B. LA POSITION DES RAPPORTEURS : ASSURER L'APPLICATION DU PAQUET DE MAI 2024, SANS NÉGLIGER DE PARVENIR À TERME À UN FICHIER EUROPÉEN DES COMPTES BANCAIRES

Les rapporteurs ont interrogé la direction générale du Trésor, la direction générale des finances publiques, l'Autorité bancaire européenne et Tracfin afin de les interroger sur la plus-value de créer un fichier européen des comptes bancaires, en complément du système d'interconnexion de 27 registres nationaux prévu par le paquet anti-blanchiment de mai 2024.

Il en ressort deux observations principales.

D'abord, il a été avancé que la mise en place d'un tel fichier exigerait de rouvrir un cycle de négociations au niveau européen sur la lutte contre le blanchiment, alors même que plus de 3 ans de discussions ont été nécessaires pour aboutir au paquet de mai 2024. Les mesures de 2024 étant difficiles à mettre en application, compte tenu notamment des délais restreints, il conviendrait de concentrer l'énergie sur la mise en oeuvre de ce paquet. Loin d'être effective, l'existence d'un registre national de compte bancaire dans chaque État membre devrait être la priorité.

Par ailleurs, la mise en place d'un fichier européen des comptes bancaires soulèverait des questions en termes de souveraineté et de respect des libertés publiques.

La création d'un fichier commun impliquerait que des informations concernant les comptes bancaires, particulièrement sensibles du point de vue de la protection de la vie privée, figurent dans une base de données dont l'administration échapperait aux États membres. A l'heure actuelle, dans le cadre de la coopération entre CRF, un État membre peut restreindre l'accès de son registre aux autorités d'un autre État membre aux seuls cas où les autorités de ce dernier ont des raisons justifiées de croire qu'il pourrait exister des informations pertinentes relatives aux comptes bancaires dans cet État9(*). Avec la création d'un fichier européen, ce droit de regard des autorités nationales disparaitrait. Avec le système d'interconnexion des RCB, ce droit est maintenu.

Les personnes auditionnées ont insisté sur le saut en termes de souveraineté que constituerait ce fichier européen. Ils ont également alerté sur le risque que certaines administrations d'États membres partenaires puissent facilement utiliser à mauvais escient les informations contenues dans ce fichier commun.

Les rapporteurs sont conscients de ces deux écueils. Ils considèrent néanmoins que la création d'un fichier européen des comptes bancaire pourrait être un objectif à long terme, une fois appliqué le paquet adopté en mai 2024. Ce fichier présenterait en effet l'avantage de centraliser les informations et de permettre un gain de temps, profitable dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Le respect des données et la protection des informations sensibles nationales méritent d'être pris en compte et devront faire l'objet d'une attention particulière.

L'interconnexion des registres nationaux pourrait alors être considérée comme une première étape, avant d'en franchir - si besoin - une seconde avec la création d'un fichier européen des comptes bancaires. Les rapporteurs considèrent que la perspective de ce second objectif obligera à une évaluation du dispositif d'interconnexion et pourrait servir d'accélérateur pour la mise en oeuvre des mesures de 2024.

La directive de 2024 souffrant de difficultés de mise en oeuvre, il convient d'exercer une pression politique pour renforcer véritablement, et non pas seulement sur le papier, la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Dès lors, la position des rapporteurs s'organise autour de quatre principes :

- accélérer le déploiement dans chaque État membre d'un registre national des comptes bancaires ;

- exiger de la Commission européenne la prise rapide des mesures nécessaires au déploiement du système d'interconnexion des registres nationaux des comptes bancaires ;

- évaluer à partir de 2029 la mise en oeuvre du système d'interconnexion des registres des comptes bancaires, en s'assurant notamment de l'homogénéité des formats des registres nationaux ;

- après évaluation du système d'interconnexion des registres nationaux, examiner l'opportunité de créer un fichier européen des comptes bancaires.


* 9Article 4, paragraphe 1 bis de la directive 2019/1153 telle que modifiée par la directive 2024/1654.

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