l'aviation commerciale européenne.

Répartition des vols, émissions et NOx en fonction de la distance parcourue et du type d'aéronef en Europe

Source : EASA

Enfin, le coût carbone du secteur aérien est réparti inégalement dans la population. On estime que 1 % seulement de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur aéronautique28(*).

4. État des connaissances sur les effets non-CO2

L'estimation la plus récente du forçage du CO2 et des effets non-CO2 et de leurs incertitudes a été réalisé dans un article de Lee et al. (2021)29(*) consistant en une compilation et une analyse statistique des modélisations climatiques publiées dans la littérature scientifique, démarche similaire à celle mise en oeuvre par le GIEC.

Même si beaucoup d'incertitudes subsistent quant à l'impact des effets non-CO2, les auteurs estiment que l'aviation, avec ses effets CO2 et non-CO2, représentait en 2011 3,5 % du forçage radiatif induit au niveau mondial. Le CO2 n'en serait que la plus faible part, deux tiers provenant des effets non-CO2, en majorité des traînées de condensation.

Comme indiqué précédemment, les cirrus induits par les traînées de condensation se forment dans des régions sursaturées en glace. Ainsi, seuls certains vols génèrent des traînées de condensation durables. Une étude réalisée dans l'espace aérien du Japon a montré que 17,8 % des vols génèrent des traînées de condensation et que 2,2 % des vols génèrent 80 % de ces traînées. Cette étude demande des justifications supplémentaires mais suggère d'ores et déjà qu'une minorité de vols génère la majorité du forçage radiatif dû à l'aviation, ce qui était déjà le cas pour les seuls effets CO2.


* 22 Rapport Secten, Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques. Bilan des émissions en France de 1990 à 2022, Citepa, 2023.

* 23 Émissions de gaz à effet de serre en France : nouvelle estimation l'année 2023 avec les données SECTEN, CITEPA, 23 mai 2024.

* 24 Gregg G. Fleming et Ivan de Lépinay, Environmental Trends in Aviation to 2050, OACI, 2019.

* 25 Updated analysis of the non-CO2 climate impacts of aviation and potential policy measures pursuant to the EU Emissions Trading System Directive Article 30. Publications Office, EASA et EEA, 2020.

* 26 Oil Market Report, Agence internationale de l'énergie, avril 2024.

* 27 ONG Transport & Environnement

* 28 S. Gössling et A. Humpe, « The global scale, distribution and growth of aviation : Implications for climate change », Global Environmental Change, novembre 2020

* 29 D.S. Lee, et al., « The contribution of global aviation to anthropogenic climate forcing for 2000 to 2018 », Atmospheric Environment, Volume 24

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