C. LES LIMITES À LA PROTECTION DE LA JEUNESSE

1. Intérêts et limites des logiciels de filtrage

Comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, il est très facile pour un jeune de tomber sur des contenus choquants, intentionnellement ou non. Ainsi l'accès aux contenus pornographiques non payants est-il très aisé car la principale mesure de protection est un disclaimer , c'est-à-dire un simple dégagement de responsabilité du responsable du site. Le site annonce qu'il est interdit aux mineurs et demande à l'utilisateur de « déclarer sur l'honneur qu'il est majeur » . Le système étant uniquement déclaratif, aucun contrôle d'âge n'est possible. L'idée même d'une déclaration sur l'honneur pour un mineur est en fait assez contradictoire et montre bien le caractère illusoire de cette barrière du disclaimer . Un autre système doit donc être mis en place, qui repose sur le contrôle parental.

Le contrôle parental consiste à instaurer une interdiction d'accès à des sites ou des portions de sites , à des forums ou à des blogs en fonction de certains critères qui sont généralement liés au sexe, à la violence, à la haine raciale. Deux types de filtre existent :

- les filtres pour enfants : accès à une « liste blanche » de sites autorisés ;

- les filtres pour adolescents : accès à tout le web sauf à « une liste noire » de sites interdits, repérés et gérés par un moteur d'analyse. Cette liste noire donne accès à l'ensemble de l'Internet, mais bloque des sites en fonction de certains critères . En France, la qualité de ces logiciels est testée régulièrement par l'association e-enfance, financée sur fonds publics.

En mars 2008, l'association e-enfance a relevé une nette amélioration des filtres des fournisseurs d'accès. Selon Mme Christine du Fretay, présidente de l'association, « en mode ado, les sites pornographiques sont toujours très bien filtrés, mais les jeux d'argent le sont aussi beaucoup mieux qu'avant ». La secrétaire d'État chargée de la famille affirme que le filtrage est assuré en moyenne à 80 % s'agissant des sites pornographiques et celui des sites d'argent à 90 %. Pour les sites violents ou racistes, ainsi que les sites incitant à la consommation de drogues, le taux de filtrage se situerait dans une fourchette de 50 à 60 % alors qu'il était aux alentours de 20 à 30 % en 2006.

Par ailleurs, certains logiciels de contrôle intègrent une limite horaire de durée de connexion et/ou un contrôle des âges pour la connexion aux jeux vidéo.

Ces points sont extrêmement positifs et laissent à penser que la maîtrise des nouvelles technologies dans le but de protéger la jeunesse est possible.

Votre rapporteur se félicite donc que les fournisseurs d'accès à Internet se soient engagés à fournir automatiquement et gratuitement un logiciel lors de l'abonnement.

Pour autant, des limites majeures restreignent l'efficacité de ces logiciels.

Tout d'abord, comme l'a souligné Mme Dominique Versini lors de son audition, « aucun contrôle parental ne permet un contrôle du courrier électronique ». Les messageries instantanées ne sont pas non plus protégées et des contenus illicites peuvent y apparaître.

En outre la difficulté technique de l'utiliser est également un obstacle majeur. Ainsi, la Défenseure des enfants note-t-elle que si 85 % des parents connaissent l'existence du contrôle parental, seulement 37 % l'ont mis en service (baromètre Médiamétrie, décembre 2006), essentiellement à cause de sa lourdeur d'utilisation . M. Yves Laborey, chargé de mission à la délégation interministérielle aux usages de l'Internet 85 ( * ) souligne par ailleurs que « pour la majorité des parents, gérer des profils différents dans leur système d'exploitation, c'est déjà une terre inconnue . Ce premier écueil nuit au message sur l'utilité des filtres parentaux. Parce qu'ils ne veulent pas ou ne savent pas utiliser différents profils, beaucoup d'adultes voient les logiciels de contrôle parental comme un frein à leur propre navigation ». A cet égard, M. Éric Besson notait dans le même magazine qu'une « étude menée sur 9600 collégiens a mis en évidence des comportements à risque de la part des parents : présence d'un ordinateur dans la chambre des enfants pour 46 % d'entre eux, téléchargement de vidéos à la demande des parents pour 25 % alors que le téléchargement est l'une des premières sources d'exposition à des contenus choquants ».

L'une des principales faiblesses de ces logiciels réside enfin dans les « surblocages » , c'est-à-dire le filtrage d'un contenu qui est pourtant acceptable dans son contexte 86 ( * ) . Le site de Fil santé jeunes est par exemple filtré alors que c'est un site dont la mission de service public est d'informer les jeunes.

C'est la raison pour laquelle il pourrait être utile que l'État définisse une norme de qualité minimale pour ces logiciels. Mme Nadine Morano souhaite mettre en place un label « famille » sur les logiciels de contrôle parental 87 ( * ) . Aux yeux de votre rapporteur cette formulation est redondante.

Il préconise en revanche qu'un véritable label de qualité soit délivré par l'État afin que les familles puissent déterminer quel est le meilleur outil de protection des mineurs.

L'idée évoquée par la secrétaire d'État à la famille, d'une norme AFNOR pour ces logiciels qui réponde à un cahier des charges précis, paraît plus intéressante et il serait utile qu'elle soit définie rapidement également.

Le travail de l'ICRA (Internet Content Rating Association), association basée au Royaume-Uni, partenaire du programme européen pour un Internet plus sûr pourrait à cet égard être mis en valeur : il a pour objet d'aider les internautes à trouver ce qu'ils souhaitent sur la toile, c'est-à-dire avoir confiance dans ce qu'ils trouvent et éviter ce qu'ils ne veulent pas voir. La priorité de l'association est donc de définir des politiques de sécurité, de protection, et de classification.

S'agissant du contrôle parental sur les mobiles, il peut être activé sur un simple coup de téléphone passé au service client de l'opérateur, qui bloque tout accès à Internet 88 ( * ) . Le problème est donc qu'il n'est pas modulable et risque par conséquent de ne pas être utilisé.

* 85 « Regards sur le numérique » 3.0 septembre 2008.

* 86 Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, auditionnée le 3 juillet 2008, a insisté particulièrement sur cette difficulté qui bloque selon elle le développement de ces logiciels.

* 87 Audition du 3 juillet 2008 de Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.

* 88 Intervention de M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l'Association française des opérateurs de téléphonie mobile, à la table-ronde « Enfance en ligne, la parentalité à l'ère d'Interne »t, 25-26 avril 2006.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page