C. UNE COLLECTE DIFFICILE DE LA BIOMASSE

Le problème de la finitude des ressources en biomasse est accentué par les difficultés d'accès à ces ressources. En effet, la collecte de la biomasse n'est pas effectuée entièrement ou soulève des difficultés.

Par exemple, dans l'étude précitée sur la mise en place d'une filière de biocarburants aéronautiques en France, le gisement d'huiles usagées et graisses est estimé à 0,5 Mt/an, dont 0,3 Mt/an seulement sont effectivement collectées. Ce gisement est diffus et sa collecte consomme beaucoup d'énergie. Ainsi, remplir une citerne de 25 tonnes nécessite de collecter les huiles usagées de 250 restaurants.

Un autre exemple concerne la biomasse forestière : les zones de grande densité en biomasse forestière sont peu nombreuses en France. Seules trois régions françaises abritent une biomasse forestière dont la concentration excède 25 t/km2. Pour en collecter suffisamment dans les régions à plus faible densité, il faudrait mettre en place des zones de collecte de plus de cent kilomètres de rayon. Le coût environnemental et logistique de la collecte deviendrait alors prohibitif.

D. UNE TRAÇABILITÉ DÉLICATE À GARANTIR

Lors de leur audition, les interlocuteurs du groupe Avril ont soulevé le problème de la traçabilité de la biomasse utilisée, qui s'avère difficile à contrôler. Par exemple, la composition chimique ne permet pas de déterminer avec certitude l'origine des huiles. En 2023, des millions de tonnes d'huiles usagées provenant de Chine, suspectées d'être en réalité de l'huile de palme « neuve », ont été ainsi importées en Europe.

Or, une augmentation, même involontaire, des importations d'huile de palme pourrait devenir problématique, car elle risque de se traduire par une extension de la déforestation dans les pays producteurs, qui serait génératrice de gaz à effet de serre et mettrait en péril des espèces menacées, comme l'orang-outan, le tigre de Sumatra ou l'éléphant pygmée de Bornéo.

Les systèmes dits « book and claim » pourraient apporter une réponse à ce problème. L'objectif premier de ces systèmes est de permettre aux compagnies aériennes d'acheter des crédits pour des carburants d'aviation durables qui se trouvent sur une autre plateforme aéroportuaire, permettant ainsi la compensation de leurs émissions sans nécessiter la livraison physique du carburant. De ce fait, elles peuvent revendiquer une réduction de leurs émissions de CO2, même si les carburants d'aviation durables n'alimentent pas directement leurs avions.

Le principal avantage d'un tel système est sa capacité à déconnecter physiquement l'achat des carburants durables de leur utilisation. Cette flexibilité est particulièrement utile dans un contexte où l'infrastructure nécessaire n'est pas uniformément disponible dans tous les aéroports. Faciliter par ce biais l'achat de carburants d'aviation durables peut augmenter la demande globale pour ces carburants, ce qui peut encourager la production et l'investissement dans les technologies de CAD, accélérant ainsi leur développement.

Un système « book & claim » européen devrait être conçu pour s'intégrer aux réglementations et politiques de l'Union européenne en matière d'énergie et de climat, de façon à assurer la conformité avec le cadre juridique tout en simplifiant le travail des compagnies aériennes, des fournisseurs de carburant et du régulateur.

Un tel système permettrait aux entreprises clientes des compagnies aériennes de prendre en compte dans le calcul de leurs propres émissions l'utilisation des carburants d'aviation durables sur les vols empruntés par leurs salariés. Ceci ouvre la voie à un partage du surcoût des CAD entre les compagnies aériennes et les entreprises, sachant que les vols en classe affaires représentent 30 % à 40 % du chiffre d'affaires des compagnies aériennes.

Mais un tel système n'est crédible que s'il est capable de tracer de façon fiable les données environnementales relatives aux carburants d'aviation durables, afin de garantir que les contraintes associées à leur usage (niveau de réduction des émissions, absence de concurrence avec l'alimentation, impact environnemental) sont réellement respectées.

Par exemple, le réseau RSB (Roundtable on Sustainable Biomaterials), originellement créé en 2007 par des universitaires pour répondre aux enjeux du développement des biocarburants et qui regroupe plus de 130 acteurs, tels que TotalEnergies, Airbus, Air France ou Amazon, propose depuis fin 2023 un système « book and claim » dont l'un des objectifs est de valider la conformité environnementale des carburants d'aviation durables.

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