M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. L’amendement n° 17 vise à réécrire entièrement l’article 1er. De plus, il a pour objet de renforcer la lutte contre les discriminations, qui est déjà prévue dans les différents codes applicables. Enfin, que l’on défende une laïcité « étriquée » ou « éclairée » pour reprendre des adjectifs utilisés précédemment, le sujet des discriminations n’est pas en lien avec le texte que nous examinons aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 23, il a pour objet la protection des mineurs. Cette question a suscité un débat en commission, comme elle l’avait fait aussi lors de l’examen de la loi de 2004. Il avait été considéré, à l’époque, que la mesure concernait l’ensemble d’une communauté, à l’intérieur d’un établissement scolaire. Or il est vrai qu’il en va de même ici : à l’intérieur d’un « rectangle vert » ou d’une enceinte sportive, il y a des mineurs et des majeurs, et l’idée des auteurs de cet amendement est de viser l’intégralité de ceux qui pratiquent le même sport, au même moment.

Toutefois, malgré tout l’intérêt que présente cette disposition pour la protection des mineurs, la commission a également émis un avis défavorable à son sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Avis défavorable sur les deux amendements.

Je précise que le Gouvernement proposera de modifier l’article 1er au moyen de l’amendement n° 31, afin de trouver un équilibre consistant à ne viser que les fédérations sportives qui exercent une délégation de service public. L’article sera ainsi parfaitement cadré, dans la droite ligne de ce qu’a fait le Conseil d’État dans sa décision.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

section 1

par les mots :

section 3

et la référence :

L. 131-7-1

par la référence :

L. 131-23

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 131-7-1

par la référence :

L. 131-23

et le mot :

agréées

par le mot :

délégataires

La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement vise à préciser que l’interdiction du port de tout signe religieux ostentatoire s’applique aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires de service public, car c’est bien au nom du service public que ce principe de laïcité s’impose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Mes chers collègues, laissez-moi vous donner quelques précisions sur le champ d’application de cet amendement. Il vise à restreindre l’application de l’article 1er aux seules fédérations délégataires de service public plutôt qu’à l’ensemble des fédérations agréées. Je vous rappelle qu’il y a 118 fédérations agréées, dont 86 sont délégataires.

Le ministère confie à ces fédérations délégataires un monopole pour l’organisation des compétitions sportives donnant lieu à des délivrances de titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. L’octroi d’une telle délégation est subordonné à la conclusion d’un contrat de délégation avec l’État.

Nous souhaitions étendre le dispositif à l’ensemble des fédérations agréées, mais la restriction du champ, telle qu’elle est proposée ici, ne nous semble pas contradictoire avec l’intention des auteurs de cette proposition de loi, Michel Savin et ses collègues.

Je précise que nous avons reçu tardivement cet amendement du Gouvernement, de sorte que la commission n’a pas pu l’examiner. C’est donc à titre personnel que j’émets un avis favorable à son sujet.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J’écouterai avec attention ce qu’auront à dire nos collègues qui siègent de l’autre côté de l’hémicycle sur la restriction formelle que le Gouvernement propose d’introduire par cet amendement.

En tout état de cause, si cet amendement tend à atténuer quelque peu la portée du texte, il ne change rien au fond. Certes, seules les fédérations délégataires d’une mission de service public, et non toutes les fédérations agréées, devront, comme leurs organes déconcentrés, les ligues et les clubs, interdire le port ostensible de signes religieux et politiques durant les compétitions départementales, régionales et nationales. Néanmoins, le texte, même ainsi limité, restera en contradiction avec notre conception de la laïcité dans le sport.

Nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. L’amendement du Gouvernement vise indéniablement à restreindre le périmètre de la mesure.

Toutefois, monsieur le ministre, ne soyons pas naïfs. Les fédérations qui seront exclues du dispositif sont également confrontées au phénomène que nous entendons traiter via cette proposition de loi. Je pense notamment aux fédérations nouvelles, celles de certains sports de combat : on voit bien que le port de signes religieux y est présent.

Je suivrai la position du rapporteur et je voterai cet amendement, mais je tiens quand même à inciter le Gouvernement à se montrer attentif aux fédérations qui ne sont pas délégataires. Elles comptent de nombreux adhérents, en particulier des jeunes, qui pratiquent ces nouveaux sports de combat, donc il faut être vigilant et organiser un suivi aussi adapté que possible.

En effet, il ne faudrait pas que, en excluant ces fédérations des obligations prévues dans ce texte, nous favorisions un transfert d’athlètes, qui abandonneraient leur fédération d’origine, où ils se sentiraient pénalisés ou mal à l’aise, pour rejoindre celles qui auraient toute liberté.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je comprends l’appel à la vigilance de Michel Savin, mais je trouve l’amendement du Gouvernement intéressant.

Remontons le temps pour faire un peu d’histoire. La laïcité, c’est d’abord la neutralité des agents du service public. C’est ainsi qu’ont été construits, dans un premier temps, les principes de laïcité et de neutralité de l’État. Dans un deuxième temps, il a été prévu qu’il y aurait une laïcité singulière, à l’école, et l’on a demandé aux usagers, les élèves, d’être eux aussi dans la neutralité.

L’amendement du Gouvernement a pour objet de restreindre la mesure aux fédérations qui ont une délégation de service public. Il permet donc d’avancer, sur la question du rapport entre service public et neutralité. Le pas que propose le Gouvernement participe d’une approche pragmatique du sujet, tenant compte des réalités et s’inscrivant dans une histoire, celle de la construction de la spécificité de notre laïcité.

Il m’arrive très souvent de rappeler à ceux qui pourraient l’oublier que, à l’école, la laïcité est singulière : elle n’est pas la même que celle que l’on retrouve dans d’autres services publics. De la même manière, la conception que nous avons du sport peut également nous conduire à construire, peu à peu, une démarche singulière en matière de laïcité dans ce domaine.

L’amendement du Gouvernement marque donc une étape importante. Il vise un champ plus restreint que celui que prévoyait le texte de Michel Savin, mais en le définissant autour de la notion de service public, ce que je trouve intéressant. En effet, la délégation par l’État à certaines fédérations de la politique publique du sport nécessite que ce texte s’applique, parce que l’enceinte du sport doit être neutre.

C’est un pas intéressant que le Gouvernement propose et je souhaite que mes collègues votent cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. En effet, les associations affiliées ne relèveront pas toutes de la disposition que nous proposons de modifier par cet amendement.

Néanmoins, il y a dans ce champ de nombreuses associations à caractère confessionnel et de toutes natures.

En outre, monsieur Savin, nous ne sommes pas démunis d’outils juridiques nous permettant d’agir à l’encontre d’associations qui ne relèvent pas du service public, mais qui ont des comportements séparatistes. Nous sommes capables de les poursuivre. Le dispositif doit être équilibré et l’objectif est de respecter les conditions fixées par le Conseil d’État, de façon à ne pas fragiliser le texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Même si l’amendement du Gouvernement nous est parvenu de manière tardive, il est utile. Si nous l’avions examiné plus tôt dans le débat, un certain nombre d’interventions n’auraient pas eu lieu.

Via cet amendement, le Gouvernement nous offre l’occasion de recentrer la problématique sur les fédérations qui sont liées à l’État dans le cadre d’une délégation de service public. En effet, c’est bien cette notion, le service public, qui justifie, entre autres motifs, la nécessité de légiférer. Je soutiens donc pleinement cet amendement.

Michel Savin a raison d’attirer notre attention sur les autres pratiques sportives, qui ne seront pas concernées. Toutefois, le cœur du problème est peut-être non pas le dispositif législatif que nous essayons de faire appliquer, mais le fait que ces pratiques sont hors du champ des délégations de service public organisées par le ministère des sports. Il sera donc nécessaire que le ministère travaille à mieux les intégrer.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Je trouve intéressant que M. le ministre ait dit, voilà quelques instants, que nous avions d’autres moyens pour agir dans certains cas. C’est tout simplement l’objet de l’article 31 de la loi de 1905, dont nous avons déjà parlé, qui permet de combattre la pression.

Mes chers collègues, j’aimerais vous convaincre que ce texte ira à l’encontre des effets que vous recherchez. En choisissant de modifier l’équilibre de la loi de 1905 et en portant atteinte à la liberté de conscience dans le champ du sport – encore une fois, l’école est à part, car ce qui a été décidé la concernant se fondait sur la défense de la liberté de conscience –, à quoi allez-vous aboutir ? Nous verrons des gens s’entraîner ensemble la semaine, mais seuls certains d’entre eux pourront participer à la compétition le week-end, les autres restant à l’écart. Vous allez entraîner des vexations, de la frustration et vous allez en réalité tomber dans la mâchoire que les islamistes veulent refermer sur nous.

Ces mécanismes sont très bien décrits par Hugo Micheron dans La Colère et loubli, qui analyse bien les années que nous sommes en train de vivre. Avec ce type de mesures, vous donnerez un « grip », un moyen aux islamistes pour combattre nos principes. Je le répète, les effets de votre loi seront à l’opposé de ceux que vous recherchez.

Mes chers collègues, je vous demande encore une fois d’en revenir à la laïcité, ce vieux principe clair et sain, si nous voulons garder une chance que ce pays et cette République fonctionnent correctement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Piednoir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

aux acteurs de ces compétitions

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Il s’agit de préciser que l’article 1er, qui prohibe le port des signes religieux ou politiques lors des compétitions sportives, s’applique aux acteurs de ces compétitions. Cette précision nous a été demandée lors de l’examen en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Nous sommes toujours en manque de précisions.

Les acteurs des compétitions, qui sont-ils ? Les acteurs du sport, eux, sont définis au livre II du code du sport, mais les arbitres sont-ils concernés, par exemple, par l’interdiction du port des signes religieux ? (Bien sûr ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Quid des remplaçants sur le banc de touche ? Et les entraîneurs ? (Bien sûr ! sur les mêmes travées.)

Il me semble que cet article est assez imprécis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. M. Lozach, qui connaît bien le monde du sport, a donné les réponses dans ses questions. En effet, les trois catégories que vous venez de citer font partie des acteurs du monde du sport qui sont concernés, l’amendement visant surtout à préciser que les spectateurs ne le sont pas.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié ter, présenté par MM. Levi, Savin, Kern, Karoutchi et Bonhomme, Mme Herzog, M. Reynaud, Mmes de La Provôté, Borchio Fontimp et Billon, MM. Henno, Laugier et Canévet, Mmes Gacquerre et Belrhiti, M. Paccaud, Mme Loisier, MM. Chasseing, Capo-Canellas, Chatillon et Cambier, Mme Josende, M. Klinger, Mme Muller-Bronn, M. H. Leroy, Mme Evren, M. Burgoa, Mmes Eustache-Brinio et Ventalon, M. Belin, Mme Drexler, M. Milon et Mmes Goy-Chavent et Lermytte, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de contrevenir au premier alinéa est sanctionné dans les conditions prévues par le règlement disciplinaire de chaque fédération sportive agréée et de chaque ligue professionnelle. »

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement vise à renforcer l’effectivité du principe de laïcité dans le sport, qui est au cœur de cette proposition de loi.

Le constat est simple. Aujourd’hui, de nombreuses fédérations sportives disposent déjà dans leur règlement de sanctions disciplinaires en cas de non-respect du principe de laïcité. C’est notamment le cas de la fédération française de football.

Nous proposons de généraliser et d’harmoniser cette pratique en prévoyant explicitement que toute violation du principe de laïcité sera sanctionnée selon les règles disciplinaires propres à chaque fédération agréée et à chaque ligue professionnelle. Il s’agit non pas de créer de nouvelles sanctions, mais bien de donner une base légale claire aux dispositifs existants tout en respectant l’autonomie des fédérations dans la définition de leur échelle de sanctions. Cette approche pragmatique permettra de garantir que le sport, vecteur essentiel de cohésion sociale dans notre République, demeure cet espace de neutralité et de fraternité où chacun peut se retrouver, quelles que soient ses convictions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cet amendement est lui aussi le fruit de nos débats en commission, ce qui, au passage, prouve l’utilité de ces derniers. Toute création d’une mesure d’interdiction entraîne la question du contrôle de son application et de la sanction éventuelle en cas de non-respect.

J’avais d’abord envisagé une sanction de type amende contraventionnelle classique. Après des échanges en commission, nous sommes convenus que ce n’était peut-être pas le meilleur moyen de faire passer le message que nous souhaitions promouvoir. Nous nous sommes alors promis de tous y réfléchir de notre côté.

Par cet amendement, Pierre-Antoine Levi nous propose une mesure d’ordre disciplinaire, relevant de chaque fédération, qui a la liberté de définir dans son règlement la façon dont elle entend sanctionner l’auteur de l’infraction.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur Levi, de prime abord, j’étais tenté d’émettre un avis de sagesse, mais je vais finalement donner un avis favorable si, et seulement si, vous rectifiez votre amendement pour substituer la mention « délégataire de service public » au mot « agréée », en coordination avec la rédaction de l’amendement n° 31 du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Levi, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens ?

M. Pierre-Antoine Levi. Si le rapporteur accepte cette rectification, c’est bien volontiers que je souscris à cette demande.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Avis favorable !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Levi, Savin, Kern, Karoutchi et Bonhomme, Mme Herzog, M. Reynaud, Mmes de La Provôté, Borchio Fontimp et Billon, MM. Henno, Laugier et Canévet, Mmes Gacquerre et Belrhiti, M. Paccaud, Mme Loisier, MM. Chasseing, Capo-Canellas, Chatillon et Cambier, Mme Josende, M. Klinger, Mme Muller-Bronn, M. H. Leroy, Mme Evren, M. Burgoa, Mmes Eustache-Brinio et Ventalon, M. Belin, Mme Drexler, M. Milon et Mmes Goy-Chavent et Lermytte, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de contrevenir au premier alinéa est sanctionné dans les conditions prévues par le règlement disciplinaire de chaque fédération sportive délégataire de service public et de chaque ligue professionnelle. »

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié quater, présenté par Mme Joseph, MM. Savin, Panunzi, Paccaud et Burgoa, Mme Ventalon, MM. Reichardt, Mizzon et E. Blanc, Mmes Gruny, Demas, Muller-Bronn et Guidez, M. P. Vidal, Mmes Eustache-Brinio, Di Folco et Billon, M. Houpert, Mmes Goy-Chavent et Valente Le Hir, MM. Saury et Dumoulin, Mme Belrhiti, M. Kern, Mmes Dumont, Deseyne et M. Mercier, MM. Rietmann et Perrin, Mme Josende, M. Brisson, Mmes Lassarade, Evren, Bellurot et Schalck, MM. P. Martin, Grosperrin, Genet, Belin, Lefèvre, Gueret, Sido et Courtial et Mmes Pluchet, Imbert et Berthet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit aux personnes sélectionnées en équipe de France par une fédération sportive délégataire du service public. »

La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Les grandes manifestations sportives témoignent depuis toujours du rôle central du sport comme vecteur de cohésion sociale. Elles constituent un précieux moment d’unité nationale et ne sauraient être ternies par des considérations politiques ou religieuses. Étrenner le maillot français, c’est porter ses valeurs !

La loi confie l’exécution d’un service public aux fédérations sportives, tenues d’assurer l’égalité des usagers et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité. Ces fédérations exercent un pouvoir de direction sur les sportifs arborant le maillot de l’équipe de France, qui participent dès lors à une mission de service public. À ce titre, ils doivent être soumis au principe de neutralité.

C’est ce que le Conseil d’État a expressément reconnu par un arrêt du 29 juin 2023. Lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Gouvernement a également réaffirmé que la neutralité s’imposait à ces athlètes.

Aujourd’hui, si cette nécessité est assez communément admise, aucune loi n’impose clairement la neutralité aux personnes sélectionnées en équipe de France. C’est dans ce flou juridique que s’engouffrent les revendications communautaristes de celles et de ceux qui voudraient faire vaciller les valeurs de la République française.

Par cet amendement, nous entendons inscrire dans le droit que le principe de neutralité s’applique aux personnes sélectionnées en équipe de France, afin de veiller au respect du principe de laïcité et de protéger les fédérations face aux tentatives de dévoiement communautaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les athlètes évoluant en équipe de France participent à l’exécution du service public confié à la fédération qui les a sélectionnés. C’est à ce titre qu’ils doivent respecter le principe de neutralité que vous évoquez.

Le Conseil d’État l’a d’ailleurs confirmé dans sa décision du 29 juin 2023. La ministre chargée des sports à l’époque des JOP de 2024, Amélie Oudéa-Castéra, a confirmé l’interdiction du port du voile pour les athlètes des équipes de France dans le cadre de ces jeux. Cet amendement s’inscrit en quelque sorte en concordance avec les propos de la ministre.

Or l’article 1er de ce texte ne s’applique qu’aux compétitions départementales, régionales, voire nationales, c’est-à-dire au champ national stricto sensu, et non aux compétitions internationales. Votre proposition vient donc utilement compléter le dispositif envisagé par l’auteur de la proposition de loi, en étendant son application aux athlètes français sélectionnés par les fédérations délégataires de services publics.

C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Je ne répéterai pas ce qui vient d’être expliqué de façon limpide par M. le rapporteur… (Sourires.)

Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je m’interroge sur la portée de ce devoir de neutralité, auquel seraient astreints les sportifs français.

Par exemple, l’un des plus grands attaquants que l’équipe de France de football ait connus, Olivier Giroud, a l’habitude de parler très franchement de sa foi et du rôle qu’a joué Jésus dans sa carrière sportive. Il a même fait tatouer sur son corps des messages religieux. Est-ce que, avec cette proposition de loi, l’équipe de France de football aurait dû se passer de cet immense talent, qui a tant contribué à son palmarès ces dernières années ? Je vous pose la question… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Il ne joue pas torse nu !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 131-5-1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En prévision de l’adoption des statuts des fédérations, les membres des instances dirigeantes nationales et départementales sont formés aux notions de laïcité et de discrimination indirecte. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Nous proposons une formation aux notions de laïcité et de discrimination pour les membres des instances dirigeantes nationales et départementales des fédérations sportives.

Nous sommes attachés à la liberté des fédérations dans l’élaboration de leurs statuts et règlements. Toutefois, il est primordial que ces règles soient adoptées en parfaite connaissance du cadre juridique et des principes fondamentaux de notre République, notamment en matière de laïcité et de lutte contre les discriminations.

Quand on voit qu’ici même la laïcité est dénaturée et instrumentalisée, alors s’impose la nécessité de clarifier l’application de ce principe dans le sport. Il est indispensable de former les instances dirigeantes, notamment en les sensibilisant aux discriminations, directes et indirectes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Comme pour les enseignants de l’éducation nationale, la formation des acteurs du mouvement sportif et du sport en général aux différentes dimensions de la laïcité est évidemment importante. Nos nombreux débats illustrent bien la complexité du sujet.

Le renforcement des dispositifs de formation est donc indispensable à terme et j’écouterai avec attention la position du ministre à ce sujet.

Cependant, je suis un peu réservé quant à la rédaction de l’amendement, qui vise à établir un lien entre la laïcité et la notion de discrimination indirecte, ce qui laisse entendre que l’application du principe de laïcité pourrait conduire à des formes insidieuses de discrimination. C’est quelque chose qui m’interpelle.

Pour cette raison, malgré tout l’intérêt que je porte à une telle formation, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Madame la sénatrice Ollivier, je suis d’accord avec vous sur la nécessité de former les différents acteurs du monde du sport pour mieux appréhender le principe de laïcité.

À cet égard, je me permets de vous rapporter les propos de Mme Marie Barsacq, qui m’a expliqué que le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative était pleinement mobilisé sur le sujet. Le guide sur le fait religieux dans le champ du sport, qui vise à accompagner les fédérations, a été actualisé et transmis à ces dernières. Il rappelle avec pédagogie, au travers de différentes mises en situation, le périmètre d’application du principe de laïcité.

Les contrats de délégation des fédérations mentionnent expressément la lutte contre le séparatisme comme une priorité d’engagement à structurer autour des cadres d’État. Le déploiement de ces référents est en cours. Il revient aux fédérations et aux instances dirigeantes de mobiliser ces ressources.

C’est la raison pour laquelle, avec la ministre des sports, nous considérons que cet amendement est satisfait. Aussi, je vous demande de le retirer, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je pense que vous n’avez pas très bien compris le sens de l’amendement. En effet, la laïcité devient un outil de discrimination et de stigmatisation quand on l’applique incorrectement. On le voit bien dans ce débat.

Or nous ne voulons pas que ce principe de la République soit bafoué. Déjà en 1905, lors des débats préparatoires à la loi, Jaurès et Briand, lorsque était évoqué le port de la soutane dans l’espace public, répliquaient que la laïcité ne s’occupait pas de tenues vestimentaires.

La laïcité doit demeurer un outil d’émancipation. Si elle est mal interprétée ou instrumentalisée comme un outil de stigmatisation ou de discrimination, elle n’est rien d’autre qu’une atteinte aux libertés. Pour notre part, nous souhaitons éviter qu’il soit porté atteinte et à la laïcité et à la liberté des sportifs.