C. DE NOMBREUX PROJETS D'AVIONS À HYDROGÈNE EN COURS DE DÉVELOPPEMENT

Des entreprises de toutes tailles, du leader mondial Airbus aux start-up, en France comme à l'étranger, travaillent sur la conception d'avions à hydrogène et, pour certaines, font déjà voler des prototypes.

En 2020, Airbus a relancé les études sur l'utilisation de l'hydrogène pour la propulsion aéronautique, avec le programme ZEROe qui vise à commercialiser un premier avion à hydrogène en 2035. Soutenu par le plan de soutien à l'aéronautique de 2020, le projet doit explorer plusieurs solutions de motorisation : turboréacteur, turbopropulseur ou pile à combustible, ainsi que différentes architectures de cellule.

Vue d'artiste de l'un des projets ZEROe d'Airbus

Trois concepts sont à l'étude : un moyen-courrier de 120 à 200 passagers propulsé par un turboréacteur spécialement modifié, capable d'effectuer des vols de plus de 3 500 kilomètres ; un avion régional de 100 passagers utilisant un turbopropulseur, capable de parcourir plus de 1 800 kilomètres ; une aile volante à fuselage intégré de 200 passagers propulsée par des turboréacteurs à hydrogène, dont le rayon d'action sera comparable à celui du concept de moyen-courrier. Pour les avions de forme conventionnelle, l'hydrogène à très basse température serait stocké dans des réservoirs situés dans la partie arrière du fuselage. Le choix entre ces trois concepts aura lieu vers 2025, la commercialisation d'un premier appareil étant prévue pour 2035.

Dans le cadre du programme ZEROe, des tests en vol des moteurs à hydrogène sont d'ores et déjà prévus. Airbus a noué un partenariat avec CFM International pour préparer un vol d'essai qui sera effectué fin 2026 par un Airbus A380 équipé d'un turboréacteur fonctionnant à l'hydrogène.

En septembre 2023, le premier vol habité d'un avion à pile à combustible à hydrogène a été réalisé dans le cadre du projet européen Heaven destiné à démontrer la faisabilité de l'utilisation de l'hydrogène cryogénique à bord d'un avion. Le démonstrateur quadriplace HY4 de la société allemande H2Fly, spécialiste des piles à combustible, a effectué plusieurs vols. Cette société envisage d'étendre la technologie à l'aviation régionale, en développant de nouvelles piles à combustible, plus puissantes.

De son côté, la start-up française Blue Spirit Aero, lauréate en 2023 de « France 2030 », développe un avion d'aéroclub de quatre places, capable de voler durant 3 heures sur 700 kilomètres, qui pourra être par la suite décliné en une famille d'avions plus grands. Le concept repose sur une propulsion électrique distribuée, plusieurs groupes propulsifs étant installés tout au long de la voilure. Chacun comporte sa propre chaîne de traction hydrogène, avec un réservoir d'hydrogène gazeux, une pile à combustible et une hélice. Cet avion sera prioritairement destiné aux écoles de pilotage professionnelles.

En effet, Olivier Savin, son fondateur et PDG, a indiqué qu'il sera nécessaire de former dans les vingt prochaines années environ 30 000 pilotes par an dans le monde, contre 10 000 actuellement. De plus, la moyenne d'âge de la flotte des écoles s'établissant à 45 ans, son renouvellement devient inévitable. La France compte à elle seule un millier d'écoles de pilotage et plus de 2 000 avions-écoles en service. Compte tenu des options technologiques prudentes retenues, Blue Spirit Aero espère obtenir une certification de son premier avion dès 2025, pour une commercialisation en 2026.

Vue du projet Dragonfly

Source : Blue Spirit Aero

La startup Beyond Aero, basée à Toulouse, conçoit elle aussi des avions dotés d'un système de propulsion électrique à hydrogène. En février 2024, Beyond Aero a réalisé le premier vol d'un avion français propulsé par une motorisation hybride-électrique à hydrogène : l'ULM G1, baptisé Blériot, est motorisé par une chaîne propulsive prototype, comportant une pile à combustible alimentée en hydrogène gazeux, couplée à une batterie électrique.

Beyond Aero prévoit de mettre sur le marché l'avion d'affaires hybride-électrique à hydrogène « One », doté d'une capacité de 4 à 8 passagers et capable de franchir une distance de près de 1 500 kilomètres à une vitesse maximale de 575 km/h. Son poids de moins de 8,6 tonnes lui permettrait d'entrer dans le cadre de certification simplifié de la norme CS-2390(*) (« Normal, Utility, Aerobatic and Commuter Aeroplanes ») de l'EASA, d'où une commercialisation à partir de 2030.

Prototype du projet One

Source : Beyond Aero

Pour sa part, la société américaine ZeroAvia prévoit de décliner, entre 2025 et 2029, des piles à combustible à hydrogène destinées à une gamme d'avions régionaux, allant d'une vingtaine de places (puissance de 600 kilowatts) à 90 places (5 mégawatts ou plus).

De fait, les moteurs à pile à combustible à hydrogène étant proches sur le plan fonctionnel des turbopropulseurs, ils peuvent se substituer assez facilement à ces derniers. Universal Hydrogen, qui dispose d'une filiale à Toulouse, a présenté un kit de conversion à l'hydrogène permettant d'équiper certains avions régionaux à turbopropulseurs actuels, tels que l'ATR-72 ou le De Havilland Canada Dash-8, de moteurs électriques alimentés par une pile à combustible à hydrogène, ainsi que de réservoirs internes d'hydrogène liquide (LH2). L'installation de ces réservoirs substituables d'une largeur de deux mètres nécessite de supprimer une partie des sièges. Un ATR-72 conserverait ainsi une capacité d'une cinquantaine de passagers. L'un des points forts de cette solution, outre la réutilisation des flottes existantes, est que la certification d'un avion modifié sera plus simple que celle d'un aéronef à hydrogène radicalement nouveau.

Le rayon d'action d'un ATR-72 ainsi converti à l'hydrogène serait d'environ 700 kilomètres, ce qui permettrait de couvrir une grande partie des routes actuelles de cet avion dans le monde. En mars 2023, un avion Dash-8 dont l'un des deux turboréacteurs a été remplacé par un groupe motopropulseur électrique à pile à combustible a effectué un premier vol de 15 minutes. En juin 2023, il a atteint une altitude de 3 000 mètres. L'intégration complète de cette solution est prévue pour la fin de l'année 2024.

ATR-72 en cours de conversion à Blagnac

Source : Universal Hydrogen


* 90 Decision n° 2003/14/RM of the executive director of the agency, EASA, 14 novembre 2003.

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