D. LES ENJEUX RELATIFS AUX INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES

L'hydrogène utilisé dans les avions devra au préalable avoir été acheminé et stocké dans les aéroports, à moins que ces derniers ne disposent d'infrastructures de production d'hydrogène décarboné sur site, ce qui, compte tenu des volumes requis, semble peu envisageable en l'état actuel des technologies.

Le transport de l'hydrogène s'effectue en général par pipeline, sous forme gazeuse, ou par la route, après compression ou liquéfaction. Les aéroports devront donc disposer d'un raccordement à un pipeline ou être approvisionnés par la route. Ils devront également être dotés d'une plateforme de stockage et, le cas échéant, d'une installation de liquéfaction de l'hydrogène pour pouvoir mettre celui-ci à la disposition des avions.

L'infrastructure requise pour chaque aéroport apparaît donc substantielle, à la fois par la surface au sol et l'investissement nécessaires. Or, les contraintes de l'aviation commerciale imposent de déployer ces installations à grande échelle : compte tenu des risques de déroutement d'un avion en cas d'incident technique, elles ne peuvent être limitées à quelques très grands aéroports.

Lors de son audition, Pierre Farjounel a présenté la solution conçue par sa société pour simplifier le transport et la manipulation de l'hydrogène liquide ou gazeux. Elle est basée sur l'utilisation de réservoirs modulaires transportés des sites de production du gaz jusqu'aux aéroports en utilisant le réseau de fret intermodal et les équipements de manutention existants, minimisant ainsi les contraintes logistiques pour les aéroports (voir figure ci-après). Si une telle solution pourrait réduire les investissements nécessaires dans les aéroports pour la distribution de l'hydrogène, elle nécessiterait, pour être généralisée, une standardisation des réservoirs qui devraient pouvoir être utilisés par tous les avions utilisant de l'hydrogène, indépendamment de leur constructeur.

ADP, qui gère notamment les aéroports Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly, a indiqué qu'il est actuellement en discussion avec le gestionnaire du port du Havre afin de prévoir le transport d'hydrogène pour ces deux aéroports, qui sont déjà connectés par pipeline pour leur approvisionnement en kérosène. Pour ADP, les infrastructures hydrogène doivent être planifiées dix ans à l'avance : environ 20 hectares sont d'ores et déjà réservés au déploiement de l'hydrogène à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et sont aussi prévus dans le cadre du plan d'aménagement « Paris-Orly 2035 », annoncé le 21 février 2024.

À plus long terme, ADP envisage de combiner liquéfaction sur site et livraison d'hydrogène sous forme gazeuse. La société envisage également d'utiliser l'hydrogène pour décarboner certaines opérations au sol nécessitant de forts appels de puissance, qui ne peuvent de ce fait être électrifiées. Les besoins en hydrogène sont évalués par ADP à 700 tonnes par jour pour l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et à 350 tonnes par jour pour l'aéroport de Paris-Orly. À titre de comparaison, 900 000 tonnes d'hydrogène sont actuellement consommées en France chaque année, ce qui représente environ 2 500 tonnes par jour.

Vision projective de l'aéroport du futur

Source : Safran

Par ailleurs, un protocole d'accord a été signé entre Air Liquide, Airbus et ADP en juin 2021 pour préparer l'accueil d'avions à hydrogène dans une trentaine d'aéroports.

L'hydrogène ne pouvant a priori être utilisé pour les long-courriers, Safran a souligné la nécessité de créer des hubs multi-carburants dans les aéroports, regroupant une offre en hydrogène, en kérosène et en carburants d'aviation durables, ce qui pourrait représenter un obstacle significatif pour les aéroports les plus petits.

La mise en oeuvre de systèmes de ravitaillement en hydrogène cryogénique dans les aéroports représente également un enjeu de taille. En 2022, ArianeGroup, maître d'oeuvre des lanceurs Ariane 5 et 6, a été sélectionné par Airbus pour assurer la conception, la production et le support technique des opérations du système de ravitaillement au sol qui sera utilisé pour remplir et vidanger l'hydrogène liquide des réservoirs de l'Airbus A380 MSN 191(*), qui sera testé en 2026 avec un moteur à hydrogène liquide92(*).


* 91 Premier Airbus A380 produit.

* 92 Arianegroup sélectionné par Airbus pour soutenir son programme de démonstration d'avion zéro émission, Arianegroup, juin 2022

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