M. Rachid Temal. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption aurait pour effet d’affaiblir le pouvoir de la future commission d’évaluation. (M. Rachid Temal rit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie Lebec, ministre déléguée. La composition de la commission d’évaluation permet d’ores et déjà d’assurer le lien avec les différents volets des investissements solidaires et durables. Par ailleurs, les membres de cette commission sont désignés pour leur expertise et leur diversité.

Outre les échanges conduits dans le cadre des travaux de la commission, à l’évidence, la possibilité donnée aux différentes autorités de tutelle de nommer un membre en son sein traduit la volonté du législateur et du Gouvernement d’avoir une commission aussi diverse et représentative que possible. Le monde universitaire, par exemple, sera associé grâce à la désignation d’une personnalité qualifiée issue du ministère chargé de la recherche.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, je vous rappelle, mais j’imagine que vous le savez, que deux instances de concertation avec les élus locaux et la société civile existent déjà : la Commission nationale de la coopération décentralisée et le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale, au sein desquels les parlementaires sont représentés. Les travaux de ces instances pourront naturellement être mis à la disposition de la commission d’évaluation, qui aura sans doute elle-même la possibilité d’auditionner leurs membres. Les outils et les leviers sont donc en place pour garantir un champ de travail le plus large possible.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Heureusement qu’il s’agit du dernier amendement, car le débat devient très compliqué ! Je sais bien que je suis d’une intelligence lente et clairsemée, mais tout de même…

Madame la ministre, vous évoquez la représentation d’un certain nombre d’organismes dans une commission de coordination. C’est très bien, je m’en félicite, mais nous parlons ici d’évaluation.

Vous ne pouvez pas passer votre temps à tout mélanger, à faire comme s’il fallait que l’on devine où est la boule rouge – un coup, ici, un coup, là : arrêtez ce mistigri ! Soit nous parlons d’évaluation, et c’est l’objet de notre discussion de ce soir, soit nous parlons d’autre chose. Je le répète, madame la ministre : vous faites le choix de refuser la représentation des collectivités au sein de la commission d’évaluation.

Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’il ne faut pas trop allonger la liste des membres de la commission. Soit, je veux bien l’entendre. Mais nous-mêmes avons fait le choix de citer systématiquement dans la loi les personnalités appelées à siéger dans tel ou tel organisme. En quoi serait-ce aujourd’hui un problème d’ajouter un alinéa au texte pour inscrire les collectivités dans la loi ? Alors même que vous affirmez qu’elles seront représentées, vous refusez de les mentionner, au motif qu’il faudrait inclure tout le monde, selon la logique « pourquoi l’un et pas l’autre ? » : mais très bien, allons-y !

Pourquoi ne pas dire clairement que vous ne souhaitez pas modifier la proposition de loi et que les collectivités vont passer à l’as, même si c’est regrettable. Dites-le ! Notre discussion devient assez ubuesque !

Voilà ce que je voulais dire, même si je sais que le texte sera adopté conforme. Nous verrons bien dans quelque temps ce que fera cette commission d’évaluation.

M. Christian Cambon, rapporteur. Il n’a jamais été question de se priver des collectivités territoriales !

M. Rachid Temal. Elles ne sont pas incluses dans le texte !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article unique (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement  de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Alors que l’aide publique au développement représente plus de 15 milliards d’euros par an, le Sénat décide d’accepter, sans l’amender, le texte proposé par M. Bourlanges, lequel se livre, car c’est bien de cela qu’il s’agit, à un duel fratricide et public avec M. Moscovici. Ceux-là mêmes qui sont toujours prêts à nous donner des leçons de bonne gestion, en l’espèce, pour 15 milliards d’euros, passent leur tour : pas d’évaluation ; refus de toute navette. Tout cela est assez surprenant !

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposera donc à cette proposition de loi. Pour avoir été corapporteur du projet de loi de programmation en 2021, je mesure à quel point les dispositions qui vont être adoptées ce soir dénaturent totalement la commission d’évaluation. Plus encore, elles mettent un terme à toute velléité d’évaluation, puisqu’il n’y aura pas de pilotage politique de l’aide publique au développement. Il est maintenant urgent de passer à autre chose.

Je ne suis toutefois pas certain que le texte puisse aller au bout du processus, car il subsistera de véritables soucis juridiques, que nous avons soulevés. Je le répète une fois de plus : pas d’indépendance, pas de transparence et pas de travail avec l’ensemble des composantes du Parlement, puisque nous avons découvert ce soir qu’une réflexion avait été engagée avec un certain nombre de sénateurs, sans associer les autres forces politiques, au-delà de la majorité sénatoriale.

M. Mickaël Vallet. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.

Je rappelle que le vote sur cet article vaudra explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 273
Contre 65

Le Sénat a adopté définitivement.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement  de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021
 

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Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Le vote du groupe Union Centriste a fait l’objet d’un « cyber défaut » lors du scrutin n° 165.

Sur ce scrutin, MM. Michel Canévet, Bernard Delcros, Guislain Cambier, François Bonneau, Olivier Henno, Philippe Bonnecarrère et Jean-François Longeot, Mme Nathalie Goulet, MM. Édouard Courtial, Jean-Marie Mizzon et Franck Menonville, Mmes Annick Billon, Anne-Sophie Romagny, Annick Jacquemet et Françoise Gatel, M. Claude Kern, Mmes Olivia Richard et Christine Herzog, ainsi que M. Yves Bleunven souhaitaient voter pour.

Les autres sénateurs du groupe qui ont été déclarés comme ne prenant pas part au vote souhaitaient s’abstenir, à l’exception de Mme Sylvie Vermeillet, puisque, madame la présidente, vous présidiez la séance.

Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

14

 
Dossier législatif : proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Discussion générale (suite)

Saisie et confiscation des avoirs criminels

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (proposition n° 169, texte de la commission n° 446 rectifié, rapport n° 445).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir de nouveau réaffirmer ma volonté de frapper toujours plus fort les délinquants au portefeuille.

La proposition de loi que nous examinons ce soir vise à renforcer nos capacités de saisies et de confiscations. Son objectif est clair : nul ne doit tirer profit de son crime. Je la soutiens donc avec force.

Nous avons déjà renforcé notre arsenal avec la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, dite loi Warsmann.

Avec cette loi, l’approche judiciaire a été rénovée. Les enquêtes ont connu une nouvelle dynamique. Les investigations ont dépassé le simple recueil de preuves de la commission d’une infraction ; elles sont devenues patrimoniales.

Forte de ces investigations portant sur la composition du patrimoine des délinquants, notre action judiciaire a été renforcée.

D’une part, les possibilités de saisies, au stade de l’enquête, ont été étendues à tous les biens « confiscables » afin que les juridictions de jugements puissent in fine confisquer l’ensemble des avoirs criminels.

D’autre part, l’État s’est doté, pour la première fois, d’un dispositif permettant de gérer les biens saisis et confisqués.

L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) a ainsi été créée. Cette agence est devenue le bras armé de l’État pour aller chercher réparation auprès des délinquants en les tapant directement au portefeuille. Ce bras armé, intégré à un nouvel arsenal, s’est révélé d’une efficacité redoutable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Le montant des saisies n’a cessé d’augmenter depuis la création de l’Agrasc. En 2011, il s’est élevé à 109 millions d’euros, puis, douze ans plus tard, en 2023, à 1,44 milliard d’euros, soit une multiplication par dix !

Vous le savez, l’augmentation des saisies et des confiscations constitue un axe fort de ma politique pénale. J’ai demandé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de conduire une politique pénale volontariste en favorisant la saisie et la confiscation des avoirs criminels. La mobilisation de mon ministère n’a jamais fléchi !

La confiscation des fonds, des comptes bancaires, des meubles et des biens immeubles des auteurs d’infractions a atteint des chiffres records.

Chaque année, les policiers, les gendarmes, les douaniers, les procureurs de la République, les juges d’instruction et les juges des libertés et de la détention font preuve d’un engagement sans faille. Ils s’emparent plus fortement de cet outil précieux de lutte contre le crime. La confiscation du patrimoine des criminels est, en effet, un levier incontestable de la répression. Là encore, les chiffres relatifs aux confiscations sont éloquents.

En 2020, le montant des confiscations prononcées par les juridictions pénales s’élevait à 86 millions d’euros. En 2023, il atteignait 175,5 millions d’euros, soit une hausse de 105 % !

Pour intensifier cette politique pénale hautement stratégique, j’ai renforcé les capacités d’action de l’Agrasc. Désormais, l’Agence rayonne sur l’ensemble du territoire national, au plus proche des juridictions. Huit antennes régionales ont ainsi été créées : à Marseille, à Lyon, à Lille, à Rennes, à Bordeaux, à Nancy, à Fort-de-France et à Paris.

L’efficacité de l’Agence et le soutien qu’elle apporte aux juridictions ont ainsi été redoublés. Au plus près des enquêteurs et des magistrats, l’Agrasc leur dispense des conseils et les oriente. Les scellés sont mieux gérés et l’exécution des décisions de confiscation a gagné en efficacité. Surtout, nous avons considérablement renforcé les moyens humains de l’Agrasc.

Vous le savez, ma politique au ministère de la justice est constante : si on veut des résultats, il faut y mettre les moyens ; et quand on a mis des moyens, il nous faut des résultats !

C’est pourquoi les effectifs de l’Agrasc sont passés de quarante-cinq agents en 2020 à plus de quatre-vingt-cinq en 2023, soit une multiplication par deux.

Si la confiscation des avoirs criminels est l’une des armes de la répression, elle est également un levier efficace d’indemnisation et de réparation.

Je veux ainsi souligner que désormais les biens immobiliers confisqués peuvent connaître une réaffectation sociale pour que puissent être développés des programmes d’intérêt public.

Grâce à la loi du 8 avril 2021 rapportée au Sénat par votre collègue Alain Marc, des associations, des fondations ou des foncières solidaires, peuvent se voir attribuer des immeubles confisqués aux délinquants par nos juridictions pénales.

Il y a un an, à Coudekerque-Branche, j’ai remis les clés du premier immeuble saisi par la justice à l’association Habitat et Humanisme.

Permettez-moi de vous dire que, à mon sens, cette pratique incarne l’idée même de justice. Ce dispositif a été pensé dans une logique réparatrice, au service des victimes et des plus démunis. C’est par ce type d’actions fermes, efficaces, mais surtout justes, que nous retisserons le lien de confiance entre l’institution judiciaire et nos concitoyens.

Nous avons ainsi basculé dans une autre dimension, inspirée par les dispositions italiennes antimafia, qui nous permet de nous inscrire au plus proche des besoins des communes, au bénéfice direct de nos concitoyens.

Trois immeubles ont ainsi été affectés socialement en 2022 : une villa confisquée par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a été remise à une association chargée de prévenir la récidive en matière de violences conjugales ; l’immeuble confisqué par le tribunal correctionnel de Dunkerque, que j’évoquais précédemment, a été remis à une association pour y réaliser des logements sociaux ; un logement, confisqué par le tribunal correctionnel de Montpellier, a été réaffecté pour accueillir des réfugiés ukrainiens.

Enfin, un autre progrès permettant la restitution des biens mal acquis aux populations spoliées a été consacré par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Désormais, le produit des biens confisqués dans le cadre des affaires dites de « biens mal acquis » par des dirigeants étrangers peut être affecté au financement de l’action de coopération et de développement, au profit des populations des pays concernés.

Nous partageons tous le même constat : l’objectif des délinquants et des criminels ne repose pas sur des valeurs humanistes ; il est d’engranger du profit.

Nous avons mis en place un cercle vertueux et les avancées sont incontestables, mais il nous faut encore aller plus loin et frapper plus vite, frapper plus fort le patrimoine des criminels et des délinquants. Car après une décennie de progrès, certaines lacunes ont été identifiées, qu’il convient de combler.

Plusieurs recommandations du rapport de MM. Warsmann et Saint-Martin de 2019 ont d’ores et déjà été mises en œuvre. Mais pour que le crime ne profite plus, il nous faut encore renforcer notre législation afin de consolider les actions judiciaires.

Tel est l’objet de cette proposition de loi : il nous faut combler certaines failles, il nous faut parfaire un édifice, même s’il repose déjà sur des fondements solides.

Il nous faut pouvoir saisir plus et confisquer mieux les produits des crimes, les profits générés par les délinquants. Je sais que cet objectif nous rassemble. À cet égard, les dispositions de la proposition de loi qui tendent à faciliter notamment les ventes avant jugement sont les bienvenues.

Je veux d’ailleurs saluer les travaux de la commission, qui ont permis de préciser certaines dispositions et d’améliorer l’efficacité de l’arsenal proposé.

L’article 1er prévoit d’accélérer la vente des biens saisis avant jugement en allégeant les modalités des voies de recours. La commission des lois et votre rapporteure, dont je veux ici saluer le travail, a étendu cette procédure simplifiée de recours à l’ensemble des saisies, ainsi qu’aux décisions de non-restitution des biens. Elle a prévu, en outre, que la vente avant jugement des biens saisis pourra intervenir plus largement, notamment lorsqu’il s’agit de biens dont la valeur se déprécie rapidement ou qui engendrent des frais d’entretien trop importants.

L’affectation sociale des biens immobiliers saisis a été étendue au profit notamment des services judiciaires et des services chargés de missions de police judiciaire.

La procédure de convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été enrichie. La possibilité de contraindre les personnes morales à se dessaisir des biens saisis au profit de l’État est ainsi prévue.

Enfin, les juridictions de jugement n’auront plus l’obligation de motiver la peine de confiscation en valeur du produit ou de l’objet de l’infraction.

La proposition de loi a été enrichie à l’issue notamment des travaux de la commission des lois de votre assemblée. Elle permettra de frapper mieux et plus vite les délinquants au portefeuille.

L’article 2 a un objectif clair : améliorer l’indemnisation des victimes. Pour cela, les parties civiles pourront désormais obtenir le paiement de leurs dommages et intérêts non seulement sur les biens confisqués définitivement, mais également sur les biens dévolus à l’État et ceux ayant fait l’objet d’une décision de non-restitution.

Votre commission des lois a également prévu de permettre aux officiers de police judiciaire de procéder à une saisie élargie des patrimoines.

Le régime prévu apporte à notre dispositif de saisie une souplesse indispensable, qui visera également les sommes versées sur les comptes de paiement des néobanques.

L’article 3 vise à renforcer l’efficacité des saisies en ne permettant plus que des proches du délinquant ou du criminel continuent de profiter des biens qui auraient été saisis par la justice.

Enfin, l’article 4 prévoit d’élargir le mécanisme de restitution des biens mal acquis, notamment aux sommes saisies et confisquées sur les comptes bancaires. Un cap a été franchi ces dernières années, les résultats des saisies et des confiscations sont inédits. La proposition de loi permettra d’amplifier notre stratégie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’engagement du Gouvernement, et du ministère de la justice en particulier, pour lutter contre la délinquance et la criminalité est total. Il est temps ce soir d’aller plus loin pour que le crime ne paie pas, pour que le crime ne paie plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur les travées du groupe RDSE. – MM. Olivier Cadic et Ian Brossat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte, vous l’aurez compris en écoutant M. le garde des sceaux, est quelque peu technique, voire aride, mais son intitulé révèle à quel point il est important puisqu’il concerne la saisie et la confiscation des avoirs criminels.

En d’autres termes, il s’agit d’appréhender le patrimoine des délinquants, illustrant ainsi le fait que le crime ne paie pas. C’est évidemment un sujet majeur dans la lutte contre la délinquance et la criminalité, car il existe un certain nombre d’infractions – ce n’est pas le cas de toutes – pour lesquelles l’appât part du gain est la principale motivation.

Au cours de nos auditions, nous avons pu constater que le risque d’emprisonnement est tout à fait assumé chez certains délinquants dans la mesure où il est contrebalancé par l’assurance d’un gain financier, même si les années d’emprisonnement mettent de la distance entre les délinquants et la possibilité d’en bénéficier. Il est donc important de pouvoir saisir ces gains.

Déjà, en 2010, notre collègue député Jean-Luc Warsmann s’était intéressé à cette question et une proposition de loi avait été votée, mettant en place l’architecture générale de l’appréhension du patrimoine des délinquants.

En 2019, le Premier ministre de l’époque avait confié à MM. Warsmann et Saint-Martin une évaluation de l’application du texte. Dans le rapport qu’ils ont rendu en 2019, ils ont formulé trente-sept propositions, toutes n’étant pas de niveau législatif. Nous voici donc réunis aujourd’hui pour examiner la déclinaison législative de quelques-unes d’entre elles.

La procédure de saisie et de confiscation des avoirs criminels commence durant l’enquête ou l’instruction. Sous l’égide du procureur ou du juge d’instruction, les services d’enquête et les services judiciaires saisissent une partie au moins du patrimoine des délinquants. Il s’agit généralement de l’instrument, de l’objet ou du produit de l’infraction, mais il peut également s’agir d’un patrimoine un peu plus large.

Se pose ensuite la question de ce qui sera fait de ce patrimoine, car il a parfois besoin d’être valorisé. L’exemple souvent cité est celui des véhicules saisis et conservés pendant la durée de l’enquête et qui se déprécient au fur et à mesure des années alors même que les frais de gardiennage augmentent.

Il est donc essentiel d’engager une véritable gestion dynamique des biens afin que la confiscation présente un intérêt à la fois pour l’État et pour la personne faisant l’objet d’une enquête. Dans l’hypothèse où cette dernière ne serait pas condamnée et où son bien ne serait pas confisqué, il faut valoriser le plus rapidement possible le bien saisi afin de pouvoir lui restituer le produit d’une éventuelle vente.

C’est à ce stade de la procédure qu’entre en jeu l’organisme créé par la loi 2010, l’Agrasc, chargée de la dynamisation des biens saisis.

À la toute fin de cette procédure sera prononcée ou non une décision de confiscation. C’est ainsi que ce patrimoine sera appréhendé et valorisé au profit de la collectivité.

L’enjeu est donc que les services, notamment d’enquête, ainsi que les magistrats s’emparent de cette possibilité de saisie pour confisquer les biens. Or, aujourd’hui, seulement 30 % des biens saisis sont confisqués. Il existe donc une marge de manœuvre pour améliorer l’utilisation de cette procédure d’appréhension du patrimoine des délinquants afin de sanctionner certains comportements.

L’autre enjeu, vous l’aurez compris, c’est la fluidité de la chaîne entre la saisie et la confiscation pour que le patrimoine soit valorisé au mieux.

M. le garde des sceaux l’a rappelé, de grands progrès ont été réalisés, notamment à la suite du rapport de MM. Warsmann et Saint-Martin, puisque l’Agrasc a été déclinée en antennes territoriales, ce qui a considérablement accru ses résultats. Les liens entre les services d’enquête et les magistrats ont été beaucoup resserrés et le travail d’appréhension du patrimoine des délinquants rendu ainsi beaucoup plus efficace.

Néanmoins, des progrès sont encore possibles. Ce texte en est la démonstration. L’Assemblée nationale, le Sénat dans toutes ses composantes et le Gouvernement sont tous animés du même souhait d’améliorer cette procédure, même s’il existe entre nous des divergences, comme nous aurons l’occasion de le constater au cours de la discussion, notamment d’ordre technique. Je propose de découvrir les différentes pistes possibles lors de l’examen des amendements pour ne pas nous attarder ce soir sur des détails, ce qui serait long et fastidieux.

Nous découvrirons aussi à cette occasion quel est le nouveau dispositif proposé pour les biens mal acquis, autre versant quelque peu différent de cette appréhension du patrimoine des délinquants.

Ces améliorations législatives sont nécessaires, mais elles ne remplaceront pas un certain nombre d’éléments qui ne sont pas de niveau législatif et relèvent à mon avis davantage de l’action du Gouvernement. Je pense à la poursuite de la formation des services d’enquête et des magistrats, qui n’ont pas nécessairement le réflexe de la saisie et de la confiscation. Peut-être faudrait-il aussi poursuivre l’augmentation des personnels déjà mise en œuvre, ce qui serait bienvenu dans un certain nombre de juridictions.

Par ailleurs, mais nous n’avons pas beaucoup d’influence sur cet aspect-là des choses, il est extrêmement important que le système numérique permette le suivi des avoirs, de la saisie jusqu’à la confiscation. C’est sans doute ce que permettra – nous l’espérons – la procédure pénale numérique appelée se mettre en œuvre, car c’est aussi à ce prix que nous arriverons à mieux appréhender le patrimoine des délinquants.

Tels sont donc, en quelques mots, les enjeux du texte dont nous discuterons non pas ce soir, mais probablement demain, à l’occasion de l’examen des amendements. L’objectif sera d’améliorer le fonctionnement de la procédure actuelle d’appréhension du patrimoine au profit de la collectivité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – M. Louis Vogel applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est minuit passé, je vous propose d’ouvrir la nuit afin d’achever la discussion générale.

Il n’y a pas d’objection ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le crime ne paie pas, ou en tout cas ne devrait pas payer. Le constat est simple d’ailleurs : les délinquants, quels qu’ils soient – délinquance en col blanc, financière, liée au narcotrafic ou autre –, détestent être frappés au portefeuille.

« Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s’accompagner de la privation des délinquants des profits qu’ils ont pu tirer de l’infraction. » C’est par ces mots que le député Warsmann a introduit l’exposé des motifs de la proposition de loi qui allait permettre la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

La confiscation est une peine complémentaire de plein droit pour les infractions punies d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse, et peut porter sur l’ensemble des biens ayant un lien avec un crime ou un délit, qu’ils aient servi à commettre l’infraction ou qu’ils en soient le produit direct ou indirect.

Alors qu’une commission d’enquête sénatoriale travaille actuellement sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, il est à noter que cette proposition de loi fait suite à un rapport consacré à la lutte contre les trafiquants de drogue de 2004.

Nous nous retrouvons donc à légiférer sur ce sujet important sans attendre les conclusions des travaux de la commission d’enquête, ce qui est plus que dommage à moins d’un mois de la remise de ses recommandations.

Pour autant, les enjeux de cette proposition de loi et les pistes proposées nous paraissent très intéressants.

Mme la rapporteure nous le rappelait : les avoirs criminels ne sont pas systématiquement identifiés. De plus, environ 30 % seulement des biens saisis finissent par être effectivement confisqués par une juridiction de jugement.

Néanmoins, en France, la saisie d’avoirs criminels est en forte progression : en 2011, 109 millions d’euros étaient saisis, contre 771 millions d’euros – dont 27 millions à Marseille – dix ans plus tard, en 2022, soit sept fois plus.

L’Agrasc est un succès, il faut s’en féliciter et remercier l’ensemble de ses agents pour leur travail, qui redonne aux yeux des victimes du sens à la sanction.

Des marges réelles de progression existent quand on sait que l’Office anti-stupéfiants (Ofast) estime a minima à plus de 3 milliards d’euros – on est peut-être plus proche des 5 ou 6 milliards d’euros – le chiffre d’affaires annuel du trafic de drogues en France.

L’Agrasc peut ainsi procéder à la saisie, mais aussi à la vente des biens, ce qui a un effet important. « On vend le bling-bling des voyous », comme l’indiquait Audrey Jouaneton, magistrat coordonnateur des antennes de Marseille et Lyon pour l’Agrasc, à La Provence. « L’argent bien mal acquis […] va enrichir l’État. C’est un juste retour des choses. »

À Marseille, il y a un an, une maison ayant appartenu à des narcotrafiquants définitivement condamnés a fait partie des premiers biens immobiliers saisis par la justice en France et a été confiée à une œuvre sociale.

Nous saluons donc les apports de la proposition de loi.

Le texte permet également d’ajouter les collectivités territoriales à la liste des personnes morales pouvant se voir confier les biens confisqués.

De même, nous saluons la disposition introduite en commission, qui étend la liste des bénéficiaires de ces biens aux services d’enquête, aux services judiciaires, à l’Office français de la biodiversité (OFB) ou à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

Je me suis déjà opposé ici même à des mesures qui, sous couvert de pragmatisme et de rapidité, revenaient dans les faits à priver les justiciables de leur droit de contestation. J’adhère donc volontiers à la solution proposée à l’article 1er, car elle vise à répondre concrètement aux difficultés d’audiencement devant la chambre de l’instruction.

La contestation des décisions de saisie représente actuellement 40 % du contentieux dans certaines chambres de l’instruction. L’article 1er permet ainsi d’alléger le contentieux tout en autorisant les contestations auprès du premier président de la cour d’appel.

Dans cette même veine, nous accueillons favorablement les précisions apportées en commission à l’article 3 afin de simplifier les procédures qui enrayent parfois la machine sans pour autant obérer les droits du justiciable.

Notre groupe fera des propositions sur ce texte. L’une, en particulier, qui a été travaillée avec Transparency International, porte sur l’extension du champ d’application du texte à l’entourage familial des agents publics étrangers afin de cibler au mieux la problématique des biens mal acquis.

En plus de ces propositions, nous nous associerons aux améliorations, en particulier celles qui concernent les modalités d’attribution des biens confisqués.

Chers collègues, ce texte est une avancée qu’il nous plaît de saluer dans cet hémicycle : au-delà du tout prison, il consolide les autres moyens de sanctionner de manière efficace et différente. C’est pourquoi le groupe GEST le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDPI.)