Alternatives aux poursuites, renfort de l'efficacité de la procédure pénale et délégation aux greffiers des attributions dévolues par la loi aux greffiers en chef
FAUCHON (Pierre)
RAPPORT 486 (97-98) - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. ALTERNATIVES AUX POURSUITES ET COMPENSATION JUDICIAIRE : UNE RÉPONSE AU CONTENTIEUX DE MASSE
- II. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI : UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
- EXAMEN DES ARTICLES
-
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX ALTERNATIVES AUX POURSUITES -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA COMPÉTENCE DU JUGE UNIQUE
EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU JUGEMENT DES CONTRAVENTIONS-
Article 4
(Article 525 du code de procédure pénale)
Procédure simplifiée en matière de contraventions de police
-
Article 5
(Articles 529 et 529-6 du code de procédure pénale)
Procédure de l'amende forfaitaire -
Article additionnel après l'article 5
(Article 546 du code de procédure pénale)
Appel des jugements de police
-
Article 4
-
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS CONCERNANT
LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES PÉNALES-
SECTION 1
Dispositions concernant les enquêtes -
Article 6
(article 53 du code de procédure pénale)
Limitation de la durée de l'enquête de flagrance -
Article 7
(Articles 60 et 77-1 et 167 du code de procédure pénale)
Examens techniques et scientifiques réalisés
dans le cadre des enquêtes -
Article 8
(Article 72 du code de procédure pénale)
Transport du juge d'instruction sur les lieux
d'un crime ou délit flagrant -
SECTION 2
Dispositions concernant le déroulement de l'instruction -
Article 9
(Article 80 du code de procédure pénale)
Faits nouveaux en cours d'instruction -
Article 10
(Article 182 du code de procédure pénale)
Procédure de renvoi partiel -
Article 11
(Article 199 du code de procédure pénale)
Limitation des comparutions devant la chambre d'accusation
en matière de demandes de mises en liberté -
Article 12
(Article 385 du code de procédure pénale)
Constat des nullités des procédures
par le tribunal correctionnel -
SECTION 3
Dispositions concernant la comparution
des parties à l'audience -
Article 13
(Article 411 du code de procédure pénale)
Conditions pour qu'un prévenu
puisse être jugé en son absence -
Article 14
(Article 583 du code de procédure pénale)
Recevabilité du pourvoi en cassation
d'une personne qui ne se met pas en état -
Article 15
(Article 583 du code de procédure pénale)
Recevabilité du pourvoi formé
par une personne jugée en son absence -
SECTION 4
Dispositions concernant la conservation des scellés -
Article 16
(Article 41-1 du code de procédure pénale)
Durée de conservation des scellés -
Article 17
(Article 99-1 du nouveau code de procédure pénale)
Destruction ou aliénation des biens meubles saisis -
Article 18
(Article 706-30-1 nouveau du code de procédure pénale)
Destruction des substances stupéfiantes saisies -
SECTION 5
Dispositions diverses -
Article additionnel avant l'article 19
(Article 626 du code de procédure pénale)
Indemnisation des personnes condamnées et innocentées -
Article 19
(Article 667-1 nouveau du code de procédure pénale)
Simplification de la procédure de renvoi
d'une juridiction à une autre -
Article 20
(Article 803-1 nouveau du code de procédure pénale
Notification aux avocats par télécopie
-
SECTION 1
-
CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 2 juin sous la présidence de
M. Jacques Larché, président, et le mercredi 10 juin sous la
présidence de M. Charles Jolibois, vice-président, la commission
des Lois a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, le projet
de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant
l'efficacité de la procédure pénale.
Ce projet de loi tend en premier lieu à instituer une procédure
de compensation judiciaire qui permettrait à un procureur de proposer
à une personne majeure reconnaissant avoir commis des délits ou
contraventions limitativement énumérés, certaines mesures,
en particulier le paiement d'une indemnité et l'accomplissement de
travaux non rémunérés. La procédure de compensation
judiciaire proposée est en fait très proche de l'injonction
pénale votée par le Parlement en 1994, mais
déclarée contraire à la Constitution. Pour répondre
aux objections du Conseil constitutionnel, le projet de loi prévoit une
validation de la compensation judiciaire par le président du tribunal de
grande instance.
Le projet de loi contient par ailleurs des dispositions très diverses
qui concernent toutes les phases de la procédure pénale.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a souligné que la procédure de
compensation judiciaire ne permettrait pas à elle seule de
remédier à l'engorgement de la justice pénale, mais
qu'elle constituerait néanmoins un progrès à cet
égard. Il a estimé qu'elle constituait un premier pas vers
l'introduction d'un " plaidé coupable " à la
française, qui permettrait de substituer une logique de
responsabilisation à une logique de répression.
A la suite de la présentation par le rapporteur de l'économie du
projet de loi, la commission a adopté des amendements tendant
principalement à :
- supprimer les dispositions visant à inscrire dans la loi les pratiques
d'ores et déjà suivies par les procureurs en matière
d'alternatives aux poursuites ;
- remplacer le terme de " compensation judiciaire " par celui de
" composition pénale " ;
- inscrire dans la loi la faculté donnée au procureur de proposer
une composition pénale directement ou par l'intermédiaire d'un
officier ou agent de police judiciaire ou d'une personne habilitée ;
- prévoir qu'en cas de refus ou d'inexécution de la composition
ainsi qu'en cas d'absence de validation de la composition, le procureur doit
exercer l'action publique, sauf élément nouveau ;
- supprimer la possibilité offerte au juge unique par l'article 3 du
projet de renvoyer à la collégialité certaines affaires
lorsque la complexité des faits le justifie ;
- supprimer la disposition de l'article 11 limitant le droit des personnes en
détention provisoire de comparaître personnellement devant la
chambre d'accusation ;
- disjoindre l'article 19 tendant à permettre au premier
président d'une cour d'appel de renvoyer à une autre juridiction
du ressort une affaire, lorsque la juridiction compétente ne peut
être composée. La commission a en effet rappelé à
cette occasion son souhait de voir mise en oeuvre une réforme de la
carte judiciaire susceptible de répondre à de telles
difficultés.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est appelé à examiner le projet de loi relatif
aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale.
Son premier objectif est de tenter d'apporter un remède à
l'absence de réponse pénale donnée à un très
grand nombre d'infractions. Le développement considérable de la
petite délinquance a pour corollaire un taux de classements sans suite
qui n'a cessé d'augmenter au cours des dix dernières
années.
Le présent projet de loi, qui contient par ailleurs des dispositions
très disparates, tend donc principalement à mettre en oeuvre une
nouvelle procédure, qui permettrait au procureur de proposer certaines
mesures aux personnes majeures reconnaissant avoir commis certains
délits ou contraventions. L'idée n'est pas neuve, puisqu'elle ne
constitue qu'une nouvelle version de l'injonction pénale
déclarée contraire à la Constitution en 1995.
On peut être sceptique sur la capacité d'un tel remède
à mettre fin à lui seul à l'engorgement de la justice
pénale. Il convient cependant d'examiner ce dispositif avec un esprit
constructif, compte tenu des effets positifs qu'il pourrait avoir.
I. ALTERNATIVES AUX POURSUITES ET COMPENSATION JUDICIAIRE : UNE RÉPONSE AU CONTENTIEUX DE MASSE
A. LA JUSTICE PÉNALE IMPUISSANTE
1. Des chiffres toujours inquiétants
Depuis
de nombreuses années déjà, s'est fait jour le constat
d'une incapacité de notre justice à faire face à la
prolifération d'un petit contentieux, souvent appelé contentieux
de masse, en matière civile comme en matière pénale.
En
matière pénale, l'impuissance de notre justice se traduit par des
taux de classement sans suite qui ont constamment augmenté au cours des
dix dernières années pour atteindre 80 % en 1995 et 1996
. Si
l'on ne prend en considération que les procédures dans lesquelles
l'auteur de l'infraction est connu, ce taux reste d'environ 50 %. Le tableau
ci-après retrace les évolutions récentes dans ce domaine.
Ces données n'ont d'ailleurs qu'une valeur relative puisqu'elles ne
prennent en compte que les infractions " enregistrées ". La
" connaissance des auteurs " prise en considération pour le
calcul du nombre d'infractions poursuivies est elle-même une variable qui
est en partie commandée par l'efficacité du système
judiciaire.
La justice pénale ne peut s'accommoder de cette situation qui signifie
en fait l'impunité complète pour un grand nombre de
délinquants et l'insécurité chronique de leurs victimes.
Un classement sans suite, lorsque l'auteur de l'infraction est connu, est un
formidable aveu d'impuissance à l'origine d'une perte des repères
sociaux pour un certain nombre de jeunes délinquants, en particulier
dans les zones urbaines. Les statistiques déjà
inquiétantes en elles-mêmes, masquent le fait que nombre de
victimes elles-mêmes ont désormais intégré cette
impuissance de la justice et renoncent bien souvent à porter plainte.
C'est ainsi que grâce à l'amende forfaitaire ou à
l'ordonnance pénale, des contraventions de police sont bien plus
sûrement réprimées que des délits intentionnels tels
que le vol à l'étalage...
Il semble toutefois que les statistiques relatives aux classements sans suite
doivent être affinées pour avoir une idée
véritablement précise du nombre d'infractions
" poursuivables " qui font l'objet d'un tel classement.
D'après les informations transmises à votre rapporteur, la
Chancellerie a décidé de mettre en place une réforme de la
statistique pénale qui devrait permettre de recenser
précisément les motifs de classement : classements pour motifs
juridiques (absence d'infraction, infraction insuffisamment
caractérisée, prescription, amnistie...), pour poursuite
inopportune (désistement du plaignant, préjudice ou trouble peu
important...), après réussite d'une procédure alternative
(médiation, rappel à la loi...) et, enfin, par non identification
de l'auteur. Une première expérimentation sur quatre tribunaux au
cours des derniers mois de 1997 a montré que les taux de classement sans
suite sur les infractions " poursuivables " se situeraient entre 25
et 33 % selon les juridictions, ce qui est donc très inférieur au
taux de classement des infractions dont l'auteur est connu. Il est permis de
s'étonner d'apprendre que de telles informations ne sont pas encore
disponibles à l'échelle de l'ensemble des ressorts.
Il reste qu'affiner l'outil statistique ne résoudra pas la grande
difficulté de la justice pénale à traiter un contentieux
proliférant.
2. La recherche de solutions alternatives
Pour
tenter d'améliorer la réponse pénale apportée
à ce contentieux de masse, les parquets ont progressivement eu recours,
en l'absence de texte, à certaines alternatives aux poursuites qui se
sont progressivement développées.
Les classements sous conditions, les rappels à la loi ou les
admonestations, la médiation, ont pris une importance croissante au
cours des dernières années. La médiation pénale,
qui s'est d'abord développée hors de toute base légale, a
été consacrée par le législateur dans la loi du
4 janvier 1993. Il semble que ces procédures donnent bien
souvent des résultats très encourageants. D'après les
statistiques fournies par les parquets, le nombre total de procédures
alternatives aux poursuites mises en oeuvre est passé de 37.649 en 1992
à 90.128 en 1996. Au tribunal de Meaux, alors que le nombre de jugements
correctionnels a été de 4.200 en 1997, le nombre de
médiations pénales a été de 800 et le nombre de
classements sous conditions de 130. Le nombre de réponses pénales
a donc été sensiblement accru dans ce tribunal grâce
à ces procédures.
Dans certains cas, la médiation permet bien plus sûrement la
réparation au moins partielle du dommage causé à la
victime qu'un jugement du tribunal correctionnel
. Souvent, en effet, il est
très difficile d'assurer l'exécution des mesures
pécuniaires prononcées par le tribunal. En matière
d'abandon de famille, la médiation peut se révéler un
outil précieux, dans la mesure où elle permet une réponse
rapide. Lorsque le tribunal correctionnel est appelé à statuer
sur des affaires de défaut de versement de pensions alimentaires, il le
fait bien souvent alors que la situation a déjà changé et
que le contentieux entre les époux a été porté
devant le juge aux affaires familiales. Tous ces avantages procèdent de
ce qu'il s'agit de procédures qui associent l'auteur de l'infraction
à la réparation de celle-ci, ce qui permet de faire
prévaloir une logique de responsabilité sur une logique de
répression.
Malgré ces résultats encourageants, il faut bien constater que
ces réponses alternatives n'ont aujourd'hui qu'une faible importance
quantitative.
B. LE PROJET DE LOI : LE RETOUR DE LA TRANSACTION EN MATIÈRE PÉNALE
Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet principal d'améliorer le fonctionnement des alternatives aux poursuites, qui s'apparentent en fait davantage à des alternatives aux classements, et de proposer de compléter les possibilités actuelles par l'introduction d'une compensation judiciaire qui, sous d'autres noms, a déjà connu une histoire mouvementée.
1. Codifier les alternatives aux poursuites
Le
projet de loi a tout d'abord pour objet d'inscrire dans la loi les alternatives
aux poursuites utilisées depuis plusieurs années
déjà par les parquets. D'ores et déjà, la
médiation pénale a été consacrée par le
législateur dans l'article 41 du code de procédure pénale.
Le projet de loi tend à formaliser d'autres pratiques :
- le rappel à la loi ;
- l'orientation vers une institution sanitaire, sociale ou professionnelle ;
- la régularisation par l'auteur des faits de sa situation au regard de
la loi ou des règlements ;
- la réparation du dommage causé.
L'inscription dans la loi de ces possibilités déjà
très bien connues des parquets permettrait de prévoir que la mise
en oeuvre de ces différentes procédures suspend la prescription
de l'action publique, dont le Gouvernement estime qu'elle
peut être un
frein à l'utilisation de ces pratiques, la marge du procureur pouvant se
trouver réduite en cas d'échec des mesures.
2. La compensation judiciaire ou le retour de la transaction
La
disposition la plus importante du projet de loi est incontestablement celle qui
concerne la compensation judiciaire, nouvel avatar de ce qui s'appela
successivement transaction pénale, composition pénale, injonction
pénale avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel,
compte tenu du pouvoir qu'il donnait au procureur de mettre en oeuvre des
mesures restrictives de liberté.
En 1994, lorsque M. Pierre Méhaignerie, alors Garde des Sceaux, proposa
d'instituer une possibilité de transaction en matière
pénale, cette suggestion rencontra un grand nombre d'oppositions.
Actuellement, la transaction n'est qu'un mode très exceptionnel
d'extinction de l'action publique. L'article 6 du code de procédure
pénale prévoit que l'action publique peut s'éteindre par
transaction "
lorsque la loi en dispose expressément
"
;
il en va notamment ainsi en matière fiscale (article L.248 à
L. 251 du livre des procédures fiscales) et douanière (article
350 du code des douanes)
ainsi qu'en matière de délits et
contraventions commis dans les bois et forêts soumis au régime
forestier (article L. 153-2 du code forestier), d'infractions
à la législation relative au transport aérien
(article L. 330-9 du code de l'aviation civile) et d'infractions aux
dispositions du code rural sur la pêche en eau douce
(article L. 238-1 du code rural). Les critiques formulées
à l'encontre de la transaction concernaient en particulier le sort de la
victime et le risque de porter atteinte à la force de la sanction
pénale en donnant le sentiment que l'impunité peut être
achetée.
Le Sénat et sa commission des Lois en particulier avait, pour sa part,
cherché à améliorer le dispositif proposé en
constatant qu'il était manifestement impossible de répondre
à la petite délinquance de masse dans le cadre de la
procédure pénale classique.
Le dispositif proposé aujourd'hui est très proche de l'injonction
pénale qui avait été adoptée en 1995 par les deux
assemblées. Il s'agit de
permettre au procureur de proposer une ou
plusieurs mesures à une personne majeure qui reconnaît avoir
commis certains délits ou contraventions limitativement
énumérés.
Les mesures en cause pourraient être le versement d'une indemnité
au Trésor public, le dessaisissement de la chose qui a servi ou
était destinée à commettre l'infraction, la remise pour
une durée limitée du permis de conduire ou du permis de chasse,
la réalisation d'un travail non rémunéré, enfin la
réparation des dommages causés à la victime lorsqu'elle
est identifiée.
Les mesures proposées devraient être acceptées par l'auteur
des faits. En cela, la compensation judiciaire revêt incontestablement un
caractère transactionnel. Si les mesures n'étaient pas
exécutées ou si l'auteur des faits ne donnait pas son accord, le
procureur de la République devrait apprécier la suite à
donner à la procédure. La prescription de l'action publique
serait suspendue entre la date de la proposition par le procureur et la date
d'expiration des délais impartis pour répondre à la
proposition.
L'exécution de la compensation éteindrait l'action
publique
, ce qui distingue cette procédure des autres alternatives
aux poursuites d'ores et déjà utilisées par les parquets.
En 1995, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à
la Constitution le dispositif de l'injonction pénale adopté par
le Parlement. Dans sa décision du 2 février 1995
1(
*
)
, le Conseil a estimé que le dispositif de
l'injonction pénale était contraire à la Constitution en
" considérant que certaines mesures susceptibles de faire
l'objet d'une injonction pénale peuvent être de nature à
porter atteinte à la liberté individuelle ; que dans le cas
où elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des
sanctions pénales ; que le prononcé et l'exécution de
telles mesures même avec l'accord de la personne susceptible d'être
pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de
délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une
autorité chargée de l'action publique mais requièrent la
décision d'une autorité de jugement (...) ".
Pour répondre à cette objection,
le Gouvernement propose que
la compensation judiciaire fasse l'objet d'une validation par le
président du tribunal.
Ce magistrat pourrait entendre l'auteur des
faits et la victime et serait même tenu de le faire à leur
demande. En l'absence de validation, la proposition de compensation judiciaire
deviendrait caduque.
Manifestement pour compenser l'alourdissement de la procédure
qu'entraînera cette validation, le Gouvernement a choisi de
présenter un dispositif moins précis que celui de 1995 en ce qui
concerne les formalités applicables au début de la
procédure (modalités de la proposition et de l'acceptation de la
compensation), afin de laisser une certaine souplesse au dispositif.
Le tableau ci-après établit la comparaison entre ces deux
dispositifs.
L'INJONCTION PÉNALE ET LA COMPENSATION
JUDICIAIRE
Tableau comparé
|
Injonction pénale 2( * ) |
Compensation judiciaire 3( * ) |
Infractions concernées |
- appels
téléphoniques mal-veillants (art. 222-16 du code
pénal) ;
|
Idem
+
violences ayant entraîné une incapacité totale de travail
pendant plus de huit jours (art. 222-11) ;
|
Conditions tenant à la personne poursuivie |
-
personne majeure ;
|
-
personne majeure ;
|
Mesures susceptibles d'être proposées |
-
versement au Trésor public d'une somme n'excédant
ni
50 000 F ni la moitié du maximum de la peine d'amende encourue
.
Prise en compte des circonstances de l'infraction, des ressources et des
charges de la personne concernée ;
|
-
versement d'une indemnité au Trésor public n'excédant pas
10 000 F
. Prise en compte de la gravité des faits ainsi
que des ressources et des charges de la personne.
Possibilité d'un
versement échelonné selon un échéancier fixé
par le procureur
, à l'intérieur d'une période maximale
de six mois ;
|
Procédure |
-
notification par le procureur de la République à la personne
concernée soit en la faisant comparaître devant lui, soit par
lettre recommandée, soit par officier ou agent de police judiciaire ;
|
-
compensation proposée par le procureur ;
|
Consé-quences du refus ou de l'inexécution des mesures proposées |
Le procureur de la République, sauf élément nouveau, exerce l'action publique. |
Le procureur de la République apprécie la suite à donner à la procédure. |
Consé-quences de l'exécution des mesures proposées |
-
extinction de l'action publique ;
|
-
extinction de l'action publique ;
|
Inscription des injonctions ou compen-sations |
- inscription à un registre national des injonctions pour 5 ans. Consultation par les seules autorités judiciaires |
Néant |
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : SOUTENIR UN DISPOSITIF UTILE EN L'AMELIORANT
Tout en approuvant le dispositif aujourd'hui proposé, votre commission souhaite rappeler les propositions qu'elle a formulées afin de résoudre les problèmes posés par le contentieux de masse.
1. Le souhait de votre commission face au contentieux de masse : une rénovation des tribunaux d'instance
En 1994,
lorsque la transaction pénale a été proposée par
M. Pierre Méhaignerie, alors Garde des Sceaux, le Sénat a
soutenu cette disposition et a cherché à l'améliorer pour
lui donner la plus grande efficacité possible. La réflexion de la
commission des Lois du Sénat a depuis cette époque
progressé, notamment sur l'impulsion de la mission relative aux moyens
de la justice qu'elle a créée en son sein
4(
*
)
. Il lui est apparu que la véritable solution au
traitement du contentieux de masse réside vraisemblablement dans une
refonte des tribunaux d'instance, qui paraissent particulièrement aptes
à traiter ce type de contentieux. Les juges de paix créés
au 19ème siècle avaient pour mission de traiter un petit
contentieux essentiellement rural et s'acquittaient efficacement de cette
mission. Il existe aujourd'hui un contentieux de masse, désormais urbain
ou suburbain, qui pourrait être traité par les tribunaux
d'instance, sans que cela entraîne des coûts prohibitifs. Les
expériences des maisons de justice pourraient être pleinement
valorisées dans ce contexte.
C'est dans le fonctionnement de ces tribunaux d'instance rénovés
que les magistrats à titre temporaire institués en 1995
trouveraient leur meilleure raison d'être. Les magistrats professionnels
exerceraient naturellement un rôle directeur dans le fonctionnement de
ces tribunaux.
Dans sa déclaration sur la réforme de la Justice prononcée
au Sénat le 22 janvier dernier, Mme le Garde des Sceaux
reconnaissait que le tribunal d'instance était "
la juridiction
de proximité par excellence
". Votre commission souhaite que la
réflexion se poursuive sur ce sujet.
La réforme des tribunaux d'instance lui paraît seule à
même de permettre d'absorber le contentieux de masse en donnant de
véritables réponses aux justiciables et en satisfaisant mieux aux
principes généraux de l'organisation judiciaire et notamment
à ceux rappelés par le Conseil constitutionnel dans sa
décision du 2 février 1995.
2. L'utilité de la compensation judiciaire
La
disposition la plus importante du projet de loi qui nous est soumis ne doit pas
pour autant être écartée, dans la mesure où elle
répond à un souci d'efficacité immédiate.
La compensation judiciaire, s'il ne faut pas en attendre qu'elle résolve
à elle seule la question du grand nombre d'infractions qui demeurent
impunies, est une mesure qui présente des avantages réels.
En premier lieu, elle permettra
d'apporter une réponse à
nombre d'infractions qui font aujourd'hui l'objet de classements sans suite et
de soulager l'audience de certaines affaires ni graves ni complexes
. On
peut même penser que, si elle est suffisamment utilisée par les
parquets, elle pourrait provoquer certains changements de comportements. Des
infractions qui, aujourd'hui ne font bien souvent, même pas l'objet de
plaintes, comme le vol à l'étalage, pourraient recevoir une
réponse tout à fait appropriée. A l'inverse, des affaires
qui, aujourd'hui, font l'objet d'une audience correctionnelle,
mériteraient de bénéficier de cette
procédure ; le temps ainsi dégagé permettrait de
traiter de manière plus approfondie des affaires plus graves. Dans
certains cas, la compensation sera plus favorable à la victime que
l'audience correctionnelle elle-même, qui ne garantit pas que les mesures
prononcées pourront être exécutées.
En second lieu, cette nouvelle forme d'alternative aux poursuites constitue un
premier pas vers la mise en oeuvre d'une forme de " plaidé
coupable ".
Votre rapporteur considère que le
" plaidé coupable " constitue une piste qui ne doit pas
être négligée dans la recherche d'une solution à
l'engorgement de la justice pénale. Il y voit en outre le germe d'une
conception nouvelle, plus humaniste de cette justice.
Certes, le " plea bargaining ", tel qu'il est pratiqué aux
Etats-Unis, fait l'objet de certains excès et donne parfois l'impression
d'être un véritable marchandage qui ne grandit pas la justice.
Faut-il pour autant se priver d'un système dans lequel l'auteur de faits
répréhensibles reconnaîtrait sa faute et ferait l'objet
d'une sanction immédiate moins grave que celle qu'il encourrait en
l'absence d'aveu ? Est-il vraiment choquant qu'une personne poursuivie commence
à faire amende honorable avant d'être condamnée en
reconnaissant les faits qu'elle a commis et en cherchant à les
réparer, facilitant ainsi l'action de la justice? Ne s'agit-il pas d'une
voie plus conforme à la dignité humaine et, de ce fait, plus
éducative et donc plus efficace ?
Le " plaidé coupable " permet d'associer la personne
poursuivie à la décision la concernant. Il peut avoir un effet de
responsabilisation, peut permettre une prise de conscience et ne bafoue en rien
les droits de la défense lorsqu'il est pleinement volontaire.
Votre commission approuve donc l'introduction du plaidé coupable dans
une procédure alternative aux poursuites et souhaite que la
réflexion se poursuive sur l'application de cette notion dans la
procédure pénale proprement dite.
3. Les améliorations possibles
Votre
commission souhaite que le texte proposé puisse être mis en oeuvre
dans les meilleures conditions et qu'il ne contienne que des dispositions qui
relèvent réellement du domaine législatif. Elle vous
propose à cette fin certaines modifications.
Tout d'abord, elle estime inopportun d'inscrire dans la loi les pratiques
auxquelles recourent d'ores et déjà les procureurs en
matière d'alternatives aux poursuites. Il lui est en effet apparu que
ces procédures étaient déjà très bien
connues et que s'il s'avérait nécessaire de les rappeler aux
procureurs, une circulaire du Garde des sceaux serait plus appropriée
qu'un texte législatif.
L'argument selon lequel l'inscription de ces mesures permettrait de suspendre
la prescription n'a pas pleinement convaincu votre commission. En
matière de délits , la prescription est de trois ans et l'on
ne voit guère comment des mesures destinées à
accélérer les réponses aux infractions pourraient ne pas
avoir été mises en oeuvre dans ce délai.
Enfin, l'inscription des pratiques existantes dans la loi, pourrait laisser
penser que les procureurs n'ont pas d'autre possibilité que celles que
le législateur aurait consacrées. Il convient de laisser ouverte
la possibilité que se développent de nouvelles alternatives aux
poursuites si l'évolution du contentieux pénal le justifie. Votre
commission vous propose donc la suppression du texte proposé pour
l'article 41-1 du code de procédure pénale.
En revanche, votre commission soutient les dispositions relatives à la
compensation judiciaire, mais vous propose de les améliorer. Il
paraît tout d'abord souhaitable de dire clairement ce que recouvre le
dispositif créé et de ne pas chercher à en dissimuler la
nature sous des artifices de vocabulaire.
Comme le dispositif mis en oeuvre
en 1995, il s'agit bien d'une forme de transaction pénale, qui requiert
l'acceptation de l'auteur des faits
. Votre commission vous propose donc,
comme elle l'avait fait lors de l'examen du texte adopté en 1995, de
donner au dispositif le nom de
composition pénale
, dans le mesure
où ce terme décrit mieux le contenu de la disposition que celui
de compensation judiciaire, plus vague et moins approprié. De
même, le terme d'indemnité pour désigner la somme
versée au Trésor public semble lui aussi vouloir masquer la
nature réelle de la mesure proposée. Votre commission vous
propose de la qualifier d'
amende de composition
. Il lui paraît
préférable d'appeler les choses par leur nom.
Par ailleurs, votre commission souhaite qu'en cas d'échec de la
procédure, le procureur de la République soit tenu, sauf en
présence de faits nouveaux, d'
exercer l'action publique
. Il
paraît en effet contestable qu'après avoir mis en oeuvre ce
dispositif et constaté l'inexécution des mesures par l'auteur des
faits ou le refus par le Président de valider la composition, le
procureur puisse classer une affaire.
En outre, il paraît indispensable de conserver une trace des mesures
exécutées dans le cadre de cette procédure, celles-ci
revêtant incontestablement le caractère de sanctions, même
s'il s'agit de sanctions acceptées. Elle vous proposera donc d'instituer
un
registre
national des compositions pénales.
Enfin, votre commission souhaite attirer l'attention sur le risque que cette
disposition ne soit pas utilisée autant qu'il est souhaitable, du fait
de la complexité de la procédure. La validation par le
président du tribunal constitue une contrainte supplémentaire par
rapport au dispositif de 1995, même si l'on peut penser que cette
validation revêtira, dans la plupart des cas, un caractère formel.
Volontairement, le Gouvernement a souhaité que le déroulement de
la procédure ne soit pas trop détaillé afin
d'éviter d'imposer des contraintes trop lourdes aux actions
concernées.
Votre commission estime que, pour être pleinement
efficace, ce nouveau dispositif doit être compatible avec la
méthode de " traitement direct " des affaires et a donc
souhaité préciser que le procureur pouvait formuler sa
proposition directement ou par l'intermédiaire d'un officier ou agent de
police judiciaire ou d'une personne habilitée.
La réserve la plus sérieuse que peut susciter la disposition
concerne le sort de la victime. Celle-ci serait informée de la
proposition. Le procureur devrait obligatoirement proposer la réparation
des dommages causés à la victime lorsqu'elle est
identifiée. Toutefois, dans une procédure qui devra naturellement
être rapide pour présenter une utilité, il n'est pas
certain que le procureur puisse prendre pleinement en compte la situation de la
victime et évaluer réellement les dommages.
Il convient
cependant de remarquer que la situation de la victime n'est guère
meilleure lorsqu'une procédure est classée sans suite et qu'un
jugement correctionnel, dans les matières concernées par la
composition pénale, ne lui garantit pas toujours la réparation
des dommages qu'elle a subis, du fait des difficultés d'exécuter
les jugements
. Dans le système proposé, la victime pourra
toujours délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel qui
statuera alors sur les intérêts civils.
II. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI : UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Outre
les dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, le projet de loi
soumis au Sénat contient un grand nombre de dispositions très
diverses destinées à renforcer l'efficacité de la
procédure pénale. Le texte prévoit en particulier des
évolutions intéressantes, mais qui posent des problèmes
importants en ce qui concerne la
compétence du juge unique
en
matière correctionnelle. Celui-ci ne serait plus compétent en cas
de récidive et pourrait renvoyer une affaire devant la
collégialité en raison de sa complexité. Par ailleurs, les
dispositions relatives à la procédure de l'amende forfaitaire
applicable en matière de contraventions seraient simplifiées.
Le projet de loi contient plusieurs dispositions relatives aux
enquêtes
et prévoit en particulier la limitation à
huit jours de la durée de l'enquête de flagrance. Il tend
également à faciliter la réalisation d'examens techniques
et scientifiques en cours d'enquête. Il vise enfin à rendre
facultatif le dessaisissement du procureur lorsque le juge d'instruction est
présent sur les lieux d'un crime ou délit flagrant.
En ce qui concerne l'
instruction
, le texte tend en particulier à
préciser les conséquences de la découverte de faits
nouveaux pendant la procédure. Il vise également à
faciliter les procédures de renvoi partiel et à limiter les
comparutions personnelles devant la chambre d'accusation en matière de
demandes de mise en liberté pendant la détention provisoire.
Le projet de loi modifie également certaines dispositions concernant la
comparution des parties à l'audience
. Un prévenu pourrait
ainsi demander à être jugé en son absence quelle que soit
la peine encourue lorsqu'une partie civile a usé de la voie de la
citation directe. La durée de la peine privative de liberté
prononcée à partir de laquelle il est indispensable de se mettre
en état ou d'obtenir une dispense de le faire pour se pourvoir en
cassation serait portée de six mois à un an. Enfin, une personne
pourrait désormais se pourvoir en cassation même lorsqu'elle a
été jugée en son absence et que la juridiction
concernée ne lui a pas reconnu d'excuse valable ou lui a refusé
d'être jugée en son absence, son défenseur entendu. Le
pourvoi ne pourrait alors porter que sur la légalité de la
décision par laquelle la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse
fournie par l'intéressé pour justifier son absence.
Le projet de loi contient en outre des dispositions visant à limiter les
coûts entraînés par la garde des
objets sous main de
justice
. Il tend enfin à faciliter
l'entraide judiciaire
internationale
.
Ces dispositions, qui font l'objet d'un examen détaillé dans la
suite du présent rapport, méritent pour nombre d'entre elles
d'être soutenues. Votre commission souhaite néanmoins exprimer ses
réserves sur trois des articles du projet et formuler quelques
propositions complémentaires.
1. Des dispositions inopportunes
Votre
commission vous propose la suppression de plusieurs dispositions qui lui ont
paru contestables.
I- En premier lieu, l'article 3 du projet de loi tend à permettre au
juge unique de renvoyer à la collégialité certaines
affaires en matière correctionnelle lorsque la complexité des
faits le justifie. Or, en 1975, le Conseil constitutionnel a censuré un
dispositif permettant au président du tribunal de décider si une
affaire relèverait de la collégialité ou du juge unique en
considérant que le principe d'égalité devant la loi
faisait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des situations
semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés
par des juridictions composées selon des règles
différentes.
Votre commission estime que le dispositif proposé, même s'il est
plus encadré que celui qu'avait condamné le Conseil
constitutionnel, risque d'être considéré comme portant lui
aussi atteinte au principe d'égalité devant la loi. Elle observe
en outre que ce renvoi facultatif à la collégialité
introduirait un facteur de complexité dans la procédure alors que
les effets de l'extension de la compétence du juge unique issue de la
loi du 8 février 1995 ne sont pas encore pleinement connus. Elle vous
propose donc de supprimer cette disposition.
II- En second lieu, elle vous propose également de supprimer la
disposition inscrite à l'article 11 du projet, permettant au
président de la chambre d'accusation, en matière de
détention provisoire, de refuser la comparution personnelle d'une
personne faisant appel d'une ordonnance de rejet d'une demande de mise en
liberté si cette personne a déjà comparu devant la chambre
d'accusation moins de quatre mois auparavant.
La commission estime que la détention provisoire est une mesure grave et
qu'il convient d'agir avec prudence lorsqu'on envisage de limiter les droits
des personnes détenues. Elle considère en outre qu'une telle
mesure doit être examinée en même temps que les autres
dispositions que le Gouvernement envisage de soumettre au Parlement sur la
détention provisoire.
III- Enfin, l'article 19 du projet de loi, qui tend à permettre au
premier président d'une cour d'appel de décider du renvoi d'une
affaire d'une juridiction à une autre lorsque la juridiction
compétente ne peut être composée, suscite les plus grandes
réserves de votre commission.
Il existe sans doute aujourd'hui des difficultés dans certains petits
tribunaux pour constituer les juridictions de jugement, compte tenu des
incompatibilités prévues par la loi. Cette situation doit
être résolue par la réforme de la carte judiciaire que
votre commission des Lois appelle de ses voeux depuis plusieurs années.
Il n'est pas acceptable de gérer la pénurie en donnant au premier
président de la cour d'appel le pouvoir de décider, sans qu'aucun
recours soit possible, quelle juridiction du ressort de la cour connaîtra
d'une affaire. Il ne paraît pas sain de substituer au système
actuel un dispositif discrétionnaire en matière de règles
de compétence territoriale comme réponse à l'insuffisance
des moyens de la justice.
Votre commission rappelle que les juridictions peuvent valablement être
complétées par un avocat lorsque cela est nécessaire et
souhaite que la réforme de la carte judiciaire soit entreprise dans les
meilleurs délais. Afin d'inciter à la mise en oeuvre de cette
révision de la carte judiciaire, elle vous propose la suppression de
l'article 19 du projet de loi.
2. Un dispositif à compléter
•
L'appel des jugements de police (article additionnel après
l'article 5)
Dans son rapport de 1996, la Cour de cassation a souligné la
complexité des règles actuelles en matière d'appel des
jugements de police. Elle a en particulier indiqué que la
possibilité pour le procureur général de faire appel de
tous les jugements en matière de police alors que ce droit est
strictement encadré pour les parties paraissait contraire au principe
dit de " l'égalité des armes " issu de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
Souscrivant à l'idée qu'il n'est pas normal que le procureur
général ait davantage de prérogatives que les parties en
ce qui concerne l'appel des jugements, votre commission vous propose de
modifier l'article 546 du code de procédure pénale pour que
le procureur général ne puisse faire appel des jugements en
matière de police que dans les mêmes conditions que les parties.
• L'indemnisation des personnes condamnées puis
innocentées (article additionnel avant l'article 19)
Depuis 1989, la victime d'une erreur judiciaire peut, lorsque son innocence a
été reconnue, obtenir une indemnité auprès de la
commission d'indemnisation en matière de détention provisoire.
Auparavant, les dommages et intérêts étaient, le cas
échéant, alloués par la décision d'où
résultait l'innocence du condamné.
Il apparaît à l'usage qu'il peut parfois être très
contraignant d'imposer à un condamné, lorsque son innocence est
reconnue après une procédure de révision extrêmement
lourde, de saisir une autre instance afin d'obtenir réparation du
préjudice qu'il a subi. Votre commission vous propose donc de
préciser dans le code de procédure pénale que
l'indemnité pourra être attribuée par la décision
d'où résulte l'innocence du condamné si celui-ci en fait
la demande.
3. Une proposition jugée prématurée après débat
Votre
commission, animée par la volonté d'améliorer
l'efficacité de la justice, a examiné en même temps que le
présent projet de loi une proposition de loi de notre collègue
Robert Pagès
5(
*
)
, visant à
permettre la délégation aux greffiers des attributions
dévolues aux greffiers en chef. Cette proposition tendait en outre
à donner aux chefs de la cour d'appel la possibilité de
désigner le greffier, chef de greffe, ou un greffier en chef ou encore
un autre greffier pour exercer les attributions du greffier en chef en cas de
vacance d'emploi ou d'empêchement de ce dernier.
La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à
l'organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative a opéré un transfert de certaines
missions des magistrats aux greffiers en chef, en matière
d'autorité parentale, de comptes de tutelle, de délivrance des
certificats de nationalité et de composition du bureau d'aide
juridictionnelle.
L'article 7 de cette loi a prévu la faculté pour le greffier en
chef de la juridiction de déléguer ses attributions à un
autre greffier en chef de la même juridiction.
Cependant, dans certaines juridictions, en particulier celles qui ne comportent
qu'un seul greffier en chef, l'exercice des nouvelles attributions ne peut
être assuré de façon permanente. Seule la
délégation prévue par l'article R. 812-17 du code de
l'organisation judiciaire, qui autorise les chefs de cours d'appel à
déléguer un autre greffier en chef du ressort, permet que ces
nouvelles attributions soient exercées. Ce système peut se
révéler insuffisant pour des remplacements d'urgence.
Après avoir débattu de la proposition formulée par
M.Robert Pagès et les membres du groupe communiste, républicain
et citoyen, votre commission a finalement décidé de ne pas la
retenir. Elle a en effet considéré que le législateur
avait déjà transféré certaines attributions des
magistrats aux greffiers en chef et qu'il n'était pas certain qu'il soit
souhaitable d'aller au delà en permettant aux greffiers d'exercer ces
attributions, en particulier en ce qui concerne les certificats de
nationalité.
*
* *
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX
ALTERNATIVES AUX POURSUITES
Article 1er
(Articles 41-1 à 41-3 du code de
procédure pénale)
Alternatives aux poursuites et compensation
judiciaire
L'article 1er du projet de loi tend à
insérer
trois nouveaux articles dans le code de procédure pénale,
numérotés 41-1 à 41-3.
• Le texte proposé pour l'
article 41-1
du code
de procédure pénale a pour objet d'inscrire dans la loi un
certain nombre de mesures utilisées par les procureurs comme
alternatives aux poursuites. La loi du 4 janvier 1993 a consacré la
pratique de la médiation pénale qui avait commencé
à se développer auparavant en l'absence de base légale et
le présent projet tend à dresser une liste des
possibilités offertes au procureur. Celui-ci pourrait,
préalablement à sa décision sur l'action publique,
directement ou par délégation :
- procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des
obligations résultant de la loi ;
- orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
- demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au
regard de la loi ou des règlements ;
- demander à l'auteur des faits de réparer le dommage
résultant de ceux-ci ;
- procéder, avec l'accord des parties, à une mission de
médiation entre l'auteur des faits et la victime.
On peut s'interroger sur l'intérêt d'inscrire dans la loi des
mesures qui paraissent relever d'instructions du garde des Sceaux. Certes,
l'inscription dans la loi des alternatives auxquelles peut recourir le
procureur permettrait de suspendre la prescription. Toutefois, ces mesures sont
destinées à accélérer les réponses aux
infractions et on ne voit guère dans quelles circonstances la
prescription pourrait être une gêne pour les procureurs qui
souhaiteraient utiliser ces mesures, en particulier en ce qui concerne les
délits qui se prescrivent par 3 ans.
Par ailleurs, la crainte que peut susciter un tel dispositif est qu'aucune
mesure ne figurant pas dans cette énumération ne puisse par la
suite être prise par les parquets. Il convient de
ménager la
possibilité que se développent de nouvelles alternatives
en
fonction de l'évolution du contentieux pénal.
Votre commission, consciente du fait que le Parlement se doit de veiller
à la qualité des textes législatifs, n'estime pas opportun
d'inscrire dans la loi qu'un procureur peut "
procéder au rappel
auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la
loi
"... Elle vous soumet donc un
amendement
tendant à
supprimer le texte proposé pour l'article 41-1 du code de
procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 41-2
du code
de procédure pénale tend à créer une nouvelle forme
d'alternative aux poursuites appelée compensation judiciaire. Celle-ci
se distinguerait des mesures présentées
précédemment en ce que son exécution éteindrait
l'action publique.
Le
dispositif présenté reprend en
fait celui de l'injonction pénale
adopté en 1995 par le
Parlement et déclaré non conforme à la Constitution.
Le tableau présenté ci-dessus dans l'exposé
général fait apparaître les différences entre la
procédure adoptée en 1995 et celle aujourd'hui proposée.
La compensation judiciaire, telle qu'elle est proposée, s'apparente
à une véritable transaction pénale puisqu'elle suppose
l'accord de l'auteur des faits. Votre commission souhaite donc que la
véritable nature de cette mesure apparaisse explicitement dans sa
dénomination et vous propose donc par
amendements
de la qualifier
de
composition pénale
. Cette appellation était
déjà celle qu'avait proposée le Sénat lors de
l'examen du texte adopté en 1994, avant que l'Assemblée nationale
retienne le terme d'injonction. Le terme de composition décrit
très bien le processus qui se déroulera entre le procureur,
l'auteur de faits et, le cas échéant, la victime. Il paraît
particulièrement intéressant que l'auteur des faits
répréhensibles participe à son propre rachat en
reconnaissant les faits qu'il a commis et en acceptant librement une mesure
proposée par le procureur.
Selon le texte présenté, le procureur ne pourrait proposer la
composition qu'à une personne majeure reconnaissant avoir commis
certains délits ou contraventions limitativement
énumérés (voir tableau ci-dessus). Les infractions en
cause concernent pour l'essentiel ce qu'on peut appeler la petite
délinquance de masse, souvent urbaine, parfois aussi qualifiée de
" délinquance de voie publique ". Votre rapporteur s'est
interrogé sur le point de savoir s'il ne serait pas opportun d'inscrire
certaines circonstances aggravantes d'infractions telles que le vol ou les
dégradations dans le champ d'application de la nouvelle
procédure. Bien souvent en effet, le vol avec effraction, le vol en
réunion ou les dégradations en réunion correspondent
parfaitement au contentieux qui pourrait donner lieu à composition
pénale. Toutefois, il suffira au procureur de ne pas retenir la
circonstance aggravante pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure
proposée par le projet de loi.
Afin que le dispositif revête la plus grande souplesse possible et qu'il
soit compatible avec le " traitement direct " des affaires, qui tend
à se généraliser, votre commission vous soumet un
amendement
tendant à permettre au procureur de proposer une
composition pénale directement ou par l'intermédiaire d'un
officier ou agent de police judiciaire ou d'une personne habilitée. La
proposition pourrait ainsi être présentée par un officier
de police judiciaire après un entretien téléphonique avec
le procureur. Le décret en Conseil d'Etat prévu par le texte
proposé déterminera les conditions de cette
délégation.
Dans le cadre du dispositif proposé, le procureur pourrait proposer
à l'auteur des faits une ou plusieurs des mesures suivantes :
- le versement d'une indemnité au Trésor public, dont le montant
ne pourrait être supérieur à 10 000 F et serait
fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources
et des charges de la personne ; le versement devrait être
effectué à l'intérieur d'une période qui ne
pourrait être supérieure à six mois. Votre commission
estime que le terme d'indemnité n'est pas le plus adapté pour
décrire la mesure proposée, qui revêt bien un
caractère de sanction, même s'il s'agit d'une sanction
acceptée. Elle vous propose donc par
amendement
de la qualifier
d'amende de composition
. Par ailleurs, afin de laisser une certaine
marge au procureur, votre commission vous propose par un
amendement
que
le montant maximal de cette amende ne puisse dépasser ni
50 000 F ni la moitié de la peine maximale d'amende encourue
pour l'infraction commise ;
- le dessaisissement au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou
était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le
produit ;
- la remise au greffe du tribunal de grande instance du permis de conduire ou
du permis de chasser pour une période maximale de quatre ans ;
- la réalisation au profit de la collectivité d'un travail non
rémunéré pour une durée maximale de 60 heures,
dans un délai ne pouvant dépasser six mois ;
- enfin, la réparation des dommages causés à la victime
lorsqu'elle est identifiée ; le procureur devrait
obligatoirement
proposer cette mesure et en informer la victime. Votre
commission vous propose par un
amendement
d'enfermer la
réparation des dommages dans un délai maximum de six mois comme
pour les autres mesures.
Le texte prévoit que la personne à qui est proposée une
composition pénale doit être informée qu'elle peut se faire
assister par un avocat avant de donner son accord.
Pour répondre aux critiques formulées par le Conseil
constitutionnel à l'encontre de l'injonction pénale,
déclarée contraire à la Constitution en 1995, le texte
proposé tend à imposer aux procureur de la République de
saisir le président du tribunal aux fins de validation de la
composition. L'auteur des faits et, le cas échéant, la victime
devraient être informés de cette saisine. Le président
pourrait procéder à l'audition des parties et serait tenu de le
faire si celles-ci en faisaient la demande. Si l'ordonnance du président
validait la composition, les mesures proposées seraient mises à
exécution. Dans le cas contraire, la proposition deviendrait caduque. La
décision du président ne serait pas susceptible de recours.
La seule crainte que peut inspirer ce dispositif est celle d'un alourdissement
de la procédure. On peut toutefois penser que ce contrôle, qui ne
devrait pas être d'une grande complexité à assurer, ne
retardera guère le processus.
Le texte proposé dispose par ailleurs qu'en cas de refus de la
composition par l'auteur des faits, en cas de non-exécution des mesures
prescrites ou lorsque la composition n'est pas validée, le procureur
apprécie la suite à donner à la procédure.
Votre commission estime que lorsqu'un tel processus a été
engagé, il ne peut plus être possible au procureur de la
République de classer une affaire. Elle vous soumet donc un
amendement
prévoyant que
le procureur de la République
exerce les poursuites, sauf élément nouveau.
Enfin, le texte prévoit que l'exécution des mesures
proposées éteint l'action publique et qu'elle ne fait pas
échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe
devant le tribunal correctionnel, qui ne statue alors que sur les seuls
intérêts civils. Cette disposition est identique à celle
qui figurait dans le dispositif concernant l'injonction pénale et
paraît indispensable pour assurer la protection des intérêts
de la victime.
• Le texte proposé pour l'
article 41-
3
du code de
procédure pénale tend à étendre la nouvelle
procédure que votre commission vous propose d'appeler composition
pénale aux violences et dégradations contraventionnelles.
La somme versée au Trésor public ne pourrait alors excéder
5 000 F, la durée de remise du permis de conduire ou de
chasser ne pourrait dépasser deux mois, et la durée du travail
non rémunéré ne pourrait être supérieure
à 30 heures, dans un délai maximal de trois mois.
D'une manière générale, votre commission estime que
les
compositions pénales doivent faire l'objet d'une inscription dans un
registre national
. Certes, il ne s'agit pas de condamnations pénales
au sens strict ; il s'agit néanmoins de sanctions, de peines
acceptées et la consultation du registre pourrait être un
élément d'appréciation précieux pour un procureur
avant de prendre sa décision quant à l'action publique lors de la
commission d'un délit. Votre commission vous soumet donc un
amendement
tendant à créer un registre national des
compositions pénales,
qui ne serait accessible qu'aux
autorités judiciaires
et contiendrait la mention de toutes les
compositions exécutées pendant une durée de cinq ans comme
le prévoyait le texte adopté en 1994.
Elle vous propose enfin de modifier la
numérotation
des articles
du code de procédure pénale proposée dans le projet de
loi. Elle estime en effet que le changement de numérotation d'un article
ne doit être fait que lorsqu'il s'impose réellement. En
l'espèce, le projet de loi tend à déplacer l'actuel
article 41-1 du code, relatif à la restitution des objets saisis, pour
le faire figurer immédiatement après les dispositions relatives
à la composition pénale. Cette modification n'améliore
guère la cohérence du code de procédure pénale, les
dispositions relatives aux objets n'ayant pas de rapport avec celles relatives
aux alternatives aux poursuites. Votre commission a donc estimé
préférable de conserver la numérotation actuelle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier
ainsi
modifié.
Article 2
(Article 41 du code de procédure
pénale)
Mesure de coordination avec l'article
précédent
Cet
article a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'article 41
du code de procédure pénale relatif à la médiation
pénale, le projet de loi tendant à inscrire cette mesure parmi
les autres alternatives aux poursuites dans l'article 41-1 du code de
procédure pénale.
Par coordination avec les propositions qu'elle a formulées à
l'article précédent, votre commission vous propose un
amendement
de
suppression
de cet article.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA
COMPÉTENCE DU JUGE UNIQUE
EN MATIÈRE
CORRECTIONNELLE
Article 3
(Articles 398 et 398-2 du code de
procédure pénale)
Compétence du juge unique en
matière correctionnelle
Cet
article tend à modifier les articles 398 et 398-2 du code de
procédure pénale, relatifs à la compétence du juge
unique en matière correctionnelle.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 398 du code de
procédure pénale prévoit que, pour le jugement d'un
certain nombre de délits énumérés à
l'article 398-1, le tribunal correctionnel est composé d'un seul
magistrat du siège, alors que cette juridiction est en principe
composée d'un président et de deux juges.
Jusqu'en 1995, le recours à un magistrat unique pouvait intervenir pour
certaines infractions limitativement énumérées par le code
de procédure pénale et était laissé à
l'appréciation du tribunal de grande instance. En 1995, le
législateur a décidé d'élargir la liste des
infractions soumises au juge unique et d'ôter tout pouvoir
d'appréciation au président du tribunal en prévoyant que
les infractions concernées relèvent d'un juge unique sauf lorsque
le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa
comparution à l'audience ou que celle-ci se fait selon la
procédure de comparution immédiate. La liste des délits
relevant de la compétence du juge unique figure dans le tableau
ci-dessous.
La
compétence du juge unique en matière
correctionnelle
DISPOSITIONS
|
|
PEINES D'EMPRISONNEMENT ET D'AMENDE ENCOURUES |
Art. 66 et 69 du décret-loi du 30.10.1935 |
-
retrait de la provision d'un chèque ou opposition à son paiement
dans l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui ;
|
- cinq
ans ;
|
- Code
de la route
|
- tous
les délits du code de la route
|
- trois
mois à six ans ;
|
- Loi du
14.04.1992
|
Délits en matière de coordination des transports |
- trois
mois, un an, trois ans (le plus souvent aucune peine d'emprisonnement
prévue) ;
|
Code rural |
Délits en matière de chasse et de pêche |
- trois,
quatre ou huit mois, deux ans ;
|
Art. 222-11, 222-12 du code pénal |
-
Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail
de plus de huit jours
|
- trois
ans ;
|
Art. 222-13 du code pénal |
- Violences n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours |
- trois
ou cinq ans ;
|
Art. 222-16 du code pénal |
Appels téléphoniques malveillants |
- un
an ;
|
Art. 222-17 et 222-18 du code pénal |
Menaces |
- de six mois à cinq ans et de 50.000 F à 500.000 F selon les circonstances. |
Art. 222-32 du code pénal |
Exhibition sexuelle |
- un
an ;
|
Art. 227-3 et 227-4 du code pénal |
Abandon de famille |
- de
six mois à deux ans ;
|
Art. 227-5 à 227-8 et 227-11 du code pénal |
Atteintes à l'exercice de l'autorité parentale |
- six
mois à cinq ans ;
|
Art. 311-3 et 311-4 du code pénal |
Vol |
- trois
à cinq ans ;
|
Art. 313-5 du code pénal |
Filouterie |
- six
mois ;
|
Art. 314-5 et 314-6 du code pénal |
Détournement de gage ou d'objet saisi |
- trois
ans ;
|
Art. 322-1 à 322-4 du code pénal |
Destruction de bien |
- deux
à cinq ans ;
|
Art. 322-12 à 322-14 du code pénal |
Menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes |
- six
mois à trois ans ;
|
Art. 433-3, premier alinéa |
Actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique |
|
Art. 433-5 du code pénal |
Outrage |
- six
mois ;
|
Art. 521-1 du code pénal |
Sévices à animaux |
- six
mois ;
|
Art. L. 628 du code de la santé publique |
Usage de stupéfiants |
- un
an ;
|
Art. 32-2° du décret-loi du 18.04.1939 |
Port d'armes de la sixième catégorie |
- trois
ans ;
|
L'article 3 du projet de loi tend à apporter une
double
limite à la compétence du juge unique.
I- Tout d'abord,
celui-ci ne serait pas compétent en cas de
délit commis par une personne se trouvant en état de
récidive légale
.
Cette modification vise à prendre en considération le fait que,
parmi les délits qui relèvent aujourd'hui du juge unique,
certains sont passibles de cinq ans d'emprisonnement de sorte que, en cas de
récidive, un juge pourrait éventuellement être amené
à prononcer seul des peines de dix ans d'emprisonnement.
L'hypothèse est certes théorique, mais mérite
néanmoins qu'un correctif soit apporté à la situation
actuelle.
Toutefois, la solution préconisée dans le projet de loi
paraît trop radicale. Si, en effet, il paraît souhaitable de
réserver au juge collégial la connaissance de certains
délits commis en état de récidive, cette solution ne
présente pas le même intérêt pour tous les
délits et pourrait s'avérer lourde de conséquences pour
l'efficacité du fonctionnement des tribunaux correctionnels. Certains
délits punis de faibles peines d'emprisonnement (six mois,
un an, deux ans) font, malheureusement, fréquemment l'objet de
récidive, sans qu'il paraisse pour autant nécessaire de renvoyer
l'affaire devant le juge collégial. C'est le cas par exemple de la
conduite en état alcoolique, punie de deux ans d'emprisonnement.
8.026 cas de récidive de cette infraction ont ainsi
été relevés en 1996. Pour concilier l'amélioration
des garanties offertes aux personnes poursuivies et l'efficacité des
procédures judiciaires, votre commission vous propose un
amendement
tendant à prévoir la
compétence du juge
collégial seulement lorsque la peine encourue, compte tenu de
l'état de récidive de la personne poursuivie, est
supérieure à cinq ans d'emprisonnement
.
II- Par ailleurs, l'article 3 du projet de loi tend à modifier
l'article 398-2 du code de procédure pénale pour
prévoir que le juge unique peut, si la complexité des faits le
justifie, décider, d'office ou à la demande des parties ou du
ministère public, de renvoyer l'affaire devant le juge collégial.
Cette décision ne serait pas susceptible de recours.
Sur le fond, une telle procédure peut paraître avoir une certaine
utilité. Compte tenu de l'extension de la compétence du juge
unique, celui-ci peut avoir à connaître d'affaires relativement
complexes, dont il peut estimer qu'elles méritent l'examen par le
tribunal correctionnel siégeant en formation collégiale. Cette
disposition tend à instaurer un élément de souplesse dans
la répartition des compétences.
La question qui se pose néanmoins est celle de la
constitutionnalité d'un tel dispositif.
En 1975, le législateur avait décidé de laisser au
président du tribunal de grande instance la faculté, dans presque
toutes les matières relevant du tribunal correctionnel de décider
si le tribunal se réunirait en formation collégiale ou en
formation de juge unique. Le Conseil constitutionnel avait censuré cette
disposition en avançant les arguments suivants :
"
Considérant que des affaires de même nature pourraient
ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un
juge unique, selon la décision du président de la juridiction ;
Considérant qu'en conférant un tel pouvoir l'article 6 de la loi
déférée au Conseil constitutionnel, en ce qu'il modifie
l'article 398-1 du code de procédure pénale, met en cause,
alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe
d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe
d'égalité devant la loi proclamé dans la
Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et solennellement
réaffirmé par le préambule de la Constitution ;
Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle
à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et
poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des
juridictions composées selon des règles
différentes
".
En 1995, le législateur a supprimé tout pouvoir
d'appréciation du président du tribunal de grande instance en
cette matière.
Le projet de loi qui nous est soumis propose que le juge unique lui-même,
d'office ou à la demande des parties ou du ministère public,
puisse renvoyer l'affaire devant le juge collégial si la
complexité des faits le justifie . La Chancellerie estime que cette
mesure ne devrait pas soulever de difficulté constitutionnelle. Elle
fait en effet valoir que le renvoi ne pourrait se faire que du juge unique
à la collégialité et non de la collégialité
au juge unique ; on ne peut donc aller que dans le sens d'un renforcement des
garanties offertes aux parties. Par ailleurs, la décision serait prise
par le juge unique lui-même, au vu d'un dossier et sur la base du
critère de la complexité de l'affaire et non par le
président du tribunal en l'absence de tout critère.
Malgré les précautions prises, votre commission est
réservée en ce qui concerne la constitutionnalité d'un tel
dispositif, dans la mesure où le principe d'égalité devant
la loi ne paraît pas pleinement respecté. Par ailleurs, la
faculté de renvoi d'une affaire à la collégialité
introduit un élément de complexité dans la
procédure alors qu'il est encore difficile de dresser un bilan de
l'extension des compétences du juge unique réalisée en
1995. Enfin, compte tenu de la nature des délits qui relèvent de
la compétence du juge unique, on peut penser que les affaires
réellement complexes sont en fait relativement rares. Votre commission
vous soumet donc un
amendement
tendant à supprimer le second
paragraphe de cet article.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3
ainsi
modifié
.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU JUGEMENT DES
CONTRAVENTIONS
Article 4
(Article 525 du code de procédure
pénale)
Procédure simplifiée en matière de
contraventions de police
Cet
article a pour objet de modifier l'article 525 du code de procédure
pénale, relatif à la procédure simplifiée
applicable en matière de contraventions de police. Cette
procédure a été instituée par la loi du
3 janvier 1972 relative à la procédure applicable en
matière de contraventions.
Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit dans son
deuxième alinéa que lorsque le ministère public choisit la
procédure simplifiée, "
le juge statue sans débat
préalable par une ordonnance pénale portant soit relaxe, soit
condamnation à une amende
".
Le troisième alinéa dispose que le juge renvoie le dossier au
ministère public aux fins de poursuites dans les formes de la
procédure ordinaire s'il estime qu'un débat contradictoire est
utile ou que des sanctions autres que l'amende devraient être
éventuellement prononcées.
L'article 4 du présent projet tend à modifier cet
article 525 pour
permettre au juge d'infliger, dans le cadre de la
procédure simplifiée, une ou plusieurs des peines
complémentaires encourues pour l'infraction concernée
. Parmi
les peines complémentaires qui peuvent être prononcée
lorsque sont commises certaines infractions passibles des amendes
prévues pour les contraventions, on trouve par exemple la confiscation
de la chose qui a servi à commettre l'infraction, la suspension du
permis de conduire, l'interdiction de détenir ou de porter une arme
soumise à autorisation, le retrait du permis de conduire.
Il n'existe guère de raison de priver le juge de cette
possibilité lorsqu'il statue par ordonnance pénale.
Corrélativement, le juge ne pourrait plus renvoyer le dossier au
ministère public que s'il estimait utile qu'un débat
contradictoire ait lieu.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 5
(Articles 529 et 529-6 du code de
procédure pénale)
Procédure de l'amende
forfaitaire
Cet
article tend à modifier les articles 529 et 529-6 du code de
procédure pénale qui concernent la procédure de l'amende
forfaitaire, ainsi que le titre de la section du code relative à cette
procédure.
Cette procédure de l'amende forfaitaire a été
instaurée par la loi du 3 janvier 1972 et a subi depuis lors de
nombreuses modifications. Elle fait l'objet du chapitre II bis du
titre troisième (Du jugement des contraventions) du deuxième
livre (Des juridictions de jugement) du code de procédure pénale.
Les articles 529 à 529-6 décrivent cette procédure
dont le champ d'application s'est progressivement étendu.
Par ailleurs, des règles spécifiques sont prévues pour les
contraventions à la police des services publics de transport, qui font
l'objet des articles 529-3 à 529-5 du code de procédure
pénale (extinction de l'action publique par transaction entre
l'exploitant et le contrevenant) et pour les contraventions au code de la
route, qui font l'objet des articles 529-6 à 529-9 du code de
procédure pénale (amende forfaitaire " minorée "
en cas de paiement immédiat).
En ce qui concerne la procédure de droit commun de l'amende forfaitaire,
son champ d'application a été progressivement élargi par
de très nombreuses lois. La détermination des contraventions qui
font l'objet de cette procédure relève en effet de la loi.
La procédure de l'amende forfaitaire concerne les infractions
suivantes :
- contraventions à la réglementation des transports par
route ;
- contraventions au code des assurances en ce qui concerne l'assurance
obligatoire des véhicules terrestres à moteur et de leurs
remorques et semi-remorques ;
- contraventions à la réglementation sur les parcs nationaux (loi
du 10 juillet 1976) ;
- contraventions à la réglementation sur les réserves
naturelles (loi du 2 février 1995) ;
- contraventions de divagation prévues par le code rural ou le code
pénal (loi du 22 juin 1989) ;
- contraventions à la réglementation sur les bois, forêts
et terrains à bâtir prévues par le code forestier (loi du
3 janvier 1991) ;
- contraventions aux dispositions de la loi sur l'air (loi du
30 décembre 1996).
Actuellement, toutes les contraventions qui font l'objet de la procédure
de l'amende forfaitaire ne sont pas prévues par l'article 529 du
code de procédure pénale.
Un grand nombre d'entre elles figurent dans d'autres codes ou dans des lois
non codifiées
. Il est donc difficile d'appréhender le champ
d'application exact de cette procédure. Par ailleurs, dès lors
que l'on souhaite appliquer cette procédure à de nouvelles
contraventions, il est nécessaire qu'un article de loi le
prévoie, ce qui constitue une contrainte dont l'intérêt
n'est pas démontré.
L'article 5 du projet de loi tend donc tout d'abord à modifier
l'article 529 du code de procédure pénale afin de
supprimer l'énumération qu'il contient pour prévoir que
la liste des infractions pour lesquelles l'action publique est éteinte
par le paiement d'une amende forfaitaire est fixée par décret en
Conseil d'Etat.
Par coordination, le titre de la section du code de
procédure pénale relative à cette procédure serait
simplifiée.
Enfin, l'article 529-6 portant sur la procédure d'amende
forfaitaire spécifique aux infractions au code de la route serait
également modifié pour prévoir que la liste des
contraventions donnant lieu à cette procédure est fixée
par décret en Conseil d'Etat. Actuellement, toutes les contraventions
passibles d'une simple peine d'amende font l'objet de la procédure de
l'amende forfaitaire. Le renvoi à un décret en Conseil d'Etat
permettra une certaine souplesse, certaines infractions passibles d'amendes et
de peines complémentaires pouvant se voir appliquer la procédure
de l'amende forfaitaire.
Cet article introduit une simplification heureuse. D'une part, l'ensemble des
contraventions donnant lieu à la procédure de l'amende
forfaitaire pourrait faire l'objet d'un texte unique, d'autre part, il ne sera
plus nécessaire qu'un article de loi prévoie la mise en oeuvre de
cette procédure pour qu'elle soit applicable. Le régime des
contraventions relevant du pouvoir réglementaire, il n'est pas illogique
que celui-ci détermine celles des contraventions qui font l'objet de la
procédure d'amende forfaitaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article additionnel après l'article 5
(Article
546 du code de procédure pénale)
Appel des jugements de
police
Votre
commission vous propose par un article additionnel de modifier quelque peu les
règles définies par l'article 546 du code de
procédure pénale en ce qui concerne l'appel des jugements rendus
en matière de police.
Actuellement, le prévenu, la personne civilement responsable, le
procureur de la République et l'officier du ministère public
peuvent faire appel des jugements dans certaines circonstances limitativement
énumérées.
En revanche, l'article 546 permet au procureur général de
faire appel de tous les jugements rendus en matière de police. Cette
situation, comme l'a relevé la Cour de cassation dans son rapport pour
1996, paraît contraire au principe dit de " l'égalité
des armes " issu de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Votre commission vous propose donc un
amendement
tendant à
insérer un article additionnel modifiant l'article 546 du code de
procédure pénale
afin que le procureur général
ne puisse faire appel que dans les mêmes conditions que les autres
parties.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS CONCERNANT
LE
DÉROULEMENT DES PROCÉDURES PÉNALES
SECTION 1
Dispositions concernant les enquêtes
Article 6
(article 53 du code de procédure
pénale)
Limitation de la durée de l'enquête de
flagrance
Cet
article tend à modifier l'article 53 du code de procédure
pénale relatif aux crimes et délits flagrants, en particulier
pour préciser que l'enquête de flagrance ne peut se prolonger
au-delà de huit jours.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 53 définit le crime ou
délit flagrant comme le crime ou le délit qui se commet
actuellement ou qui vient de se commettre. Le crime ou délit est
également flagrant si, dans un temps très voisin de l'action, la
personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou
est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou
indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au
délit. Le texte prévoit en outre que tout crime ou délit
commis dans une maison dont le chef requiert le procureur de la
République ou un officier de police judiciaire de le constater est
assimilé à un crime ou délit flagrant.
Dans le cadre des enquêtes de flagrant délit, les officiers de
police judiciaire disposent de prérogatives étendues et peuvent
en particulier procéder à des perquisitions sans l'assentiment
des personnes chez qui ces opérations ont lieu.
En pratique, les enquêtes de flagrance se déroulent pendant une
période brève. Il peut toutefois être utile, en l'absence
de toute disposition à cet égard, de limiter à
huit jours la durée de cette enquête.
L'article 6 tend par ailleurs à supprimer la qualification de crime
ou délit flagrant en cas de réquisition du chef de maison. Cette
disposition pouvait permettre en pratique à un particulier de faire
ouvrir une enquête de flagrance à propos d'un vol découvert
au retour d'un voyage de plusieurs mois, ce qui paraît à tout le
moins excessif. L'enquête de flagrance permet en effet d'imposer à
des tiers un certain nombre de mesures de contraintes qui ne doivent pouvoir
être mises en oeuvre que lorsque les éléments constituant
la flagrance sont effectivement réunis.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification.
Article 7
(Articles 60 et 77-1 et 167 du code de
procédure pénale)
Examens techniques et scientifiques
réalisés
dans le cadre des
enquêtes
Cet
article a pour objet de modifier les articles 60 et 77-1 du code de
procédure pénale relatifs aux constatations et examens techniques
ou scientifiques possibles pendant l'enquête de flagrance ou
l'enquête préliminaire.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 60 autorise l'officier de
police judiciaire, au cours de l'enquête de flagrance, à avoir
recours à toutes personnes qualifiées s'il y a lieu de
procéder à des constatations ou à des examens techniques
ou scientifiques qui ne peuvent être différés.
L'article 77-1 ouvre la même faculté au procureur de la
République ou, sur autorisation de celui-ci, à l'officier de
police judiciaire, dans le cadre de l'enquête préliminaire.
La rédaction de ces articles résulte de la loi
n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses
dispositions de procédure pénale et de droit pénal. Avant
l'adoption de cette loi, il n'était pas fait mention des examens
techniques ou scientifiques dans les articles 60 et 77-1 du code de
procédure pénale. Devant le Sénat, M. Robert Badinter,
alors garde des Sceaux, avait indiqué qu'il s'agissait
"
d'éviter l'ouverture d'informations judiciaires lorsque
celles-ci ne sont pas indispensables : tout le monde en convient, dans cette
perspective, des examens techniques ou scientifiques pourront désormais
être effectués au stade de l'enquête, sous le contrôle
du parquet
"
6(
*
)
.
L'article 7 du présent projet tend à assouplir les
conditions dans lesquelles peuvent être accomplis ces examens techniques
ou scientifiques. Il s'agit tout d'abord de
supprimer la
référence à la condition d'urgence
, qui
n'apparaît pas justifiée. En pratique, les personnes
appelées à pratiquer les examens techniques et scientifiques dans
le cadre de l'enquête et celles qui réalisent les expertises dans
le cadre de l'instruction (article 156 du code de procédure
pénale) sont bien souvent les mêmes, et il peut être utile
de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques lors
d'une enquête, même lorsque ces examens pourraient être
différés.
Le projet de loi prévoit par ailleurs que les
personnes
chargées de ces examens pourront procéder à l'ouverture
des scellés
, comme les experts au cours d'une information. Une telle
disposition peut permettre d'innocenter une personne au cours de
l'enquête, par exemple par l'examen d'un échantillon de sperme
prélevé sur la victime d'un crime sexuel, et d'éviter
d'attendre l'instruction pour que cet examen ait lieu. Les personnes
chargées des examens techniques ou scientifiques devraient dresser
inventaire des scellés et en faire mention dans un rapport établi
dans les mêmes conditions que celui que doivent rédiger les
experts dans le cadre de l'instruction (articles 163 et 166 du code de
procédure pénale). Les conclusions pourraient être
communiquées oralement aux enquêteurs en cas d'urgence.
Le texte proposé prévoit en outre que l'officier de police
judiciaire, sur instructions du procureur, donne connaissance des conclusions
des personnes chargées des examens techniques et scientifiques aux
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant
présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une
infraction, ainsi qu'aux victimes. Cette disposition ne ferait pas obstacle
à ce que ces personnes, si l'action publique était
ultérieurement mise en mouvement, demandent à la juridiction
d'instruction ou de jugement (article 156 du code de procédure
pénale) d'ordonner une expertise sur les questions ayant
déjà fait l'objet des examens techniques ou scientifiques.
L'intérêt de cette dernière mention paraît
contestable. L'article 156 du code de procédure pénale
prévoit explicitement la possibilité pour les parties de
réclamer une expertise au cours de l'instruction et l'on voit mal en
quoi la communication des résultats des examens techniques dans le cadre
de l'enquête empêcherait les parties de demander une expertise dans
le cadre de l'instruction. Votre commission vous soumet donc un
amendement
tendant à supprimer cette disposition.
Enfin, l'article 167 du code de procédure pénale, qui porte
sur la notification aux parties et à leurs avocats par le juge
d'instruction des conclusions des experts dans le cadre de l'instruction serait
complété pour prévoir que le juge donne également,
le cas échéant, connaissance des conclusions des personnes ayant
réalisé les examens techniques ou scientifiques lorsque cela n'a
pas été fait auparavant.
Ces différentes dispositions devraient permettre de faciliter la
réalisation des examens techniques ou scientifiques et d'en
accroître l'intérêt. Cet article pose cependant la question
des garanties offertes pendant l'enquête à la personne sur
laquelle pèsent des soupçons. Dès lors que l'on souhaite
faciliter pendant l'enquête certains actes qui, jusqu'à
présent sont réalisés en principe pendant l'instruction,
ne convient-il pas de renforcer le caractère contradictoire de
l'enquête ? Un tel renforcement n'irait-il pas cependant à
l'encontre de l'amélioration de l'efficacité de la
procédure qui est recherchée ? Votre commission souhaite
entendre les explications du Garde des Sceaux sur cet article.
Sous cette réserve, votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 8
(Article 72 du code de procédure
pénale)
Transport du juge d'instruction sur les lieux
d'un crime
ou délit flagrant
Cet
article tend à modifier l'article 72 du code de procédure
pénale.
Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit dans son premier
alinéa que lorsque le juge d'instruction est présent sur les
lieux d'un crime ou délit flagrant, le procureur de la République
ainsi que les officiers de police judiciaire sont de plein droit dessaisis
à son profit.
Cette disposition est directement issue du code d'instruction criminelle
établi en 1808, qui séparait les fonctions de poursuite et
d'instruction, mais admettait que le juge d'instruction qui se transportait sur
les lieux se saisissait lui-même et ouvrait une véritable
information. Le principe de dessaisissement du procureur et des officiers de
police judiciaire lorsque le juge d'instruction est présent sur les
lieux a été repris dans le code de procédure pénale
élaboré en 1958.
Le dessaisissement du procureur de la République et des officiers de
police judiciaire a pour conséquence que le juge d'instruction doit
accomplir tous les actes de police judiciaire dans le cadre de l'enquête
de flagrance
.
La jurisprudence est venue limiter les conditions dans lesquelles le transport
du juge d'instruction entraînait le dessaisissement du procureur et des
officiers de police judiciaire. Ainsi, en 1987, la Cour d'appel de Colmar a
annulé tous les actes accomplis par un juge d'instruction qui
s'était rendu sur les lieux 24 heures après la
découverte d'un crime et la clôture des opérations
urgentes, en considérant que "
si en la procédure de
flagrance la saisine s'opère par le transport sur les lieux, ce
transport qu'il soit l'oeuvre de l'officier de police judiciaire, du procureur
de la République ou du juge d'instruction (...) doit intervenir en un
temps ou l'infraction a encore conservé son caractère de
flagrance et qu'il ne suffit pas, s'agissant de ces deux derniers magistrats,
que l'enquête de flagrance soit toujours en cours
"
7(
*
)
.
En pratique, ce dessaisissement du procureur de la République et des
officiers de police judiciaire par le juge d'instruction dans le cadre de
l'enquête de flagrance n'est guère pratiqué.
L'article 72 peut cependant être une source de nullités,
dans la mesure où si le juge d'instruction se rend sur les lieux, il est
censé accomplir tous les actes de police judiciaire.
La loi du 4 janvier 1993 a abrogé cet article 72 du code de
procédure pénale contre l'avis du Sénat,
"
l'intervention, le cas échéant, du juge d'instruction
dans l'enquête de flagrance, ne lui paraissant pas devoir être
écartée par principe
"
8(
*
)
. L'article 72 a été rétabli
par la loi du 24 août 1993.
Le projet de loi soumis au Sénat tend à modifier cette
disposition pour prévoir que lorsque le juge d'instruction est
présent sur les lieux "
le procureur de la République
peut se dessaisir
". Une telle rédaction supprime donc toute
ambiguïté en ce qui concerne l'autorité compétente
pour accomplir les actes dans le cadre de l'enquête de flagrance.
Compte tenu de la désuétude dans laquelle est tombée cette
procédure de dessaisissement du procureur par le juge d'instruction,
compte tenu également du fait qu'un magistrat instructeur peut toujours
se rendre sur les lieux d'un crime ou d'un délit flagrant si cela
présente une utilité, votre commission des Lois vous propose
d'aller plus loin que le projet de loi et de supprimer par
amendement
les quatre premiers alinéas de l'article 72 relatifs au
dessaisissement automatique du procureur lorsque le juge d'instruction se rend
sur les lieux. Elle vous propose en revanche de ne pas supprimer le dernier
alinéa de l'article 72 qui permet au procureur, lorsqu'il est
présent sur les lieux et que le juge d'instruction l'est
également, de requérir l'ouverture d'une information
régulière dont est saisi le juge d'instruction présent.
Cette disposition peut en effet conserver une utilité dans certains cas.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié.
SECTION 2
Dispositions concernant le déroulement
de l'instruction
Article 9
(Article 80 du code de procédure
pénale)
Faits nouveaux en cours
d'instruction
L'article 9 a pour objet de modifier l'article 80 du
code
de procédure pénale, qui porte sur les liens entre le juge
d'instruction et le procureur de la République. Cet article, dans sa
rédaction actuelle, précise tout d'abord que je juge
d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du
procureur de la République. Il précise en outre que lorsque des
faits, non visés aux réquisitoires, sont portés à
la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement
communiquer au procureur de la République les plaintes ou les
procès-verbaux qui les constatent.
Le premier paragraphe de l'article 9 tend à
indiquer
explicitement les possibilités qui s'offrent alors au procureur de la
République
, afin de clarifier l'article 80 du code de
procédure pénale. Il s'agit donc de préciser que le
procureur de la République peut "
soit requérir du juge
d'instruction , par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces
nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte,
soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit
décider d'un classement sans suite ou de procéder à l'une
des mesures prévues aux articles 41-1 et 41-2 (
mesures
d'alternatives aux poursuites et de compensation judiciaire dont le projet de
loi propose la création
), soit transmettre les plaintes ou les
procès-verbaux au procureur de la République territorialement
compétent
".
La modification proposée a donc pour objet de codifier la pratique
actuelle, le procureur de la République pouvant d'ores et
déjà utiliser les différentes possibilités
mentionnées.
Cette énumération des possibilités offertes au procureur
serait complétée par la précision que s'il requiert
l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être
confiée au même juge d'instruction. Une telle précision
peut paraître inutile ; elle n'est cependant pas neutre.
L'objectif recherché est manifestement d'inciter les procureurs
à recourir à la voie de l'ouverture d'une nouvelle information
distincte plutôt qu'à celle du réquisitoire
supplétif.
Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de
loi, "
il est (...) utile d'éviter, autant que possible, la
délivrance de réquisitoires supplétifs, qui ont pour
conséquence de rendre plus complexe l'information déjà
ouverte, et risquent d'en retarder la date d'achèvement. Pour autant, il
peut être très opportun que ce soit le même juge qui
instruise sur les faits nouveaux, découverts à l'occasion d'une
procédure dont il était saisi
".
En définitive, la modification proposée tend à inscrire
dans le code de procédure pénale les possibilités qui
s'offrent au procureur lorsque des faits nouveaux sont découverts, tout
en marquant une préférence pour le recours à l'ouverte
d'une nouvelle information, le cas échéant confiée au
même juge d'instruction.
Le second paragraphe de l'article 9 a pour objet d'apporter certaines
précisions en ce qui concerne le régime applicable lorsque des
faits nouveaux sont dénoncés au juge d'instruction par la partie
civile en cours d'information. Actuellement, l'article 80 du code de
procédure pénale précise simplement : "
En
cas de plainte avec constitution de partie civile, il est procédé
comme il est dit à l'article 86
".
L'article 86 définit la procédure applicable en cas de
plainte avec constitution de partie civile. Il prévoit notamment que le
procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction de
réquisitions de non-informer que si, "
pour ces causes affectant
l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement
comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits
démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification
pénale
".
En l'absence de précision sur ce point, la Cour de cassation
considère que lorsque des faits nouveaux sont dénoncés au
juge d'instruction par la partie civile en cours d'information, la saisine du
juge est automatiquement étendue à ces faits nouveaux
. Elle a
ainsi estimé dans un arrêt du 4 juin 1996 que "
les
juridictions d'instruction doivent statuer sur tous les chefs d'inculpation
régulièrement dénoncés par la partie civile,
même en l'absence de réquisitoire supplétif du procureur de
la République
"
9(
*
)
.
Une telle situation conduit en quelque sorte les parties civiles à
pouvoir
délivrer elles-mêmes des réquisitoires
supplétifs
, ce qui paraît très contestable et peut
rendre difficile l'achèvement d'une procédure
d'instruction ; tel est d'ailleurs bien souvent l'objectif
recherché.
Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi "
la
solution actuelle (...) a le plus souvent pour conséquence dommageable
de différer le règlement d'une instance civile (par exemple une
instance prud'homale). Il n'est pas rare en effet que la constitution de partie
civile ait pour seul objectif de retarder l'achèvement d'une
procédure contentieuse (par exemple, une employeur accuse faussement de
vol un employé qu'il a licencié, et qui demande réparation
aux prud'hommes, puis voyant que l'instruction va se terminer par un non-lieu,
signale d'autres infractions, tout aussi imaginaires, au juge
d'instruction)
".
L'article 9 du projet de loi tend donc à prévoir que la
même procédure sera applicable en cas de dénonciation de
faits nouveaux, que cette dénonciation soit le fait de la partie civile
ou non.
Le juge d'instruction devra communiquer le dossier au parquet et le
procureur appréciera la suite à donner à ces
éléments
. Si la partie civile n'est pas satisfaite de la
décision prise, elle pourra déposer une seconde plainte avec
constitution de partie civile concernant ces nouveaux faits.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 10
(Article 182 du code de procédure
pénale)
Procédure de renvoi
partiel
L'article 10 tend à compléter
l'article 182
du code de procédure pénale, relatif aux ordonnances de non-lieu
partiel, de renvoi partiel ou de transmission partielle des pièces en
cours d'instruction. Ces possibilités sont offertes au juge
d'instruction lorsque sur l'un ou plusieurs des faits dont il est saisi les
charges recueillies lui paraissent inexistantes ou au contraire suffisantes.
Le texte proposé tend à préciser que les personnes ayant
fait l'objet d'une ordonnance de renvoi partiel ou de transmission partielle
des pièces et qui ne demeurent pas mises en examen pour d'autres faits,
sont entendues comme témoin assisté. Il en irait de même en
cas de disjonction d'une procédure d'instruction.
L'objectif est donc de faciliter les procédures de renvoi partiel ou de
disjonction et d'inciter les juges à y recourir afin
d'accélérer le déroulement des procédures
d'instruction.
Les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi partiel pourraient
continuer à être entendues pour d'autres faits comme témoin
assisté, c'est-à-dire bénéficiant des mêmes
droits que les personnes mises en examen.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 11
(Article 199 du code de procédure
pénale)
Limitation des comparutions devant la chambre
d'accusation
en matière de demandes de mises en
liberté
Cet
article tend à modifier l'article 199 du code de procédure
pénale, relatif aux règles de fonctionnement de la chambre
d'accusation.
Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit en particulier
que "
en matière de détention provisoire, la comparution
personnelle de la personne concernée est de droit si celle-ci ou son
avocat en fait la demande ; cette requête doit, à peine
d'irrecevabilité, être présentée en même temps
que la déclaration d'appel ou que la demande de mise en liberté
adressée à la chambre d'accusation
".
En matière de demandes de mise en liberté, la chambre
d'accusation est appelée à statuer en cas d'appel des ordonnances
de refus de mise en liberté rendues par le juge d'instruction. Elle peut
également être saisie directement d'une demande de mise en
liberté lorsque le juge d'instruction n'a pas statué dans le
délai qui lui est imparti par l'article 147 du code de
procédure pénale.
La mesure proposée a pour objet d'éviter qu'une personne mise en
détention multiplie les demandes de mise en liberté et fasse
appel de chacune des décisions de refus, aux seules fins de quitter
temporairement l'établissement pénitentiaire pour
comparaître personnellement devant la chambre d'accusation. De telles
attitudes ont pour effet d'encombrer les chambres d'accusation et de faire
peser des contraintes sur l'administration pénitentiaire.
Il est donc proposé que le président de la chambre d'accusation
puisse refuser la comparution personnelle d'une détenu en cas d'appel
d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, lorsque cette
personne a déjà comparu devant la chambre d'accusation moins de
quatre mois auparavant. La décision devrait être
motivée et ne serait susceptible d'aucun recours.
Votre commission est réservée sur l'opportunité de la
mesure proposée. La détention provisoire est une mesure grave et
lourde de conséquences. Il convient donc d'agir avec la plus
extrême prudence lorsqu'on envisage de limiter les droits des personnes
détenues. Le fait que certains abus soient commis ne paraît pas
être un argument suffisant pour limiter le droit d'une personne
détenue de comparaître personnellement devant la chambre
d'accusation.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention de déposer
un projet de loi qui modifierait en profondeur les règles de la
détention provisoire. La disposition proposée dans le
présent projet pourrait être réexaminée dans le
cadre du dispositif global envisagé en cette matière. Votre
commission vous soumet donc un
amendement
de suppression du premier
paragraphe de cet article.
Le second paragraphe tend à corriger une erreur en ce qui concerne
l'alinéa de l'article 194 du code de procédure pénale
auquel renvoie l'article 199 du même code.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 12
(Article 385 du code de procédure
pénale)
Constat des nullités des procédures
par le
tribunal correctionnel
Cet
article tend à modifier l'article 385 du code de procédure
pénale, relatif au constat des nullités par le tribunal
correctionnel.
Dans sa rédaction actuelle, qui résulte de la loi du
4 janvier 1993, l'article 385 prévoit dans son premier
alinéa que le tribunal correctionnel a qualité pour constater les
nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu'il est
saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre
d'accusation.
Dans la mesure où les parties ont la faculté de soulever devant
la chambre d'accusation les nullités de la procédure pendant le
déroulement de l'instruction (Art. 170 du code de procédure
pénale), le législateur de 1993 a prévu une
" purge " des nullités lorsque le tribunal est saisi à
la suite d'une information.
Toutefois, la Cour de cassation a jugé que lorsque l'ordonnance de
renvoi est rendue sans que les formalités permettant
précisément aux parties de soulever les nullités
éventuelles de la procédure aient été
respectées, l'ordonnance doit être annulée.
L'article 175 du code de procédure pénale prévoit en
effet que lorsqu'une information lui paraît terminée, le juge
d'instruction en avise les parties et leurs avocats, qui ont ensuite un
délai de vingt jours à l'issue duquel ils ne peuvent plus
formuler certaines demandes ou requêtes et en particulier saisir la
chambre d'accusation pour faire constater une nullité.
Dans un arrêt du 7 octobre 1997, la Cour de cassation a
estimé que lorsque "
la cour d'appel constate la nullité
de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, elle doit, par
dérogation à l'article 520 dudit code, renvoyer la
procédure au ministère public pour lui permettre de saisir
à nouveau la juridiction d'instruction
".
Pour éviter l'annulation de l'ensemble de la procédure, il
paraît préférable que lorsque l'avis prévu à
l'article 175 du code de procédure pénale n'a pas
été adressé aux parties, celles-ci puissent soulever
devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure.
Cependant, dans certains cas, l'avis a bien été envoyé aux
parties mais le délai prévu par l'article 175 n'a pas
été respecté. Dans un tel cas, les parties devraient
également pouvoir continuer à soulever les nullités devant
le tribunal correctionnel. Votre commission vous soumet donc un
amendement
afin de prévoir que les parties peuvent soulever les
nullités devant le tribunal correctionnel lorsque les conditions
prévues par l'article 175 du code de procédure pénale
ne sont pas respectées.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
SECTION 3
Dispositions concernant la comparution
des
parties à l'audience
Article 13
(Article 411 du code de procédure
pénale)
Conditions pour qu'un prévenu
puisse être
jugé en son absence
Cet
article a pour objet de modifier l'article 411 du code de procédure
pénale, qui porte sur le jugement du prévenu en son absence.
Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit notamment qu'un
prévenu peut demander par lettre adressée au président
à être jugé en son absence lorsqu'il encourt une peine
d'amende ou une peine d'emprisonnement inférieure à deux
années.
Le texte proposé par cet article vise à compléter
l'article 411 pour prévoir que la condition de durée de la
peine encourue n'est pas applicable lorsque l'action publique est mise en
mouvement par une partie civile.
Ainsi, une personne pourrait demander
à être jugée en son absence par le tribunal correctionnel
quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue, dès lors qu'une
partie civile a usé de la voie de la citation directe.
Il ne paraît pas anormal d'imposer moins de contraintes à une
personne lorsqu'elle est poursuivie par une partie civile que lorsqu'elle est
poursuivie par le ministère public. Le risque d'exposer une personne
à des poursuites injustifiées est en effet plus grand lorsque la
mise en mouvement de l'action publique émane d'un particulier que
lorsqu'elle émane du ministère public. D'ores et
déjà, l'article 392-1 du code de procédure
pénale prévoit l'exigence d'une consignation préalable
dans l'hypothèse de poursuites engagées par une partie civile.
Le tribunal conservera naturellement la possibilité de demander la
comparution personnelle du prévenu par une réassignation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 14
(Article 583 du code de procédure
pénale)
Recevabilité du pourvoi en cassation
d'une personne
qui ne se met pas en état
Cet
article tend à modifier l'article 583 du code de procédure
pénale. Dans sa rédaction actuelle, celui-ci prévoit que
les personnes condamnées à une peine privative de liberté
d'une durée supérieure à six mois sont
déclarées déchues de leur pourvoi dès lors qu'elles
ne sont pas en état (incarcérées) ou qu'elles n'ont pas
obtenu dispense de se mettre en état.
L'article 14 du projet de loi tend à porter à un an la
durée de la peine privative de liberté prononcée à
partir de laquelle il est indispensable de se mettre en état ou
d'obtenir une dispense pour former un pourvoi en cassation.
L'exposé des motifs du projet de loi indique que "
cette
modification atténue la rigueur de la règle actuelle -rigueur
nécessaire pour éviter l'encombrement de la Chambre criminelle
par des pourvois intentés par des condamnés en fuite- tout en la
rendant plus cohérente avec la règle selon laquelle le tribunal
correctionnel ne peut décerner mandat d'arrêt ou de
dépôt à l'audience que s'il prononce une peine d'au moins
un an
".
De fait, l'article 465 du code de procédure pénale ne permet
au tribunal correctionnel de décerner mandat de dépôt ou
d'arrêt contre le prévenu que lorsque la peine prononcée
est au moins d'une année d'emprisonnement sans sursis.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 15
(Article 583 du code de procédure
pénale)
Recevabilité du pourvoi formé
par une
personne jugée en son
absence
Cet
article a, comme le précédent, pour objet de modifier
l'article 583 du code de procédure pénale. Comme on l'a vu,
cet article prévoit actuellement que les personnes condamnées
à une peine privative de liberté d'une durée
supérieure à six mois sont déchues de leur pourvoi si
elles ne se mettent pas en état ou si elles ne sont pas
expressément dispensées de le faire.
Cette disposition s'applique aux personnes jugées en leur absence.
L'article 410 du code de procédure pénale prévoit
pour sa part qu'un prévenu cité à personne doit
comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue
valable par la juridiction devant laquelle il est appelé.
L'article 411, quant à lui, dispose qu'un prévenu
cité pour une infraction passible d'une peine d'amende ou d'une peine
d'emprisonnement inférieure à deux années, peut
demander à être jugé en son absence son défenseur
entendu, mais que le tribunal peut procéder à la
réassignation du prévenu et le juger contradictoirement s'il ne
répond pas à cette invitation.
La Cour européenne des droits de l'homme a estimé, dans un
arrêt Poitrimol, que l'
impossibilité pour un prévenu de
faire contrôler les motifs pour lesquels une cour d'appel avait
estimé ses excuses non valables était contraire aux exigences de
la Convention européenne des droits de l'homme.
L'arrêt POITRIMOL
23 novembre 1993
En 1984,
M. Poitrimol, à l'occasion de son droit de visite, a quitté le
territoire français avec ses deux enfants, dont son ex-épouse
avait la garde. En 1985, le juge aux affaires matrimoniales confia aux deux
parents conjointement la garde des enfants en imposant au père de
revenir en France afin que les enfants soient entendus.
En 1985 également, sur plainte de l'ex-épouse
déposée en 1984, le juge d'instruction renvoya M. Poitrimol
devant le tribunal correctionnel. Celui-ci demanda à être
jugé en son absence et son défenseur fut entendu.
M. Poitrimol fut condamné à un an d'emprisonnement, le
tribunal correctionnel décernant un mandat d'arrêt à son
encontre.
Il interjeta alors appel. Au cours d'une audience où son avocat
était présent, la Cour d'appel renvoya l'examen de l'affaire et
ordonna la réassignation du prévenu, dont elle estimait
nécessaire la comparution. M. Poitrimol ne se présenta pas
à l'audience, son avocat demandant à être autorisé
à représenter son client. Le 25 février 1987, la Cour
d'appel repoussa la demande de l'avocat en estimant que la faculté de
demander à être jugé contradictoirement son conseil entendu
ne s'appliquait pas aux prévenus en fuite et faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt. Elle confirma le jugement de première instance.
Enfin, en décembre 1987, la Cour de cassation a déclaré le
pourvoi de M. Poitrimol irrecevable aux motifs que "
le
condamné qui n'a pas obéi à un mandat d'arrêt
décerné contre lui n'est pas en droit de se faire
représenter et de donner mandat pour se pourvoir en cassation contre la
décision le condamnant
".
La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par M. Poitrimol,
a constaté le 23 novembre 1993 un manquement aux exigences de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Elle estima qu'au niveau de l'appel, la suspension du droit d'avoir un
défenseur était "
disproportionnée dans les
circonstances de la cause : elle privait M. Poitrimol, non recevable
à former opposition contre l'arrêt de la Cour d'appel, de sa seule
chance de faire plaider en seconde instance sur le bien-fondé de
l'accusation en fait comme en droit
".
A propos du pourvoi en cassation, la Cour estima "
que
l'irrecevabilité du pourvoi, pour des raisons liées à la
fuite du requérant, s'analysait elle aussi en une sanction
disproportionnée, eu égard à la place primordiale que les
droits de la défense et le principe de la prééminence du
droit occupent dans une société démocratique.
Assurément, il s'agissait d'une voie de recours extraordinaire portant
sur l'application du droit et non sur le fond du litige. Néanmoins, dans
le système français de procédure pénale,
la
possibilité, pour l'accusé non comparant, de faire plaider en
seconde instance sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en
droit, dépend dans une large mesure du point de savoir s'il a fourni des
excuses valables pour justifier son absence. Dès lors, un contrôle
juridique des motifs pour lesquels une Cour d'appel a rejeté de telles
excuses se révèle indispensable
".
L'article 15 du projet de loi vise à répondre à l'une
des critiques formulées par la Cour européenne des droits de
l'homme dans l'arrêt Poitrimol. L'article 583 du code de
procédure pénale serait modifié pour
permettre à
une personne de se pourvoir en cassation lorsqu'elle a été
jugée en son absence et que la juridiction concernée ne lui a pas
reconnu d'excuse valable ou lui a refusé d'être jugée en
son absence son défenseur entendu
. En ce cas, le pourvoi ne
porterait que sur la légalité de la décision par laquelle
la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse fournie par
l'intéressé en application de l'article 410 et son
succès entraînerait l'annulation de l'arrêt de la Cour
d'appel .
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
SECTION 4
Dispositions concernant la conservation
des scellés
Article 16
(Article 41-1 du code de procédure
pénale)
Durée de conservation des
scellés
Cet
article a pour objet de modifier l'actuel article 41-1 du code de
procédure pénale que l'article 1er du projet tend à
transformer en un article 41-4. Cet article concerne la restitution des
objets saisis et prévoit en particulier, dans sa rédaction
actuelle que les objets non restitués deviennent propriété
de l'Etat lorsque la restitution n'a pas été demandée ou
décidée dans un délai de trois ans à compter
de la décision de classement ou de la décision par laquelle la
dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence.
Le délai prévu actuellement est particulièrement
long ; la garde des objets saisis entraîne des frais importants, qui
ne paraissent guère justifiés alors que les moyens de la justice
sont notoirement insuffisants. Selon l'étude d'impact jointe au projet
de loi
10(
*
)
, un grand nombre d'objets sont
conservés sept ou huit ans. Le projet de loi propose de ramener la
durée légale de garde des objets à six mois, ce qui
paraît être une mesure d'économie heureuse qui ne devrait
pas nuire aux intérêts des propriétaires, la période
de six mois étant suffisante lorsqu'un propriétaire souhaite
la restitution de son bien.
L'article 16 prévoit par ailleurs que les objets demeurent
également la propriété de l'Etat lorsque le
propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a
été accordée ne réclame pas l'objet dans un
délai de 45 jours à compter d'une mise en demeure
adressée à son domicile.
La disposition proposée par cet article figurait déjà dans
un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice
déposé au Sénat le 25 mars 1997 et qui n'a pas pu
être discuté.
L'étude d'impact jointe au projet de loi précise que
"
sur la base actuelle du montant de la dépense
constatée, soit 49 MF en 1987, l'économie devrait être
de 30 MF et pour 1999 de 15 MF, soit la moitié de
l'économie finale
".
Sous réserve d'un
amendement
tendant à maintenir la
numérotation 41-1 pour cet article déjà connu des
praticiens, votre commission vous propose d'adopter l'article 16.
Article 17
(Article 99-1 du nouveau code de
procédure pénale)
Destruction ou aliénation des biens
meubles saisis
Cet
article tend à créer un nouvel article 99-1 dans le code de
procédure pénale afin de prévoir certaines dispositions en
ce qui concerne le sort, pendant l'instruction, des objets saisis dont la
restitution est impossible.
Le juge d'instruction pourrait, en cours d'instruction, ordonner la destruction
ou la remise au service des domaines aux fins d'aliénation des biens
meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus
nécessaire à la manifestation de la vérité et qui
ne peuvent être rendus à leur propriétaire, soit parce
qu'il n'est pas identifié soit parce qu'il ne réclame pas les
objets dans un délai de 45 jours à compter d'une mise en
demeure.
De même, le juge d'instruction pourrait ordonner la remise au service des
domaines en vue de leur aliénation des biens placés sous main de
justice appartenant aux personnes poursuivies, dont la conservation n'est plus
nécessaire à la manifestation de la vérité et dont
la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie
serait de nature à diminuer la valeur du bien. En cas de vente, le
produit de celle-ci serait consigné pendant dix ans et
restitué au propriétaire, s'il en faisait la demande, en cas de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ou si la peine de confiscation
n'était pas prononcée.
Par ailleurs, le juge d'instruction pourrait ordonner la
destruction des
biens meubles placés sous main de justice
dont la conservation n'est
plus nécessaire à la manifestation de la vérité,
lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou de
nuisibles, ou dont la détention est illicite
. Cette disposition vise
tout particulièrement les stocks de stupéfiants dont la
conservation est sans intérêt et peut parfois présenter des
risques. Dans ce domaine cependant, un certain nombre de précautions
sont nécessaires, qui font l'objet de l'article 18 du projet de loi.
Pour l'application des dispositions de l'article 99-1 nouveau du code de
procédure pénale, le juge d'instruction statuerait par une
ordonnance motivée, qui serait prise d'office ou sur réquisitions
du procureur de la République. Elle serait notifiée au
ministère public, aux parties intéressées et, s'ils sont
connus, au propriétaire et aux tiers ayant des droits sur le bien. Elle
pourrait être déférée à la chambre
d'accusation.
Les dispositions prévues par cet article vont dans le même sens
que celles figurant à l'article 16. Elles ont été
proposées en 1997 par M. Jacques Toubon, alors garde des
Sceaux, dans un projet de loi portant diverses dispositions relatives à
la justice déposé au Sénat le 25 mars 1997 et qui n'a pas
pu être examiné par le Parlement. Elles méritent
d'être soutenues, les droits des tiers et des propriétaires
étant préservés dans le dispositif retenu.
Il convient de signaler que le Gouvernement a proposé la mise en place
d'un dispositif relatif au sort des animaux placés sous main de justice
dans le projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la
protection des animaux. Lors de l'examen de ce texte le 19 mai 1998, le
Sénat, sur proposition de la commission des Lois saisie pour
avis
11(
*
)
, a décidé
d'insérer ce dispositif dans le code de procédure pénale
après l'article 99.
Il paraît en effet logique que les
dispositions relatives au sort des animaux et des objets placés sous
main de justice soient rassemblées au sein du même code.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 18
(Article 706-30-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Destruction des substances
stupéfiantes saisies
Cet
article tend à insérer un article 706-30-1 dans le code de
procédure pénale afin de préciser les conditions dans
lesquelles la destruction de stocks de stupéfiants saisis, que
l'article 17 tend à rendre possible, pourra être
pratiquée.
Les substances stupéfiantes saisies peuvent jouer un rôle
important dans la procédure d'instruction et de jugement comme
élément de preuve. Le texte proposé vise à imposer
au juge d'instruction qui entend faire procéder à la destruction
de substances stupéfiantes de conserver un échantillon des
produits et de le placer sous scellés. Le magistrat instructeur ou un
officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire, devrait en
outre procéder à la pesée des substances saisies, en
présence de la personne qui détenait les substances ou de deux
témoins choisis en-dehors des personnes relevant de l'autorité du
juge d'instruction ou de l'officier de police judiciaire. Cette pesée
pourrait être également réalisée pendant
l'enquête de flagrance, pendant l'enquête préliminaire ou au
cours de l'enquête douanière. Elle donnerait lieu à un
procès-verbal signé par les personnes présentes.
Ce dispositif a pour objectif de garantir les droits de la défense qui
pourraient être atteints si la destruction de stupéfiants ne
s'accompagnait d'aucune précaution. En 1996, la Cour de cassation a
censuré la décision d'une chambre d'accusation ayant
confirmé une ordonnance d'un juge d'instruction autorisant, en cours de
procédure, la destruction de 9 tonnes de résine de cannabis.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
SECTION 5
Dispositions diverses
Article additionnel avant l'article 19
(Article 626 du
code de procédure pénale)
Indemnisation des personnes
condamnées et
innocentées
L'article 626 du code de procédure pénale
concerne l'indemnisation des condamnés reconnus innocents. La
révision d'une condamnation pénale définitive peut
être demandée à la commission de révision, en vertu
de l'article 623 du code de procédure pénale. Si celle-ci
estime qu'une révision peut être ordonnée, elle en saisit
la chambre criminelle de la Cour de cassation qui statue comme cour de
révision. La chambre criminelle annule la condamnation si la demande est
fondée et ordonne, le cas échéant, le renvoi de l'affaire
devant une juridiction de même degré que celle dont émane
la décision annulée. Elle peut également statuer au fond,
s'il est impossible de procéder à de nouveaux débats, ou
si la décision annulant la condamnation ne laisse subsister aucune
charge à l'égard du condamné.
Depuis 1989, l'indemnité à laquelle peut prétendre un
condamné innocenté est accordée par la commission
d'indemnisation en matière de détention provisoire. Auparavant,
la décision d'où résultait l'innocence du condamné
pouvait lui allouer des dommages et intérêts.
La Cour de cassation, dans son rapport pour 1996, a estimé qu'il serait
préférable de revenir à la situation antérieure,
dans la mesure où il apparaît contraignant de demander à
une personne innocentée après une procédure de
révision longue de saisir une nouvelle instance pour obtenir une
indemnisation. Elle a en outre fait valoir que les critères
d'indemnisation appliqués par la commission d'indemnisation en
matière de détention provisoire ne paraissaient guère
adaptés à l'indemnisation de ce préjudice.
Votre commission est sensible à ces remarques. Elle craint cependant que
l'attribution éventuelle des dommages et intérêts par la
décision d'où résulte l'innocence du condamné
puisse, selon les circonstances, ne pas toujours être favorable à
ce dernier.
Elle vous propose donc que l'indemnité puisse être
attribuée par la juridiction de renvoi à la personne
innocentée si celle-ci en fait la demande. Devant la cour d'assises,
l'indemnisation serait allouée par la Cour statuant sans l'assistance
des jurés.
Tel est l'objet de son
amendement
tendant à l'insertion d'un
article additionnel
avant l'article 19.
Article 19
(Article 667-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Simplification de la procédure de
renvoi
d'une juridiction à une
autre
Cet
article a pour objet d'insérer un article 667-1 dans le code de
procédure pénale afin de faciliter le renvoi devant une autre
juridiction lorsque la juridiction normalement compétente ne peut
être composée en raison de l'existence des incompatibilités
prévues par la loi.
Actuellement, les procédures de renvoi d'un tribunal à un autre,
relèvent pour l'essentiel de la chambre criminelle de la Cour de
cassation. En vertu de l'article 662 du code de procédure
pénale, celle-ci peut dessaisir toute juridiction d'instruction ou de
jugement et renvoyer la connaissance de l'affaire à une autre
juridiction du même ordre pour cause de suspicion légitime.
L'article 665 prévoit en outre que la chambre criminelle peut
ordonner le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre pour
cause de sûreté publique à la requête du procureur
général.
Enfin, l'article 665-1 dispose que la chambre criminelle peut ordonner le
renvoi d'une juridiction à une autre si la juridiction normalement
compétente ne peut être légalement composée ou si le
cours de la justice se trouve autrement interrompu.
Le texte proposé pour l'article 667-1 du code de procédure
pénale tend à prévoir une exception à la
compétence de la chambre criminelle en matière de renvoi. Si la
juridiction compétente ne pouvait être composée en raison
de l'existence des incompatibilités prévues par la loi, le
premier président de la cour d'appel pourrait ordonner le renvoi devant
une juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour.
Cette disposition a pour objectif de faciliter la procédure de renvoi
dans certaines situations, en particulier en cas d'insuffisance de magistrats
du siège, comme cela arrive dans certaines petites juridictions. La
requête aux fins de renvoi serait présentée par le
procureur de la République de la juridiction saisie et serait
signifiée à toutes les parties intéressées, qui
disposeraient d'un délai de dix jours pour présenter leurs
observations. Le premier président de la cour d'appel statuerait dans
les quinze jours de la requête par une décision qui ne serait
pas susceptible de recours.
Votre commission est très réservée sur
l'opportunité de cette mesure.
Le problème posé par
cette disposition est celui de l'inadaptation de la carte judiciaire, dont la
révision est sans cesse annoncée et ... sans cesse
différée.
La disposition proposée est contestable dans son principe, dans la
mesure où elle tend à donner au premier président de la
cour d'appel le pouvoir de décider, sans recours possible, quelle
juridiction du ressort de la cour se verra renvoyer une affaire. Certes, dans
les petits tribunaux, la juridiction est parfois difficile à composer,
compte tenu des incompatibilités prévues par la loi. Cette
situation sera aggravée au demeurant, si un nouveau juge, dit " des
libertés ", voit le jour au cours des prochains mois.
Néanmoins, on ne peut résoudre ce problème par une
mesure d'opportunité contestable juridiquement. Votre commission appelle
de ses voeux une réforme de la carte judiciaire depuis de nombreuses
années.
La mission qu'elle a formée en son sein sur les
moyens de la justice a constaté en 1996 l'inadaptation de la carte
actuelle
12(
*
)
.
Aussi, votre commission vous propose-t-elle par un
amendement
la
suppression
de cet article, la révision de la carte judiciaire
lui paraissant être un préalable à toute réflexion
sur l'assouplissement des procédures de renvoi d'une juridiction
à une autre.
Article 20
(Article 803-1 nouveau du code de
procédure pénale
Notification aux avocats par
télécopie
Cet
article tend à prévoir, dans le code de procédure
pénale, que dans tous les cas où il est prévu de
procéder aux notifications à un avocat par lettre
recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, la notification
peut
aussi être faite sous la
forme d'une télécopie avec récépissé. Cette
disposition figurait déjà dans le projet de loi portant diverses
dispositions relatives à la justice déposé au Sénat
le 25 mars 1997 et qui n'a pas pu être discuté.
Certains articles du code de procédure pénale prévoient
déjà la possibilité d'utiliser la télécopie
comme mode de notification aux avocats. C'est le cas de l'article 114
relatif aux interrogatoires et confrontations pendant une instruction.
L'article 198 du code de procédure pénale prévoit,
pour sa part, qu'un avocat qui n'exerce pas dans la ville où
siège la chambre d'accusation peut adresser les mémoires qu'il
est en droit de produire jusqu'au jour de l'audience par voie de
télécopie.
Cette procédure serait généralisée. Il s'agit
d'une simplification heureuse, qui devrait permettre d'accélérer
les notifications et de diminue les frais de justice
. L'étude
d'impact jointe au projet de loi précise qu'"
une
économie de l'ordre de 8 à 10 % des frais postaux en
matière pénale peut être envisagée, soit environ
5 MF
".
Votre commission a toutefois constaté que le
récépissé délivré par le
télécopieur ne garantissait pas que la télécopie
avait été remise à la personne à laquelle elle
était destinée et que, compte tenu des conséquences que
pourrait avoir dans certains cas le défaut de réception, il
convenait d'être très prudent. Elle vous soumet donc un
amendement
tendant à préciser que la notification par
télécopie doit être faite avec accusé de
réception émanant du destinataire par la même voie.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'ENTRAIDE
JUDICIAIRE INTERNATIONALE
Article 21
(Articles 694, 695 et 696 nouveaux du code de
procédure pénale)
Entraide judiciaire
internationale
Cet
article tend à insérer un nouveau titre consacré à
l'entraide judiciaire internationale dans le livre quatrième du code de
procédure pénale, qui porte sur les procédures
particulières. Ce titre serait composé de trois articles.
• Le texte proposé pour l'
article 694
du code
de procédure pénale tend à prévoir que les demandes
d'entraide émanant des juridictions étrangères sont
exécutées, selon les cas, dans les formes prévues par le
code de procédure pénale pour l'enquête, l'instruction ou
le jugement. Il n'existe actuellement aucune disposition particulière
dans le code de procédure pénale en cette matière.
L'objectif de cette disposition est de faire en sorte que certains actes
puissent être accomplis en France à la demande d'autorités
étrangères en respectant le stade de la procédure
où se trouve l'affaire dans le pays étranger. D'après les
informations recueillies par votre rapporteur auprès de la Chancellerie,
il semble que la France reçoive depuis quelque temps des demandes visant
à l'interrogatoire d'un témoin, alors que l'affaire se trouve
déjà à la phase du jugement dans le pays demandeur
d'entraide. Il convient donc que l'interrogatoire puisse avoir lieu dans les
formes prévues pour le jugement. Rien ne l'interdit actuellement, mais
cette possibilité n'est pas utilisée.
Le texte proposé pour
l'
article 695
du code de
procédure pénale donne compétence au
procureur
général
du ressort pour transmettre les demandes d'entraide
auprès des autorités judiciaires compétentes et assurer le
retour des pièces d'exécution pour l'application de
l'article 53 de la convention d'application de l'accord de Schengen.
Article
53
de la convention d'application de l'accord de Schengen
signée
le 19 juin 1990
1. Les
demandes d'entraide judiciaire peuvent être faites directement entre les
autorités judiciaires et renvoyées par la même voie.
2. Le paragraphe 1 ne porte pas préjudice à la faculté de
l'envoi et du renvoi des demandes de ministère de la justice à
ministère de la justice ou par l'intermédiaire des bureaux
centraux nationaux de l'organisation internationale de police criminelle.
3. Les demandes de transfèrement temporaire ou de transit de personnes
qui sont en état d'arrestation provisoire ou de détention ou qui
sont l'objet d'une mesure privative de liberté, et l'échange
périodique ou occasionnel de données relatives au casier
judiciaire doivent se faire par l'intermédiaire des ministères de
la justice.
4. Au sens de la convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale du 20 avril 1959, on entend par le
ministère de la justice, pour la république
fédérale d'Allemagne, le ministre fédéral de la
justice et les ministres ou sénateurs de la justice des Etats
fédérés.
5. Les dénonciations aux fins de poursuites pour des infractions
à la législation relative au temps de conduite et de repos,
effectuées conformément à l'article 21 de la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale du 20 avril 1959 ou à l'article 42 du
Traité Benelux d'extradition et d'entraide judiciaire en matière
pénale du 27 juin 1962 tel qu'il est modifié par le
Protocole du 11 mai 1974, peuvent être adressées par les
autorités judiciaires de la partie contractante requérante
directement aux autorités judiciaire de la partie contractante requise.
Actuellement, les demandes passent par le ministère de la justice, ce
qui alourdit la procédure à un moment où les demandes
d'entraide sont de plus en plus nombreuses.
Dans son rapport remis au Président de la République en juillet
1997, la commission de réflexion sur la justice a
considéré "
que la transmission directe des demandes
d'enquêtes d'autorité judiciaire à autorité
judicaire constituerait un progrès important dans le fonctionnement de
l'entraide judiciaire internationale notamment dans le cadre de
l'Europe
"
13(
*
)
.
Votre commission vous soumet un
amendement
rédactionnel.
• Le texte proposé pour
l'
article 696
du code
de procédure pénale tend également à confier au
procureur général du ressort certaines compétences pour
l'application de l'article 15 § 2 de la convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de
1959, dans les relations entre les autorités judiciaires
françaises et les autres Etats parties à la convention
d'application de l'accord de Schengen.
L'article 15 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale, signée à Strasbourg le
20 avril 1959, prévoit dans son premier paragraphe que les
commissions rogatoires prévues par la Convention et les demandes de
transfert d'une personne détenue sont adressées par le
ministère de la justice de la partie requérante au
ministère de la justice de la partie requise. Le deuxième
paragraphe de cet article stipule qu'en cas d'urgence, les commissions
rogatoires peuvent être adressées directement "
par les
autorités judiciaires de la partie requérante aux
autorités judiciaires de la partie requise
". L'attribution par
le projet de loi de compétences au procureur général du
ressort en matière de demandes d'entraide précise utilement ce
dispositif et devrait accélérer les procédures et
faciliter la coopération judiciaire.
En mars dernier, en réponse à une question écrite de notre
collègue Emmanuel Hamel, Madame le Garde des Sceaux indiquait :
"
le projet de convention relative à l'entraide judiciaire en
matière pénale, actuellement en cours de négociation au
sein de l'Union européenne, retient que les demandes d'entraide seront
faites directement entre autorités judiciaires, sans condition
d'urgence, et surtout qu'il y sera répondu par la même
voie ".
Elle ajoutait
" les intérêts essentiels
de la France continueront à être préservés, dans la
mesure où le projet de convention considéré ne remet pas
en cause la faculté actuellement reconnue aux Etats parties de refuser
d'exécuter une demande d'entraide judiciaire lorsque son
exécution est de nature à porter atteinte notamment à la
souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre
public de l'Etat requis "
14(
*
)
.
Sous la même réserve et à condition de ne pas en abuser,
votre rapporteur ne peut qu'approuver ces mesures destinées à
améliorer la coopération judiciaire, tout en constatant que cette
question mérite une réflexion d'ampleur et que
l'internationalisation du crime organisé nécessite une
réponse faite dans le cadre européen.
Votre rapporteur estime en effet indispensable d'envisager la création
d'un véritable espace judiciaire européen afin de lutter
efficacement contre certains formes de criminalité. Il souhaite rappeler
les propositions qu'il a formulées en 1997 dans un rapport adopté
par la délégation du Sénat pour l'Union
européenne : "
Face au danger commun grandissant,
l'instauration d'un commandement unique n'est pas moins nécessaire en ce
domaine qu'elle le fut au temps des conflits armés. A la
communautarisation du crime peut seule répondre la communautarisation de
la répression
.
"
A partir du moment où les nations européennes ont
décidé de s'unir, l'unité des règles de droit, de
la jurisprudence et de l'organisation judiciaire, dans les domaines où
le principe de subsidiarité entendu positivement le justifie, n'est-elle
pas la réponse la plus naturelle en même temps que la seule
efficace des " Etats de droit ?
"
15(
*
)
.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié.
Article 22
Application dans les territoires d'outre-mer
et à Mayotte
Cet
article prévoit l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer
et dans la collectivité territoriale de Mayotte. Cette application est
justifiée, la procédure pénale relevant de la
compétence de l'Etat et non de celle des territoires ou
collectivités concernés.
Il convient de rappeler qu'en 1996, par la loi d'habilitation n°96-2, le
législateur a autorisé le Gouvernement à adapter par
ordonnances aux territoires d'Outre-mer et à la collectivité
territoriale de Mayotte le code pénal et certaines dispositions de
procédure pénale, en particulier celles introduites par la loi du
4 janvier 1993. Il s'agissait notamment de dispositions relatives à la
garde à vue et au régime des nullités.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
Convention de Schengen
Art.
53
. -
1/ Les demandes d'entraide judiciaire peuvent être faites directement
entre les autorités judiciaires et renvoyées par la même
voie.
2/ Le paragraphe 1 ne porte pas préjudice à la faculté de
l'envoi et du renvoi des demandes de ministère de la Justice à
ministère de la Justice ou par l'intermédiaire des bureaux
centraux nationaux de l'Organisation internationale de police criminelle.
3/ Les demandes de transfèrement temporaire ou de transit de personnes
qui sont en état d'arrestation provisoire ou de détention ou qui
sont l'objet d'une mesure privative de liberté, et l'échange
périodique ou occasionnel de données relatives au casier
judiciaire doivent se faire par l'intermédiaire des ministères de
la Justice.
4/ Au sens de la Convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale du 20 avril 1959, on entend par le
ministère de la Justice, pour la République
Fédérale d'Allemagne, le ministre fédéral de la
Justice et les ministres ou sénateurs de la Justice des Etats
fédérés.
5/ Les dénonciations aux fins de poursuites pour des infractions
à la législation relative au temps de conduite et de repos,
effectuées conformément à l'article 21 de la Convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du
20 avril 1959 ou à l'article 42 du Traité
Bénélux d'extradition et d'entraide judiciaire en matière
pénale du 27 juin 1962 tel qu'il est modifié par le Protocole du
11 mai 1974, peuvent être adressées par les autorités
judiciaires de la partie contractante requérante directement aux
autorités judiciaires de la partie contractante requise.
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale
Art.
15. -
1. Les commissions rogatoires prévues aux articles 3, 4 et 5 ainsi que
les demandes prévues à l'article II seront adressées par
le ministère de la Justice de la partie requérante au
ministère de la Justice de la partie requise et renvoyées par ma
même voie.
2. En cas d'urgence, lesdites commissions rogatoires pourront être
adressées directement par les autorités judiciaires de la partie
requérante aux autorités judiciaires de la partie requise. Elles
seront renvoyées accompagnées des pièces relatives
à l'exécution par la voie prévue au paragraphe 1er du
présent article.
1 Décision n° 95.360 DC.
2
article 35 du projet de loi relatif à
l'organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative adopté définitivement le
22 décembre 1994 et déclaré inconstitutionnel
par la décision 95-360 DC.
3
Texte du projet de loi.
4
Rapport Sénat n° 49 (1996-1997) -
" Quels moyens pour quelle justice ? "
5
Proposition de loi n° 270 du 4 février 1998.
6
J.O. Sénat, Séance du 23 octobre 1985, p. 2393.
7
C.A Colmar, 19 mars 1987.
8
Rapport n° 44 de M. Jean-Marie Girault (1992-1993).
9
Cass. 4 juin 1996, BC 1996 n° 230.
10
Cf. annexe.
11
Rapport pour avis n° 431 de M. Lucien Lanier (1997-1998)
12
Quels moyens pour quelle justice ? - Rapport
n° 49, 1996-1997.
13
Rapport de la commission de réflexion sur la justice, La
documentation française, p. 55
14
JO du 19 mars 1998, p. 918.
15
" Vers la construction d'un espace judiciaire
européen ", rapport n° 352, 1996-1997.