B. LES OPÉRATIONS AU SOL, UNE RÉDUCTION DE LA CONSOMMATION DE CARBURANT HORS PROPULSION

Lorsque l'avion se trouve au sol, une partie du carburant est utilisé durant la phase de roulage et la phase de stationnement, afin d'alimenter les systèmes. Plusieurs améliorations substantielles peuvent intervenir lors de ces deux phases. Le groupe ADP vise ainsi une réduction de 10 % des émissions dans le périmètre air ou sol des aéroports Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly à l'horizon 2030-2035.

1. Une alimentation plus électrifiée pendant la phase de stationnement

L'énergie nécessaire à la phase de stationnement est d'ordinaire produite par les groupes auxiliaires de puissance (APU), en général des turbogénérateurs alimentés en kérosène qui sont destinés à fournir de l'énergie lorsque les moteurs de l'avion ne fonctionnent pas.

Le recours à l'APU est la principale source d'émissions de CO2 lorsque l'avion est statique. Ces émissions représentent 0,3 million de tonnes de CO2 pour l'ensemble des vols sur le territoire français, soit 1,2 % de l'ensemble des émissions du transport aérien.

Pour réduire la consommation de carburant, le chauffage et la climatisation pourraient être alimentés en électricité par un équipement présent sur l'aéroport. Dans son plan « Pioneers 2025 », le groupe ADP prévoit d'installer une alimentation électrique sur chaque place de stationnement. Cependant, la généralisation d'une telle mesure dépend du potentiel de décarbonation du mix électrique utilisé et impliquerait des investissements lourds pour équiper toutes les installations aéroportuaires.

2. Une optimisation des trajectoires et de l'utilisation des moteurs pendant la phase de roulage

La phase de roulage est réalisée avec les moteurs principaux de l'avion. Le roulage dure en moyenne 22 minutes dans les grands aéroports. Il peut atteindre 40 minutes dans certains aéroports comme Amsterdam. Cette phase peut représenter jusqu'à 6 % de la consommation totale de carburant sur les vols court-courriers d'avions monocouloirs dans des aéroports congestionnés. En France, elle génère environ un million de tonnes de CO2 par an.

Le trajet des avions jusqu'à la piste de décollage n'est pas optimal. Des systèmes intelligents agissant en temps réel pourraient y remédier. Par exemple, le système Green Apron Management d'Airbus utilise des capteurs et l'intelligence artificielle pour une meilleure gestion des aéronefs lors des escales aéroportuaires. Dans sa feuille de route pour le climat, le groupe ADP prévoit d'installer des systèmes permettant de minimiser le roulage de l'avion. Ces systèmes pourront agir en temps réel dans le futur.

Outre les systèmes intelligents, plusieurs initiatives permettent de réduire l'utilisation de carburant lors du roulage : SETI/SETO (single engine taxi in/out), EGTS (Electric Green Taxiing System) et STAR (système de traction des avions au roulage) ou taxibot.

L'initiative SETI/SETO consiste à éteindre l'un des deux moteurs lors de la phase de roulage, avant décollage (taxi-out) ou après atterrissage (taxi-in), la poussée des moteurs récents étant généralement suffisante pour assurer la propulsion au sol. En 2023, 50 % des compagnies aériennes pratiquaient le SETI et 20 % le SETO, en raison de contraintes de sécurité ou d'opérations, en particulier par crainte de découvrir un problème à l'allumage des moteurs au seuil de la piste et de devoir faire demi-tour. Cependant, le frein majeur à la généralisation serait la difficulté à faire évoluer les habitudes et procédures de pilotage. Le groupe ADP souhaiterait généraliser cette pratique dans le cadre de son plan « Pioneers 2025 ».

Si les pratiques de SETI/SETO imposent d'utiliser au moins l'un des moteurs principaux, les systèmes de roulage électrifiés permettent, en s'en passant complètement, d'augmenter l'efficacité énergétique de la phase de roulage, donc de réduire les émissions. En effet, les moteurs principaux des avions, optimisés pour le vol, ne sont pas conçus pour la propulsion au sol, ce qui entraîne une consommation de carburant disproportionnée lors des phases de roulage. Ce problème est particulièrement marqué pour les vols court et moyen-courriers, qui passent en proportion plus de temps au sol par rapport à la durée totale du vol.

L'électrification du roulage peut être assurée par l'ajout de moteurs au train d'atterrissage, un système dénommé EGTS (Electric Green Taxiing System, en français système de roulage électrique écologique), ou par un système de traction des avions au roulage (STAR).

Système EGTS

Source : Safran

Safran a commencé à concevoir un EGTS au début des années 2010, avant de s'associer avec l'américain Honeywell pour mettre au point un système qui pourrait être ajouté au train d'atterrissage principal des avions après leur construction.

Lors du roulage jusqu'aux pistes ou depuis celles-ci, l'EGTS utilise les groupes auxiliaires de puissance (APU) pour alimenter des moteurs électriques montés sur les roues du train d'atterrissage principal. D'après Safran, sur un Airbus A320 effectuant un vol de 1 000 kilomètres, la réduction de consommation due à l'EGTS pourrait atteindre 4 %99(*).

Cependant, le système EGTS proposé par Safran et Honeywell posait des problèmes de poids et de place pour l'installation des moteurs électriques sur le train d'atterrissage, si bien que les constructeurs ont refusé de l'intégrer par défaut à leurs appareils. Néanmoins, il a été adopté par quelques compagnies aériennes, par exemple Vueling pour ses avions monocouloirs Airbus.

Depuis 2022, Safran développe un EGTS plus intégré et plus léger qui pourrait être pour l'essentiel logé dans les roues des avions.

Le système de traction des avions au roulage (STAR) est une alternative intéressante pour pallier le problème de poids des EGTS. Il consiste en un tracteur électrique qui se fixe sur l'avion au sol et permet un roulage commandé depuis le cockpit. Un seul appareil de ce type est aujourd'hui certifié : le Taxibot, fabriqué par la société française TLD Group.

La mise en oeuvre de tels systèmes nécessite néanmoins des modifications sur l'avion et une formation des pilotes, qui seraient réalisables en moins de 5 ans100(*). Par ailleurs, une gestion efficace des services aéroportuaires impliquerait d'assurer la disponibilité des tracteurs électriques pour l'ensemble de la flotte en demande à un instant donné, contrairement aux systèmes intégrés de type EGTS. Enfin, le temps moyen de rotation d'un avion est plus long qu'avec un EGTS, puisqu'il doit attendre le tracteur.


* 99 Electric Green Taxiing System (EGTS) for Aircraft - IEEE Transportation Electrification Community.

* 100 Crise(s), climat : préparer l'avenir de l'aviation, The Shift Project, 27 mai 2020.

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