PREMIÈRE PARTIE
ÉTAT DES LIEUX DE L'AVIATION ET DE SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL

I. UN SECTEUR INTERNATIONAL ET INNOVANT

A. UNE ÉVOLUTION RAPIDE DEPUIS UN SIÈCLE

1. Les premiers balbutiements de la conquête de l'air

Les débuts de la conquête de l'air remontent à la fin du XVIIIe siècle, avec le développement des ballons à air chaud par les frères Joseph-Michel et Jacques-Étienne Montgolfier. En 1783, le premier vol habité en ballon a lieu à la Folie Titon. Cette première incursion dans le ciel est suivie de progrès dans le domaine des engins plus légers que l'air, notamment avec les dirigeables, qui utilisent des gaz légers tels que l'hydrogène pour s'élever. Bien que prometteurs pour le transport de passagers et de marchandises comme pour les applications militaires, les dirigeables voient leur développement freiné par leurs performances limitées, leur relative fragilité et les risques mis en évidence par des catastrophes telles que l'incendie du Hindenburg en 1937.

2. Les pionniers des engins « plus lourds que l'air »

La véritable genèse de l'aviation moderne commence avec les frères Orville et Wilbur Wright. Le 17 décembre 1903, à Kitty Hawk, en Caroline du Nord, ils effectuent le premier vol contrôlé et prolongé d'un aéronef motorisé plus lourd que l'air sur le Flyer, une machine volante qu'ils ont conçue et réalisée.

Quelques années plus tôt, en 1890, près de Paris, Clément Ader est probablement déjà parvenu à faire décoller sur quelques mètres un engin plus lourd que l'air motorisé : l'avion Éole, dont les ailes sont inspirées de celles des chauves-souris. Mais la conception de l'appareil, en particulier l'absence de gouverne de direction efficace, ne permettait pas un vol stable et contrôlé.

Après l'exploit des frères Wright, les vols et les progrès s'enchaînent aussi bien en France qu'aux États-Unis. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot effectue la première traversée de la Manche à bord d'un avion monoplan léger de sa conception : le Blériot Type XI. Cet appareil, produit jusqu'en 1931, fut le premier avion utilisé à des fins militaires, le 23 octobre 1911, durant la guerre italo-turque, pour un vol de reconnaissance au-dessus de Tripoli.

3. L'impact de la Première guerre mondiale sur l'évolution de l'aviation

La Première guerre mondiale accélère le développement des technologies aéronautiques en initiant une compétition intense entre les belligérants, qui permet d'étendre les applications militaires de l'aviation de la reconnaissance à la chasse aérienne, en passant par l'appui rapproché au sol et le bombardement. Les fragiles aéronefs du début du conflit laissent la place à des machines beaucoup plus robustes et plus puissantes, dotées d'un fuselage métallique, capables d'atteindre des vitesses relativement élevées et d'effectuer des manoeuvres complexes.

4. Les années 1920-1930, âge d'or de l'aviation

Après la guerre, ces avancées technologiques sont transposées dans le domaine civil et les pilotes démobilisés sont engagés par les premières compagnies aériennes. En 1927, le vol transatlantique en solitaire de Charles Lindbergh à bord du Spirit of Saint Louis accroît l'intérêt du public pour l'aviation. Au cours de cette période, le développement de moteurs plus efficaces et l'introduction des premiers avions de ligne modernes, tels que le Boeing 247 ou le Douglas DC-3, révolutionnent le transport aérien commercial en permettant des voyages plus sûrs, plus rapides et plus confortables. Ces progrès contribuent à la croissance des compagnies aériennes, en particulier aux États-Unis.

5. La Seconde guerre mondiale, une étape décisive

Durant la Seconde guerre mondiale, des technologies aussi révolutionnaires que les radars ou les turboréacteurs sont développées. Le passage de l'hélice au moteur à réaction permet des vols à haute altitude, à des vitesses proches de 800 kilomètres par heure2(*). Ces nouvelles conditions de vol imposent aux ingénieurs de revoir intégralement la conception des avions : forme, matériaux, manoeuvre de décollage, pressurisation, etc.

6. L'essor de l'aviation commerciale moderne

Après la guerre, les industriels rentabilisent les efforts financiers et technologiques fournis durant le conflit3(*). Face à ces évolutions, la première conférence internationale de l'aviation civile se tient en 1944 à Chicago. Elle voit la création de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) qui assure, encore aujourd'hui, la coordination du secteur aéronautique mondial. Cette conférence permet également de fixer les premières normes de sécurité aérienne, ouvrant la voie à une nouvelle accélération du développement de l'aéronautique.

En effet, les progrès techniques et le nouveau cadre réglementaire international permettent le développement à grande échelle du marché du transport commercial, en particulier de passagers. Les chocs pétroliers de la décennie 1970 incitent les compagnies aériennes à densifier les vols et les routes aériennes, afin de contenir les coûts et améliorer la rentabilité.

À la fin des années 1970, le trafic aérien croît à un rythme annuel moyen de 5 %, porté par une baisse constante des coûts par kilomètre et par passager. Cette évolution permet la démocratisation du voyage aérien, qui constitue la troisième révolution de l'aéronautique.

Évolution du trafic aérien depuis les années 1930

(unité en ordonnées : « T » = « tera » = 1012)

L'indicateur ASK ou « available seat kilometers » correspond à la capacité aérienne disponible (produit du nombre de sièges disponibles et du nombre de kilomètres parcourus).
L'indicateur RPK ou « passenger seat kilometers » désigne le nombre de kilomètres réellement parcourus par les clients.

7. Une baisse drastique de la consommation unitaire de carburant compensée par une hausse plus rapide du trafic aérien

Pour résister à la concurrence et abaisser la consommation de carburant des appareils, les avionneurs innovent constamment. Ils proposent des modèles de plus en plus légers et performants, en modifiant la taille ou la forme des ailes, les matériaux ou encore en améliorant les performances du moteur.

Ainsi, depuis les premiers avions à réaction du début des années 1970, la consommation de carburant par kilomètre et par passager a baissé de 80 %. Avec la mise en service des avions de dernière génération (familles Airbus A320 neo, A330 neo, A350, Boeing B737 MAX et B787), elle est inférieure, par passager, à 3 litres aux 100 kilomètres.

Cependant, sur la même période, le trafic aérien a été multiplié par 13. Les émissions de CO2 du trafic aérien ont donc quasiment triplé depuis les années 1970.

Il est généralement admis que l'aviation commerciale (avions de ligne et avions cargo) représente à ce jour environ 2 % à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit l'équivalent de celles d'un pays comme l'Allemagne ou de la production industrielle mondiale d'un gaz tel que l'hydrogène.

Émissions mondiales de gaz à effet de serre par secteur en 2016

Source : Hanna Ritchie d'après des données de Climate Watch, de World Ressources Institute


* 2 La vitesse des avions de ligne a peu évolué depuis la décennie 1950. Actuellement elle se situe aux alentours de 900 km/h.

* 3 675 000 avions ont été construits dans le monde au cours des cinq années du conflit (Universalis, Edmond PETIT, Pierre SPARACO, « AVIATION - Histoire de l'aviation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 septembre 2023.

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