M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Je souhaite revenir sur l’interrogation du rapporteur au sujet du lien entre laïcité et discrimination indirecte. En échangeant avec un certain nombre d’acteurs et d’actrices, je me suis rendu compte que, lorsque des femmes, notamment de confession musulmane, se présentaient dans un club pour adhérer et devenir licenciées, elles se trouvaient confrontées à des dirigeants qui ne connaissaient pas bien le principe de laïcité.
Certes, monsieur le ministre, il existe un guide. En théorie, les informations sont donc à disposition des dirigeants, mais l’utilisation qu’en font dans la pratique les instances dirigeantes de clubs ou les instances départementales et nationales n’est pas satisfaisante.
Travailler sur cette formation, c’est justement lutter contre les discriminations dont sont victimes un certain nombre de femmes qui veulent faire du sport. Monsieur Savin, vous avez dit que celles-ci auraient toujours accès à une pratique de loisir et aux entraînements. En réalité, je crains que cette possibilité même ne leur soit refusée dans un certain nombre de clubs.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport tirant le bilan de son application. Le rapport étudie notamment l’impact de l’interdiction posée à l’article L. 131-7-1 du code du sport :
1° Sur l’accès des femmes aux activités sportives organisées par les fédérations agréées, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées ;
2° Sur la santé physique et mentale des pratiquants concernés par cette interdiction et ne participant plus aux compétitions ;
3° Sur l’attractivité du service public du sport dont les fédérations agréées sont délégataires et le report éventuel des pratiquants vers des fédérations non agréées.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous demandons que soit remis au Parlement un rapport évaluant les conséquences réelles de l’interdiction du port de signes religieux dans les compétitions sportives. Avant d’imposer une telle mesure, il est essentiel de penser aux premières personnes concernées, à savoir les femmes.
En effet, cette interdiction, au-delà du fait qu’elle constitue un dévoiement de la laïcité, risque d’avoir des effets négatifs, notamment pour les femmes et les jeunes filles, qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés pour accéder au sport. Les données sont sans appel : 49 % des femmes renoncent à la pratique sportive pour des raisons financières, 46 % en raison de contraintes familiales et 40 % à cause de charges domestiques. Face à ces inégalités persistantes, il est absurde d’ajouter une nouvelle barrière en interdisant à certaines femmes de pratiquer en raison de leur tenue vestimentaire. Quelques mois après les jeux Olympiques, je trouve particulièrement honteux de réduire ainsi la pratique du sport en France et de stigmatiser certains pratiquants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Évidemment, il conviendra de faire un bilan une fois que cette loi aura été adoptée par l’autre assemblée et appliquée un certain temps.
Cependant, vous connaissez le sort qui est traditionnellement réservé aux demandes de rapport au Sénat.
En outre, sur le fond, vous préjugez les conclusions de l’évaluation dans votre amendement ; finalement, je ne sais pas pourquoi vous demandez un rapport…
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Nous sommes tous attachés à la pratique sportive féminine. D’ailleurs, la dynamique du sport féminin a été relancée par les JOP. Les licences annuelles ont progressé l’an dernier plus vite chez les filles, avec une augmentation de plus de 6 %, que chez les garçons, et ce malgré les restrictions, d’ailleurs confirmées par le Conseil d’État, qui existaient déjà dans le règlement de certaines fédérations concernant le port des tenues religieuses. Ce n’est donc pas en revenant sur ces mesures que vous développerez la pratique sportive féminine.
À mon sens, il importe de respecter plus que tout nos principes de laïcité. Contrairement à vous, madame la sénatrice, je ne crois pas que le service public doive y renoncer pour être attractif ; c’est une condition même du bon fonctionnement de nos services.
Enfin, le Gouvernement considère, comme la commission, que le moment proposé est mal choisi pour demander un rapport. Il faudra attendre quelques années d’application pour faire une évaluation pertinente du texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 223 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié quinquies, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi et Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi sur la pratique sportive des mineures féminines, fédération par fédération. Ce rapport fait apparaître les efforts mis en œuvre par les fédérations pour corriger les écarts de pratique sportive entre les femmes et les hommes.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. À l’heure où les femmes sont sous-représentées dans le sport, notre priorité devrait être de corriger cette inégalité et de favoriser l’accès des femmes au sport. Or cette proposition de loi pourrait justement avoir l’effet inverse. Elle risque en particulier d’exclure les femmes portant le voile de la pratique sportive. C’est une inquiétude qui est largement partagée.
Les chiffres sont clairs : seulement 20 % des femmes, tous âges confondus, détiennent une licence dans un club sportif, contre plus de 38 % des hommes. Selon les chiffres de l’Insee, en 2024, un tiers des licences sportives sont détenues par les femmes et deux tiers par les hommes.
L’arrêt du sport chez les adolescentes est par ailleurs un phénomène massif et préoccupant. Selon un rapport de l’Unesco de 2024, une fille sur deux arrête le sport à l’adolescence. Or cette sédentarité entraîne de lourdes conséquences sur leur santé physique et mentale.
Puisque le sport a vocation à être un vecteur d’émancipation, d’intégration et de réussite pour les jeunes filles, nous proposons qu’un rapport soit remis au Parlement par le Gouvernement pour évaluer les effets de cette loi sur la pratique sportive des femmes et sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans le sport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cette demande de rapport subira le même sort que les autres : un avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Je le répète, laissons le temps au texte de s’appliquer pour pouvoir l’évaluer utilement.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code du sport est complétée par un article L. 312-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-4-1. – La collectivité territoriale propriétaire d’un équipement sportif détermine les conditions d’utilisation de cet équipement et des locaux attenants. Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective.
« Le premier alinéa ne fait pas obstacle à ce qu’un équipement sportif soit mis temporairement à la disposition d’une association qui souhaite l’utiliser à des fins cultuelles, à condition que ladite mise à disposition ne soit pas effectuée dans des conditions préférentielles. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par M. Fialaire, Mme Jouve, MM. Laouedj, Bilhac, Masset, Cabanel, Gold et Grosvalet, Mmes Briante Guillemont et Pantel et MM. Ruel et Guiol.
L’amendement n° 5 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 25 rectifié quater est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
M. Bernard Fialaire. L’article 2 de cette proposition de loi prévoit que les collectivités territoriales, qui ont le pouvoir de fixer les règles d’utilisation des équipements sportifs, doivent y interdire toute pratique religieuse, sauf dans certains cas de mise à disposition temporaire.
Nous considérons que cet article est déjà satisfait et c’est pourquoi nous proposons de le supprimer. Il empiète sur les compétences du maire, qui a déjà l’autorité nécessaire pour encadrer ou interdire un rassemblement religieux si celui-ci trouble l’ordre public, la tranquillité ou la sécurité publique. Autrement dit, cette disposition transgresse les pouvoirs de police du maire et risque même de créer une confusion juridique. Elle ouvre la porte à des interprétations floues et à des contentieux inutiles. Elle ajoute une contrainte excessive qui pourrait conduire à des décisions profondément discriminatoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Jean-Jacques Lozach. Le dispositif envisagé entre tout d’abord en conflit avec le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il s’inscrit aussi en opposition avec l’esprit de la loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d’État, qui autorise la mise à disposition de locaux communaux au profit d’une association cultuelle, à condition qu’il ne soit pas transformé de façon exclusive et définitive, sans contrepartie financière, en édifice cultuel.
Par ailleurs, nous prenons note de la volonté du rapporteur, par son amendement n° 30, d’améliorer la rédaction initiale de l’article 2 en appréhendant l’ensemble des cultes. En effet, en l’état, celle-ci est extrêmement stigmatisante envers une seule religion, avec la référence à la salle de prière collective.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Mathilde Ollivier. Cet article interdit l’usage exclusif d’un équipement sportif à des fins cultuelles, mais cet objectif est déjà pleinement garanti par la jurisprudence. Le Conseil d’État, de manière constante, rappelle que, si une collectivité peut ponctuellement autoriser l’utilisation d’un équipement public pour l’exercice d’un culte, elle ne peut en aucun cas en accorder l’usage exclusif ou pérenne.
Cet article, inutile juridiquement, est très révélateur de l’esprit de cette proposition de loi : il s’agit de détourner le principe de laïcité à des fins politiques et surtout discriminatoires. Quel était l’intérêt d’inscrire « notamment comme salle de prière collective » dans cet article ?
Nous demandons donc sa suppression.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
Mme Samantha Cazebonne. Nous demandons également la suppression de cet article. Le droit actuel est suffisant pour préserver la neutralité des locaux de tout contournement, via notamment le déféré préfectoral, lorsque la collectivité elle-même ne respecte pas le principe de neutralité.
De surcroît, des actions peuvent être mises en place dans le cadre du contrat d’engagement républicain. Lorsqu’une association signataire a détourné la destination d’un bien communal, la collectivité dispose de leviers contractuels prévus dans la convention de mise à disposition-location du bien pour faire respecter les engagements de l’association.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié quater.
M. Pierre Ouzoulias. À titre personnel, d’abord, je me demande vraiment si une mise à disposition gracieuse est conforme à l’article 2 de la loi de 1905, qui interdit le subventionnement des cultes.
Ensuite, vous l’avez dit, mes chers collègues, dans son arrêt du 18 mars 2024, le Conseil d’État énonce que l’existence d’une libéralité dépend de la durée et des modalités d’utilisation du bien communal, de l’éventuel avantage consenti et, si nécessaire, des raisons d’intérêt général ayant motivé la décision commune. Cette rédaction est beaucoup plus précise que celle du texte de la commission. Celui-ci mentionne des « conditions préférentielles », ce qui est beaucoup trop vague et marque un recul par rapport à la jurisprudence.
J’ajoute, pour notre collègue Claude Kern, que cet article ne vise que les associations. Or, en Alsace-Moselle, vous le savez, le culte est géré par des établissements publics (M. Claude Kern approuve.), ce qui signifie que l’on y appliquerait le régime actuel des cultes de « la France de l’intérieur », comme vous l’appelez. Je m’en réjouirais, mais je ne pense pas que telle soit l’intention de l’auteur de la proposition de loi.
Il me semble utile de mener une réflexion plus générale sur cet article. Une loi sur le sport n’est peut-être pas le véhicule législatif idéal pour traiter un sujet aussi difficile.
M. Max Brisson. Belle défense du Concordat ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Sans surprise, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Je m’étonne de la teneur des interventions successives. Soit vous n’avez pas la dernière version du texte issue des travaux de la commission, soit vous ne l’avez pas compris, soit vous avez le bon texte et vous l’avez bien compris, mais vous en faites une interprétation politicienne.
M. Pierre Ouzoulias. Jamais ! (Sourires.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je rappelle les termes de l’article tel qu’il est issu des travaux de la commission : « La collectivité territoriale propriétaire d’un équipement sportif détermine les conditions d’utilisation de cet équipement et des locaux attenants. » C’est très précis et on voit très bien de quoi il s’agit.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je poursuis : « Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective. » Pour ma part, je ne connais pas beaucoup de salles de prière qui ne soit pas collective.
Il n’est nullement interdit à un maire, et c’est précisé à l’alinéa 3, de signer un contrat avec une association cultuelle pour qu’une activité ou une manifestation de type religieux se déroule dans un local communal, dès lors que celle-ci est clairement décrite dans le contrat. Il n’y a là aucune entrave à la libre administration des collectivités locales.
En revanche, lorsque l’équipement sportif est confié à une association sportive pour y faire du sport, alors, selon nous, cet usage ne doit pas être dévoyé à des fins de prière collective.
Il n’y a donc pas dans notre texte d’entrave à l’exercice par les élus locaux de leurs prérogatives. Il ne s’oppose pas, monsieur Ouzoulias, à tel ou tel usage d’un local municipal pour des prières collectives. Simplement, nous ne voulons plus que des matchs de foot s’interrompent en pleine action pour qu’une prière ait lieu dans les vestiaires, voire sur le terrain.
M. Akli Mellouli. Ça n’existe pas, ça !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Bien sûr que si ! Nous ne voulons plus que, lorsqu’un équipement a été confié à une association pour y faire du sport, celle-ci y fasse autre chose.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Manifestement, mes chers collègues, vous n’avez pas vécu la même expérience que moi lors de nos auditions. Je vous invite à relire les propos des personnes que nous avons entendues : elles nous relataient des faits très précis, ceux-là mêmes que je viens de rappeler. Nous avons des exemples de ces dérives.
C’est bien pourquoi cette proposition de loi est pertinente et cet article a tout lieu d’être. Par conséquent, la commission a évidemment émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Je veux faire, au nom du Gouvernement, plusieurs observations au sujet de ces cinq amendements de suppression de l’article 2.
Tout d’abord, je rappelle que le Gouvernement reste évidemment mobilisé pour lutter contre toutes les stratégies de contournement des règles existantes, notamment celles qui sont relatives à l’utilisation des équipements.
Je tiens aussi à rappeler que la loi du 24 août 2021 nous offre plusieurs outils. J’en citerai deux, sans entrer dans le détail, car tout le monde les connaît par cœur : le « déféré laïcité », qui permet au préfet d’agir, et le contrat d’engagement républicain, qui oblige les associations à respecter le caractère laïque de notre République.
Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces cinq amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. On va changer un peu de religion, cela fera du bien…
Je veux d’abord rappeler, mes chers collègues, que je suis particulièrement opposé à la présence de crèches dans les bâtiments publics, parce que je suis partisan d’une application stricte de la loi de 1905.
Ensuite, je signale à votre attention l’existence de la Fédération sportive et culturelle de France ; cette association sportive chrétienne, qui se revendique comme telle, s’emploie à développer la pastorale par le sport. Elle dispose d’aumôniers, nommés par la Conférence des évêques de France ; or je suppose que, s’il y a des aumôniers, c’est pour qu’ils aillent jusque dans les vestiaires. Il faudrait donc, monsieur le rapporteur, que vous nous précisiez si, avec votre texte, les aumôniers ne pourront plus entrer dans les vestiaires.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Pendant le match !
M. Pierre Ouzoulias. Voilà une précision fort utile !
Cela étant entendu, je pense qu’il faut faire attention à la rédaction que vous retenez. Pour ma part, je l’ai dit, je suis plutôt favorable à ce que l’on revienne, dans un autre texte relatif à l’application de la loi de 1905, sur les conditions dans lesquelles les bâtiments publics sont mis à la disposition des cultes. En revanche, il ne me paraît pas opportun d’aborder cette question fondamentale et complexe au détour d’un article d’une proposition de loi relative au sport.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je comprends l’avis de sagesse du Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, en tant que maire, j’ai été confronté à une association sportive censée faire du football en salle, mais qui interrompait ses matchs pour une prière. Nous leur avons dit que, s’il en était ainsi, le gymnase municipal ne serait plus mis à leur disposition, et les prières ont cessé. Ils ont alors pu revenir ; on avait tout de même un gardien pour surveiller… En tout cas, si ces phénomènes existent bien, on a déjà les moyens d’y mettre fin.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Mais pas l’obligation ! Avec ce texte, ce serait obligatoire.
M. Bernard Fialaire. À mon sens, il est de l’obligation du maire de faire respecter la laïcité. C’est pourquoi j’estime que cet article est superfétatoire.
Mme Sylvie Robert. Comme toute la proposition de loi !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je veux répéter ce que j’ai fait remarquer tout à l’heure dans la discussion générale : la direction nationale du renseignement territorial (DNRT, ex-service central de renseignement territorial), qui surveille le monde sportif amateur, a relevé des éléments inquiétants, tels que des prières sur des terrains de foot, ou des éducateurs fichés comme salafistes qui utilisent des tapis de prière dans les gymnases. Selon les auteurs de cette note, ce phénomène découle du repli communautaire observé dans plusieurs quartiers ; les fondamentalistes religieux y ciblent les jeunes en mêlant sport et pratique religieuse, notamment en transformant les vestiaires et gymnases en salles de prière. Ces phénomènes existent, on les observe aujourd’hui dans les équipements sportifs !
Je remercie le rapporteur d’avoir précisé les choses : rien dans ce texte n’empêchera un maire de mettre un équipement sportif municipal à la disposition d’un culte, pour une manifestation cultuelle. Ce texte servira à protéger le temps de la pratique sportive, afin que celle-ci ne soit pas dévoyée par la pratique religieuse. Peut-être des maires y veillent-ils déjà, mais d’autres ne le font pas ; il convient donc que la loi accompagne les maires pour leur donner un cadre juridique.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je veux simplement apporter une réponse à notre collègue et ami Pierre Ouzoulias. Dans la mesure où les lieux de culte ne sont pas des lieux de pratique sportive, cet article ne remet pas en cause le Concordat.
M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié ter, 5, 12, 19 rectifié et 25 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Piednoir, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
sportive
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
exclut tout usage pour l’exercice d’un culte
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Nous avons eu des débats sur ce point en commission. Dans leur prolongation, nous proposons de remplacer le terme de « prière », qui n’est pas reconnu dans le droit français, par l’expression « exercice d’un culte » ; il s’agit donc, pour ainsi dire, d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
La deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 121-4 du code du sport est complétée par les mots : « ou si l’association sportive se soustrait délibérément aux obligations prévues aux articles L. 131-7-1 et L. 312-4-1 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 20 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Kulimoetoke, Lévrier, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 6.
Mme Sylvie Robert. Notre amendement vise à supprimer l’ajout, redondant, de nouvelles possibilités légales de retrait de l’agrément octroyé aux associations dans le cas où celles-ci, délibérément, n’auraient pas veillé à faire respecter les interdictions nouvelles figurant dans cette proposition de loi, à savoir les interdictions de port de signes et de tenues d’appartenance religieuse ou politique pendant les compétitions et d’utilisation comme salle de prière collective d’un local sportif. Le retrait d’agrément emporte évidemment celui de l’aide qu’elles peuvent recevoir de l’État une fois agréées par le préfet.
Ce retrait d’agrément est déjà permis par notre droit en cas de non-respect du principe de laïcité, puisque cela contrevient au contrat d’engagement républicain que les clubs sportifs doivent signer préalablement à l’octroi de l’agrément.
Permettez-moi à cette occasion de relever combien il est paradoxal que la droite sénatoriale, qui a bataillé – on se souvient de nos débats dans cet hémicycle – pour imposer la signature de ce contrat par toutes les associations sportives, jusqu’aux fédérations, et en faire une condition sine qua non de l’agrément, propose aujourd’hui une nouvelle voie législative de retrait de l’agrément de ces associations.
De surcroît, il paraît pour le moins étrange que le présent article renvoie au dispositif de l’article 2, car on ne voit pas sur quel fondement un club sportif pourrait être tenu pour responsable de l’utilisation à des fins cultuelles d’un équipement sportif appartenant à la commune et non au club lui-même.