M. Patrick Kanner. Un peu de respect !
M. Max Brisson. … le but caché de ce texte.
M. Thomas Dossus. Complotiste !
M. Jérémy Bacchi. Nous n’avons rien à cacher !
M. Max Brisson. Seulement, après quelques échanges et encore à l’instant, ce but apparaît au grand jour ! Vous vous en prenez obsessionnellement – ce sont des obsessions, je le confirme (Protestations sur les travées du groupe SER.) –…
Mme Sylvie Robert, rapporteure. C’est vous qui avez des obsessions !
M. Max Brisson. … aux médias qui ne se conforment pas à votre manière de penser et en qui vous ne voyez qu’une pensée unique !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout à fait !
M. Max Brisson. Contrairement à vous, nous défendons la diversité. Si vous la défendiez vraiment, vous manifesteriez davantage de tolérance à l’égard des personnes qui ne pensent pas comme vous.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Max Brisson. Madame la rapporteure, chère Sylvie Robert, vous avez dit une chose très forte tout à l’heure en déclarant qu’il nous fallait légiférer par symbole. Vous avez tout dit en quelque sorte, et votre symbole s’est matérialisé par la prise de position de Pierre Ouzoulias.
Sur ces travées, nous ne sommes pas d’accord avec vous. Du reste, vous nous excuserez de considérer qu’ici, au Sénat, on ne légifère pas par symbole ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvie Robert, rapporteure. Restons sereins !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 215 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 42-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « celle-ci », sont insérés les mots : « ou si elle fait l’objet d’au moins deux mises en demeure, sur une période de trois ans, pour un manquement à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1 » ;
– les mots : « et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant déjà fait l’objet d’une mise en demeure, » sont supprimés ;
b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’au moins trois mises en demeure, sur une période de trois ans, pour des manquements à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1 et qu’elle porte manifestement et gravement atteinte à la vie démocratique de la Nation, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle peut prononcer la sanction prévue au 4°. » ;
c) La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « Sans préjudice des secrets protégés par la loi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique la sanction prononcée. » ;
2° La première phrase du premier alinéa de l’article 42-3 est complétée par les mots : « , ou en cas d’atteinte manifeste et grave à la vie démocratique de la Nation ».
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Belin et E. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen et Burgoa, Mme Dumont, M. Genet, Mme Goy-Chavent, M. Houpert, Mme Joseph, MM. Meignen, Michallet, Milon, Paccaud, Paumier, Piednoir, Savin, Sido et J.P. Vogel, Mmes Demas et Pluchet et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Mon amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit de compléter le régime des sanctions applicables par l’Arcom.
À ce jour, en effet, cette autorité a démontré à plusieurs reprises que ses pouvoirs étaient suffisants pour faire respecter les principes d’indépendance et de pluralisme de l’information. De plus, l’Arcom rappelle régulièrement qu’il faut rester prudent lorsqu’il est question de sanctions dans le domaine de la liberté d’expression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Robert, rapporteure. Sans surprise, là encore, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Depuis le dépôt de ma proposition de loi, je reconnais bien volontiers, mon cher collègue, que l’Arcom a su démontrer sa capacité à réagir après des mises en demeure répétées.
J’estime cependant qu’il nous faudra réfléchir à des procédures susceptibles de préserver plus efficacement notre souveraineté audiovisuelle et de mieux faire respecter les engagements des différentes chaînes. (M. Yan Chantrel applaudit.)
Mme Rachida Dati, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression pour au moins deux raisons. Premièrement, l’article 2 remet en cause le principe de la mise en demeure préalable. Deuxièmement, l’obligation de publication de la sanction constitue une peine en soi, complémentaire : on ne peut pas la rendre automatique.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Pour ma part, je tiens à défendre cet article.
Les dernières années ont révélé plus que jamais la nécessité d’agir face aux atteintes répétées, décomplexées et même débridées que certaines chaînes infligent à leurs obligations.
Ainsi, pour des chaînes comme C8 ou CNews, le nombre de sanctions prononcées a considérablement augmenté depuis 2021. Or il a fallu plus de trois ans, quarante-sept amendes et, dans le cas de C8, des sanctions dépassant 7,6 millions d’euros cumulés en huit ans pour qu’une décision forte soit prise. C’est bien la preuve que les procédures actuelles sont insuffisantes.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, durant toutes ces années, le mal a été fait. Non, la boîte à outils dont dispose l’Arcom n’est pas suffisante. L’explosion des sanctions observée ces dernières années en apporte la preuve.
Trop d’abus, trop d’excès : il est absolument nécessaire de légiférer. Je relève, à ce titre, que l’on a connu une droite bien plus prompte à réclamer ordre et autorité… Je suis surprise de constater, une fois encore, vos réticences en la matière.
La liberté d’expression ne saurait justifier les fausses informations, les violences, les discriminations ou encore les humiliations en direct à la télévision. Aujourd’hui, ces dérives affectent directement notre vie démocratique et notre cohésion nationale.
Nous voterons bien sûr contre cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Madame la rapporteure, on peut en convenir : l’échelle des sanctions pourrait être revue, comme toutes les règles fondant notre système judiciaire, d’ailleurs.
Vous l’avez dit, on déplore des problèmes de délais. Mais, à cet égard, j’appelle précisément votre attention sur l’échelle des sanctions en vigueur. Le respect du droit de la défense et de l’indépendance du juge exige également du temps, même si certains ont pu le déplorer.
À l’époque où votre famille politique appartenait à la majorité, une ministre a ainsi pu citer en exemple la rapidité du système judiciaire chinois…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Ah ! Ségolène…
M. Cédric Vial. En la matière, la Chine est effectivement plus rapide que la France,… (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Pierre Ouzoulias. On va bientôt la rattraper ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Cédric Vial. … mais son système judiciaire est-il plus juste et plus indépendant que celui que nous avons su bâtir ?
Madame Ollivier, nous ne prétendons pas que la situation actuelle soit parfaite. Nous observons simplement que, en l’état, cet article n’apporte pas de réelle solution, notamment au regard du respect des droits de la défense. Ces dispositions ressemblent plus à un tir ciblé – votre intervention le démontre une fois de plus – qu’à une nouvelle règle de droit de nature à défendre le pluralisme. (Mme Mathilde Ollivier proteste.)
Enfin, on présente la nouvelle grille de la TNT comme le résultat d’une sanction : ce n’est pas du tout le cas !
On peut tracer un parallèle avec le championnat de Ligue 1 de football. Si l’on part du principe que les vingt clubs…
M. Patrick Kanner. D’autant qu’ils ne sont que dix-huit ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)
M. Cédric Vial. … du championnat seront toujours les mêmes, l’intérêt de la compétition s’en trouvera quelque peu amoindri…
En l’occurrence, deux chaînes sortent, deux chaînes entrent, en vertu des règles démocratiques fixées par le législateur : celles de la TNT… (Protestations sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. Roger Karoutchi. Au vote !
M. Cédric Vial. Entre autres critères, l’Arcom vérifie le respect d’un certain nombre de règles. Tel semble avoir été le cas en l’occurrence. Le système, aujourd’hui, fonctionne plutôt bien. Peut-être faudra-t-il procéder à tel ou tel ajustement ; quoi qu’il en soit, les dispositions de cet amendement ne permettent pas de mener ce travail.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Chers collègues de gauche, quand il s’agit de la liberté de la presse, nous devons tous faire preuve de prudence.
Nous nous trouvons aujourd’hui à front renversé. Au cours de l’Histoire, la gauche s’est souvent posée en défenseur de cette liberté ; mais, aujourd’hui, c’est nous qui la défendons face à elle. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Mickaël Vallet s’exclame.) On pensait pourtant que ce combat faisait partie de son héritage historique.
M. Thomas Dossus. Les propos racistes sont interdits !
M. Max Brisson. Votre obsession est telle que, par vos tirs ciblés, vous êtes en train de renier vos propres principes : quel retournement de situation !
Pour ma part, je dresse un simple constat. Au cours des derniers mois, l’Arcom a-t-elle pris des sanctions ? Oui ! Des amendes ont-elles été prononcées ? Oui !
Mme Colombe Brossel. Au bout de combien de temps ?
M. Mickaël Vallet. Les chaînes les budgétisent !
M. Max Brisson. Vous voulez encore en rajouter, au risque de menacer un jour la liberté de la presse. Votre obsession est vraiment mauvaise conseillère.
M. Thomas Dossus. En somme, vous prônez le laxisme !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 221 |
Contre | 112 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Le second paragraphe du 3° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le cas échéant, l’engagement d’une procédure de sanction est notifié sans délai à la personne à l’origine de la saisine. » ;
2° Le premier alinéa du 6° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce délai peut être réduit à quinze jours en cas d’urgence. » ;
3° Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°À la suite d’une saisine en vue d’obtenir le prononcé d’une sanction, l’absence de notification d’engagement d’une procédure dans le délai de deux mois après la saisine, ou de quinze jours en cas d’urgence vaut rejet. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Dans l’esprit de l’article 2 de cette proposition de loi, cet amendement vise à renforcer l’efficacité de la régulation assurée par l’Arcom. Il s’agit de réduire les délais de diverses procédures internes à cette instance afin de lui permettre d’être plus réactive quand l’urgence l’exige, notamment en période électorale.
En outre, cet amendement vise à expliciter l’articulation des saisines respectives de l’Arcom et du Conseil d’État. C’est pourquoi il tend à instaurer des délais dérogatoires à la règle selon laquelle le silence vaut rejet, notamment en cas d’urgence. Il s’agit, là encore, de renforcer la réactivité de l’Arcom.
Les représentants de l’Arcom me l’ont confirmé : cette instance mène actuellement une réorganisation interne afin d’étudier les saisines plus efficacement encore. L’objectif est de réduire à trois mois le délai de traitement de certaines d’entre elles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Robert, rapporteure. Ma chère collègue, je comprends bien sûr votre volonté d’obtenir des décisions dans des délais plus brefs. Toutefois, j’oppose trois objections à votre amendement.
Tout d’abord, ses dispositions sont juridiquement assez imprécises. J’observe notamment qu’elles ne définissent pas la notion d’urgence. Elles n’indiquent pas davantage les raisons pour lesquelles la notification devrait être adressée sans délai.
Ensuite, un tel dispositif ne me paraît pas ménager le temps nécessaire à l’élaboration de décisions finalement lourdes de conséquences : étant donné qu’elles touchent à la liberté d’expression, ces dernières doivent être entourées de nombreuses garanties.
Enfin, et peut-être surtout, l’accélération des procédures est aussi une question de moyens pour le régulateur. D’une manière ou d’une autre, nous devrons d’ailleurs revenir sur ce point.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. La législation en vigueur n’empêche pas l’Arcom d’intervenir à la fois rapidement et efficacement. Le pouvoir d’appréciation qui lui est dévolu est ainsi gage d’efficacité.
Vous pourrez le constater en regardant le détail des décisions prises : toutes les sanctions ont été prononcées dans des délais tout à fait raisonnables eu égard à la nature des faits.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
L’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « au moyen d’un mécanisme de saisine en ligne facilement accessible et garantissant, à leur demande, l’anonymat des personnes concernées et la confidentialité des échanges » ;
b) La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Il rend public l’ensemble de ses avis ainsi que son bilan annuel. Un membre du comité assiste aux conseils d’administration, aux conseils de surveillance ou, à défaut, pour les associations, aux assemblées générales des personnes titulaires des autorisations de diffusion de services dans des conditions fixées par décret. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « notifié sans délai à » sont remplacés par les mots : « soumise à l’accord du collège de » ;
b) Après la même deuxième phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « La liste des membres est rendue publique et facilement accessible. – (Adopté.)
Article 4
Le dernier alinéa de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase est complétée par les mots : « , sur le fondement de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971, de la Charte d’éthique mondiale des journalistes de 2019 et de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes de 2011 » ;
1° bis (nouveau) Après la même deuxième phrase sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les chartes sont rendues publiques et facilement accessibles par les entreprises ou sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles. Elles sont adressées au Conseil de déontologie journalistique et de médiation qui les met à disposition du public dans un standard ouvert. »
2° (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - L’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les opérateurs de plateformes tels que définis par la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information mettent en place des chartes déontologiques prévoyant des mesures portant sur :
« 1° La transparence de leurs algorithmes ;
« 2° La promotion algorithmique de contenus publiés via les comptes de journalistes professionnels, d’entreprises ou d’agences de presse, de services de communication audiovisuelle composés à majorité de journalistes professionnels certifiés, ainsi que la marginalisation algorithmique de contenus publiés sous pseudonyme ou sous anonymat ;
« 3° La suppression des comptes propageant systématiquement des contenus signalés ;
« 4° L’interdiction des contrats d’influence commerciale à caractère politique. Toute infraction au présent article est passible des peines prévues à l’article L. 90-1 du code électoral. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Parce que les algorithmes des plateformes proposent aux lecteurs, en toute opacité, une priorisation de leurs contenus qui modulent la visibilité de ces derniers, nous entendons, conformément aux conclusions des États généraux de l’information, améliorer la visibilité des contenus journalistiques sur internet.
Nous prévoyons ainsi que les algorithmes des réseaux sociaux s’engagent, en vertu de chartes déontologiques, à identifier les contenus publiés par des journalistes professionnels, des entreprises ou des agences de presse, et à en faire la promotion.
Madame la ministre, vous prenez comme référence les conclusions des États généraux de l’information : cet amendement vise précisément à mettre en œuvre leur proposition 11, « Instaurer un pluralisme effectif des algorithmes ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Robert, rapporteure. Ma chère collègue, j’approuve également l’inspiration de cet amendement, qui vise à donner davantage de clarté et de transparence aux contenus proposés par les plateformes en ligne. Toutefois, je me dois de vous signaler plusieurs problèmes de fond et de forme.
Tout d’abord, ces dispositions s’inséreraient dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, laquelle ne concerne que la presse écrite. Or l’objet de votre amendement est plus large : les services de communication audiovisuelle, donc les plateformes, sont également visés.
Ensuite, le lien entre une charte de déontologie et les contenus cités dans l’objet de l’amendement n’a rien d’évident. Il peut même être source de contradictions.
En tout état de cause, une charte n’aurait, par nature, rien de contraignant pour ces services, alors même qu’elle devrait, selon vos propres termes, interdire « les contrats d’influence commerciale à caractère politique ». Vous le savez, l’absence de respect de cette interdiction est d’ailleurs passible de peines allant jusqu’à 75 000 euros.
De même, « la suppression des comptes propageant systématiquement des contenus signalés », qui n’est pas une affaire de déontologie, obéit déjà à des règles très strictes, fixées par la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Enfin, les dispositions de cet amendement me semblent incompatibles avec le droit européen. Je pense notamment au DSA (Digital Services Act), que nous venons d’adopter et qui fait déjà peser diverses obligations sur les plateformes ; les législations nationales ne peuvent malheureusement pas aller au-delà.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. J’abonde dans le sens de Mme la rapporteure.
Madame la sénatrice, l’amélioration de la visibilité des contenus journalistiques est bien notre objectif commun, repris notamment – vous l’avez rappelé – dans les conclusions des États généraux de l’information.
Toutefois, les dispositions que vous proposez sont contraires au droit communautaire, lequel nous interdit d’imposer des obligations supplémentaires aux plateformes. De telles mesures ne peuvent être adoptées qu’à l’échelle de l’Union européenne. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Chapitre II
DE LA PROTECTION DES JOURNALISTES
Article 5
I. – L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Afin de garantir l’information du public, le secret des sources est protégé.
« A droit à la protection du secret des sources :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle ou d’une ou de plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;
« 2° Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°. » ;
« 3° (Supprimé)
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) À la seconde phrase, les mots : « le journaliste » sont remplacés par les mots : « une des personnes mentionnées aux 1° ou 2° » ;
3° Au quatrième alinéa, les deux occurrences des mots « un journaliste » sont remplacées par les mots : « une des personnes mentionnées aux 1° ou 2° ».
II et III. – (Supprimés)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, sur l’article.
M. Pierre-Alain Roiron. Avec cet article, dont la commission des lois a été saisie pour avis avec délégation au fond, nous abordons un sujet d’une haute importance : la protection des journalistes.
Nous saluons l’adoption de cet article par la commission de la culture. L’extension du secret des sources aux directeurs de publication et à l’ensemble des journalistes nous semble en effet particulièrement bienvenue. Néanmoins, nous regrettons que cet article n’assure plus, comme c’était le cas dans sa rédaction initiale, la protection des personnes susceptibles d’être touchées par les atteintes portées au secret des sources.
J’espère qu’aujourd’hui nous n’allons pas réduire encore la portée de cet article.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« I. – Afin de garantir l’information du public, le secret des sources est protégé. Il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues au titre XXXIV du livre IV du code de procédure pénale.
« A droit à la protection du secret des sources :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle ou d’une ou de plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;
« 2° Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ;
« 3° Tout collaborateur d’une rédaction, soit toute personne qui, par sa fonction au sein de la rédaction dans une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant de découvrir une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations. » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, sont ajoutés les mots : « II. – Par dérogation au I, » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « le journaliste » sont remplacés par les mots : « une des personnes mentionnées au I » ;
3° Au quatrième alinéa, les deux occurrences des mots « un journaliste » sont remplacées par les mots : « une des personnes mentionnées au I ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « pénal », la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 326 est supprimée ;
2° Le dernier alinéa de l’article 100-5, le deuxième alinéa de l’article 109 et le second alinéa de l’article 437 sont supprimés ;
3° Le livre IV est complété par un titre XXXIV ainsi rédigé :
« Titre XXXIV
« Dispositions relatives à la protection du secret des sources
« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, au cours d’une procédure pénale, qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent titre.
« Pour l’application du présent titre, les informations protégées au titre du secret des sources, les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources et la notion d’atteinte directe ou indirecte au secret des sources sont celles définies à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Art. 706-184. – Toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsqu’elle est entendue au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine.
« Avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, elle est informée de son droit à ne pas révéler ses sources.
« Art. 706-185. – Aucun acte d’enquête ou d’instruction ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, sauf si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.
« Pour apprécier la nécessité de l’atteinte au secret des sources, il est tenu compte de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité.
« À peine de nullité, l’acte d’enquête ou d’instruction doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues au présent article, prise par le juge des libertés et de la détention, saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction.
« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources, les perquisitions prévues à l’article 56-2 doivent être préalablement autorisées par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention.
« En cas d’opposition à la saisie en application du sixième alinéa de l’article 56-2, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention, en application de ce même alinéa et des alinéas sept à dix du même article, sont exercées par le président de la chambre de l’instruction.
« Art. 706-187. – À peine de nullité, lorsqu’ils constituent une atteinte directe ou indirecte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure. Les correspondances émises par voie de communication électronique ayant fait l’objet d’une interception ne peuvent être transcrites que si les conditions prévues à l’article 706-185 sont remplies. »
III. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 30 000 euros. » ;
2° L’article 226-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. » ;
3° Au dernier alinéa de l’article 323-1, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ou lorsqu’elles ont été commises dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 » ;
4° Au premier alinéa de l’article 413-11, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;
5° L’article 413-13 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « causé », sont insérés les mots : « une atteinte à l’intégrité physique ou psychique ou » ;
6° Au premier alinéa de l’article 413-14, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;
7° L’article 432-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. » ;
8° L’article 432-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. »
La parole est à Mme Monique de Marco.