II. UNE DIMINUTION DE 9 % DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » MASQUANT D'IMPORTANTES DISPARITÉS ET DONT LE CIBLAGE APPARAÎT PERFECTIBLE
A. L'ÉVOLUTION GLOBALE DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » : UNE IMPORTANTE BAISSE PAR RAPPORT À L'EXERCICE 2024
Le PLF 2025 prévoit une baisse importante des crédits de la mission « Outre-mer », par rapport à l'exercice 2024. Ces crédits s'élèvent ainsi à 2,78 Mds€ en AE et 2,55 Mds€ en CP - contre 3,18 Mds€ en AE et 2,80 Mds€ dans la loi de finances initiale pour 2024, soit une baisse de 12,5 % en AE et 9 % en CP.
Plus précisément, le PLF 2025 prévoit :
- une très légère augmentation du programme 138 « Emploi outre-mer », qui s'élèverait à 1,98 Mds€ en AE et 1,95 Mds€ en CP (contre 1,90 Md€ en AE et 1,88 Md€ en CP en 2024), composé de 4 actions et qui vise à maintenir la compétitivité des entreprises, améliorer la qualification professionnelle des actifs ultramarins et soutenir les entreprises ultramarines ;
- une baisse sensible du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui ne serait pourvu que de 811 M€ en AE et 606 M€ en CP (contre 1,3 Md€ en AE et 920 M€ en CP dans la LFI 2024), composé de 8 actions et qui tend à financer principalement le logement, l'accompagnement des collectivités et la continuité territoriale.
Source : Commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
Cette diminution des crédits masque de surcroît de fortes disparités. Ainsi, si les CP du programme 138 augmentent légèrement, d'un peu moins de 3,5 %, en raison de la hausse des compensations d'exonérations de cotisations sociales, certaines actions connaissent des baisses massives de leurs crédits, à l'instar de l'action 04 relative au financement de l'économie, qui voit ses CP diminuer de plus de 75 % par rapport à l'exercice 2024.
B. LE PROGRAMME 138 : UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME, PORTÉE PAR L'AUGMENTATION DES EXONÉRATIONS DE COMPENSATIONS SOCIALES
Évolution par action des crédits du programme 138 entre 2024 et 2025 (en M€)
AE |
CP |
|||||
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation |
|
Action 01 |
1 539,2 |
1 642,9 |
+ 6,7 % |
1 539,2 |
1 642,9 |
+ 6,7 % |
Action 02 |
321,6 |
315,3 |
- 2 % |
309,1 |
295 |
- 4,6 % |
Action 03 |
3,6 |
3,6 |
= |
3,4 |
3,4 |
= |
Action 04 |
35,1 |
10,1 |
- 71,2 % |
33 |
8,1 |
- 75,5 % |
Total |
1 899,5 |
1 971,9 |
+ 3,8 % |
1 884,7 |
1 949,3 |
+ 3,4 % |
Source : Commission des lois à partir des documents budgétaires et du PLF 2025
Les crédits du programme 138 connaissent une légère hausse, de 3,8 % en AE et 3,4 % en CP et s'établissent ainsi à 1,97 Md€ en AE et 1,95 Md€ en CP.
Cette légère hausse est liée à la hausse des crédits de soutien aux entreprises (action 1), qui correspondent aux compensations d'allègements et d'exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines, et qui visent à améliorer leur compétitivité tout en favorisant l'emploi.
Le dispositif LODEOM
Des exonérations de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer ont été mises en place en faveur des employeurs implantés en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (dispositif LODEOM) pour lutter contre le chômage et favoriser la compétitivité des entreprises à travers une réduction du coût du travail. Ces exonérations sont compensées par l'État à partir des crédits du programme 138 et permettent une exonération totale des cotisations sociales patronale au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC).
Ce dispositif fait l'objet, depuis le printemps 2024, d'une évaluation conduite par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) qui vise à évaluer le dispositif pour en améliorer l'efficience, dont les résultats devraient être rendus avant la fin de l'année 2024.
Ce dispositif pourrait en outre faire l'objet d'une profonde réforme, sur le fondement de l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, qui prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réviser le dispositif LODEOM et qui modifierait aussi le régime de droit commun des exonérations de cotisations sociales, sur lequel est appuyé le dispositif LODEOM.
Les crédits alloués à l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelles (action 2) ainsi qu'au soutien de l'économie (action 4) connaissent en revanche une forte baisse, que déplore le rapporteur.
Sur l'action 2, les économies reposeront sur le report dans le temps de certaines opérations d'infrastructures du service militaire adapté (SMA), une diminution des crédits concernant l'extension du dispositif « Cadres d'avenir » et une baisse de la subvention pour charges de service public de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM).
Concernant le SMA, le rapporteur se satisfait malgré tout du maintien à un niveau élevé des crédits, qui permettront de continuer le développement de ce dispositif particulièrement efficace, comme en atteste le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat, supérieur à 80 % depuis 2017. Les crédits permettront ainsi la mise en oeuvre du plan « Horizons 2030 », qui constitue la prolongation du plan « SMA 2025+ ».
Le service militaire adapté (SMA) et le plan « Horizons 2030 »
Créé en 1961, le SMA est un dispositif militaire qui vise à améliorer l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans, en ciblant particulièrement les décrocheurs scolaires. À cet effet, il propose aux bénéficiaires un accompagnement socio-éducatif pour leur permettre d'acquérir des compétences professionnelles et sociales qui renforceront leur employabilité. Chaque année, 6 000 volontaires en moyenne bénéficient de ce programme.
Le plan « Horizons 2030 » prolonge le plan « SMA 2025+ » et vise notamment à accueillir de nouveaux publics (mineurs de 16 à 18 ans, parents isolés) ou encore à permettre à tous les volontaires de passer leur permis de conduire.
Il regrette en revanche la réduction des crédits censés permettre l'extension du dispositif « Cadres d'avenir », qui permet de soutenir la formation de cadres moyens et supérieurs et de répondre aux besoins en recrutement des entreprises ultramarines.
De même, le rapporteur s'inquiète de la diminution des moyens alloués à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), de 22 M€ en AE et 19,4 M€ en CP au total, qui met en oeuvre des programmes de formation professionnelle en mobilité, à destination des demandeurs d'emploi, capitale au vu du taux de chômage constaté dans les outre-mer.
Concernant l'action 4 relative au soutien de l'économie, le rapporteur s'est alarmé de la diminution massive des crédits alloués (- 71 % en AE et - 75 % en CP), alors que ces derniers financent des dispositifs majeurs et ayant prouvé leur efficacité, à savoir :
- les prêts de développement outre-mer (PDOM), lancés en 2017, qui sont des prêts sans garantie à destination des petites et moyennes entreprises (PME) et qui interviennent en cofinancement, aux côtés d'un financement privé (prêt bancaire, apport en capital, etc.). Les PDOM visent à compenser le coût du financement privé, plus élevé en outre-mer qu'en métropole, et permettent ainsi aux PME ultramarines de se financer à un taux moyen similaire à celui constaté dans l'hexagone. Entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2024, 747 PDOM ont été octroyés par Bpifrance pour un montant de 229 M€, ce qui montre le succès de ce dispositif ;
- l'aide au fret, destinée à compenser les surcoûts de transport de marchandises, liés à l'éloignement, pour les entreprises situées dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, qui permet de favoriser la production locale et de faire baisser les prix pour les consommateurs.
La réduction des moyens alloués aux PDOM et à l'aide au fret est inquiétante car ces deux dispositifs jouent un rôle crucial de soutien aux entreprises ainsi qu'à l'emploi local, alors que le niveau du chômage apparaît particulièrement élevé en outre-mer. De plus, alors que les mobilisations contre la cherté de la vie se multiplient, il apparaît assez inopportun de réduire un dispositif qui participe à l'abaissement des prix pour les consommateurs ultramarins. Le rapporteur souligne donc l'importance de mieux cibler les économies budgétaires de façon à préserver et soutenir les dispositifs ayant fait leurs preuves.