Article 8
(Article 72 du code de procédure
pénale)
Transport du juge d'instruction sur les lieux
d'un crime
ou délit flagrant
Cet
article tend à modifier l'article 72 du code de procédure
pénale.
Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit dans son premier
alinéa que lorsque le juge d'instruction est présent sur les
lieux d'un crime ou délit flagrant, le procureur de la République
ainsi que les officiers de police judiciaire sont de plein droit dessaisis
à son profit.
Cette disposition est directement issue du code d'instruction criminelle
établi en 1808, qui séparait les fonctions de poursuite et
d'instruction, mais admettait que le juge d'instruction qui se transportait sur
les lieux se saisissait lui-même et ouvrait une véritable
information. Le principe de dessaisissement du procureur et des officiers de
police judiciaire lorsque le juge d'instruction est présent sur les
lieux a été repris dans le code de procédure pénale
élaboré en 1958.
Le dessaisissement du procureur de la République et des officiers de
police judiciaire a pour conséquence que le juge d'instruction doit
accomplir tous les actes de police judiciaire dans le cadre de l'enquête
de flagrance
.
La jurisprudence est venue limiter les conditions dans lesquelles le transport
du juge d'instruction entraînait le dessaisissement du procureur et des
officiers de police judiciaire. Ainsi, en 1987, la Cour d'appel de Colmar a
annulé tous les actes accomplis par un juge d'instruction qui
s'était rendu sur les lieux 24 heures après la
découverte d'un crime et la clôture des opérations
urgentes, en considérant que "
si en la procédure de
flagrance la saisine s'opère par le transport sur les lieux, ce
transport qu'il soit l'oeuvre de l'officier de police judiciaire, du procureur
de la République ou du juge d'instruction (...) doit intervenir en un
temps ou l'infraction a encore conservé son caractère de
flagrance et qu'il ne suffit pas, s'agissant de ces deux derniers magistrats,
que l'enquête de flagrance soit toujours en cours
"
7(
*
)
.
En pratique, ce dessaisissement du procureur de la République et des
officiers de police judiciaire par le juge d'instruction dans le cadre de
l'enquête de flagrance n'est guère pratiqué.
L'article 72 peut cependant être une source de nullités,
dans la mesure où si le juge d'instruction se rend sur les lieux, il est
censé accomplir tous les actes de police judiciaire.
La loi du 4 janvier 1993 a abrogé cet article 72 du code de
procédure pénale contre l'avis du Sénat,
"
l'intervention, le cas échéant, du juge d'instruction
dans l'enquête de flagrance, ne lui paraissant pas devoir être
écartée par principe
"
8(
*
)
. L'article 72 a été
rétabli par la loi du 24 août 1993.
Le projet de loi soumis au Sénat tend à modifier cette
disposition pour prévoir que lorsque le juge d'instruction est
présent sur les lieux "
le procureur de la République
peut se dessaisir
". Une telle rédaction supprime donc toute
ambiguïté en ce qui concerne l'autorité compétente
pour accomplir les actes dans le cadre de l'enquête de flagrance.
Compte tenu de la désuétude dans laquelle est tombée cette
procédure de dessaisissement du procureur par le juge d'instruction,
compte tenu également du fait qu'un magistrat instructeur peut toujours
se rendre sur les lieux d'un crime ou d'un délit flagrant si cela
présente une utilité, votre commission des Lois vous propose
d'aller plus loin que le projet de loi et de supprimer par
amendement
les quatre premiers alinéas de l'article 72 relatifs au
dessaisissement automatique du procureur lorsque le juge d'instruction se rend
sur les lieux. Elle vous propose en revanche de ne pas supprimer le dernier
alinéa de l'article 72 qui permet au procureur, lorsqu'il est
présent sur les lieux et que le juge d'instruction l'est
également, de requérir l'ouverture d'une information
régulière dont est saisi le juge d'instruction présent.
Cette disposition peut en effet conserver une utilité dans certains cas.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.