B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : SOUTENIR ET APPROFONDIR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE N° 762
1. Soutenir la proposition de résolution européenne
La commission des affaires européennes souhaite d'abord souligner l'intérêt et l'urgence de la proposition de résolution européenne n° 762 afin de rappeler l'urgence de la situation des femmes et des filles afghanes.
Dans ces heures difficiles, le Sénat doit en effet de nouveau se trouver à leurs côtés. Elle se félicite du large soutien de sénateurs de tous les groupes politiques à cet impératif.
2. Approfondir ses recommandations
a) Réaffirmer sans ambiguïté le principe d'égalité entre les hommes et les femmes
La commission des affaires européennes souhaite réaffirmer le caractère universel et non négociable du principe d'égalité entre les hommes et les femmes en tête des recommandations de la proposition de résolution.
Comme le rappelle l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948, « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »
Pour rappel également, ce principe d'égalité était inscrit dans la Constitution afghane du 26 janvier 2004.
En complément, elle souhaite insérer parmi les visas de la proposition, une référence explicite aux textes européens pertinents, à savoir la Charte européenne des droits fondamentaux39(*) et l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE), relatif aux valeurs de l'Union européenne40(*).
b) Saluer le courage des femmes et des filles afghanes,
Dans un considérant de principe, la commission des affaires européennes propose de saluer le courage des femmes et des filles afghanes, dont la liberté et, parfois, la vie, sont menacées par la politique de discrimination et les violences du mouvement taliban. Simultanément, ces femmes, par des initiatives concrètes, se battent pour vivre et parfois, pour survivre, continuant à travailler, à apprendre et à enseigner.
c) Veiller à la protection de l'enfance
La commission des affaires européennes souhaite aussi attirer l'attention sur le sort des enfants. Ces derniers, du fait de la malnutrition, d'un accès aux soins difficile, et des violences pouvant être commises contre leur famille, souffrent de carences alimentaires, de peur et de troubles psychologiques.
Enfin, jeunes filles et jeunes garçons sont désormais souvent enrôlés dans des « madrasas » de plus en plus nombreuses où les talibans les « rééduquent » pour leur inculquer leur vision du monde faite de légitimation de la violence, de défiance contre tout ce qui est étranger, et d'infériorité de la femme.
Si la communauté internationale ne réagit pas, leur classe d'âge sera perdue et la communauté internationale pourrait faire face à une nouvelle génération d'adultes endoctrinés et violents.
d) Indiquer clairement la responsabilité des talibans dans les malheurs actuels de l'Afghanistan
La commission des affaires européennes propose de remplacer les mentions de l'« Afghanistan » et des « autorités afghanes » par celle de « talibans » dans la proposition, afin d'affirmer sans ambiguïté que ces derniers, qui ont repris le pouvoir par la force en août 2021 en suspendant l'application de la Constitution afghane de 2004 et en chassant les autorités élues, sont bien les responsables des crimes et des actes de persécution commis à l'heure actuelle dans le pays.
e) Confirmer la pertinence de la position de la France
Pour les raisons déjà évoquées, la commission des affaires européennes du Sénat souhaite confirmer la pertinence de la position diplomatique - délicate - de la France, à savoir, poursuivre le soutien au peuple afghan tout en refusant toute reconnaissance internationale du régime taliban.
Comme déjà précisé, le soutien au peuple afghan se manifeste par un appui important à l'Afghanistan dans le domaine de l'aide humanitaire. Il se traduit aussi par l'accueil de nombreux opposants et de femmes afghanes dans notre pays et par l'organisation d'initiatives diplomatiques, universitaires... pour informer et alerter sur la situation actuelle.
Le refus d'une reconnaissance internationale signifie que la France ne doit pas accepter de lettres de créance d'un délégué des talibans envoyé comme « ambassadeur » à Paris et simultanément, ne pas désigner un nouvel ambassadeur à Kaboul tant que le mouvement taliban et sa politique de répression sont en place. Les nécessaires contacts informels, qui sont l'essence de la diplomatie et peuvent répondre à des urgences, relèvent de l'équipe « afghane » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de son chargé d'affaires en poste à Doha.
f) Demander à la France et à l'Union européenne de soutenir toutes les actions contre la répression des talibans devant les juridictions internationales
La commission des affaires européennes partage la volonté des auteurs de la proposition que justice soit rendue concernant les crimes subis par les femmes afghanes : il importe de traduire les actes de répression commis par les talibans devant la Cour pénale internationale. Elle propose de rappeler à cet égard qu'une enquête du procureur de la Cour sur ces crimes a été ouverte en mars 2020 et confirmée en 2022.
Elle appelle aussi à s'intéresser aux autres procédures contentieuses possibles, comme celle envisagée par plusieurs États devant la Cour internationale de justice.
g) Veiller à l'acheminement de l'aide humanitaire internationale
Soucieuse d'accentuer l'aide humanitaire internationale vers l'Afghanistan, la commission des affaires européennes souhaite que cette aide bénéficie non seulement à la capitale, mais aussi à l'ensemble des provinces, ainsi qu'aux initiatives concrètes des femmes afghanes pour conserver une marge de liberté et pouvoir vivre. Elle insiste auprès du Gouvernement et de ses partenaires européens sur l'importance de veiller à ce que l'essentiel de cette aide parvienne bien à la population et ne serve pas à conforter les talibans.
* 39 Peuvent être visés en l'espèce ses articles 1er (dignité humaine), 2 (droit à la vie), 3 (droit à l'intégrité de la personne), 4 (interdiction de la torture), 6 (droit à la liberté et à la sûreté), 10 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 11 (liberté d'expression et d'information), 12 (liberté de réunion et d'association), 14 (droit à l'éducation), 15 (liberté professionnelle et droit de travailler), 18 (droit d'asile), 20 (égalité en droit), 21 (non-discrimination), 23 (égalité entre femmes et hommes) et 24 (droits de l'enfant).
* 40 Cet article rappelle que l'Union européenne « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. »