B. UNE DIMINUTION DE CRÉDITS REGRETTABLE, ALORS QUE LES TERRITOIRES ULTRAMARINS CONNAISSENT UNE AGGRAVATION DES TENSIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
1. Des difficultés économiques et sociales persistantes en outre-mer
Les territoires ultramarins sont marqués par des difficultés économiques et sociales persistantes. Régulièrement mises en lumière par les travaux du Sénat, d'importantes inégalités demeurent avec l'Hexagone et les outre-mer restent confrontés à des retards structurels de développement.
Les collectivités ultramarines font notamment face à :
- un taux de chômage plus élevé que dans l'Hexagone, qui s'établissait, au premier trimestre 2024, à 16,2 % en Guyane et à 34 % à Mayotte, contre 7,2 % en métropole et qui touche particulièrement les jeunes ;
- un niveau de vie moins élevé en outre-mer, le PIB par habitant s'établissant par exemple à 23 200 € en Guadeloupe ou encore 16 400 € à Wallis et Futuna, alors que la moyenne nationale est de 38 775 € ;
- un niveau de pauvreté élevé, avec 900 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté en outre-mer ;
- un nombre important d'habitats insalubres ou indignes, estimé à environ 150 000 ;
- des difficultés d'accès à l'eau potable, à Mayotte notamment, où 31,7 % de la population n'a pas accès à l'eau courante dans son logement ;
- des écarts de prix importants, touchant notamment les prix alimentaires, qui sont par exemple 40 % plus élevés en moyenne en Martinique et 51 % en Polynésie française, en comparaison avec l'Hexagone.
2. Des tensions sociales et économiques qui ont connu une aggravation en 2024
Les tensions liées à ces problématiques structurelles se sont en outre aggravées en 2024, comme l'illustrent les nombreuses crises ayant émaillé les territoires ultramarins :
- En Nouvelle-Calédonie, la perspective d'un dégel partiel du corps électoral spécial a provoqué de violentes émeutes à compter du 13 mai 2024, entraînant la déclaration de l'état d'urgence sur le territoire. Si la situation sécuritaire est aujourd'hui en voie d'amélioration, la situation économique et sociale demeure inquiétante : les émeutes auraient provoqué la destruction de 6 000 emplois dans le secteur privé ainsi que la destruction de 800 entreprises et les dégâts matériels sont estimés à plus de 2,2 Mds€. Les responsables politiques locaux soulignent aujourd'hui le risque « d'émeutes de la faim », alors que la précarité ne cesse de s'accroître dans l'archipel.
- En Martinique, une mobilisation contre la vie chère a éclaté le 1er septembre 2024, entraînant de nombreuses manifestations accompagnées de violences (pillages et incendie de supermarchés, barrages, actes de vandalisme...), à la suite desquelles de multiples blessés et plusieurs décès ont été dénombrés. Les tensions restent vives au moment de l'examen du PLF 2025, malgré la signature d'un accord entre les distributeurs, l'État et les élus locaux le 16 octobre dernier, visant à abaisser de 20 % en moyenne les prix des produits alimentaires les plus consommés en Martinique.
- En Guadeloupe, une coupure d'électricité de plus de 24 heures entre le 27 et le 28 octobre 2024, provoquée par des grévistes EDF dans un contexte de conflit social déclenché le 15 septembre dernier, a provoqué des troubles à l'ordre public (vandalisme, pillages) en dépit du couvre-feu mis en place, ainsi que des pertes économiques élevées.
- À Mayotte, la crise de l'eau ayant éclaté en 2023, en raison d'une période de sécheresse exceptionnelle, s'est prolongée en 2024. Au mois d'avril 2024, les habitants restaient toujours privés d'eau un jour sur trois et encore aujourd'hui, les difficultés se prolongent, la moitié sud de l'île ayant été privée d'eau pendant plus de 24 heures le 12 novembre 2024, dans un contexte de forte précarité et d'insécurité lié à la crise migratoire.
Dans ce contexte, le rapporteur souligne que la baisse des crédits alloués aux outre-mer prévue par le PLF 2025, alors que les collectivités ultramarines demeurent confrontées à des tensions économiques et sociales fortes et persistantes, apparaît particulièrement regrettable.