M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Comme mon collègue Ronan Dantec l’a bien expliqué, nous faisons face à un recul majeur en matière de droit de l’environnement et de démocratie environnementale, qui s’inscrit dans la droite ligne des reculs de ce gouvernement depuis le début du quinquennat en cours.
Pour ce qui est de la compensation, il a fallu une commission d’enquête à l’Assemblée nationale pour que le directeur général d’Atosca, le concessionnaire chargé des travaux de l’A69, avoue que sa promesse de cinq arbres plantés pour un arbre arraché était du flan ! Nous ne savons même pas sur quels terrains sera mise en œuvre la compensation… Cela montre qu’il est déjà bien compliqué de veiller à l’effectivité des mesures compensatoires.
Par la formule « ajouter de la souplesse », vous ne faites que masquer un recul qui mettra en danger notre droit environnemental et les projets à venir. Ceux-ci, je le répète, soulèveront des oppositions massives, car il ne sera plus garanti que l’impact sur les milieux sera effectivement compensé. Vous perdrez ainsi le temps que vous pensez gagner.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.
M. Pierre Barros. Je suis d’accord avec mes collègues. Je rappelle que le régime de dérogation n’est pas un régime normal.
En toute logique, les entreprises doivent respecter la loi et les normes environnementales. La compensation n’intervient que lorsqu’il est techniquement compliqué pour un porteur de projet de respecter ses engagements environnementaux. Des solutions à peu près acceptables sont alors mises sur la table, mais elles ne règlent rien sur le fond.
Si nous adoptons cet article, nous libérerons clairement la contrainte ! Et sans contrainte, il n’y a plus d’avancée technologique. C’est peut-être cela le plus grave : les entreprises ne seront plus incitées à investir dans des technologies d’avenir pour se montrer plus respectueuses de l’environnement et du vivant en général.
Si l’industrie continue de fonctionner selon ses propres besoins et ses propres marges de manœuvre, nous nous exposons à une perte industrielle énorme. Sans contraintes, toutes les décisions politiques du Gouvernement, des États, des COP, ainsi que tous les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne servent à rien !
Si le Parlement est l’endroit où l’on parle, je suis d’accord avec Ronan Dantec : sur ces sujets, nous pouvons parler encore et encore, mais si nous ne contraignons pas les entreprises, nous perdons notre temps.
Or cette perte de temps peut être criminelle. Nous devons nous tenir aux côtés des entreprises pour qu’elles fassent leur travail et fassent avancer la technologie !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 296, 337 et 546.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 300, présenté par MM. Barros, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les deux premières phrases du second alinéa du I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement sont ainsi rédigées : « Elles visent à éviter les pertes nettes de biodiversité pendant toute la durée des atteintes, en visant un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultat. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Par cet amendement de repli, nous proposons de remplacer l’obligation de moyens par une obligation de résultat.
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Roux, Grosvalet et Guiol et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le second alinéa du I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Elles visent à compenser les atteintes significatives à la biodiversité induisant une perte nette de biodiversité. Cette perte nette de biodiversité s’apprécie sur le périmètre géographique où les atteintes sont occasionnées, compte tenu des enjeux écologiques avérés de conservation qui sont identifiés par les inventaires floristiques et faunistiques, de la nature et de l’intensité des atteintes qui n’ont pu être évitées ni suffisamment réduites et des fonctions écologiques qui seraient perdues de manière définitive. Le délai de mise en œuvre des mesures de compensation est déterminé par l’autorité compétente les prescrivant en fonction des enjeux écologiques, économiques et sociaux en présence. Les mesures de compensation doivent viser, à terme, un objectif d’absence de perte nette de biodiversité. Leur durée d’exécution est déterminée en fonction du temps nécessaire à l’atteinte des gains de biodiversité escomptés sur les sites retenus pour leur mise en œuvre. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. Ces amendements tendent tous deux à réécrire l’article 18.
L’amendement n° 300 vise à supprimer la possibilité de différer la mise en œuvre des mesures compensatoires environnementales. C’est pourtant un véritable gage de souplesse. En outre, cet amendement tend à rétablir l’obligation de résultat.
Quant aux dispositions de l’amendement n° 99 rectifié, elles présentent à mon sens un problème de lisibilité juridique. Les différents outils de compensation proposés pourraient susciter des conflits d’interprétation.
Aussi la commission spéciale émet-elle un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 212 rectifié est présenté par MM. Longeot, Laugier et Bonneau, Mmes Demas et Jacquemet, M. Henno, Mme Vérien, MM. Kern, Tabarot et J.M. Arnaud, Mme Guidez, MM. Parigi, Chatillon, Menonville, Capo-Canellas et Belin, Mmes O. Richard, Antoine, Billon et Saint-Pé et MM. Duffourg, Levi et Reynaud.
L’amendement n° 338 est présenté par MM. Dossus et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 537 rectifié bis est présenté par M. Capus, Mme Bourcier, MM. Chasseing et Grand, Mmes Paoli-Gagin et Lermytte, MM. Wattebled, V. Louault, Chevalier et A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault et Rochette.
L’amendement n° 575 est présenté par M. M. Weber, Mme Linkenheld, MM. Mérillou et Chaillou, Mme Conconne, MM. Fagnen, Ros, Kanner et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. Bouad, Mme Canalès, MM. Darras, Gillé et Jacquin, Mme Monier, MM. Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Elles doivent se traduire par une obligation de résultat.
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 212 rectifié.
M. Claude Kern. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 338.
M. Ronan Dantec. Ce que le Gouvernement attend de cet article, c’est avant tout de la souplesse – le terme a d’ailleurs été employé.
Évidemment, dans certains dossiers, les mesures compensatoires sont difficiles à établir a priori, notamment pour des questions relevant du génie civil. On le constate en particulier dans les estuaires. On comprend dès lors le sens d’un tel article. Mais, par ricochet, ces dispositions remettent en cause le socle même des politiques de compensation menées en France ; et, du même coup, elles menacent la souplesse garantie aujourd’hui.
La logique actuelle repose en définitive sur une forme de financiarisation des mesures de compensation. On part du principe que, dans un certain nombre de dossiers, la compensation est très difficile à mettre en pratique. Voilà pourquoi l’on opte pour des crédits biodiversité.
Prenons l’exemple d’un projet affectant une tourbière : on ne sait pas reconstituer un tel milieu. En revanche, on sait créer du coussoul de Crau, lequel a, lui aussi, une très grande valeur de biodiversité. On procède donc par équivalence.
Mes chers collègues, c’est ce que nous avons écrit dans la loi il y a six mois ! Cette méthode ouvre la voie à des formules moins rigides, car le remplacement des espèces stricto sensu peut se révéler compliqué, sans pour autant remettre en cause l’obligation de résultat globale.
Thomas Dossus l’a très bien dit : sans obligation de résultat, plus personne ne croira à la compensation, ni les entreprises, qui ne feront plus aucun effort en ce sens – M. Barros l’a rappelé à juste titre – ni les associations de protection de l’environnement, qui trouveront tous les moyens possibles et imaginables de bloquer les projets. Un tel choix conduit fatalement notre société à la conflictualité.
Des élus de tous horizons ont déposé le même amendement : c’est bien la preuve que nous sommes face à un problème…
M. le président. Il faut conclure, monsieur Dantec.
M. Ronan Dantec. Il faut a minima que le présent article mentionne l’obligation de résultat, tout en conservant cette logique de souplesse.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 537 rectifié bis.
M. Emmanuel Capus. Dans un esprit de simplification de la vie économique, qui est précisément celui du présent texte, l’article 18 apporte de la souplesse aux entreprises. On le conçoit parfaitement, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : en revenant sur l’obligation de résultat, on risque de supprimer purement et simplement toute forme de compensation et, partant, d’aller trop loin.
Nous proposons en conséquence une mesure modérée, un entre-deux préservant de la souplesse, notamment au titre du calendrier, sans abandonner totalement la compensation. Nous maintiendrons ainsi une obligation finale de résultat.
Nous sommes assez nombreux à avoir déposé le même amendement : il s’agit selon nous d’une solution équilibrée, d’une voie de sagesse entre la recherche de simplification et l’objectif de préservation de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour présenter l’amendement n° 575.
M. Michaël Weber. L’article 18 est maintenu : dont acte !
Néanmoins, si forte soit la volonté de souplesse, la compensation ne saurait être une option. C’est, au contraire, une nécessité. Je n’imagine pas un instant que tel ou tel acteur s’en exonère. Dire qu’il n’y a pas d’obligation de résultat, c’est dénier toute valeur à la compensation.
Nous tenons donc, nous aussi, à ajouter la précision que les précédents orateurs ont présentée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. Ces quatre amendements identiques visent à rétablir l’obligation de résultat relative aux mesures compensatoires pour atteinte à la biodiversité.
Pour les raisons déjà indiquées, la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut évidemment pas renoncer à toute obligation de résultat ou à tout contrôle. On ne peut pas laisser les engagements pris s’évaporer dans la nature – c’est le cas de le dire… (Sourires.) Je l’entends tout à fait ; mais le présent texte instaure déjà un critère d’effectivité.
En outre, faute de préciser le moindre délai, les dispositions de ces quatre amendements identiques seraient d’application immédiate. (Exclamations sur des travées des groupes GEST et SER.)
Aujourd’hui, l’obligation de résultat existe déjà. Elle s’applique dans un délai raisonnable, lequel dépend notamment du délai fixé par l’autorisation de travaux ; et le respect de cette obligation peut faire l’objet de contrôles par les services de l’État.
Vous voulez inscrire cette obligation dans la loi : je le comprends. Mais, j’y insiste, le chantier est déjà contrôlé, au plus tard à la fin des travaux. L’ensemble des conditions sont examinées, y compris les mesures compensatoires.
Je suis prêt à réfléchir avec vous, dans la suite de la navette, à une rédaction plus acceptable. Mais, avec de telles dispositions, vous tuez l’article. En effet, une obligation couperet interdirait toute souplesse.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance pour réunir les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote sur l’amendement n° 212 rectifié.
M. Claude Kern. Après avoir consulté M. Longeot, je retire notre amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 212 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. On le constate une fois de plus, ce gouvernement a du mal à travailler de manière coordonnée…
Alors même que cet article nous expose à un grave recul du droit de l’environnement, on ne sait pas si le Conseil national de la transition écologique (CNTE) ou le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) ont été consultés. On ne sait même pas si M. Béchu est favorable au retrait de l’obligation de résultat. (M. le ministre délégué proteste.)
À l’évidence, le Gouvernement travaille en silo, si bien que nos lois vont à rebours de nos stratégies de défense de la biodiversité. Au nom de la souplesse, on s’apprête à détruire encore plus de milieux naturels.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Rémy Pointereau, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, la commission spéciale confirme son avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Mais la navette nous permettra peut-être de revoir, ne serait-ce qu’à la marge, la rédaction de l’article 18.
En outre, je vous rappelle la nécessité d’accélérer – c’est d’ailleurs l’objet du prochain titre de ce projet de loi (Sourires.) –, ce qui suppose de faire preuve de concision. Nous pourrons ainsi achever l’examen des amendements ce soir, comme nous le souhaitons tous. Je vous remercie par avance de vos efforts !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le président de la commission spéciale, je suis tout à fait d’accord avec vous.
Monsieur Dossus, permettez-moi de vous rappeler que je m’exprime au nom du Gouvernement.
Vous avez la chance d’avoir un ministre de l’écologie qui aime l’industrie et un ministre de l’industrie qui aime l’écologie. M. Béchu et moi-même travaillons très bien ensemble. Depuis deux ans, nous avons pu faire avancer bon nombre de dossiers.
Je le répète, lorsque j’interviens dans cet hémicycle, c’est le Gouvernement qui s’exprime. C’est le Gouvernement qui émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques, dont les dispositions vont à l’encontre de l’article 18 ; et c’est le Gouvernement qui s’engage à travailler à une nouvelle rédaction dans la suite de la navette.
Comme vous le soulignez, la compensation doit être garantie. J’ajoute que les industriels doivent eux aussi être rassurés – c’est un enjeu de sécurité juridique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 338, 537 rectifié bis et 575.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 215 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 116 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 301, présenté par MM. Barros, Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois phrases ainsi rédigées :
Si ces mesures ne sont pas mises en œuvre immédiatement, la somme correspondant au montant des mesures de compensation prévues est consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Cette somme est restituée au fur et à mesure de l’exécution de ces mesures. En cas de retard dans la mise en œuvre des mesures de compensation, le maître d’ouvrage verse, pour chaque semestre de retard, l’équivalent de 5 % des coûts des mesures de compensation non réalisées, mesuré en équivalence écologique ou en unité de compensations telles que citées au II du présent article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, nous persistons à vous alerter : les modifications du code de l’environnement prévues par le présent article seraient lourdes de conséquences.
Évidemment, certains porteurs de projet ont parfois, de bonne foi, des difficultés à mettre en œuvre les mesures de compensation ; nous le comprenons. Mais ces dernières sont essentielles et doivent rester obligatoires. Lors de la quinzième conférence des parties (COP15), en décembre dernier, la France s’est d’ailleurs clairement donné pour objectif de préserver la biodiversité. Or, dans sa rédaction actuelle, l’article 18 pourrait percuter violemment nos engagements internationaux.
Nous proposons donc une forme de caution, à même de constituer un fonds finançant les travaux de renaturation et de compensation.
Nous l’avons rappelé il y a quelques instants : l’article 18 mentionne des délais raisonnables sans davantage de précisions. Pour notre part, nous proposons, outre la caution que je viens d’évoquer, qu’une astreinte soit prélevée à hauteur de 5 % du coût total de la compensation pour chaque semestre de retard.
L’objectif est de faciliter le travail des porteurs de projet en conservant les assouplissements prévus et en s’assurant, concrètement, que les mesures de compensation sont financées. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) serait chargée de collecter ces fonds et pénalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. La mise en œuvre de la compensation ne saurait être retardée par les difficultés financières du maître d’ouvrage : c’est la principale raison invoquée par les auteurs de cet amendement.
Or la rédaction adoptée par la commission spéciale semble déjà répondre à leur inquiétude.
En outre, les dispositions de cet amendement sont en grande partie satisfaites par l’article L. 163-4 du code de l’environnement, lequel permet déjà de constituer des garanties financières.
Voilà pourquoi la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 365 rectifié bis, présenté par Mme Canayer, MM. P. Martin et Chauvet, Mme Estrosi Sassone, MM. C. Vial, Lefèvre, Klinger, Brisson, Bruyen, Burgoa et Chaize, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes de La Provôté, Demas et Pluchet, MM. Mandelli, Sautarel, L. Vogel, J.-B. Blanc et Karoutchi, Mmes O. Richard et Evren, M. Piednoir, Mmes Guidez, Ventalon, M. Mercier, Billon, Micouleau et Imbert, M. Gremillet, Mme Gacquerre et MM. Milon, Rochette et Belin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même I de l’article L. 163-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’effectivité des mesures de compensation proposées par le demandeur d’une autorisation environnementale est appréciée au plus tard à la date d’achèvement ou de mise en service du projet autorisé. Ainsi, l’autorisation environnementale est accordée sous réserve de la démonstration par son bénéficiaire de l’effectivité des mesures de compensation réalisées à la date précitée. À défaut, l’autorité administrative compétente peut imposer au bénéficiaire de l’autorisation les prescriptions complémentaires prévues au dernier alinéa de l’article L. 181-14 et suspendre l’activité ou l’exploitation des ouvrages ou aménagements pour lesquels l’autorisation a été sollicitée tant que lesdites prescriptions n’auront pas été respectées. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement de notre collègue Agnès Canayer vise à permettre aux différents porteurs de projet, notamment les ports, de parachever la mise en œuvre effective des mesures compensatoires prévues par l’étude d’impact sans que le lancement des travaux correspondants s’en trouve bloqué.
Les porteurs de projet auraient pour obligation de prendre en compte, dès la phase de conception, la nécessité d’atteindre in concreto l’objectif environnemental fixé une fois le projet réalisé.
L’aménagement des terrains des grands ports maritimes, comme Haropa port, concourt à notre réindustrialisation. À ce titre, le besoin de compensation « zones humides » est a minima compris entre 170 et 220 hectares à court terme, selon les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) en vigueur. Les besoins estimés dans un second temps sont, eux, de l’ordre de 300 à 400 hectares.
Le foncier destiné aux compensations doit répondre à des exigences de fonctionnalité spécifiques, variant selon les milieux détruits : c’est le sens de l’équivalence. Ainsi, dans le cas d’Haropa, les terrains doivent se situer dans l’estuaire de la Seine et couvrir en priorité des milieux déjà altérés : les gains de fonctionnalité seront ainsi maximisés.
De plus, ces zones doivent se trouver en dehors des terres agricoles, sauf si les propriétaires et exploitants consentent à la cession.
Toutefois, dans l’estuaire aval de la Seine, les zones humides représentent une grande partie du foncier disponible pour Haropa port : en l’état, il n’est donc pas possible de répondre aux exigences de la réglementation et du Sdage. De ce fait, il est difficile de trouver les surfaces nécessaires pour répondre aux besoins de compensation.
Les solutions envisagées à court terme exigent la réalisation d’études précisant le gain écologique potentiel assuré par les différents terrains, dans le cadre de la compensation.
Pour mener les études techniques et les investigations, deux ou trois ans au moins sont nécessaires : il faut évaluer à la fois le potentiel des sites et la correspondance éventuelle, en fonctionnalité, entre les sites touchés et ceux qu’il conviendra de restaurer. En outre, ces délais sont évidemment allongés s’il faut procéder à l’achat d’un terrain, notamment en vertu d’une déclaration d’utilité publique (DUP), si le gré à gré n’aboutit pas.
Cet exemple illustre parfaitement les difficultés auxquelles se heurtent les ports pour valoriser les terrains nécessaires à la réindustrialisation verte de notre pays dans des délais compatibles avec les projets des investisseurs souhaitant s’y installer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Yves Bleunven, rapporteur. Afin de mieux encadrer les dispositions de l’article 18, cet amendement tend à préciser que l’effectivité des mesures de compensation est appréciée au plus tard à la date d’achèvement ou de mise en service du projet, et que l’autorisation de ce dernier est accordée « sous réserve de la démonstration par son bénéficiaire de l’effectivité des mesures de compensation ».
Nous saluons la volonté de préciser l’horizon temporel auquel l’absence de perte nette de biodiversité devra être appréciée. Néanmoins, nous craignons que la rédaction proposée ne soit source d’insécurité juridique pour les autorisations environnementales accordées.
M. Yves Bleunven, rapporteur. En vertu de ces dispositions, l’autorité administrative pourrait en outre imposer au bénéficiaire de l’autorisation des prescriptions complémentaires, si les mesures de compensation mises en œuvre ne donnaient pas satisfaction ; or c’est déjà possible en l’état actuel du droit.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale est plutôt défavorable à cet amendement. Cela étant, nous entendrons avec intérêt l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur, avec ces dispositions, vous cherchez à simplifier les procédures en les accélérant, mais vous créez de l’incertitude : si, à son sens, les conditions ne sont pas réunies, le porteur de projet risque de différer ses demandes d’autorisations.
Cette bonne idée emporterait donc des conséquences regrettables. Voilà pourquoi j’émets à mon tour un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 365 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. À l’évidence, le Gouvernement a pris note du problème soulevé. J’espère qu’il apportera les solutions nécessaires et, dans cette attente, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 365 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 536 est présenté par M. Daubresse.
L’amendement n° 579 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel.
L’amendement n° 609 est présenté par M. Bleunven, au nom de la commission spéciale.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La seconde phrase du dernier alinéa du II de l’article L. 163-1 du code de l’environnement est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il précise notamment les modalités d’appréciation de la notion de proximité fonctionnelle, les conditions dans lesquelles la compensation peut s’appliquer à des surfaces supérieures à celle concernée par l’atteinte, ainsi que les critères de mise en œuvre en priorité au sein des zones de renaturation préférentielle identifiées par les schémas de cohérence territoriale. »
L’amendement n° 536 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 579 rectifié.