compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Véronique Guillotin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2025
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Seconde partie (suite)
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales
Recherche et enseignement supérieur
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La parole est à Mme le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne prévoit pas d’économies apparentes pour les établissements d’enseignement supérieur. Ceux-ci sont cependant mis à contribution, comme les autres opérateurs de l’État.
En effet, voilà plusieurs années que les établissements sont appelés à mobiliser leurs réserves. Les mesures salariales de 2022 et 2023, en particulier les hausses du point d’indice, n’ont été que partiellement compensées. Les surcoûts énergétiques ont également largement pesé sur les établissements, dont le parc immobilier est encore trop souvent très énergivore.
Je pointais déjà cette urgence en 2021 dans mon rapport d’information, intitulé Optimisation de la gestion de l’immobilier universitaire à l’heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l’enseignement à distance. La hausse de 4 points en 2025 des cotisations employeur de l’État, destinée à équilibrer le compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions » aura un impact sur le programme 150 de près de 200 millions d’euros.
Le ministère estime à 500 millions d’euros le total des surcoûts non compensés pour les établissements d’enseignement supérieur en 2025. Il est légitime que les universités prennent leur part des efforts généraux d’économies, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous. C’est pourquoi la commission des finances est défavorable aux amendements en ce sens.
À titre personnel, je suis cependant tout à fait consciente des difficultés rencontrées par certains établissements, et j’ai déjà donné l’alerte sur ce sujet.
En conséquence, je me réjouis que le Gouvernement ait déposé, bien que ce soit tardivement, un amendement visant à compenser pour moitié la hausse de la contribution au CAS « Pensions », ce qui correspond finalement à un montant de 100 millions d’euros. Cela contribuera tout de même à soulager certains de nos établissements déjà fortement sollicités.
La marche prévue en 2025 par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (LPR) ne sera pas atteinte. Les mesures, financées en 2025 à hauteur de 95 millions d’euros, concernent les revalorisations prévues par la LPR, notamment pour les doctorants.
Les moyens consacrés à la vie étudiante diminuent de 77 millions d’euros. On peut toutefois s’interroger sur la réalité de cette trajectoire. En effet, l’intégralité de la diminution serait supportée par la baisse des montants prévus pour 2025 au titre des bourses sur critères sociaux.
Or ces bourses sont une dépense dite de guichet. À droit constant, les étudiants qui bénéficient d’une bourse continueront, fort heureusement, à la percevoir, indépendamment du montant inscrit dans le PLF.
Par ailleurs, nous entrons dans la deuxième année du déploiement de la première étape de la réforme des bourses sur critères sociaux. La seconde étape de cette réforme, qui devait consister en la linéarisation du mode de calcul des bourses, a été repoussée du fait de la situation budgétaire actuelle.
Le premier bilan de cette réforme est positif, alors que les modes de calcul antérieurs étaient obsolètes. Le ministère estime que les évolutions de 2023 ont permis d’accorder une bourse à 30 000 étudiants supplémentaires.
Par ailleurs, et c’est heureux, le montant moyen des bourses a augmenté de 50 euros par mois en moyenne, soit 500 euros de plus sur une année. En conséquence, les montants consommés pour les bourses sur critères sociaux auront crû de 162 millions d’euros entre 2023 et 2024, soit une hausse de 7,2 %.
Le nombre de boursiers est également en diminution du fait du développement de l’apprentissage. En effet, les apprentis ne peuvent être boursiers. Près d’un quart des étudiants dans l’enseignement supérieur sont aujourd’hui en apprentissage, dont une proportion toujours plus élevée d’étudiants issus de la filière générale. Un tiers des étudiants en école de commerce sont ainsi apprentis.
Alors que l’apprentissage dans l’enseignement supérieur coûte tout de même quelque 4 milliards d’euros par an à l’État, mes chers collègues, nous ne devons pas perdre de vue que ce type de formation n’est pas pertinent dans toutes les formations ni dans tous les secteurs ni à tous les degrés de diplomation.
Au-delà de la question des bourses, les crédits au réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) augmentent légèrement. Les Crous sont en effet sous grande tension, à la fois sur leur activité de restauration et sur celle d’hébergement. Entre 2023 et 2024, quelque 6 millions de repas à tarifs sociaux ont été servis par les Crous, dans un contexte de fort renchérissement des denrées alimentaires.
En ce qui concerne le logement, la priorité doit être la réhabilitation de résidences étudiantes. Le Crous dispose en moyenne chaque année de 2 000 nouveaux logements et de près de 3 000 logements réhabilités. Les ressources propres des Crous devraient augmenter en 2025, du fait de la fin des cinq années de gel des loyers dans ses résidences. La recette attendue en année pleine devrait être de 15 millions d’euros.
Je reviens enfin très brièvement sur le recours aux résidences du Crous pendant les jeux Olympiques, qui a fait tant de bruit.
Au sein des 12 résidences des Crous d’Île-de-France mobilisées, seuls 978 étudiants ont été relogés durant l’été. Environ 300 d’entre eux n’ont finalement pas souhaité revenir dans leur résidence initiale et tous ont reçu une compensation de 100 euros. L’ensemble de cette opération est donc un succès et donne à réfléchir sur l’optimisation de l’utilisation des logements tout au long de l’année.
Mes chers collègues, la commission des finances propose d’adopter les crédits pour les programmes « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin une mission essentielle du budget de l’État, parce qu’elle est consacrée à l’avenir de notre pays et parce que son poids, au sein des crédits du budget général, est significatif. En effet, cette mission est la quatrième du budget de la Nation, les crédits proposés atteignant 31,2 milliards d’euros en 2025.
Depuis 2020, comme vous le savez, la politique de recherche fait l’objet d’une programmation financière pluriannuelle qui couvre la période 2021-2030.
Nous avons été nombreux à saluer la dynamique de réinvestissement engagée par la loi de programmation de la recherche. Les constats que nous avions dressés à l’époque sont encore d’actualité pour nombre d’entre eux.
Je n’ai aucun doute, pour ma part, sur le fait que la politique de recherche joue un rôle stratégique incontournable pour répondre aux quatre défis de la transition numérique, environnementale, énergétique et de santé.
Pour ces raisons, les acquis de la loi de programmation de la recherche doivent être conservés. Or le budget de la recherche proposé par le Gouvernement pour 2025 permet précisément de prolonger et de préserver la dynamique de réinvestissement engagée par cette loi.
Il faut tout d’abord souligner que cette programmation ne pourra être tenue dans son intégralité. La cible fixée par le programme 172, qui est le principal financeur de la recherche publique, serait sous-exécutée à hauteur de 136 millions d’euros.
Si cette sous-consommation doit appeler notre attention sur les enjeux de financement de la recherche publique, elle doit être mise en perspective, dès lors qu’elle représente moins de 2 % des crédits du programme. Le budget 2025 permet, de ce point de vue, d’exécuter la LPR à hauteur de 98 % pour le programme 172.
Par conséquent, le mouvement de fond de réinvestissement dans la recherche publique n’est pas remis en cause par ce projet de budget pour la recherche. Entre 2020 et 2025, l’enveloppe annuelle du programme 172 aura augmenté de 1,4 milliard d’euros. Il semble difficile, dans ces conditions, de parler d’austérité budgétaire dans le domaine de la recherche !
Si je rappelle ces chiffres, c’est pour souligner que le réarmement budgétaire de notre recherche publique est une réalité tangible depuis quatre ans. Nous devrions collectivement nous réjouir de ce réinvestissement en dépit de l’épisode de crise budgétaire que traverse notre pays.
En effet, l’analyse dans le détail du budget de la recherche proposé en 2025 fait apparaître un prolongement de la dynamique engagée depuis plusieurs années. La hausse des crédits dédiés à la recherche permettra, dans cette perspective, de poursuivre en priorité les mesures de renforcement de l’attractivité des métiers de la recherche.
Il faut le souligner, à ce titre, les opérateurs de la recherche publique continueront de voir leur budget augmenter, afin de mettre en œuvre ces priorités, malgré le contexte budgétaire contraint que vous connaissez.
Les grands opérateurs nationaux de recherche connaîtront une hausse de leur subvention annuelle versée par le programme 172, avec une augmentation de plus de 10 millions d’euros pour le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Le réarmement budgétaire de l’Agence nationale de la recherche (ANR) opéré depuis 2020 n’est pas remis en cause. Alors que le montant annuel dédié à la recherche sur projets financée par l’ANR a augmenté de près de 70 % entre 2019 et 2024, le projet du Gouvernement prévoit de poursuivre cette dynamique.
Enfin, dans le domaine de la recherche spatiale, qui a été marqué cette année par le succès remarquable du vol inaugural d’Ariane 6 le 9 juillet dernier, le projet de budget 2025 est conforme à la programmation pluriannuelle fixée dans la loi.
Le bilan global de ce projet de budget pour la recherche fait donc apparaître une volonté de préserver le financement de cette politique prioritaire. Dans un contexte de contrainte globale pesant sur les finances publiques, il est significatif que la trajectoire ambitieuse de la LPR ait été respectée à hauteur de 98 %.
Pour finir, je veux rappeler qu’il existe dans les fonds européens une marge inexploitée de financement pour la recherche publique. Vous le savez, monsieur le ministre, j’ai notamment mené ce combat auprès de votre prédécesseur, M. Patrick Hetzel. En effet, l’Union européenne finance de nombreux projets de recherche au travers du programme-cadre Horizon Europe, créé en 2021.
La France est, derrière l’Allemagne, le deuxième pays pour la captation des aides à la recherche du programme avec plus de 1 milliard d’euros captés en 2023, soit un taux de retour de 11,8 %. Si ce chiffre peut paraître important, mais faut le comparer à la contribution française au budget de l’Union européenne, qui, en 2023, atteignait 17,4 % du total des sommes versés par les États membres.
À cet égard, le taux de retour actuel dans le domaine de la recherche ne permet pas à la France de capter un niveau de financement équivalent à la contribution française au budget européen de la recherche. Par conséquent, chaque année, la France contribue plus au budget de recherche de l’Union européenne qu’elle n’en bénéficie. En 2023, ce solde de contribution s’élevait à 553 millions d’euros, soit un montant largement supérieur à la sous-exécution de la LPR.
Ainsi, dans un contexte budgétaire contraint, notre priorité commune doit être de mobiliser cette marge de financement, en renforçant la capacité des chercheurs français à obtenir des fonds auprès de la Commission européenne.
Je salue l’engagement de l’ancien ministre, Patrick Hetzel qui avait fait de la mobilisation des fonds européens l’une des priorités de son programme de travail.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Je souhaite que vous repreniez à votre compte, monsieur le ministre, l’objectif d’exploiter par tous les moyens cette réserve de financement, qui représente une enveloppe de plus de 500 millions d’euros par an pour nos chercheurs. Et pour en avoir déjà discuté avec vous, je sais que nous pouvons compter sur votre engagement en la matière.
C’est un défi de taille, mais il est à notre portée. Nous devons en faire une priorité, avant même d’envisager des augmentations de crédits qui aggraveraient notre déficit public.
Pour ma part, je proposerai dès cette année de créer un dispositif de financement innovant, pour que les chercheurs bénéficient d’une incitation financière à obtenir des fonds européens. La mobilisation de ce levier permettrait de rehausser de plusieurs centaines de millions d’euros le financement public de la recherche sans peser sur notre budget national.
Je conclus ce panorama en réaffirmant la double exigence de la commission sur cette mission : préserver une ambition pour notre recherche à la hauteur de nos capacités d’innovation tout en maintenant une trajectoire financière responsable et compatible avec le redressement de nos finances publiques.
Dès lors que le texte déposé concilie ces deux objectifs, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean Hingray et Louis Vogel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, pour 2025, les crédits de la mission dédiée à la recherche et à l’enseignement supérieur sont en baisse, d’environ 2 % par rapport à l’an dernier.
Sur le périmètre suivi par la commission des affaires économiques, la tendance est plutôt à la stabilisation des crédits. En effet, les budgets alloués aux grands opérateurs de recherche sont même en légère hausse. Cette progression n’est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel et dans la mesure où 90 % des crédits alloués à la recherche publique sont d’abord octroyés à ces organismes.
C’est certes un léger soulagement, mais aujourd’hui, pour la première fois depuis quatre ans, l’inquiétude prédomine parmi les opérateurs. Jusqu’à présent, les trajectoires budgétaires et d’emploi de la loi de programmation de la recherche étaient respectées. Malgré la hausse prévue pour 2025, la tendance est moins ambitieuse que prévu.
Si, lors de leurs auditions, les grands opérateurs de recherche m’ont indiqué leur capacité à absorber un « choc ponctuel de redressement » par des prélèvements sur leur fonds de roulement ou par un décalage des versements et contributions, la question se pose plutôt au-delà de 2025. En effet, à moyen terme, il est primordial de préserver l’objectif des 3 % du PIB dévolus à la recherche et au développement, afin de se conformer aux standards d’investissement d’autres pays à la frontière de l’innovation technologique.
Dans les années à venir, il convient de préserver une dynamique de réinvestissement dans la recherche publique – à la hauteur de nos moyens, certes, mais une dynamique de réinvestissement tout de même.
Dans le contexte budgétaire actuel, nous ne devons pas être timides, mais plaider pour un mode de financement de la recherche publique plus sélectif, davantage en adéquation avec les priorités énergétiques, numériques, économiques, technologiques et industrielles. C’est pourquoi la commission des affaires économiques réaffirme son indéfectible soutien au nucléaire et au spatial, deux politiques sectorielles qui nécessitent un renfort continu et appuyé.
Sur la politique de recherche nucléaire, le renforcement des effectifs de recherche du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) doit se poursuivre. Nous devons également garantir l’équilibre économique du projet de réacteur expérimental sur le site de Cadarache, ainsi que son soutien par les industriels.
Concernant la recherche spatiale, après un effort budgétaire significatif en gestion en 2024, il est primordial d’assurer le renforcement du Centre national d’études spatiales (Cnes).
En outre, dans la perspective de la prochaine conférence ministérielle, il nous faut nous assurer d’un juste retour sur investissement en fonction de nos priorités qui seront, au cas par cas, mieux défendues par l’Agence spatiale européenne (ESA) ou par la Commission européenne.
Au-delà d’un soutien public affirmé, une politique efficace de soutien à la recherche repose aussi sur une stratégie partenariale d’ampleur avec les entreprises innovantes. Dans le contexte budgétaire actuel, nos débats parlementaires me paraissent enfin mûrs pour réformer le crédit d’impôt recherche (CIR), qui n’a pas connu de modification significative depuis 2008, malgré les promesses des gouvernements précédents. De ce point de vue, la commission considère que les propositions du rapporteur général vont dans le bon sens.
C’est pourquoi la commission a adopté les crédits de la mission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique publique de recherche fait l’objet depuis 2020 d’une programmation budgétaire pluriannuelle qui couvre la période 2021-2030.
Notre commission avait salué et soutenu ce réarmement budgétaire tant attendu après des années de sous-investissement chronique.
Elle avait toutefois émis des réserves à la fois sur la durée décennale de cette programmation, faisant valoir le risque d’aléas conjoncturels, et sur son niveau d’intensité, qu’elle jugeait trop faible les premières années. Aujourd’hui, force est de constater que ces réserves trouvent une résonance certaine avec le budget de la recherche qui nous est proposé pour 2025.
En effet, le contexte budgétaire difficile que nous connaissons contraint à ne financer qu’un tiers de la cinquième marche prévue par la loi de programmation. Après quatre années de respect de la trajectoire, cette inflexion de dynamique suscite, à juste titre, une déception et des inquiétudes légitimes.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis. Notre commission le dit avec force : tout retour en arrière serait irresponsable !
La recherche constitue la source principale de progrès scientifique, économique et social, le socle de l’excellence académique, le meilleur gage de compétitivité pour notre pays. C’est un investissement d’avenir sur lequel il n’est pas possible de transiger.
Aussi notre commission estime-t-elle nécessaire que la clause de revoyure, qui aurait dû être activée en 2023, le soit très rapidement cette année. Ce rendez-vous, auquel nous souhaitons être associés, doit être l’occasion de dresser un premier bilan exhaustif de la LPR et de faire le point sur sa trajectoire budgétaire. Il permettra aussi de rassurer le monde de la recherche sur l’engagement commun du Gouvernement et du Parlement à poursuivre la dynamique de réinvestissement public que la LPR a réussi à enclencher.
Cette problématique du financement de la recherche appelle aussi une réflexion sur le rôle et la participation du secteur privé.
Votre prédécesseur, M. Patrick Hetzel, avait émis la volonté d’aller vers un Pacte pour la recherche, afin d’inciter les entreprises à se mobiliser davantage, à encourager et surtout à favoriser les collaborations entre le public et le privé. La discussion nourrie que nous avons eue sur le crédit d’impôt recherche, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, montre que des évolutions sont plus que nécessaires. Comptez-vous, monsieur le ministre, reprendre à votre compte ce chantier qui, pour l’instant, demeure avorté ?
Je ne puis terminer mon intervention sans évoquer les deux amendements que le Gouvernement a déposés tardivement. Nous accueillons bien sûr favorablement celui visant à compenser pour partie les effets de la hausse de la contribution au CAS « Pensions » : nos universités ne pouvaient à nouveau se voir prises à la gorge.
En revanche, le coup de rabot de 140 millions d’euros, portant essentiellement sur la recherche, nous inquiète davantage. Quels en seront précisément les effets sur la marche 2025 de la LPR ? L’ANR continuera-t-elle à voir un décalage entre ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement ? Devra-t-elle mettre en pause l’augmentation du taux de succès aux appels aux projets ou le relèvement du préciput ? La montée en charge du dispositif des chaires de professeur junior sera-t-elle interrompue ?
Monsieur le ministre, nos interrogations sont nombreuses, et il est de votre devoir d’y apporter des réponses dans les meilleurs délais. Notre pays se retrouve paralysé par une instabilité politique inédite. Nous devons dès à présent agir pour mettre fin aux craintes exprimées, en proposant des solutions pérennes, empreintes du sceau du dialogue et de l’efficacité.
C’est pourquoi, sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, qui, je l’espère, trouveront en vous une oreille attentive, la commission, guidée comme toujours par un esprit de responsabilité, a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nommer un ministre issu du domaine spatial était sans doute judicieux pour remodeler et examiner, avec toute la célérité nécessaire, le budget consacré à l’enseignement supérieur. En effet, monsieur le ministre, nous aurons besoin de toute votre expertise pour prendre suffisamment de hauteur sur la situation, véritable trou noir dans univers vivable… (M. le ministre sourit.)
À l’issue d’arbitrages tardifs, pour ne pas dire nocturnes, l’objectif de cette navette est d’atterrir sur un budget qui répond aux attentes tout en contribuant au redressement des comptes publics. Nous cherchons la quadrature du cercle ou, si l’on préfère, nous visons la lune en espérant toucher quelques étoiles. (Exclamations admiratives sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Grosperrin applaudit.)
Si les crédits des programmes 150 et 231 sont stabilisés par rapport au niveau de 2024, je veux souligner plusieurs évolutions significatives.
Au premier étage de la fusée, on conserve les trois quarts de la progression prévue par la loi de programmation de la recherche pour permettre l’entrée en vigueur des mesures de revalorisation salariale. Nous espérons que l’application des autres mesures est seulement différée et non annulée.
Au deuxième étage viennent les abondements proposés sur la restauration étudiante. Dans un contexte de précarité étudiante croissante, ce budget prend la mesure de la situation en prévoyant plus de 42 millions de crédits nouveaux, dont 13 millions d’euros pour la montée en charge de la loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré du 13 avril 2023, dite loi Levi, adoptée à l’initiative de notre commission.
M. Laurent Lafon. Excellente loi !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Le troisième étage de la fusée consiste à prendre en compte la détérioration chronique de la situation financière de nos universités. Je salue donc la prise en charge partielle de l’augmentation du CAS « Pensions » que vous nous proposerez tout à l’heure par voie d’amendement.
Cependant, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion plus globale sur le mode de financement des universités, afin de préciser ce qui doit relever du budget de l’État et de leur autonomie.
À l’issue de ce PLF, en fonction du temps qui vous sera imparti, monsieur le ministre, il restera plusieurs chantiers, notamment la réforme des bourses sur critères sociaux, après la première phase qui avait fait entrer dans le dispositif des étudiants qui pourraient aujourd’hui en sortir.
Enfin, dans le secteur contrasté de l’enseignement privé, il faut mentionner la baisse d’attractivité du statut d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig), avec des contraintes fortes et la constante et rapide diminution du montant de la subvention par étudiant.
À l’inverse, certains établissements lucratifs aux pratiques concurrentielles agressives prospèrent grâce à la massification de l’apprentissage, qui leur donne accès à des financements publics aussi importants que peu contrôlés. La mise en place d’une véritable régulation du secteur est indispensable et urgente.
Au bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l’adoption du budget de l’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Laurent Lafon et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la recherche et l’enseignement supérieur sont des éléments fondamentaux de la souveraineté de notre pays, au même titre que l’armée, la police ou la justice.
La formation, la recherche, la connaissance et l’innovation constituent un enjeu essentiel de l’indépendance d’un pays. Les États-Unis et la Chine l’ont d’ailleurs parfaitement compris. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester passifs dans ce contexte international.
Bien sûr, l’urgence de notre situation budgétaire nécessite un effort partagé. Chacun l’a bien compris, et le groupe Les Indépendants a constamment exprimé sa volonté de réduire prioritairement les dépenses pour parvenir au rétablissement de nos comptes publics.
Toutefois, nous avons également toujours fixé une ligne : pas d’économies sur le régalien. Or à notre sens, comme je viens de l’expliquer, l’enseignement supérieur et la recherche font aujourd’hui partie du régalien.