M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, lors de votre venue à Saint-Nazaire avec Bruno Le Maire, durant laquelle vous avez exposé la stratégie française pour l’éolien en mer, il suffisait de voir la tête que faisaient les chefs d’entreprise qui dirigent des PME et des ETI pour savoir ce qu’ils pensaient de vos annonces. Ils nous ont dit tout de go : « Ce n’est pas pour nous, nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions. »
Ma question rejoint donc la précédente : qu’envisagez-vous pour favoriser le tissu industriel extrêmement engagé, organisé, compétent et innovant du secteur français de l’éolien offshore, afin que les éoliennes qui pousseront au large de nos côtes ne viennent pas de Chine ou d’ailleurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Les TPE et PME sont déjà intégrées aux appels d’offres, de manière certes marginale, mais utile. Dans le cahier des charges que doivent remplir les candidats aux appels d’offres, quatre points concernent ce qu’ils envisagent de faire en faveur du tissu économique local, c’est-à-dire des TPE et des PME.
Grâce au NZIA, nous allons plus loin : jusqu’à 30 % des critères ne concernent pas le prix et intègrent des enjeux environnementaux, de résilience et de souveraineté. Nous allons adapter notre réglementation à la réglementation européenne, qui a été obtenue par la France, ce qui nous permettra de ne pas être mis en défaut.
M. Philippe Grosvalet. C’est toujours la loi du marché !
M. Roland Lescure, ministre délégué. On peut juger que c’est insuffisant, mais faisons déjà cela, car ce sera beaucoup plus que ce que nous faisons déjà et qui est utile !
M. le président. L’amendement n° 529, présenté par MM. Dantec et Dossus, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 311-10-3 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport final des études environnementales est mis à la disposition des lauréats au moment de l’attribution. Dans le cas où ce rapport est remis ultérieurement à la date prévisionnelle établie par le cahier des charges, les dates prévues par le cahier des charges pour la réalisation du projet sont reportées du nombre de jours écoulés entre la date prévisionnelle et la date effective de remise du rapport final. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Les dispositions de cet amendement n’obéissent pas tout à fait à la même logique.
Monsieur le ministre, nous avons un point d’accord avec vous : quand nous avions échangé à Saint-Nazaire, nous étions convenus de la nécessité de développer rapidement les projets d’éolien en mer.
Aussi cet amendement vise-t-il, dans le cadre des appels d’offres pour des projets d’éolien en mer, à mettre des études environnementales à la disposition des lauréats des appels d’offres dès leur désignation. Il s’agit de gagner du temps, car il me semble que c’est le nœud du débat : la période d’instruction des projets dure bien trop longtemps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. L’amendement n° 529 vise à mettre les études environnementales à la disposition des lauréats dès l’attribution des appels d’offres. Or ce n’est pas souhaitable, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, cela rigidifierait les procédures applicables aux appels d’offres des projets d’éolien en mer.
Deuxièmement, cela contraindrait légalement les porteurs de projets d’éolien en mer à reporter leur lancement en l’absence d’étude environnementale, ce qui ne laisse aucune marge de manœuvre ou d’interprétation et pourrait donc se révéler très contraignant non pour l’État, mais pour les porteurs de projet eux-mêmes.
Troisièmement, nous avons déjà légiféré pour accélérer les études environnementales des projets d’éolien en mer. Il existe donc déjà un dispositif.
Quatrièmement, enfin, la disposition peut être satisfaite sur le plan réglementaire ou contractuel sans qu’il soit besoin de légiférer.
La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme Jouve, M. Roux, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 311-11 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ou les candidats retenus doivent réaliser les démarches nécessaires à l’obtention des autorisations administratives requises pour la réalisation des installations de production d’énergie renouvelable en mer soumis à étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement. L’instruction et la délivrance de chacune de ces autorisations sont encadrées dans un délai maximal de neuf mois à compter du dépôt de la demande complète d’autorisation. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à encadrer le délai d’instruction et de délivrance des autorisations pour l’éolien en mer, afin d’accélérer la procédure.
La recommandation de réduire à neuf mois les délais d’instruction et de délivrance des autorisations a été formulée par l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), dans le rapport sur la simplification des procédures d’autorisation applicables aux éoliennes en mer qu’elle a publié à la fin de 2021.
Il convient de noter que la période d’instruction des projets d’éolien en mer dure en moyenne aujourd’hui entre quinze et dix-huit mois, ce qui freine considérablement le déploiement rapide de ces projets utiles.
Ce que je propose est cohérent avec la circulaire qui a été adressée à l’ensemble des préfets de région et de département le 16 septembre 2022, pour les inciter à faciliter et à accélérer le traitement des dossiers d’instruction des projets d’énergies renouvelables, afin d’atteindre les objectifs nationaux en matière de développement des énergies renouvelables.
Fixer dans la loi un tel délai maximal d’instruction et de délivrance des autorisations donnerait de la visibilité sur les procédures, y compris pour la chaîne de valeur industrielle. Cela contribuerait à accélérer l’implantation de ces projets essentiels à la transition énergétique du pays et donc à atteindre les objectifs du pacte éolien en mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. L’amendement n° 127 vise à encadrer le délai d’instruction des appels d’offres des projets d’éolien en mer en fixant une durée maximale de neuf mois. Une telle modification n’est pas souhaitable, pour quatre raisons.
Tout d’abord, cela contraindrait les pouvoirs de l’autorité administrative chargée des appels d’offres. Dans la mesure où ces appels d’offres dépendent du champ de compétence de la CRE, qui est une autorité administrative indépendante, mieux vaut ne pas légiférer.
Plus encore, cela contreviendrait au principe de neutralité technologique, puisque seule l’instruction des appels d’offres des projets d’éolien en mer serait encadrée.
Ensuite, dans la mesure où ces appels d’offres doivent respecter les règles de la commande publique, il pourrait y avoir une incompatibilité entre le délai institué pour l’instruction du projet et celui que prévoient ces règles.
Enfin, un tel délai relève davantage du règlement que de la loi.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. L’objectif est évidemment d’accélérer. Nous avons donné des instructions en ce sens, et Bruno Le Maire et moi-même avons eu l’occasion d’annoncer un raccourcissement des délais d’instruction de la CRE et du Gouvernement.
Il serait risqué d’inscrire dans la loi une durée ferme, car cela mettrait en danger les procédures en cours. Imaginez qu’une procédure d’appel d’offres accuse un retard d’un mois : faudra-t-il alors l’annuler et tout recommencer ?
Il convient à mon sens de nous montrer prudents en n’introduisant pas de telles dispositions dans la loi. Nous sommes tous mobilisés pour accélérer. Nous l’avons spécifié dans des instructions que nous avons données à la fin de l’année dernière et nous l’avons rappelé il y a quelques semaines à l’ensemble des acteurs de la filière. Mais gardons-nous de fixer des délais trop rigides dans la loi, qui risqueraient de ralentir encore les choses en faisant annuler des procédures en cours.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 127 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié est retiré.
Article 16 bis (nouveau)
Après le 1° de l’article L. 181-28-1 du code de l’environnement, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Lorsque la réalisation du projet est échelonnée dans le temps, l’étude d’impact doit porter sur l’ensemble du projet. Toutefois, lorsqu’un projet est soumis à la délivrance d’autorisations successives, l’étude d’impact jointe au dossier de demande de la première autorisation du projet, comprenant notamment l’état initial, les incidences du projet sur l’environnement et les mesures d’évitement, de réduction et de compensation, se fonde sur les données disponibles à la date de cette demande. L’étude d’impact est, le cas échéant, mise à jour lors des demandes d’autorisations ultérieures, uniquement dans le périmètre de l’opération pour laquelle l’autorisation est sollicitée, et en appréciant les conséquences à l’échelle globale du projet ; ».
M. le président. L’amendement n° 214 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 16 bis.
(L’article 16 bis est adopté.)
Article 17 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 17 a été précédemment examiné.
Article 18
Les deux premières phrases du second alinéa du I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Elles visent à éviter les pertes nettes de biodiversité pendant toute la durée des atteintes, ou, à défaut, lorsque la complexité ou les délais nécessaires à leur mise en œuvre ne le permettent pas, notamment du fait de difficultés à mobiliser du foncier, à compenser les éventuelles pertes nettes intermédiaires dans un délai raisonnable, en visant à terme un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 296 est présenté par MM. Barros, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 337 est présenté par M. Dossus, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 546 est présenté par M. M. Weber, Mme Linkenheld, MM. Mérillou et Chaillou, Mme Conconne, MM. Fagnen, Ros, Kanner et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. Bouad, Mme Canalès, MM. Darras, Gillé et Jacquin, Mme Monier, MM. Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 296.
M. Pierre Barros. Nous proposons de supprimer cet article, qui modifie la définition des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Ces dernières, qui visent « un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité », doivent pour l’instant se traduire par une obligation de résultat.
Or, comme le soulignent de nombreuses associations de protection de l’environnement, la nouvelle rédaction transforme cette obligation en une simple obligation de moyens, ce qui constitue une véritable régression environnementale.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 337.
M. Thomas Dossus. L’article 18 concerne les mesures de compensation environnementale. Dans sa rédaction actuelle, il prévoit de compenser « dans un délai raisonnable » les atteintes environnementales, ce qui signifie que les mesures compensatoires ne seraient plus définies en amont et qu’elles pourraient être mises en œuvre après le début des travaux. En outre, il met fin à l’obligation de résultat.
Tout d’abord, la notion de « délai raisonnable » est pour le moins problématique, dans la mesure où de nombreux projets ont pour effet la destruction d’habitats naturels essentiels à certaines espèces, qui ne peuvent pas attendre pour retrouver un nouvel habitat.
Dans une étude récente, le Muséum national d’histoire naturelle souligne déjà la mauvaise application de la compensation environnementale en France et indique que les mesures compensatoires répondent souvent à des contraintes économiques et foncières plus qu’elles ne tendent à réaliser un gain écologique réel.
Compte tenu des enjeux de conservation de la biodiversité, il serait incohérent d’affaiblir encore davantage ce mécanisme.
J’ajoute que les bénéfices escomptés des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation, qui ont été créés il y a moins de six mois par la loi Industrie verte seraient annulés avant même la mise en œuvre du dispositif. Des modifications aussi fréquentes du droit nuisent à la clarté et à l’efficacité de nos lois environnementales.
La disparition pure et simple de l’obligation de résultat pose un véritable problème. Il s’agit non pas d’une querelle sémantique, mais du cœur du problème. En supprimant cette obligation, toute la logique de compensation environnementale devient inopérante et subjective.
En affaiblissant la compensation environnementale, vous susciterez des résistances contre les projets industriels encore plus fortes que celles qui s’expriment à l’heure actuelle. Ainsi, vous perdrez le temps que vous souhaitez gagner avec ce projet de loi de simplification.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour présenter l’amendement n° 546.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, j’ai réellement peine à comprendre votre volonté de conserver un tel article.
Tout d’abord, la méthode « éviter, réduire, compenser » est importante. Plutôt que de simplifier le droit, vous le dégradez, en particulier le droit de l’environnement.
Depuis quelque temps, votre collègue Christophe Béchu, qu’il aurait été intéressant d’entendre sur ce sujet, avec tout le respect que je vous dois,…
M. Michaël Weber. … défend la stratégie nationale pour la biodiversité. Il a annoncé des objectifs ambitieux en matière de protection de la biodiversité : 30 % d’aires protégées, dont 10 % de protection forte.
Or en parallèle, vous proposez que cette compensation, dont je rappelle qu’elle constitue déjà une dégradation, dans la mesure où la partie « éviter, réduire » n’est presque jamais mise en œuvre, se fasse a posteriori, sans limites spatiotemporelles. En effet, l’espace dans lequel elle doit intervenir et le temps de sa mise en œuvre ne sont pas précisés.
Nous savons très bien comment cela finira : la dégradation sera commise, et il ne sera pas possible de la compenser. Comme l’a dit Thomas Dossus, il n’y aura plus d’obligation de résultat, et, in fine, tout le monde y perdra. Nous repenserons alors aux informations pointant une chute de la biodiversité et une régression de nos espaces naturels et protégés.
Alors que nous nous engageons pour concilier l’activité humaine et la protection de l’environnement, ce qui est possible et vertueux, nous ferions exactement l’inverse en adoptant cet article. Nous proposons donc de le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. Mes chers collègues, je vous appelle à faire preuve d’un peu de souplesse, pour que nous ayons le temps de discuter de ce sujet. En effet, nous avons pu mesurer au sein de la commission spéciale la nécessité d’en débattre.
Je suis défavorable aux amendements identiques nos 296, 337 et 546 visant à supprimer l’article 18, qui permet un décalage temporel de la mise en œuvre des mesures de compensation environnementale.
Cet article vise à apporter de la souplesse aux porteurs de projets dans la mise en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, mais en aucun cas à leur permettre de s’extraire de cette obligation. L’objectif est de nous assurer que ces mesures seront appliquées selon un calendrier prenant mieux en considération leur faisabilité.
J’ai moi-même vécu en tant que maire les nombreux aléas qui peuvent retarder la mise en œuvre de mesures compensatoires, qu’ils soient environnementaux, temporels ou liés à l’achat de foncier. Ceux-ci s’expliquent aisément et ne traduisent pas une volonté de ne pas appliquer ces mesures.
En l’état actuel des choses, il n’est pas rare que des porteurs de projet doivent retarder le lancement des travaux de compensation, car ils rencontrent des obstacles opérationnels, indépendants de leur volonté, par exemple le manque de foncier disponible. L’article 18 apportera des solutions à de telles situations, en permettant de définir au cas par cas le cadre temporel le plus approprié.
En outre, la commission spéciale a adopté, sur mon initiative, un amendement visant à mieux sécuriser le dispositif d’un point de vue juridique, en précisant que le décalage dans le temps de la mise en œuvre des mesures de compensation devra être justifié par des difficultés de faisabilité que rencontrerait le maître d’ouvrage.
En ce qui concerne votre question sur l’obligation de résultat, monsieur Dossus, il s’agit du principal point de blocage. Nous y reviendrons plus tard dans nos débats, mais je vais développer mon propos dès maintenant, pour ne pas avoir à le faire pour chaque amendement.
Tout d’abord, sur la forme, nous comprenons la surprise, et même la contrariété de nos collègues face à la méthode que le Gouvernement a employée : la suppression de l’obligation de résultat, qui figurait dans le projet de loi initial, n’avait été mentionnée ni dans l’exposé des motifs ni dans l’étude d’impact. Cela pose assurément un problème de transparence vis-à-vis du Parlement, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire.
Néanmoins, sur le fond, il nous semble que réintroduire l’obligation de résultat, comme plusieurs d’entre vous le proposent, pourrait être source de confusion et de risques juridiques pour les porteurs de projets, qui seraient amenés à décaler dans le temps la mise en œuvre des mesures de compensation, comme le permet l’article 18. Cela pourrait constituer une accroche pour de nombreuses contestations, ce qui n’est pas souhaitable.
Au demeurant, nous partageons l’objectif de garantir que les mesures de compensation soient mises en œuvre de manière satisfaisante. Sur ce point, nous pensons que l’article 18 ne doit pas susciter d’inquiétudes.
Pour les avoir expérimentées régulièrement sur le terrain, les mesures de compensation permettent souvent des gains supérieurs aux pertes occasionnées en matière de biodiversité. Il faut faire confiance aux services instructeurs et aux acteurs de la compensation. En effet, l’ingénierie, dans ce domaine, se faisait jusqu’à récemment en quelque sorte au doigt mouillé.
Il y a quelques années, lorsque l’on décidait des mesures compensatoires, personne n’était capable de déterminer comment les faire correspondre à l’objectif de compensation – par exemple deux fois la surface dégradée. Je vous invite à vous rendre sur le terrain pour constater que désormais, la plus-value est plus importante que ce qui était escompté, car les opérations ont été réalisées avec ceinture et bretelles, si j’ose dire, et donnent des résultats très satisfaisants.
En réalité, le dispositif semble clair sur les obligations des porteurs de projet, qui demeurent soumis à un objectif d’« absence de perte nette, voire de gain de biodiversité ».
Il ne s’agit en aucun cas de permettre que les mesures de compensation ne soient pas mises en œuvre de manière effective, satisfaisante et dans le respect des obligations qui ont été prescrites au maître d’ouvrage par l’administration.
Lorsqu’une entreprise met en œuvre des mesures compensatoires, elles les mettent en avant pour valoriser leur action. Vous me direz que c’est du marketing ou du greenwashing… Or tel n’est pas le cas : les opérations sont soumises à des certifications environnementales. Et les entreprises sont très attachées à ce que l’argent qu’elles ont dépensé pour déployer les mesures compensatoires soit bien utilisé.
En outre, l’autorité compétente disposera toujours de ses pouvoirs de contrôle et de sanction vis-à-vis des maîtres d’ouvrage qui ne respecteraient pas leurs obligations de manière satisfaisante. Elle pourra toujours prescrire, si nécessaire, des mesures de compensation complémentaires, des mises en demeure et l’exécution d’office des mesures de compensation aux frais du maître d’ouvrage. Cela restera inchangé.
J’ajoute une dernière remarque : avez-vous déjà vu les agents des autorités environnementales sur le terrain ? Non, car ils ne se déplacent presque jamais ! La plupart du temps, ils donnent leur avis à partir d’un dossier. Il convient d’écouter le terrain et de regarder la vraie vie, plutôt que de rester dans la théorie environnementaliste, qui prend parfois des proportions démesurées.
Cet article n’enlève rien à la volonté de trouver des solutions pour mettre en œuvre les mesures compensatoires. Il accorde simplement de la souplesse aux porteurs de projets et rend des services de simplification.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Je serai bref, car M. le rapporteur a tout dit.
L’une des raisons pour lesquelles nous avons du mal à mettre en œuvre les mesures compensatoires, c’est qu’elles sont beaucoup trop complexes et rigides. L’objectif est donc d’introduire un peu de souplesse.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, il s’agit également de déléguer certaines prérogatives aux territoires pour que les solutions préconisées soient les plus adaptées à la situation.
La seule manière d’accélérer les procédures est que les mesures de compensation, les études environnementales et les enquêtes publiques sur les projets soient réalisées en parallèle. L’objectif est de simplifier et d’accélérer, et en aucun cas de baisser la garde sur les mesures de compensation, qui sont une bonne manière de concilier les enjeux de biodiversité et de réindustrialisation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Au travers d’un article d’un projet de loi de simplification de la vie économique, nous sommes en train de revenir sur une loi-socle environnementale : la grande loi sur la biodiversité que nous avons examinée dans cet hémicycle il y a presque dix ans ; Jérôme Bignon en était le rapporteur et nous avions réalisé un travail très utile et important au Sénat, en adoptant de nombreux amendements, notamment de manière consensuelle.
Or, au détour de cette loi, et sans étude d’impact, on remet les compteurs à zéro et on démolit le socle même de la compensation environnementale. C’est simple : dès lors qu’il n’y a plus d’obligation de résultat, il n’y a plus de compensation environnementale. Tout le reste, c’est de la littérature !
Sur le terrain, cela va bien se passer, nous dites-vous… Permettez-moi d’en douter ! Sans obligation de résultat, toutes les associations de défense de l’environnement se battront jusqu’à leur dernier souffle contre la destruction de la moindre mare ! Voilà à quoi il faut vous préparer. Le seul résultat sera d’engorger les tribunaux.
Au reste, il est probable que cet article, tel qu’il est rédigé, soit contraire au droit européen.
Les propos de M. le ministre me semblent bien modérés par rapport à ce qui va suivre. Nous savons très bien qu’il existe un débat sur ce point au sein du Gouvernement. Je veux bien admettre que sur quelques projets – tout cela en réalité vient d’un grand projet… –, il peut être souhaitable de mener les choses en parallèle. Vérifions si tel est bien le cas – voilà qui serait faire preuve de souplesse, dans l’esprit de ce projet de loi –, mais ne revenons en aucun cas sur l’obligation de résultat, au risque de mettre à terre tout notre dispositif de protection de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. J’entends parler de souplesse. Pourquoi pas ?
M. Michaël Weber. Toutefois, dans ce cas, il faudrait définir un calendrier. Or cet article ne fixe aucune limite dans le temps !
J’y insiste, car de longues discussions pourraient ainsi n’aboutir à aucune décision. Un « délai raisonnable », cela ne veut absolument rien dire ! Les échanges entre les porteurs de projet et l’administration ne seront soumis à aucune contrainte.
Si cette mesure visait à répondre aux difficultés de mise en œuvre des mesures compensatoires, nous aurions pu instaurer des limites. M. le rapporteur nous appelle à distinguer le terrain de la théorie et regrette que les agents des autorités environnementales ne se déplacent pas. Pourquoi ne pas exiger qu’ils le fassent ? De même, nous aurions pu conditionner les accords au respect des engagements en matière de compensation environnementale.
Non seulement ce texte dégrade le droit de l’environnement – comme Ronan Dantec, je ne suis pas certain de la conformité de cet article avec le droit européen –, mais il est en décalage complet avec le discours que vous tenez en permanence, monsieur le ministre !
Vous expliquez que le Gouvernement s’engage à la fois pour le développement industriel et économique de notre pays et pour l’environnement. Or, par ce texte déséquilibré, vous montrez que vous avez choisi le premier au détriment du second.